Travaux de la commission des affaires culturelles
Mardi 9 novembre 2004
- Présidence de M. Jacques Legendre, vice-président. -
Patrimoine - Les métiers de l'architecture - Présentation du rapport d'information
La commission a tout d'abord examiné le rapport d'information de M. Yves Dauge sur les métiers de l'architecture et du cadre de vie.
M. Yves Dauge, rapporteur, a indiqué qu'il savait, lorsque cette mission lui avait été confiée, que les professions de la maîtrise d'oeuvre étaient confrontées à d'importantes difficultés dans l'exercice de leur métier mais que le constat auquel il était parvenu au terme de ses travaux dépassait ses anticipations. Il s'était donc attaché d'une part, à cerner les causes d'une situation souvent désespérante qui conduit de nombreux jeunes diplômés à se détourner d'une profession à laquelle ils s'étaient cependant préparés, et, d'autre part, à explorer un certain nombre de pistes possibles pour y remédier, tout en étant bien conscient qu'il ne pouvait exister de solution facile et rapide à ce problème.
Brossant, pour commencer, le tableau des diverses professions de la maîtrise d'oeuvre, il a indiqué que celles-ci regroupaient 100 000 personnes, qu'elles généraient un chiffre d'affaires de l'ordre de 9 à 10 milliards d'euros, soit à peine le dixième de celui de l'ensemble du secteur du bâtiment, et qu'elles étaient caractérisées par une certaine fragilité structurelle tenant à la conjonction de trois séries de raisons :
- une crise de la commande, qui a débuté avec le premier choc pétrolier de 1973, et s'est poursuivie ces trente dernières années avec des hauts et des bas ;
- une « balkanisation » de la maîtrise d'oeuvre, le repli de la commande ayant conduit les grandes agences d'architecture et les grands bureaux d'études à externaliser un nombre croissant de fonctions qui, sous l'effet de la complexification de la construction, ont donné naissance à de nouvelles professions ;
- un rapport de forces défavorable, ces professions éclatées s'étant trouvées prises en tenaille entre d'un côté, une maîtrise d'ouvrage publique et privée plus exigeante, et de l'autre, des entreprises du bâtiment et des travaux publics particulièrement puissantes en France.
Il a sommairement décrit la situation de ces différentes professions, souvent mal connues : celle des bureaux d'études et des ingénieurs conseil ; celle des économistes de la construction ; celle des professionnels de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination, et puis aussi, celle des urbanistes, des paysagistes, des géomètres experts, des architectes d'intérieur, des planificateurs d'espace (les « space planners ») et des maîtres d'oeuvre en bâtiment.
Il a estimé que la profession d'architecte, du fait de son statut de profession réglementée et de sa vocation généraliste, avait sans doute davantage souffert que les autres de la crise actuelle, mais qu'on ne pouvait remédier à ses difficultés sans prendre en compte l'ensemble du secteur de la maîtrise d'oeuvre.
Il a rappelé que la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture qualifiait d'intérêt public la création architecturale, la qualité des constructions et leur insertion dans le paysage, et qu'elle encadrait l'exercice de la profession d'architecte et la constitution des sociétés d'architecture, pour garantir leur compétence et leur indépendance morale et financière. En contrepartie, elle imposait un recours obligatoire à l'architecte pour établir tout projet architectural d'une certaine importance soumis à permis de construire. Cette protection était d'ailleurs bien imparfaite puisque, compte tenu des dérogations et des seuils, 68 % des constructions en France se passaient d'architecte.
Le rapporteur s'est inquiété de la paupérisation frappant cette profession, et que ne devait pas masquer le succès de quelques grands cabinets d'architecture et de quelques célébrités, qui font par ailleurs honneur au pays, mais ne sont pas représentatifs d'une situation générale.
Il a recherché les causes de ce phénomène dans la stagnation de la commande qui est restée globalement stable depuis une trentaine d'années, alors que dans le même temps les effectifs de la profession passaient de 14.500 en 1970 à près de 40.000 aujourd'hui.
Cette situation a été aggravée par une évolution dans la structure interne de la commande, la commande privée l'emportant de plus en plus sur la commande publique, et la réhabilitation sur la construction neuve, alors que ce sont précisément des segments du marché moins favorables aux architectes.
Il a estimé que la recherche d'une solution ne devait pas privilégier la voie, à son avis illusoire, d'une nouvelle loi qui viendrait régler tous les problèmes, mais que la commande et son évolution quantitative et qualitative constituaient certainement le levier d'action auquel il convenait de s'attacher.
Il a jugé que cette crise ne pouvait être expliquée par un nombre excessif d'architectes et d'étudiants en architecture en France. Il a constaté que les effectifs des diplômés par le Gouvernement (DPLG) avaient quadruplé entre 1973 et 1984 pour se maintenir ensuite à un haut niveau, mais a indiqué que, d'après les comparaisons internationales, avec 30 étudiants en architecture pour 100.000 habitants, la France se situait en dessous de la moyenne communautaire, et qu'avec 45 architectes pour 100.000 habitants, elle était également très en deçà de la moyenne européenne qui s'établissait à 87.
Il a regretté que les pouvoirs publics n'aient sans doute pas encore pris la mesure de la crise qui frappe les architectes et conduit un nombre significatif d'entre eux -particulièrement les jeunes et les femmes- à se détourner de l'exercice d'une profession qui ne leur permet plus de travailler et de vivre convenablement.
Il a indiqué que l'étude des précédents recensements confirmait cette analyse : le recensement de 1999 n'avait repéré que 30.000 architectes alors que l'évolution démographique prévisible en laissait attendre 39.500 ; la proportion des femmes dans la profession était restée stable alors que la féminisation du diplôme s'était poursuivie ; enfin, la proportion des jeunes architectes de moins de 30 ans était tombée de 10 % en 1990 à 4 % en 1999. L'analyse des effectifs inscrits à l'ordre confirmait d'ailleurs cette analyse : le nombre des architectes de moins de trente ans avait chuté de 77 % entre 1984 et 1997, et la tranche d'âge des 30-39 ans avait diminué de 38 % dans les années 90.
Le rapporteur s'est alarmé de la gravité de cette situation qui risque de compromettre le renouvellement démographique et, partant, l'avenir de cette profession pourtant indispensable à la réalisation d'une politique ambitieuse de qualité architecturale, de planification territoriale et de renouvellement urbain.
M. Yves Dauge, rapporteur, a ensuite présenté les pistes qu'il avait explorées pour remédier à cette situation.
Il a estimé qu'une refonte de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture n'était sans doute pas d'actualité et ne pouvait se justifier qu'à condition d'en élargir le champ d'application pour prendre en compte l'aménagement de l'espace urbain et les missions de conseil, et de procéder, au préalable, à une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs concernés.
Il a donc préféré privilégier une démarche contractuelle, tirant le meilleur parti des dispositions existantes, à travers la rédaction d'un code de bonne conduite, destiné à moraliser la maîtrise d'ouvrage.
Il a regretté en effet que les architectes et les urbanistes, du fait de la position de faiblesse dans laquelle ils se trouvent, soient très souvent amenés à accepter les conditions très défavorables que leur imposent les maîtres d'ouvrages publics comme privés.
Il a souhaité que cette « charte de la bonne commande » formule des recommandations sur le bon usage de textes parfois mal connus, et recommande un ensemble de pratiques que les maîtres d'ouvrages publics et privés devraient s'engager à respecter.
La préparation de cette « charte » pourrait s'accompagner de quelques réformes ponctuelles, de façon, par exemple, à s'assurer que la convention écrite passée entre le maître d'ouvrage et l'architecte couvre bien l'intégralité du champ d'intervention de ce dernier, et notamment les études préliminaires.
Il a ensuite jugé nécessaire de mieux diffuser la culture de l'architecture dans le public, dès l'école, et en s'appuyant sur des organismes comme la « Cité de l'architecture » ou l'Association des villes d'art et d'histoire.
Il a jugé particulièrement nécessaire une amélioration de la prise en compte de la qualité architecturale par les collectivités territoriales, insistant sur la responsabilité particulière qui incombe en ce domaine aux maîtres d'ouvrages, et aux jurys chargés de la sélection d'un projet. Parmi les pistes proposées, il a énuméré le développement des missions de conseil, une réforme du corps des ingénieurs territoriaux destinée à faciliter l'intégration des architectes, paysagistes et urbanistes dans la fonction publique territoriale, ou une mobilité accrue des architectes et urbanistes de l'Etat vers les collectivités territoriales.
Il a également appelé de ses voeux un renforcement des compétences des services instructeurs du permis de construire par le recrutement d'agents disposant d'une bonne compétence générale en matière d'architecture, ainsi qu'une réforme de la procédure de délivrance de ce permis, de façon à promouvoir une démarche plus qualitative.
Evoquant ensuite la nécessaire réforme des études d'architecture, il a souhaité que leur harmonisation avec le système européen Licence master doctorat (L.M.D.) soit mise à profit pour rendre l'enseignement de l'architecture plus exigeant, pour l'ouvrir à la diversité des métiers et pour accentuer sa dimension pratique en rendant obligatoire une période de stage professionnalisant dans un cadre économique et pédagogique adapté. Il a également demandé que soit systématisée la formation permanente.
Il a jugé indispensable une relance de la politique de la commande. Il a vivement regretté que les services de l'Etat et les grands organismes publics comme les offices d'habitations à loyer modéré aient adopté depuis plusieurs années une attitude très en retrait par rapport à l'ambition dont ils ont été autrefois porteurs, notamment à l'époque où M. Bernard Tricot était le premier président de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques. Il a souhaité que cette dernière, qui joue un rôle de conseil remarquable, s'ouvre davantage aux collectivités territoriales et aux grands donneurs d'ordre.
Il a souhaité que cette nouvelle ambition en matière de politique de la commande s'appuie sur la recherche et l'innovation et intègre notamment les exigences de la Haute qualité environnementale (HQE).
Evoquant les contrats de partenariat public-privé créés par l'ordonnance du 17 juin 2004, qui permettent à une personne publique de confier à un cocontractant privé une mission globale portant simultanément sur le financement, la conception, la construction, l'entretien, la maintenance et l'exploitation d'un ouvrage, il a souligné les risques que pouvait présenter un recours trop fréquent à ce type de procédure, notamment pour la qualité architecturale.
