Travaux de la commission des affaires culturelles
Mercredi 15 décembre 2004
- Présidence de M. Jacques Valade, président. -
Mission commune d'information sur l'amiante - Communication
M. Jacques Valade, président, a d'abord souhaité consulter la commission sur l'initiative prise par la commission des affaires sociales tendant à la constitution d'une mission commune d'information sur le drame sanitaire de la contamination par l'amiante et sur ses répercussions aux plans humain, social et financier.
Il s'est déclaré, à titre personnel, favorable à la participation de la commission des affaires culturelles à cette réflexion, rappelant qu'elle s'était déjà penchée sur ce dossier à l'occasion de la mission d'information sur le patrimoine immobilier universitaire et, en particulier, sur les opérations de désamiantage du campus de Jussieu. Il a observé que ce problème concernait sans doute malheureusement également certains établissements scolaires, des laboratoires de recherche ou des salles de spectacles.
MM. Jacques Legendre, Jean-François Humbert et Mmes Françoise Férat et Annie David ayant également soutenu cette proposition, la commission a décidé de s'associer à la demande de création d'une mission commune d'information.
Enseignement - Situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat et amélioration des retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de Mme Catherine Troendle sur la proposition de loi n° 107 (2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat ainsi que sur la proposition de loi n° 68 (2004-2005) de M. Hubert Haenel, tendant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat.
A titre liminaire, M. Jacques Valade, président, a rappelé que cette réforme, qui tend à rétablir une situation de justice sociale, était le fruit d'une initiative parlementaire ayant fait l'objet d'un très large consensus. En effet, deux propositions de loi visant à améliorer les retraites des maîtres du privé ont été déposées, en termes identiques, à l'Assemblée nationale et au Sénat, par MM. Yves Censi et Hubert Haenel.
Il a relevé que la proposition de loi présentée par M. Yves Censi, sensiblement enrichie par rapport à sa rédaction initiale, avait été adoptée à l'unanimité des députés présents en séance, sous réserve de 3 abstentions du groupe communiste, le 8 décembre dernier.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a ajouté que cette proposition de loi, très attendue par l'ensemble des personnels enseignants des établissements d'enseignement privés sous contrat, permettait d'apporter une réponse à une double préoccupation légitime, laissée bien trop longtemps en suspens :
- d'une part, la nécessité de clarifier le statut ambigu des maîtres contractuels des établissements privés ;
- d'autre part, le souci de parvenir à un rapprochement des pensions de retraite qu'ils perçoivent, par rapport aux enseignants du public, pour des carrières comparables.
Après avoir souligné que le texte transmis au Sénat constituait un dispositif juste et équilibré, prolongeant l'édifice législatif issu de la loi Debré du 31 décembre 1959, complétée par la loi Guermeur du 27 novembre 1977, et, pour l'enseignement agricole, de la loi Rocard du 31 décembre 1984, elle a indiqué que ces dispositions concernaient près de 140.000 enseignants des établissements privés sous contrat relevant de l'éducation nationale, ainsi que plus de 5.000 maîtres contractuels des établissements privés d'enseignement agricole.
Elle s'est félicitée, ensuite, que la réforme engagée soit animée par le souci de laisser une large place au dialogue social et à la négociation avec l'ensemble des partenaires. En effet, à l'issue de réunions de travail au ministère de l'éducation nationale, un relevé de conclusions a été signé, le 21 octobre 2004, par les quatre organisations syndicales représentatives des enseignants du privé. Ces concertations se prolongeront par la mise en place d'un groupe de travail, chargé de suivre la mise en oeuvre de la réforme.
Abordant, dans un premier temps, les dispositions relatives au statut des maîtres, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a rappelé, qu'aux termes de la loi Debré, l'enseignement dans les classes sous contrat d'association avec l'Etat était confié :
- soit à des maîtres titulaires de l'enseignement public, qui conservent leur statut de fonctionnaire (ils ne sont qu'un peu plus de 1.000) ;
- soit à des « maîtres liés à l'Etat par contrat ».
D'un côté, elle a fait observer que le Conseil d'Etat reconnaissait à ces maîtres contractuels le statut d'agents publics de l'Etat, qui les recrute et les rémunère. En effet, le contrat d'enseignement passé entre le maître et l'Etat est signé par l'autorité académique, seule compétente pour en prononcer la résiliation. En outre, l'objet de ce contrat est la participation directe à l'exécution du service public d'éducation, dans la mesure où l'enseignement est dispensé, dans les établissements privés sous contrat, « selon les règles et programmes de l'enseignement public ».