Il a souhaité que la mise en oeuvre de ces dispositions ne s'écarte pas du cadre posé par le Sénat dans la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, ainsi que par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Mme Marie-Christine Blandin a estimé que la « balkanisation » des professions de la maîtrise d'oeuvre, parfaitement décrite par le rapporteur, entraînait un certain nombre de dégâts collatéraux. Elle a regretté que les architectes, qui renoncent de plus en plus souvent à assurer le suivi des chantiers et se concentrent sur les missions de conception, perdent ainsi de précieuses occasions d'un contact concret avec les réalités de la construction, au risque de compromettre, en retour, la pertinence même de cette conception. Elle a jugé indispensable de réintroduire les architectes au coeur du processus d'ensemble de la maîtrise d'oeuvre, pour leur permettre de renouer un dialogue avec les autres métiers. Elle a également insisté sur le problème de l'absence de débouchés en France pour les jeunes architectes, qui les conduit à s'expatrier.
Elle a déclaré partager le souci du rapporteur qu'une grande vigilance soit apportée à l'application des nouveaux textes qui modifient le droit de la commande publique et risquent de se traduire par une mise à l'écart des architectes.
Elle a exprimé certaines réserves à l'égard de l'appellation « Haute qualité environnementale » dans la mesure où certaines officines, liées à un grand groupe du bâtiment et des travaux publics, seraient tentées de se l'approprier à travers une procédure de labellisation.
M. Jack Ralite, évoquant les travaux entrepris en Seine-Saint-Denis autour de la construction du Stade de France, a déploré que l'excellent travail réalisé par les groupes d'architectes mis en place à cette occasion n'ait pas été davantage pris en compte, et que les grands groupes industriels du bâtiment et des travaux publics, profitant de leur toute puissance, aient imposé une réalisation très normalisée.
Jugeant indispensable une meilleure compréhension mutuelle entre l'expert en architecture qu'est l'architecte et l'expert de la vie quotidienne qu'est le locataire, il a pleinement approuvé la proposition du rapporteur d'organiser un grand débat public sur l'architecture. Il a insisté sur le fait qu'une discussion préalable au projet avec le futur utilisateur ne devait pas pour autant déposséder l'architecte de la possibilité d'accomplir un vrai geste architectural.
Il a invité les professions de la maîtrise d'oeuvre à « serrer les rangs » et à privilégier les débats sur les métiers, qui ouvrent sur des réussites potentielles, aux débats sur des corporations qui ne peuvent aboutir qu'à des défaites programmées.
Sans contester l'intérêt de l'innovation technologique, il a estimé que l'utopie technologique s'était aujourd'hui substituée à l'utopie artistique et à l'utopie sociale, et a souhaité que les choses soient remises à leur juste place.
M. Ambroise Dupont a appuyé le constat opéré par le rapporteur sur les difficultés rencontrées par les architectes et les urbanistes dans l'exercice de leur profession.
Il a regretté que les règlements d'urbanisme, comme par exemple les plans locaux d'urbanisme, mis en place dans un souci de qualité architecturale, soient parfois susceptibles d'entraîner, du fait de leur approche quantitative et normative, des contraintes qui se retournaient alors contre la création et l'invention architecturales.
Il a jugé nécessaire l'organisation d'un débat sur le rôle qu'il convient de confier aux architectes et aux urbanistes, et souhaité qu'un nouveau souffle soit donné à la qualité architecturale.
Il a rappelé qu'il s'était attaché à persuader le Gouvernement que les études d'urbanisme devaient être considérées comme des dépenses d'investissement et non comme des dépenses de fonctionnement, indépendamment de tout aspect lié à la récupération de la TVA, car ce sont des dépenses qui intéressent l'avenir.
Il a jugé indispensable de mieux faire prendre conscience aux élus que la commande doit privilégier une démarche qualitative, estimant qu'un budget trop limité ne peut se traduire que par des projets dépourvus de toute ambition créatrice.
M. Jean-Paul Emin a rappelé que les projets architecturaux des collectivités territoriales avaient besoin d'être conduits dans la durée et a insisté sur la nécessité d'un dialogue préalable approfondi avec l'architecte. Il a déploré que celui-ci se heurte rapidement à des problèmes de propriété intellectuelle et de rémunération qui rendent les architectes réticents à étudier un projet, tant que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une contractualisation définitive. Il a donc souhaité une plus grande souplesse dans la phase des études préliminaires, permettant aux deux parties de conserver une entière liberté.
M. Jacques Legendre, président, a estimé que les difficultés d'établissement des jeunes architectes rendaient nécessaire une réflexion sur les formations et l'accès aux formations.
Il a exprimé le sentiment que, si la qualité architecturale avait atteint un point bas il y a une vingtaine ou une trentaine d'années, des progrès avaient cependant été depuis lors accomplis, et que les particuliers confiaient à nouveau à des architectes la réalisation de maisons individuelles.
Il a souhaité que la recommandation du rapporteur sur les directives « services », actuellement en discussion, soit transmise à la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
En réponse à ces différentes interventions, M. Yves Dauge, rapporteur, a donné les compléments d'information suivants :
- il est nécessaire de repositionner le métier d'architecte au coeur de la maîtrise d'oeuvre ;
- il conviendra de se montrer vigilant à l'égard de toute tentative de confiscation de la Haute qualité environnementale, car les considérations sur lesquelles elle s'appuie sont pertinentes : elles portent notamment sur la durabilité des matériaux et les économies d'énergie ;
- la mise en oeuvre de contrats de partenariat public-privé devra respecter les conditions posées par le Sénat ; le recours à ces contrats ne devra pas être banalisé, faute de quoi, la maîtrise d'ouvrage publique et la maîtrise d'oeuvre des architectes seront mises à l'écart par des entreprises du bâtiment et des travaux publics déjà très puissantes ;
- la constitution d'une confédération des métiers de la maîtrise d'oeuvre permettra à ces professions d'améliorer leur poids politique ; cette confédération devra privilégier une approche sur les métiers et leurs contenus plutôt qu'une approche corporatiste qui serait vouée à l'échec ;
- il est nécessaire d'enrichir les discussions préalables et les études préliminaires, mais à condition d'être prêt à en acquitter le prix et de rémunérer convenablement l'architecte, l'urbaniste ou le paysagiste pour le travail qu'il a accompli ;
- les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de l'Etat (CAUE) jouent un rôle de conseil positif en amont des projets ; il est nécessaire de réfléchir à une bonne articulation entre l'architecture et la planification, de façon à éviter que cette dernière ne bride la création avec des risques d'étalement urbain et de banalisation de la construction que cela entraîne ; une bonne planification ne peut être envisagée sans un réel apport de matière grise auquel les architectes, urbanistes et paysagistes doivent être associés ;
- tout geste architectural doit être préparé et précédé par un dialogue approfondi qui exclut toute précipitation ;
- les difficultés rencontrées par les jeunes architectes dans leur installation professionnelle sont sans rapport avec la qualité de leur formation qui s'est améliorée au cours des dernières années ;
- il faut inciter les pouvoirs publics à se montrer vigilants lors de la négociation de la directive « services », de façon à ce que celle-ci ne compromette pas la conception française de l'architecture, et qu'elle n'assimile pas la création architecturale à une simple prestation de service.
La commission a ensuite adopté, à l'unanimité des présents, les conclusions de son rapporteur et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
PJLF pour 2005 - Écologie et développement durable - Examen du rapport pour avis
La commission a procédé à l'examen des crédits du budget de l'écologie et du développement durable pour 2005.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable s'établissaient en 2005 à un peu plus de 825 millions d'euros, en diminution de 3,6 % par rapport à 2004.
Il a cependant souligné qu'en dépit de la baisse de l'enveloppe globale, les crédits de la recherche et du développement en matière environnementale (251 millions d'euros, en augmentation de plus de 1 %), n'étaient pas concernés et que cette réduction devait être examinée à la lumière de l'engagement du Gouvernement d'inscrire en loi de finances rectificative pour 2004 une enveloppe supplémentaire de 141 millions d'euros, dont plus de 90 % abonderaient les crédits d'intervention de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), en baisse de 47 % dans le projet de loi de finances initial.
Regrettant que le ministère ait dû, cette année encore, après le recours en 2004 à un prélèvement sur les agences de l'eau, utiliser un détour pour finaliser son budget, il a néanmoins estimé qu'il était indispensable de soutenir l'ADEME, établissement qui joue un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement durable.
Après avoir rapidement présenté l'évolution des crédits par titre (la légère hausse des crédits de fonctionnement (+ 1 %) s'accompagnant d'une contraction de plus de 20 % des dépenses d'investissement), il a indiqué que ce double mouvement reflétait les arbitrages opérés par le ministère pour 2005.
En particulier, le fort recul des subventions d'investissement (en diminution de 30 % par rapport à 2004) traduit le recentrage du ministère sur son coeur de compétences, à savoir l'animation, l'information, l'observation et le soutien des comportements écologiques, et parallèlement, une sélectivité plus forte des aides financières, ciblées sur des actions restreintes.
Observant que les actions en faveur de l'environnement s'exercent dans un cadre nécessairement interministériel, il a attiré l'attention de la commission sur le fait que les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable ne représentaient que 24,6 % de la dépense environnementale nationale, assumée à 64,8 % par l'ensemble des administrations publiques, à 29 % par les entreprises et à 6 % par les ménages.
Ce sont en réalité près de 3 milliards d'euros qui sont dédiés à l'environnement en 2005 par l'ensemble des structures ministérielles.
L'efficacité des actions qui concourent à la protection de l'environnement reposant, en effet, sur le degré d'implication de l'ensemble des acteurs tant publics que privés, il a estimé que cette caractéristique conférait au ministère un rôle essentiel d'impulsion, de coordination et de soutien.
Le rapporteur pour avis a ensuite expliqué que la contraction des crédits en 2005 résultait d'une série d'arbitrages visant au recentrage du ministère sur son coeur de métier, à la rationalisation de ses structures et à la définition claire de priorités d'actions.
Évoquant tout d'abord la redéfinition des missions des services et des établissements du ministère, il a expliqué qu'une clarification des rôles respectifs du ministère et des acteurs engagés sur le terrain avait eu lieu, sous l'impulsion d'une double contrainte financière et opérationnelle. Cette réforme a notamment concerné la politique de l'eau et celle des déchets.
S'agissant de la politique de l'eau, il a indiqué que le ministère, dans l'attente de l'adoption d'un projet de loi courant 2005, s'était engagé dans une stratégie de clarification des rôles respectifs des agences de l'eau et de ses services, qui se traduisait notamment par un « décroisement » des financements et une substitution des agences de l'eau à l'Etat pour gérer les subventions d'investissement allouées aux collectivités territoriales et aux associations.
Concernant la politique des déchets, il a expliqué la diminution de plus de 71 % des crédits alloués à cette politique en 2005 par la définition de nouvelles priorités, resserrées sur la prévention, le recyclage et l'information à la source, au détriment du versement d'aides financières aux communes et à leurs groupements, mais aussi aux entreprises, qui prenaient auparavant la forme de soutien aux usines d'incinération ou à la mise en place des collectes sélectives.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, s'est ensuite félicité que le ministère, sous la contrainte financière, ait procédé à un effort d'optimisation de ses dépenses de structure, aboutissant à une économie de 3 millions d'euros, supportée tant par les services centraux (à hauteur de 1 million d'euros) que déconcentrés.
Il a souligné que ceci n'empêchait pas le ministère de l'écologie et du développement durable d'augmenter ses effectifs globaux, puisqu'il bénéficiait d'une création nette de 20 emplois. Il a précisé que cette augmentation profiterait en priorité à l'inspection des installations classées, dont les effectifs seraient renforcés de 50 emplois.
Abordant, enfin, les priorités d'actions du ministère, il s'est réjoui que certaines politiques, jugées prioritaires, aient été clairement identifiées et dotées de moyens adaptés.
Il a tout d'abord présenté la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), dont il a indiqué qu'elle ne faisait que traduire les engagements internationaux de la France, qui avait ratifié le 1er juillet 1994 la Convention sur la diversité biologique, adoptée en 1992, lors du sommet de Rio de Janeiro.
Estimant que l'accélération du rythme d'extinction des espèces connues - actuellement de 1 000 à 10 000 fois supérieur au rythme naturel, du fait des activités humaines- nécessitait que l'on tire la sonnette d'alarme, il a insisté sur la responsabilité particulière de la France, riche d'un patrimoine naturel exceptionnel.
Il a ajouté que les 75,6 millions d'euros prévus en 2005 serviraient notamment à mettre en place des « plans d'actions » associant le plus grand nombre d'acteurs publics ou privés et à poursuivre l'élaboration concertée, site par site, des documents de planification dans le cadre du réseau Natura 2000, dont le ministère prévoyait l'achèvement à la fin de l'année 2006.
Il a souhaité rendre un hommage particulier aux gestionnaires des espaces protégés -réserves naturelles et parcs nationaux-, dont il a pu apprécier l'engagement remarquable, lors de ses déplacements en Petite Camargue alsacienne et dans les Ballons des Vosges.
Il s'est félicité que le ministère ait répondu à leur cri d'alarme, dont il s'était fait le relais (le réseau des réserves naturelles voit, en effet, ses subventions tant de fonctionnement que d'investissement croître respectivement de 8 et 50 % en 2005), eu égard aux difficultés inextricables que le gel de leurs dotations d'investissement en 2003 et 2004 avait engendrées.
Il a estimé, ensuite, qu'il fallait relativiser la baisse des crédits alloués au Conservatoire du littoral, d'une part, en raison de l'engagement du ministère de le doter de 8 millions supplémentaires en loi de finances rectificative pour 2004, d'autre part, parce que des financements extrabudgétaires avaient toujours été mis à sa disposition en cas de besoin.
Il a évoqué la politique de prévention des risques industriels, dont il a indiqué que les moyens (32,6 millions d'euros de crédit de paiement) seraient renforcés en 2005.
Il s'est réjoui, notamment, que l'inspection des installations classées soit dotée de 50 postes supplémentaires permettant l'augmentation de la fréquence des « visites » des installations classées.
Il a enfin abordé la lutte contre les inondations, clairement identifiée comme une des actions devant être soutenue en 2005, puisqu'elle est dotée de 12,3 millions d'euros, soit une croissance de 24,8 % par rapport à 2004, devant servir en priorité à financer l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPR), créés par la loi du 2 février 1995, dont l'objet est d'établir des règles d'urbanisme et de construction ayant valeur de servitudes d'utilité publique.
Rappelant l'objectif fixé par le ministère de doter d'un PPR les 5.000 communes les plus exposées, à l'horizon 2005, il a indiqué qu'au 1er septembre 2004, 4.340 communes disposaient d'un PPR approuvé, auxquels il convenait d'ajouter 1.480 plans de surfaces submersibles qui valent juridiquement PPR.
Il a en outre indiqué qu'il avait alerté les services du ministère sur le sort des 6.000 communes qui, dotées d'un document prescrit, mais non approuvé, se trouvaient dans des situations parfois inextricables lorsqu'elles avaient entrepris des constructions.
S'agissant des actions plus ciblées, et notamment de la prévention des risques générés par les grands fleuves, il s'est félicité de la reconduction dans le projet de loi de finances pour 2005 de la tranche de réalisation de 20 millions d'euros du « plan Loire », et a précisé qu'une stratégie globale était en cours de définition sur les deux autres fleuves français susceptibles d'engendrer les dommages les plus importants, à savoir la Seine et le Rhône.
Puis il a appelé l'attention de la commission sur deux points qui devraient faire l'objet de débats en 2005 :
- la présentation définitive de la nouvelle maquette budgétaire, élaborée dans le cadre de la réforme budgétaire imposée par la loi organique relative aux lois de finances, pour laquelle le ministère a indiqué qu'il était en train de réfléchir à la mise en place d'un programme « eau », dont les crédits étaient, jusqu'alors, éclatés dans quatre « actions » réparties à l'intérieur de deux « programmes » différents ;
- les échéances législatives à venir, puisque deux projets de loi devraient être présentés au Parlement dans le courant de l'année 2005.
Le premier concerne les parcs nationaux, dont la réforme s'inscrit dans le droit fil des propositions faites par M. Jean-Pierre Giran. Le rapporteur pour avis a informé la commission qu'il n'était pas question de toucher aux fondements du statut actuel (gestion assurée par un établissement public sous la tutelle du ministère de l'écologie ; ressources financières de l'Etat ; définition des politiques d'aménagement et de réglementation par le conseil d'administration), mais que leur découpage devrait être modifié, par la création, notamment, d'une « zone d'adhésion » à laquelle les collectivités seraient libres de souscrire ou pas.
Il s'est réjoui que l'avant-projet de loi prévoie d'accorder une place plus grande aux élus dans les conseils d'administration, puisque non seulement le nombre de scientifiques et de membres d'associations diminuerait, mais le responsable du conseil d'administration serait obligatoirement choisi parmi les élus.
Le second projet est relatif à la politique de l'eau, pour laquelle il est prévu d'instaurer un contrôle parlementaire sur les programmes et les redevances des agences de l'eau, de concrétiser le principe du « pollueur payeur » et de mettre en oeuvre le principe de récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau.
Le rapporteur pour avis a également indiqué que l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques pourrait être invité à procéder à une évaluation des programmes d'intervention en cours et s'est félicité que l'ensemble de ces orientations aille dans le sens des observations formulées, tant par les parlementaires que par la Cour des comptes, à l'encontre des dérives du fonctionnement des agences de l'eau.
Un débat a suivi l'intervention du rapporteur pour avis.
Mme Marie-Christine Blandin a tout d'abord félicité M. Ambroise Dupont pour sa présentation brillante d'un budget qu'elle a estimé ne pas être à la hauteur des enjeux.
Tout en reconnaissant qu'on ne pouvait que se réjouir de la volonté affichée par le gouvernement d'impliquer l'ensemble des structures ministérielles dans la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité, elle a émis des doutes sur la concrétisation de cet engagement, à l'heure où la plus grande tolérance semble de mise face aux diverses menaces écologiques, que ce soit l'utilisation de l'insecticide Gaucho, la dispersion des plantations d'organismes génétiquement modifiés (OGM) ou l'abattage des loups.
A cet égard, la disparition de l'Ourse Cannelle, seule femelle de cette espèce présente dans les Pyrénées, lui a semblé être un signal d'alarme plus qu'un hasard de calendrier.
Elle a ensuite fait part à la commission de son inquiétude concernant la réintégration des effectifs de l'Institut français de l'environnement (IFEN) au sein du ministère. Elle a en effet considéré que c'était le signe avant-coureur du déclin, voire de la disparition, d'un organisme admirable, dont elle a rappelé que les travaux pédagogiques remarquables sur des sujets aussi divers que le taux de dioxyde de carbone dans l'air, l'évolution de la circulation, la disparition de telle ou telle espèce, bénéficiaient d'une large diffusion auprès du public, notamment par voie d'affichage dans les stations de transport en commun.
Elle a ensuite relayé les préoccupations exprimées par les associations de terrain, notamment celles des Centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE), confrontés à une insuffisance des crédits disponibles pour faire face à leurs missions.
Si la décision de créer 50 postes budgétaires supplémentaires, destinés à renforcer les effectifs de l'inspection des installations à risques, lui semble aller dans le bon sens, elle a estimé cette mesure insuffisante au regard de la situation réelle des Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), qui ne disposent, en moyenne, à l'heure actuelle, que d'une personne pour assurer le suivi de 322 sites.
Elle a également déploré la fragilisation de la situation de l'ADEME, au moment où la France se prépare à faire face à un certain nombre de grands enjeux, tels que le futur choc pétrolier ou l'explosion de la masse des déchets ménagers, soulignant l'incompréhension des élus face au désengagement des services de l'État dans ce domaine.
Elle a enfin évoqué les effets de la restructuration des services déconcentrés du ministère dans le cadre de la réforme budgétaire, pour déplorer une évolution qu'elle a estimée inévitable, à savoir l'étouffement programmé des Directions régionales de l'environnement (DIREN) par les DRIRE. Alors qu'une prise de conscience environnementale commençait à s'imposer au niveau local sous leur impulsion, elle a considéré que la fusion des deux directions constituait le prélude à une reprise en main de la culture industrielle.