De l'autre, elle a relevé que la Cour de cassation, dans une jurisprudence constante, considérait que ces maîtres étaient liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel ils exercent, au motif qu'ils se trouvent placés sous la subordination et l'autorité du chef d'établissement.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a souligné que cette double facette juridique avait attisé un contentieux croissant, conduisant les établissements, considérés comme des employeurs de droit privé, soumis à la législation du travail, devant les conseils de prud'hommes. En ont résulté des charges nouvelles pour les établissements, notamment le versement d'une indemnité de départ en retraite pour les enseignants, ou encore le paiement d'une indemnité de rupture de contrat à un maître suppléant dont les services n'étaient pas renouvelés l'année suivante.
En conséquence, elle s'est réjouie que la proposition de loi réaffirme la prééminence du lien qui rattache les maîtres contractuels à l'Etat, en apportant une double clarification utile :
- d'une part, en reconnaissant leur « qualité d'agent public », qui n'était qu'implicite jusqu'alors ;
- d'autre part, en précisant que ces maîtres ne sont pas liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié.
En outre, elle a ajouté que ces dispositions étaient assorties de garanties de nature à préserver la spécificité des établissements privés sous contrat, puisque sont réaffirmés, en parallèle, le caractère propre des établissements, principe consacré par le Conseil constitutionnel, la liberté de conscience des maîtres, ainsi que l'autorité du chef d'établissement, chargé d'organiser leur service.
Elle a souligné, par ailleurs, qu'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale visait à sécuriser l'exercice des droits syndicaux et sociaux dont bénéficient actuellement les maîtres, en application du code du travail, et qui sont liés au caractère privé de l'établissement où ils exercent. Ainsi, de façon dérogatoire, ils continueront d'être pris en compte dans les effectifs déterminant la mise en place des délégués du personnel, des délégués syndicaux, des comités d'hygiène et de sécurité et des comités d'entreprise ; ils seront électeurs et éligibles à ces instances et leur rémunération sera prise en compte dans la masse salariale servant de base au calcul de la contribution versée par les établissements au comité d'entreprise.
A cet égard, elle a souhaité que l'application de cette obligation ne conduise pas à alourdir les charges des établissements par rapport à la pratique souple qui prévaut actuellement, compte tenu des besoins de fonctionnement relativement limités de ces structures.
Complétant ces propos, M. Jacques Valade, président, a précisé qu'il ne s'agissait pas de remettre en cause les droits sociaux des personnels, mais de préserver l'équilibre financier des établissements.
En effet, Mme Catherine Troendle, rapporteur, s'est félicitée que ces dispositions permettent, d'une part, de pérenniser l'existence de ces instances de représentation dans un grand nombre d'établissements, et conduisent à préserver, d'autre part, l'unité de la « communauté éducative » de travail réunissant les maîtres et les personnels non enseignants, lesquels ont un statut de droit privé et sont rémunérés par les établissements.
Rappelant, ensuite, que les maîtres contractuels sont nommés par les autorités académiques « en accord avec la direction de l'établissement » et que les certificats d'aptitude aux fonctions d'enseignement dans les établissements d'enseignement privés du second degré (CAFEP), mis en place à la suite des accords Lang-Cloupet de 1992, ne garantissent pas un poste mais ouvrent droit à inscription des lauréats sur une liste d'aptitude, elle a reconnu qu'il était légitime d'instituer, comme le propose le présent texte, une priorité d'accès aux services vacants pour les maîtres dont le service serait supprimé ou réduit, pour les stagiaires durant leur année de formation ainsi que pour les lauréats de concours. Elle a indiqué que l'objectif était de favoriser le recrutement de ces personnels par rapport aux « délégués rectoraux », qui sont l'équivalent des maîtres auxiliaires.
Toutefois, alors que la disposition introduite dans le code rural pour l'enseignement agricole fait référence aux « garanties d'emploi » dont bénéficieront les lauréats de concours, dans des conditions déterminées par décret, elle a souhaité que ce terme ne soit pas interprété de façon restrictive, comme une « garantie de l'emploi ». Elle a insisté, en effet, sur l'importance de laisser aux chefs d'établissement la marge de souplesse nécessaire pour qu'ils puissent adapter leur offre de formation à des demandes en constante évolution.
Abordant, dans un second temps, le dossier des retraites, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a souligné que la proposition de loi répondait à un objectif d'équité sociale, prolongeant, ainsi, la logique de convergence entre la situation des maîtres du privé et celle des enseignants du public, issue de la loi Guermeur du 27 novembre 1977 qui s'applique en matière de rémunération, de statut social, de déroulement de carrière et de conditions de cessation d'activité.
Elle a reconnu, certes, que la création, en 1980, du régime temporaire de retraite des enseignants du privé (le RETREP), financé par l'Etat, avait conduit à une égalisation des conditions de cessation d'activité liées à l'âge.