Pour l'ensemble de ces raisons, elle a indiqué qu'elle se prononcerait contre le budget proposé pour 2005.
M. Yves Dauge a souhaité que le rapporteur pour avis apporte des éclaircissements sur la stratégie du ministère concernant la politique des déchets. Il lui a semblé, en effet, que la baisse des crédits de l'ADEME liés à cette action était difficilement soutenable au moment où les acteurs de terrain étaient particulièrement mobilisés sur les problématiques liées à la gestion de l'explosion de la masse des déchets ménagers, en particulier sur la collecte sélective des déchets spéciaux.
En sa qualité de responsable d'un parc national, il s'est déclaré particulièrement sensible aux évolutions législatives et réglementaires envisagées dans ce domaine. L'essentiel de la gestion des crédits du réseau d'espaces protégés étant à l'heure actuelle déconcentré au niveau des préfectures, il a attiré l'attention de la commission sur les risques de dilution des responsabilités induits par la déconcentration et s'est interrogé sur les garanties dont disposaient les gestionnaires de parcs quant au versement effectif des crédits disponibles.
M. Jean-Paul Emin a tout d'abord interrogé le rapporteur pour avis sur le montant des crédits consacrés par le ministère de l'industrie aux dépenses environnementales. Originaire d'une région dans laquelle se maintient un tissu industriel dense, composé essentiellement de petites et moyennes entreprises, il a fait état des difficultés rencontrées par les dirigeants de petites entreprises confrontés à la complexité des réglementations portant sur les normes de vigilance et aux contrôles parfois tatillons des services de l'Etat.
Revenant sur la lenteur des services déconcentrés, évoquée par le rapporteur, pour approuver les plans de prévention des risques naturels prescrits dans près de 6.000 communes, il a indiqué que la situation était similaire pour obtenir l'avis conforme des services déconcentrés sur la conclusion des contrats de rivières. Estimant que la lourdeur de la procédure, consistant à renvoyer à une commission nationale l'appréciation du risque de crue, pouvait être utilement évitée par la mise en place d'une commission déconcentrée, il a demandé au rapporteur pour avis d'attirer l'attention du ministère sur ce point.
En réponse à ces interrogations, M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- la réintégration des effectifs de l'IFEN au sein des services du ministère vise à rapprocher cet institut du centre du système d'information et à faciliter la gestion quotidienne d'un petit organisme disposant de peu de ressources propres. Cette modification de statut n'emporte de conséquences ni sur l'implantation géographique du service, ni sur son indépendance intellectuelle et sur sa neutralité dans l'expertise. En particulier, l'IFEN restera doté d'un comité d'orientation ouvert aux associations et d'un conseil scientifique ;
- l'expérimentation, en cours dans six régions, de rapprochement entre les DIREN et les DRIRE, fera l'objet d'une évaluation à la mi-2006 : il conviendra d'être vigilant avant de l'étendre à d'autres régions ;
- le taux de consommation des crédits de l'ADEME s'est aujourd'hui stabilisé ; la fongibilité des crédits rendue possible par l'expérimentation à laquelle l'établissement s'est soumis en 2005, permet de penser que des arbitrages en faveur d'une politique jugée prioritaire, telle que celle des déchets, interviendront dans le courant de l'année ;
- si la diminution des crédits consacrés aux parcs naturels s'inscrit dans la perspective de l'adoption du futur projet de loi, il convient cependant de maintenir une veille attentive sur la situation des parcs. La concrétisation, dans le projet de loi de finances pour 2005, des engagements pris par le ministère vis-à-vis des gestionnaires des réserves naturelles, après son intervention, prouve que les parlementaires ont un réel pouvoir d'alerte ;
- s'agissant des établissements industriels à risque, le ministère a pris l'engagement de procéder en 2005 à au moins une visite de toutes les installations classées « seuil haut » ;
- enfin, le ministère de l'industrie consacrera 138,5 millions d'euros à la protection de l'environnement en 2005.
En conclusion, le rapporteur pour avis a estimé que, tiraillé entre deux logiques reposant, d'une part, sur le désir de faire et, d'autre part, sur le désir d'inciter, le ministère de l'écologie et du développement durable avait tout intérêt à se recentrer sur son coeur de compétences, correspondant, selon lui, à la seconde partie de l'alternative.
A l'issue de cet échange de vues, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'écologie et au développement durable dans le projet de loi de finances pour 2005, le groupe socialiste votant contre.
Mercredi 10 novembre 2004
- Présidence de M. Serge Lagauche, vice-président. -
PJLF pour 2005 - Crédits de l'enseignement supérieur - Examen du rapport pour avis
La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Jean-Léonce Dupont sur les crédits de l'enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 2005.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a présenté les grands axes du budget de l'enseignement supérieur pour 2005, qui bénéficie d'une réelle priorité gouvernementale, dans la mesure où il devrait progresser de 3,02 %, s'établissant à 9,362 milliards d'euros.
Il a précisé que cette hausse recouvrait tout d'abord les moyens des services, avec 1.000 créations d'emplois, auxquels s'ajouteront, à la rentrée 2005, 150 emplois supplémentaires (de maîtres de conférence).
Outre diverses mesures en faveur des personnels, en particulier la poursuite de la requalification des emplois et de la résorption de l'emploi précaire, la hausse des crédits concerne également le fonctionnement des établissements (+ 2,3 %), à 1.289 millions d'euros avec un effort en faveur des bibliothèques, du musée du Quai Branly dans la perspective de son ouverture au public en janvier 2006, de Jussieu et des établissements privés.
Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que l'accompagnement social des étudiants faisait l'objet d'avancées significatives :
- les bourses d'enseignement supérieur et les plafonds de ressources augmentent de 1,5 %, revalorisation cependant inférieure au taux d'inflation ;
- 300 bourses de mérite supplémentaires sont créées en faveur des étudiants ayant obtenu une mention « très bien » au bac ;
- le dispositif des prêts d'honneur est rénové ;
- une allocation unique d'aide d'urgence est créée et deux fonds existants seront fusionnés à cet effet (1,1 million d'euros) ;
- les crédits consacrés à la réhabilitation des logements étudiants augmentent : les crédits de maintenance et de mise en sécurité des résidences universitaires enregistrent une progression de 35 % ;
- enfin, 12.000 mensualités supplémentaires de bourses de mobilité sont créées.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, s'est réjoui de ces mesures très positives, tout en estimant ce « chantier » inachevé. Il a précisé, à cet égard, que tous les représentants des organisations étudiantes qu'il avait rencontrés avaient exprimé le souhait que la concertation constructive engagée avec le ministre sur la question de l'aide sociale soit poursuivie. Il a dit avoir été sensible à un certain nombre de leurs arguments en faveur d'une réforme profonde du système, qui outre sa complexité, ignore les jeunes issus des classes intermédiaires, qui ne peuvent bénéficier ni des bourses sur critères sociaux, ni de l'impact du quotient familial, et sont donc bien souvent contraints d'exercer une activité rémunérée pendant leurs études.
Il s'est néanmoins déclaré défavorable à l'instauration d'un « revenu minimum étudiant », qui n'aurait aucun effet redistributif, qui feindrait d'ignorer la diversité des situations familiales et financières et dont le coût serait disproportionné. Il a estimé que d'autres pistes devaient être explorées et que le système comportait des marges d'amélioration.
S'agissant de la hausse des dépenses en capital, il a indiqué que le projet de loi de finances mettait l'accent sur la couverture des besoins de paiement liés à l'avancement des chantiers de construction et aux engagements pris par l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat/Régions (CPER) et qu'un effort particulier était prévu pour permettre l'accélération du chantier du campus de Jussieu ainsi que l'achèvement de la construction du Musée du Quai Branly.
Enfin, dans le cadre de la priorité accordée à la recherche, il s'est félicité de la progression de la subvention d'équipement au titre de la recherche universitaire, tant au niveau du soutien de base aux laboratoires qu'à celui des crédits d'équipement.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, s'est par conséquent globalement réjoui de l'évolution des crédits du budget pour 2005, qui correspond à une prise de conscience, désormais très largement partagée, du sous-financement criant du secteur de l'enseignement supérieur, par comparaison tant avec le secteur de l'enseignement secondaire qu'avec les systèmes étrangers. Il a souhaité que cette priorité s'inscrive désormais dans le long terme : en effet, compte tenu d'un quasi-doublement des effectifs, la dépense moyenne par étudiant n'a augmenté que de 25 % depuis 1975. Dans le même temps, la dépense moyenne par élève, tous niveaux scolaires confondus, augmentait de 82 %. Ceci alors même que, depuis 20 ans, les effectifs du premier degré ont baissé de 11 % et que ceux du second degré n'ont augmenté que de 5 %.
Après avoir brièvement exposé les conditions d'application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) aux crédits de l'enseignement supérieur, qui seront regroupés dans la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » et concerneront les programmes « formations supérieures et recherche universitaire » et « vie étudiante », le rapporteur pour avis a évoqué le double défi de la démocratisation et de la mondialisation auquel est confronté le système d'enseignement supérieur.
Il a considéré que sa démocratisation pouvait être considérée comme une réussite sur le plan quantitatif, ce qui était moins le cas sur un plan plus qualitatif. En effet, bien que ce système allie la liberté d'accès à la plupart des établissements et la quasi-gratuité des études, son rôle d'ascenseur social n'a pas joué aussi pleinement qu'on aurait pu l'espérer.
Il a estimé que l'entrée dans l'enseignement supérieur s'avérait très inégalitaire et que le système recélait quelques pièges, en particulier pour les jeunes dont les familles sont peu rompues à la complexité et aux subtilités de son organisation. L'un de ces pièges consiste à identifier liberté d'accès et absence de sélection, mythe battu en brèche par la réalité, d'une part, parce que la sélection finit par s'exercer ; d'autre part, en raison de la réelle sélection opérée à l'entrée d'un certain nombre de parcours, qui sont d'ailleurs les plus recherchés par les étudiants.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le drame du taux d'échec au diplôme d'études universitaires générales (DEUG) : seulement 47,2 % des étudiants entrés en première année du premier cycle universitaire passent en deuxième année, et un quart des entrants quittent l'université après un an.
Il a jugé que cette réalité mettait gravement en cause notre système d'orientation. En effet, ce taux d'échec trop élevé, particulièrement pour les bacheliers technologiques, résulte largement d'un défaut d'orientation, problème auquel s'ajoute celui de la « réorientation » d'un certain nombre d'étudiants.
Il s'est réjoui que le Gouvernement ait décidé de faire de l'orientation des nouveaux bacheliers une priorité et qu'il ait pris des mesures dans ce sens. Il a néanmoins considéré que celles-ci devaient être renforcées par une amélioration du dispositif d'orientation dans les lycées, afin de mieux prendre en compte les aptitudes des jeunes concernés, la réalité des offres de formation et celle des débouchés professionnels.
Il a, en outre, jugé indispensable que les établissements d'enseignement supérieur publient des statistiques précises concernant l'employabilité par diplôme, afin que les étudiants et leurs parents soient mieux éclairés dans leur choix. Il a, par ailleurs, proposé que soit étudiée l'idée d'un entretien individuel au moment du passage au cursus étudiant. Il a enfin souhaité que soient multipliées les relations entre lycéens, étudiants et monde du travail.
Le rapporteur pour avis a ensuite relevé que la mondialisation révélait cruellement les faiblesses de notre système d'enseignement supérieur, son manque de lisibilité, de visibilité et d'attractivité internationale.
Il a renvoyé à son rapport écrit pour la présentation des réformes menées dans quelques pays (Allemagne, Grande-Bretagne et Chine) et il a tracé des perspectives pour l'évolution souhaitable de nos universités : celles-ci vont dans le sens d'un accroissement de l'autonomie des établissements (avec une globalisation du budget, la dévolution du patrimoine immobilier, une gestion plus décentralisée des ressources humaines) ; elles recouvrent aussi les questions liées à la gouvernance, à la nécessaire réforme de l'évaluation des programmes de recherche, des formations, des enseignants-chercheurs et des établissements eux-mêmes. Il a rappelé qu'un certain nombre de ces propositions avaient été formulées par le groupe de réflexion sur l'avenir de la recherche, commun aux commissions des affaires culturelles, des affaires économiques et des finances.
Tout en comprenant que le ministre ne puisse pas mener trop de réformes de front, il a souhaité que le futur projet de loi sur la recherche soit l'occasion de franchir quelques pas dans ces directions. Il a, en particulier, défendu l'idée de l'expérimentation, de la création de pôles d'excellence et, ceux-ci étant nécessairement en nombre limité, du développement de véritables projets de sites sur l'ensemble du territoire.
A cet égard, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a jugé vital :
- que la coopération entre les universités ainsi qu'entre celles-ci et les grandes écoles soit renforcée, dans le sens d'une mutualisation des moyens et des ressources ;
- que le statut des enseignants-chercheurs soit révisé et que les nouvelles tâches apparues au cours du temps soient valorisées ;
- qu'une réflexion soit menée sur les moyens du financement de notre système d'enseignement supérieur sur le long terme, toutes les pistes devant être étudiées sans tabou ni préjugé, y compris s'agissant du recours éventuel à des fondations ou à la participation des entreprises.
Il a ensuite fait le point sur la mise en oeuvre du système LMD (licence-master-doctorat), qui concerne aujourd'hui 75 % des universités et dont la mise en oeuvre s'avère globalement satisfaisante, sous réserve d'une certaine hétérogénéité des dénominations des offres de formation. Il s'est toutefois interrogé sur le positionnement dans le système des formations bac+2 et bac+4, ainsi que sur l'intégration dans le système LMD des formations dispensées par les écoles consulaires.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le plan ambitieux lancé par le Gouvernement en faveur du logement étudiant, qui prévoit, en 10 ans, la rénovation de 70.000 chambres et la construction de 50.000 autres, le financement de ce plan devant être assuré, chaque année, par 100 millions d'euros de subventions de l'Etat prévues dans les CPER et par 165 millions de prêts aidés.
Il a enfin insisté sur la nécessaire réorientation des stratégies de promotion en matière de mobilité internationale des étudiants.
S'agissant de la mobilité « sortante », il a souhaité que le Gouvernement indique pourquoi seulement 38 % des établissements ont pu satisfaire plus du tiers de leurs étudiants souhaitant entreprendre une mobilité à l'étranger.
S'agissant de la mobilité « entrante », il a précisé que la part des étudiants étrangers s'élevait à 13,7 % des effectifs des universités et il a donné des précisions concernant leur origine géographique.
Il a ensuite rendu un hommage appuyé à la qualité des travaux menés par le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, dont le président de la commission est membre et que le Gouvernement a mis en place en octobre 2003. Il a indiqué qu'il demanderait au ministre quelles suites il entendait donner aux propositions de cet organisme tendant à développer cette mobilité et à renforcer l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur.
En conclusion, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption du budget de l'enseignement supérieur pour 2005.
Puis un large débat s'est instauré.
M. Jacques Legendre a tout d'abord félicité le rapporteur pour avis pour son rapport très dense et intéressant, qui a, en particulier, pointé les ambiguïtés liées à la démocratisation du système d'enseignement supérieur, certes souhaitable, mais dont les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des espérances. Il a, par ailleurs, insisté sur un phénomène inquiétant lié à la tentation actuelle des universités de reconcentrer leurs établissements, dont elles avaient dans le passé multiplié les implantations dans des villes de taille moyenne. Il a mis en garde contre cette tentation, qui pourrait aggraver l'inégalité d'accès des jeunes au système d'enseignement supérieur.
Evoquant la mobilité internationale, il a estimé que les perspectives de diminution des effectifs d'étudiants rendaient d'autant plus souhaitable et nécessaire l'accueil d'étudiants étrangers et il a demandé au rapporteur pour avis s'il avait approfondi ce point, s'agissant en particulier de l'accueil d'étudiants d'origine asiatique.
Il a, par ailleurs, insisté sur la nécessité impérative de lutter contre le taux d'échec au diplôme d'études universitaires générales (DEUG) et il a souhaité que le projet de loi sur l'école propose des mesures en matière d'organisation du second cycle de l'enseignement secondaire afin de résoudre les problèmes d'orientation.
M. David Assouline a exposé les difficultés rencontrées lors de la récente rentrée universitaire, en raison du phénomène d'appauvrissement de la population étudiante lié à la démocratisation du système. Il a relevé que 50 % des étudiants étaient désormais salariés et déploré que, compte tenu du manque cruel de logements étudiants, un certain nombre d'entre eux doivent être hébergés dans des foyers pour personnes sans domicile fixe ou dans des gares parisiennes. S'il s'est réjoui des décisions annoncées par le Gouvernement dans ce domaine, il a toutefois estimé qu'elles ne connaissaient pas une traduction concrète suffisante dans le projet de budget pour 2005.
Il a ensuite précisé que le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, dont il est membre, avait beaucoup insisté sur les problèmes liés à l'insuffisante qualité de l'accueil des étudiants étrangers, problème particulièrement aigu pour les étudiants d'origine asiatique, qui ne bénéficient pas des repères culturels, linguistiques ou familiaux des étudiants originaires d'Afrique ou des pays du Maghreb. Il a donc jugé indispensable d'améliorer cet accueil, qu'il a qualifié de déplorable par comparaison avec nos partenaires européens, si l'on veut attirer davantage d'étudiants étrangers, d'origine asiatique en particulier.
Il a évoqué, plus précisément, la difficulté pour ceux-ci de participer, par exemple, à un cycle de conférences de six mois ou à un stage, compte tenu de la durée des baux et de l'absence de résidences hôtelières pour étudiants dans notre pays. Il a estimé que le budget pour 2005 n'était pas à la hauteur des besoins en la matière.
M. Yannick Bodin a observé que les difficultés étaient particulièrement aiguës en région Ile-de-France, où le déficit en logements étudiants est tel que le nombre de ceux-ci est sept fois inférieur aux besoins, la situation étant moins dramatique dans les autres régions françaises, compte tenu d'un effort plus ancien des collectivités territoriales.
Il a, par ailleurs, relevé la différence de statut entre les étudiants poursuivant des études dans les lycées (classes préparatoires aux grandes écoles, brevet de technicien supérieur...) et les autres étudiants qui bénéficient d'un statut plus avantageux. Il a ajouté que les premiers, qui représentent 20 % des lycéens, étaient, en outre, à la charge des collectivités territoriales. Il a considéré que ce dossier mériterait d'être un jour approfondi.
Après avoir, lui aussi, souligné la gravité du problème du logement étudiant, M. Pierre Laffitte a évoqué le projet de Sophia-Antipolis de lancer une opération pilote avec l'université de Nice. Il a souhaité que les crédits dont disposera la nouvelle Agence nationale pour la recherche puissent être mobilisés dans le cadre de cette expérimentation. Il a suggéré que la France tire profit de l'opportunité liée à la diminution récente du nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les universités américaines, pour en accueillir davantage sur son territoire.
Après avoir estimé que la situation sociale des étudiants empirait, en dépit du plan annoncé par le Gouvernement, M. Yvan Renar a exprimé trois préoccupations :
- le problème du logement étudiant dont il a proposé que la gestion soit confiée au ministère de l'éducation nationale et que les crédits gérés par les caisses d'allocations familiales soient transférés aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ;
- le suivi de la santé des étudiants dont la situation est inquiétante ;
- enfin, la faible place des femmes au sein du système d'enseignement supérieur et de recherche, en particulier aux postes de responsabilité, qui devrait faire l'objet d'un débat avec les établissements.
Mme Muguette Dini a proposé que le projet consistant à décerner un diplôme aux entreprises soucieuses d'instaurer l'égalité entre les femmes et les hommes, soit également appliqué dans des établissements d'enseignement supérieur.
En réponse à ces questions, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- certaines recommandations des rapporteurs finissant par être suivies d'effet, il faut se réjouir que celle consistant à faire de l'enseignement supérieur une priorité connaisse aujourd'hui une traduction concrète ;
- s'agissant des difficultés sociales d'un certain nombre d'étudiants, il est vrai qu'il conviendrait, même si la réponse à apporter n'est pas évidente, de mieux traiter la situation des étudiants issus des classes intermédiaires ;
- le problème important et structurel du logement se pose effectivement essentiellement en Ile-de-France, les autres régions s'en étant davantage préoccupées ; l'effort envisagé par le Gouvernement est considérable puisqu'il s'agit d'élever le nombre de constructions annuelles de 2.000 à 5.000 ;
- le problème récurrent des conditions d'accueil insatisfaisantes des étudiants étrangers pose la question tant de leur hébergement que de leur accompagnement et les avancées dans ce domaine sont insuffisantes ;
- il serait effectivement souhaitable que les établissements d'enseignement supérieur et de recherche fassent une plus grande place aux femmes au sein de la hiérarchie ;
- pour améliorer la santé des étudiants, il conviendrait de développer la mutualisation des moyens des universités, en vue par exemple de créer des services communs de médecine préventive ;
- quant au problème de l'orientation, l'enseignement secondaire doit, en effet, être associé à la réforme ; les circulaires envoyées aux recteurs d'académie, afin de veiller, dès la rentrée 2003, à ce que tout bachelier technologique ayant en premier voeu souhaité une formation technologique courte bénéficie d'une priorité pour y être admis, n'ont pas encore produit d'effet en 2004 ; il faut, en outre, déplorer l'absence de statistiques provenant des universités sur l'employabilité à la sortie des filières, alors même qu'il est évident que certaines offrent davantage de débouchés que d'autres, contrairement à ce que semblent malheureusement croire un certain nombre d'étudiants.
La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption du budget de l'enseignement supérieur pour 2005, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.
PJLF pour 2005 - Enseignement technologique et professionnel - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de Mme Annie David sur les crédits de l'enseignement technologique et professionnel pour 2005.
Mme Annie David, rapporteur pour avis, a rappelé, tout d'abord, que les crédits entrant dans le champ de ce rapport pour avis relevaient notamment, au sein du budget de l'enseignement scolaire, de l'agrégat consacré à l'enseignement public du second degré, qui représente environ 42 % de l'ensemble de ce budget.
A ce titre, elle a indiqué que si l'ensemble du budget de l'enseignement scolaire progressait de 2,55 % par rapport à 2004, cet agrégat marquait, en revanche, un recul de 0,3 %, afin de poursuivre l'effort de rééquilibrage des moyens en faveur du premier degré.
Elle s'est félicitée, en outre, que la nouvelle présentation des crédits selon les principes de la LOLF permette d'identifier plus facilement les moyens consacrés à l'« enseignement professionnel sous statut scolaire », qui constituera, avec les actions « apprentissage », « formation continue des adultes et VAE » ou encore « aide à l'insertion professionnelle », l'une des 13 actions du futur programme « Enseignement scolaire public du second degré ». Elle a ajouté que cette action regroupait, selon les données présentées à titre indicatif dans une annexe au projet de loi de finances pour 2005, 3,59 milliards d'euros pour 2005, soit environ 14 % des crédits de l'ensemble du programme.
Elle a regretté, ensuite, que l'enseignement professionnel soit, cette année encore, fortement mis à contribution au titre des efforts de réduction de postes d'enseignants du second degré, prévus dans le projet de loi de finances pour 2005, avec la suppression de 700 emplois de professeurs de lycées professionnels, alors même que ses effectifs devraient progresser de 7.200 élèves à la rentrée 2004 et de 5.100 élèves à la rentrée 2005.
Par ailleurs, elle a fait remarquer que la suppression de 2.100 emplois de maîtres-auxiliaires ou professeurs contractuels affecterait en particulier les lycées professionnels, où la part des enseignants non titulaires est trois fois plus élevée dans que dans les lycées généraux.
Faisant observer que l'augmentation du nombre de postes ouverts aux concours pour 2005 restait limitée au regard du rythme des départs en retraite de professeurs de lycée professionnel (PLP) sur la période 2006-2008, Mme Annie David, rapporteur pour avis, a souligné que le défi du renouvellement du corps des enseignants se posait avec acuité dans les disciplines professionnelles, en raison de la concurrence avec les emplois équivalents sur le marché du travail, plus attractifs.
A cette fin, elle a souhaité que soit développé de façon plus incitative le dispositif de cycle préparatoire au concours externe de PLP, réintroduit en 2002 sur le modèle des anciens IPES (Instituts de préparation à l'enseignement secondaire), pour certaines spécialités où les difficultés de recrutement sont sensibles, qui permet aux stagiaires de bénéficier d'une formation rémunérée de 2 ans en Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM). Or le nombre de postes ouverts à ce titre est passé de 200 en 2002 à 50 en 2004.
Elle a relevé, par ailleurs, l'intérêt du dispositif spécifique d'accès au concours de PLP qui a été mis en place afin de prendre en compte l'expérience professionnelle préalable des candidats.
Elle a attiré l'attention, ensuite, sur deux mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances pour 2005, la première concernant les crédits d'aide sociale, alors que 40 % des lycéens professionnels sont boursiers, contre 27 % des lycéens généraux, et la seconde venant abonder de 3 millions d'euros les crédits destinés à la Mission générale d'insertion (MGI), qui intervient auprès des jeunes en voie ou en situation de rupture scolaire.
Elle a indiqué que cela représentait un effort significatif mais salutaire, compte tenu de la situation de précarité de la MGI, alors même que ces missions requièrent continuité et présence d'équipes formées et stables.
Rappelant que 160.000 jeunes sortaient chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification, elle a précisé qu'une restructuration de la MGI était engagée depuis 2002, afin de renforcer la prévention en amont, par le développement de dispositifs de veille dans les établissements scolaires.
Soulignant le rôle essentiel de l'enseignement professionnel dans la réussite du système éducatif, Mme Annie David, rapporteur pour avis, s'est félicitée que la politique de revalorisation de la filière professionnelle engagée ces dernières années ait commencé à porter ses fruits, comme le prouve la progression des effectifs, notamment en CAP et en 1ère ou terminale professionnelles.
Elle a constaté, en outre, que des avancées étaient réalisées pour mieux faire connaître aux collégiens la diversité des métiers et des voies de formation, avec la mise en place, à la rentrée 2005, de la nouvelle classe de 3ème, qui proposera à tous les élèves une option intitulée « Découverte professionnelle ». Elle a cependant appelé à la vigilance quant au risque de dérive vers une nouvelle forme d'orientation précoce.
A ce titre, elle a estimé essentiel de redonner toutes leurs lettres de noblesse aux travaux manuels et à l'éveil au monde professionnel dès l'école primaire, mais aussi d'améliorer les procédures d'orientation et d'affectation vers la voie professionnelle, alors que le dispositif actuel accentue les inégalités, comme le relève un récent rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, qui souligne que les décisions des conseils de classes confirment, plus qu'elles ne corrigent, à niveau scolaire égal, les différences d'ambitions qui s'expriment dans les voeux des élèves et des familles, selon les catégories sociales ou le sexe des élèves.
Déplorant que l'orientation « par l'échec » reste trop fréquente, Mme Annie David, rapporteur pour avis, a indiqué que les défaillances d'un tel système étaient lourdes de conséquences pour la voie professionnelle, par la fréquence des abandons en cours d'études, un phénomène d'absentéisme plus marqué, et enfin, des choix d'orientation qui ne sont pas toujours adaptés aux débouchés sur le marché du travail. A cet égard, elle a regretté que les jeunes filles, beaucoup plus présentes dans les secteurs des services, aux débouchés parfois saturés, et quasi absentes dans certaines spécialités de la production plus adaptées aux besoins du marché de l'emploi, en soient les principales victimes, alors même que des métiers industriels aux débouchés porteurs ont évolué et leur sont désormais tout à fait accessibles.
A cette fin, elle a jugé primordial d'améliorer l'information préalable des élèves et des familles sur le contenu et les exigences des différentes filières, mais aussi sur les perspectives d'insertion professionnelle qu'elles offrent, afin de les aider à construire un « projet éclairé ».
Evoquant, ensuite, l'objectif visant à améliorer les poursuites d'études pour les élèves des voies technologiques et professionnelles, Mme Annie David a jugé que l'expérimentation de la préparation du baccalauréat professionnel en 3 ans, au lieu de 4, pour des élèves sortant de 3ème, répondait à cette ambition, tout en faisant observer qu'elle devait rester assez circonscrite pour ne pas vider de son sens, à terme, le passage par le BEP.
Par ailleurs, face au constat d'un nombre encore trop élevé de sorties au niveau du CAP ou du BEP, elle a indiqué que la refonte en cours du contenu des BEP visait à orienter plus clairement ce diplôme vers la poursuite d'études.
En parallèle, elle a insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts engagés en vue de favoriser, pour les bacheliers professionnels, la poursuite d'études vers les filières supérieures courtes qui leur sont le plus adaptées, comme les sections de techniciens supérieurs, voire ensuite la licence professionnelle, relevant à ce titre une progression encourageante des taux d'accès en STS (Sections de techniciens supérieurs) des bacheliers professionnels, passés de moins de 10 % en 2000 à plus de 14 % en 2003.
Elle s'est inquiétée, néanmoins, qu'un trop grand nombre d'entre eux continuent de se tourner par défaut vers l'université, où leurs chances de réussite au DEUG sont minimes, dans la mesure où ils subissent la concurrence des bacheliers généraux et technologiques pour l'accès aux filières sélectives.
A ce titre, Mme Annie David a exprimé son adhésion aux propositions du rapport Thélot visant à une différenciation plus « typée » des voies au lycée, pour les positionner plus nettement en matière de poursuite d'études, sans toutefois partager l'idée avancée de supprimer la seconde de détermination.
Rappelant que la loi relative aux libertés et responsabilités locales avait réaffirmé le rôle des régions en matière de pilotage de l'offre de formation professionnelle, initiale et continue, Mme Annie David, rapporteur pour avis, a souligné que le plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP) constituait un instrument essentiel pour garantir la cohérence, la lisibilité et l'adaptation aux besoins économiques de l'offre de formation locale, même s'il appartenait aux autorités académiques de veiller à assurer, le cas échéant, la « continuité du service public d'éducation », notamment pour maintenir des sections dans certaines spécialités qui ne regroupent que de faibles effectifs.
Par ailleurs, elle a indiqué que le PRDFP était un outil stratégique pour améliorer l'articulation entre formation initiale, continue et VAE, dans l'optique de la formation tout au long de la vie, insistant toutefois sur l'importance de la mission de formation continue du service public de l'éducation à travers le réseau des GRETA (Groupements d'établissements), dont le fonctionnement doit être amélioré, ainsi que sur la nécessité de développer, face à la forte progression du dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE), les aides à l'accompagnement des candidats les moins diplômés dans l'étape de constitution du dossier.
Alors que vient d'être discuté au Sénat le projet de loi de cohésion sociale dont un volet propose une ambitieuse relance de l'apprentissage, Mme Annie David, rapporteur pour avis, a estimé que cette voie pouvait contribuer à « remotiver » certains jeunes vers l'accès à une qualification et leur assurer des chances réelles d'insertion professionnelle, alors que plus de la moitié des artisans partiront à la retraite d'ici 2010.
Tout en soulignant les avancées du texte, notamment pour améliorer le statut des apprentis, renforcer les contacts des formateurs en Centres de formation des apprentis (CFA) avec le monde de l'entreprise, ou développer le préapprentissage, afin de remédier aux ruptures prématurées de contrat, elle a appelé à la vigilance pour ne pas détourner les périodes de formation en entreprise de leur finalité première, en s'assurant que chaque jeune bénéficie d'en réel encadrement pédagogique, mais aussi pour veiller à ce que l'offre de formation scolaire et celle d'apprentissage soient cohérentes et complémentaires, et non pas concurrentes.
En conclusion, estimant que le projet de loi de finances pour 2005 ne faisait pas apparaître de façon assez explicite les réponses à l'ensemble des défis qui se posent en cette période de transition, Mme Annie David, rapporteur pour avis, a prononcé, à titre personnel, un avis réservé quant à l'adoption des crédits de l'enseignement technologique et professionnel pour 2005.
A l'issue de la présentation du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé.
M. Yannick Bodin a regretté que les enseignants eux-mêmes, notamment les professeurs principaux, contribuent à ancrer le principe de l'orientation « par l'échec » vers la voie professionnelle.
Estimant que la valorisation de la filière professionnelle suppose un changement profond des mentalités, Mme Colette Mélot a souhaité que soit nettement affirmée l'importance de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage, pour permettre à certains élèves de trouver un réel épanouissement.
Mme Muguette Dini a insisté, à cet égard, sur la nécessité d'améliorer, chez les enseignants et les conseillers d'orientation, la connaissance des métiers.
M. Jean-Léonce Dupont a souhaité que soient diffusés plus largement les résultats des enquêtes et analyses sur les débouchés des différentes filières, afin de susciter l'orientation vers les voies présentant les meilleurs résultats en termes d'« employabilité » des diplômés.
En réponse à ces intervenants, Mme Annie David, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- il est nécessaire de faire une plus large place à la connaissance des métiers dans la formation des enseignants, et de favoriser des contacts plus réguliers entre les professeurs de lycée professionnel et le monde de l'entreprise ;
- une refonte des diplômes s'impose par ailleurs, le BEP sanitaire et social ne débouchant, par exemple, sur aucun baccalauréat professionnel ;
- l'organisation de forums des métiers dans les établissements scolaires peut contribuer à améliorer l'information des élèves et les aider à construire un projet d'orientation ;
- si la revalorisation de la voie professionnelle repose, en effet, sur un changement des mentalités, il faudrait également mieux faire connaître aux élèves et aux familles la possibilité de poursuite d'études jusqu'au niveau de la licence qu'offre désormais cette filière ;
- il serait éclairant, en outre, de diffuser les enquêtes du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) sur le taux d'insertion professionnelle des jeunes.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de ne pas suivre les conclusions de son rapporteur pour avis et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement technologique et professionnel pour 2005.
PJLF pour 2005 - Enseignement scolaire - Examen du rapport pour avis
La commission a enfin examiné le rapport pour avis de M. Philippe Richert sur les crédits consacrés à l'enseignement scolaire pour 2005.
A titre liminaire, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a indiqué que la présentation du budget de l'enseignement scolaire pour 2005 s'inscrivait à une période charnière, entre la publication du rapport Thélot et la discussion, dans les prochains mois, du projet de loi rénovant les objectifs et méthodes de notre système éducatif et fixant les grandes orientations sur lesquelles nous souhaitons fonder la formation de notre jeunesse à un horizon de 15 ans.
Il a fait remarquer que, dans cette période de transition, le budget de l'enseignement scolaire pour 2005 ne traduisait pas, néanmoins, l'attentisme, en prolongeant les efforts engagés ces deux dernières années pour parvenir à une gestion plus rigoureuse et plus efficace du système éducatif.
Ainsi, il s'est félicité que l'éducation soit une priorité clairement affichée par le gouvernement, dans la mesure où les crédits inscrits au premier budget de l'Etat progressent de 2,55 % par rapport à 2004, s'établissant à plus de 56,59 milliards d'euros.
Tout en soulignant que plus de 95 % de ces dépenses sont liées à la rémunération des personnels ou au paiement des pensions, ces dernières étant en progression rapide, il a précisé, néanmoins, que dans la faible marge restante, les dépenses d'intervention et d'investissement étaient ciblées sur la consolidation d'actions stratégiques ou prioritaires, telles que la hausse des dépenses d'investissement en faveur de la construction d'établissements scolaires dans les collectivités d'outre mer, l'accélération de la remise à niveau du patrimoine immobilier de l'Etat, ou encore l'abondement du forfait externat des établissements privés, à hauteur de 4 millions d'euros, destiné au recrutement d'auxiliaires de vie scolaire pour l'accueil d'élèves handicapés.
S'agissant des crédits d'aide sociale, M. Philippe Richert a indiqué qu'une mesure nouvelle de 5,32 millions d'euros permettrait de revaloriser de 1,7 % à la rentrée 2005 les bourses de lycée et les primes associées (notamment la prime d'internat), et d'étendre aux lycéens des établissements privés le dispositif du fonds social, destiné à apporter une aide aux familles connaissant des difficultés pour assumer les charges liées à la scolarité.
Toutefois, considérant, d'une part, l'importance des reliquats de crédits des fonds sociaux dans les établissements scolaires et, d'autre part, le faible montant des bourses, équivalant à 360 euros par an en moyenne par lycéen et s'échelonnant de 57 à 293 euros par an pour un collégien, il a insisté sur la nécessité d'engager une refonte globale du système d'aide sociale scolaire.
Par ailleurs, M. Philippe Richert s'est félicité que le budget pour 2005 repose, en appui de la stratégie ministérielle de réforme engagée depuis 2002, sur des choix de bonne gestion raisonnables et pertinents, en premier lieu afin de préparer l'administration à la mise en oeuvre de la LOLF dès l'année prochaine, par l'accélération de la modernisation des structures de gestion, l'informatisation des services et la formation des personnels. L'ensemble des efforts engagés, parmi lesquels la simplification des examens et concours, permettent de supprimer 600 emplois de personnels administratifs pour 2005.
Par ailleurs, il a fait observer que le second acte de la décentralisation se traduisait, dans le projet de loi de finances pour 2005, par un transfert des crédits consacrés aux établissements d'Etat et à des conventions de restauration, à hauteur de 8 millions d'euros, le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) ne devant intervenir, en effet, qu'après publication des décrets de partition courant 2006. Il a relevé, néanmoins, l'impact de la diminution de 12 millions d'euros des crédits destinés à la rémunération des personnels sous contrats aidés, lesquels représentent une part non négligeable des personnels TOS, tout en rappelant que le ministre, interrogé sur ce point lors de son audition, avait indiqué qu'ils seraient remplacés par les contrats.
En outre, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, s'est déclaré satisfait des efforts visant à ajuster l'évolution du nombre d'enseignants à la démographie scolaire, qui conduisent à la création de 1.000 emplois de professeurs des écoles (dont 300 instituteurs pour Mayotte) et à l'ouverture de 138 contrats dans l'enseignement privé dans le premier degré, où les effectifs sont en hausse, et justifiant, en revanche, la suppression dans le second degré où les effectifs sont en diminution constante, de 3.400 emplois d'enseignants et de 2.100 emplois de non titulaires (maîtres auxiliaires et contractuels) ainsi que la fermeture de 670 contrats dans le privé.
Il a fait observer, néanmoins, que ces choix ne compromettaient pas l'avenir, le défi du renouvellement du corps des enseignants étant pris en compte par l'inscription, d'une part, d'une provision de 34 millions d'euros en année pleine, destinée à « améliorer l'attractivité des carrières enseignantes », qui permettra d'aménager des dispositifs de « seconde carrière » ou d'accorder des primes d'installation aux jeunes enseignants et, d'autre part, avec l'augmentation du nombre de postes ouverts aux concours de recrutement dans le second degré (14.000 postes aux seuls concours externes, soit 1.500 de plus qu'en 2004), alors que les départs en retraite atteindront un pic dans le second degré en 2006 et 2007. Tout en se réjouissant que l'annonce de la répartition des postes par discipline dès l'ouverture des inscriptions ait contribué, cette année, à donner une meilleure visibilité aux candidats, il a plaidé pour la mise en place d'une véritable programmation pluriannuelle des recrutements, permettant de lisser les évolutions sur le moyen terme.
Il a estimé très positive et courageuse, ensuite, la volonté d'engager une gestion plus rigoureuse et optimale des moyens d'enseignement en s'attaquant à trois chantiers sensibles, à savoir la gestion des remplacements, les « surnombres disciplinaires » et la rationalisation de la carte des formations, tout en relevant les limites d'une telle politique, dans la mesure où une grande part des surnombres et classes à faibles effectifs concernent l'allemand, dont le Président de la République souhaite relancer l'enseignement.
Il s'est félicité, en outre, de la consolidation du dispositif des assistants d'éducation, par la création de 9.000 postes supplémentaires destinés à assurer le remplacement nombre pour nombre des maîtres d'internat-surveillants d'externat (MI-SE) en fin de contrat et de 800 auxiliaires de vie scolaire (AVS) pour l'accompagnement des élèves handicapés. Les effectifs d'assistants d'éducation sont ainsi portés à 42.800 à la rentrée 2005, contre 33.000 à la rentrée 2004, dont 6.000 AVS permettant d'apporter une aide à plus de 10.000 élèves, ce qui représente une avancée très significative par rapport à la rentrée 2001, où il n'y avait que 1.000 aides éducateurs rémunérés par l'éducation nationale affectés à ces fonctions.
Estimant que l'école avait besoin de stabilité et de repères clairs et intelligibles pour tous, il s'est déclaré satisfait que les actions pédagogiques du ministère soient recentrées, depuis 2 ans, sur quelques axes prioritaires. Il a cité, en premier lieu, l'accent mis sur la maîtrise de la langue française, qui apparaît fondamental quand on constate que 20 % des élèves ont des compétences de base très fragiles à l'entrée au CE2, que 12 % sont en très grande difficulté à l'entrée au collège et que 5 à 7 % des jeunes de 17 ans sont dans une situation proche de l'illettrisme. Il a rappelé que ces efforts, ciblés sur la première phase, cruciale, des apprentissages seraient poursuivis cette année au collège, par la réhabilitation des « méthodes traditionnelles ».
Faisant remarquer que cette priorité rejoignait les préconisations du rapport Thélot quant à la maîtrise du « socle des indispensables », préalable incontournable à la poursuite d'une scolarité réussie, il a estimé nécessaire, toutefois, de renforcer le dépistage précoce des difficultés, dès la maternelle, soulignant à ce titre le rôle décisif des personnels médico-sociaux, dont les effectifs sont insuffisants.
Indiquant qu'une autre priorité du ministère visait à adapter l'école aux enjeux nouveaux, il a souligné la nécessité de renforcer l'apprentissage des langues étrangères, alors que les performances des jeunes Français sont parmi les plus mauvaises en Europe, mais aussi d'accompagner ces évolutions d'une formation plus adaptée des enseignants, ce qui vaut également en matière d'usage des technologies nouvelles.
Puis M. Philippe Richert s'est réjoui que la priorité accordée à l'accueil des élèves handicapés ait permis de réaliser des progrès sensibles pour améliorer la continuité des parcours entre le premier et le second degré, et pour adapter la formation des enseignants, avec la mise en place cette année d'un nouveau certificat, visant à rendre les formations spécialisées plus attractives et à introduire des modules de sensibilisation ouverts à tous les personnels de l'éducation.
Enfin, il a souligné que la réaffirmation des valeurs civiques de l'école de la République avait conduit à des avancées très positives en faveur du respect de la laïcité, tout en permettant de rappeler quelques valeurs essentielles, comme le respect de l'autorité du maître, le devoir d'exemplarité des agents de l'Etat, la meilleure connaissance des religions ou la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Quant à la prévention et à la lutte contre les violences scolaires, il a renvoyé aux recommandations formulées par M. Christian Demuynck, sénateur de Seine-Saint-Denis, dans un rapport remis récemment au Premier ministre, tout en indiquant que la signature d'un protocole d'accord, le 4 octobre 2004, entre l'éducation nationale et le ministère de l'intérieur, marquait une avancée sur ce point.
Dans la perspective de la rénovation de la loi d'orientation de 1989, M. Philippe Richert a insisté sur la nécessité de renforcer l'autonomie des établissements scolaires, qui constituent, comme le rappelle le rapport Thélot, « la clé de voûte du système éducatif » et l'échelon le plus adapté pour apporter des réponses de proximité aux problèmes que rencontre l'école, pour combattre l'échec scolaire et les violences, mais aussi pour améliorer la gestion des ressources humaines.
A ce titre, il a indiqué que l'affectation des moyens devrait être plus souple et mieux prendre en compte la diversité des élèves et des lieux d'enseignement, afin de motiver et responsabiliser davantage les équipes éducatives.
Il a insisté, en parallèle, sur la nécessité de valoriser le rôle du chef d'établissement, animateur de l'équipe éducative, en vue d'en assurer la cohésion et la stabilité, clé de la réussite des élèves.
Il a souhaité, dans le prolongement des mesures de revalorisation statutaire et des 40 créations de postes de personnels de direction inscrites au projet de loi de finances pour 2005, que la fonction de chef d'établissement soit rendue plus attractive et que les effectifs du corps soient renforcés.
En conclusion, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2005, estimant que ce budget reposait sur des choix pertinents contribuant à préparer l'avenir sur des bases assainies et selon des axes prioritaires clarifiés.
A l'issue de l'intervention du rapporteur pour avis, un large débat s'est engagé.
M. Jacques Legendre, s'inquiétant tout d'abord des conclusions du rapport de la commission Thélot consistant à prôner l'apprentissage obligatoire de l'anglais afin de rendre l'enseignement des langues plus efficace, a souligné l'importance de maintenir une certaine diversité dans les langues étudiées. En outre, soucieux d'améliorer l'accès des bacheliers à l'enseignement supérieur, il a estimé nécessaire de réviser les mécanismes d'information et d'orientation des élèves.
Exprimant sa déception face à un mauvais budget dont la progression équivaut à celle de l'inflation, M. Yannick Bodin s'est interrogé sur les marges de manoeuvre disponibles permettant de donner l'impulsion mise en avant par le ministre lors de son audition. Il a fait remarquer, en outre, que les créations de 1.000 postes dans le premier degré incluaient l'intégration des instituteurs de Mayotte, ce qui ne constitue pas réellement des créations de postes, avant de déplorer que 33.000 postes aient été supprimés sur les 3 derniers exercices budgétaires, parmi lesquels des postes de personnels ATOSS (administratif, technicien, ouvrier, de service et social), alors que le Gouvernement de M. Lionel Jospin avait annoncé la création de 185.000 postes sur 5 ans.
Par ailleurs, il a soulevé le problème du statut social des lycéens ainsi que de l'insuffisance des personnels médico-sociaux et des classes d'accueil pour les élèves dont le français n'est pas la langue maternelle. Il a insisté, enfin, sur la nécessité d'assurer aux enseignants une véritable formation professionnelle et de renforcer l'enseignement des valeurs civiques.
Mme Colette Mélot a souligné l'importance des sections européennes, notamment en vue de relancer l'apprentissage de langues peu enseignées.
Mme Annie David s'est inquiétée, tout d'abord, de la mauvaise répartition des crédits d'aide sociale entre les établissements, avant de regretter que la création de postes d'enseignants dans le premier degré, insuffisante au regard de la progression attendue des effectifs, se fasse au détriment des postes d'enseignants du second degré. Dans le cadre de la politique de lutte contre les violences scolaires, elle a estimé primordial de renforcer la présence de jeunes adultes dans les établissements, et notamment d'assistants d'éducation.
Revenant sur la priorité consistant à adapter l'école aux nouveaux enjeux, elle a souligné que cela ne devait pas conduire à « formater » les élèves, la mission essentielle de l'école étant de les éduquer.
Rappelant, enfin, qu'elle avait démissionné de la commission Thélot lors de la présentation de l'avant-projet du rapport, elle a souhaité que les moyens qui accompagnent l'application de la nouvelle loi d'orientation sur l'école soient à la hauteur de l'ambition de faire réussir tous les élèves, et elle a regretté que le ministre n'ait pas eu le temps, lors de son audition, de développer les orientations qui seraient retenues.
Mme Catherine Morin-Desailly a insisté sur la nécessité d'augmenter le nombre de structures d'accueil en milieu scolaire des élèves souffrant d'un handicap tant moteur que mental et de renforcer, en parallèle, la formation des enseignants. Elle s'est demandé, ensuite, où en étaient l'application du plan en faveur des arts et de la culture à l'école et la mise en place des classes à projet artistique et culturel (PAC).
S'inquiétant du déclin de l'apprentissage de langues comme l'allemand, l'italien ou le portugais, qui s'accompagne d'un recul du français dans le monde, M. Ivan Renar a souhaité que soient rappelées, une nouvelle fois, les conclusions du rapport de M. Jacques Legendre. Il a déploré, par ailleurs, l'insuffisance des enseignements artistiques et culturels, alors qu'ils participent à la formation des futurs citoyens. Revenant sur le problème de l'enseignement des langues, M. Pierre Laffitte a souligné la nécessité d'améliorer, en ce domaine, l'information des élèves et des familles sur l'utilité de leur apprentissage, y compris sur le plan professionnel.
Répondant à ces intervenants, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- en Alsace, toutes les écoles primaires proposent aux élèves un enseignement en allemand de 2 à 3 heures par semaine, et se développe, en outre, un enseignement bilingue à parité, dès l'école maternelle ; par ailleurs, l'enseignement du français est désormais obligatoire dans le pays de Bade, à la frontière franco-allemande ;
- la mise en place, depuis la rentrée 2003, du dispositif des assistants d'éducation, s'est déroulée de façon positive, et de vrais efforts ont été menés pour renforcer les effectifs d'auxiliaires de vie scolaire, afin d'améliorer l'accueil des élèves handicapés ;
- le présent rapport est l'occasion de réagir aux propositions du rapport Thélot et d'exprimer un certain nombre de remarques que l'on souhaite voir transposées dans la future loi ;
- l'intégration progressive des instituteurs de Mayotte dans l'éducation nationale constitue une avancée positive ;
- s'il y a eu, en effet, des créations de postes de personnels ATOSS jusqu'en 2002, il n'y a pas eu, en revanche, de rééquilibrage de la répartition de ces effectifs, d'où l'existence d'importantes disparités entre les académies ;
- le coût du transfert des personnels TOS est à relativiser dans la mesure où, dans le cas du Bas-Rhin, l'augmentation de 10 % des effectifs, étalée sur 3 ou 4 ans, aurait un coût d'environ 700 000 euros par an, alors que le département a été confronté à 30 millions d'euros de dépenses supplémentaires dès la première année d'application de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ;
- les fonds sociaux ont leur utilité, mais obligent les familles à quémander une aide ; aussi serait-il préférable de rééquilibrer la répartition entre les crédits de fonds sociaux et les crédits de bourses, en faveur de ces derniers ;
- l'école n'a pas pour objectif de formater les élèves aux enjeux de la société moderne mais de les ouvrir sur les réalités économiques et sociales, afin de faciliter leur insertion professionnelle ;
- l'ambition de faire réussir tous les élèves consiste à tendre vers une plus grande égalité des chances et vers l'épanouissement des enfants, ce qui suppose, en effet, de renforcer la place des activités artistiques et culturelles.
A l'issue de cet échange de vues, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement solaire dans le projet de loi de finances pour 2005, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.