Toutefois, dans la mesure où les maîtres du privé relèvent du régime général de la sécurité sociale et de deux régimes complémentaires (l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés -ARRCO- et l'association générale des institutions de retraite des cadres -AGIRC), et non pas du régime spécial de retraite des fonctionnaires, comme les enseignants titulaires du public, elle a indiqué que leurs pensions étaient inférieures d'environ 20 %, pour des carrières équivalentes et des conditions de services identiques. En effet, leurs prestations de retraite sont calculées sur la base des 25 meilleures années, et non des 6 derniers mois.
Face à cette injustice, elle s'est déclarée satisfaite de la solution proposée par l'article 2 bis, introduit par voie d'amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, qui crée, au bénéfice des maîtres agréés des classes sous contrat simple, des maîtres contractuels et des documentalistes des établissements privés, un régime public additionnel de retraite, destiné à apporter une correction forfaitaire de l'écart du niveau des pensions.
Faisant observer que ce régime, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2005, sera financé à parité par cotisations de l'Etat et des personnels, elle a indiqué, toutefois, que l'effet serait neutre sur la rémunération nette de ces derniers. En effet, l'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) a prévu leur transfert du régime général d'assurance maladie au régime spécial de la fonction publique, ce qui permet de réaffecter vers ce nouveau régime la cotisation de 0,75 % dont devaient s'acquitter ces personnels pour la couverture des risques maladie, maternité, invalidité et décès.
Faisant référence au relevé de conclusions signé le 21 octobre, elle a précisé que la montée en charge de ce régime serait progressive, à partir de 5 %, pour atteindre à terme, à hauteur d'un point de plus par palier de 5 ans, une compensation de 10 %, ce qui correspond au différentiel estimé à l'horizon de 2020.
Partageant le souci de rétablir une plus grande équité à l'égard des maîtres qui partiront à la retraite dans les cinq prochaines années, elle a salué l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un amendement prévoyant le maintien, à titre transitoire, et de façon dégressive, de l'indemnité de départ en retraite (IDR) versée par les établissements, dont le montant équivaut à environ deux mois de rémunération pour une carrière de 30 ans effectuée dans un même établissement.
Elle a appelé l'attention, par ailleurs, sur la place laissée au dialogue social, puisque les modalités d'application de cette disposition seront déterminées par voie de conventions, étendues ensuite par arrêté ministériel, afin de ne pas créer de disparités sur le territoire.
S'interrogeant ensuite, sur l'intérêt du rapport prévu à l'article 2 quater, elle a reconnu que cette disposition pourrait être utile, dans un souci d'information du Parlement.
En effet, elle a rappelé que l'adoption de cette proposition de loi se prolongerait par la mise en place de groupes de travail chargés de déterminer, à partir du cadre fixé par le législateur, les modalités concrètes de mise en oeuvre de la réforme. D'autres dossiers seront également abordés, comme par exemple l'avenir du régime de prévoyance dont bénéficient les maîtres du privé, dans le cadre de leur affiliation à l'AGIRC.
En conclusion, Mme Catherine Troendle, rapporteur, a souligné que les avancées dans le sens de la logique de traitement social équitable, consacrées par la présente proposition de loi, redonnaient toute sa portée au principe de liberté d'enseignement.
Rappelant combien ce texte, consensuel et équilibré, répondait à des attentes fortes et légitimes des maîtres des établissements privés sous contrat, elle en a proposé l'adoption conforme.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, Mme Annie David a souhaité se voir préciser les modalités d'application des dispositions du texte, insistant sur la nécessité d'en garantir l'équité. Elle s'est interrogée, en outre, sur l'impact financier de la création du régime additionnel de retraite pour l'Etat.
Mme Catherine Troendle, rapporteur, a indiqué que l'esprit de dialogue social entre le ministère et les syndicats représentatifs des enseignants avait permis d'aboutir à la signature d'un relevé de conclusions, le 21 octobre 2004. Elle a ajouté que cette concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux se prolongerait dans le cadre de groupes de travail chargés de suivre la mise en oeuvre de la réforme.
Précisant que le coût pour l'Etat de la mise en place du régime additionnel était estimé à 30 millions d'euros par an, ce qui représente un effort important, M. Jacques Valade, président, a souligné le caractère consensuel de la proposition de loi qui a permis son adoption unanime à l'Assemblée nationale. Toutefois, concernant le financement des comités d'entreprise, il a souhaité que des garanties soient apportées par le ministre sur ce point, pour que les obligations à la charge des établissements ne soient pas inutilement alourdies par rapport à la pratique actuelle et aux besoins réels de ces structures.
A l'issue de cet échange de vues, la commission a adopté la proposition de loi sans modification, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant.