Table des matières
Mardi 21 octobre 2003
- Présidence de M. Jacques Valade, président, puis de M. Alain Dufaut, secrétaire. -
PJLF pour 2004 - Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur les projets de budgets de la culture et de la communication pour 2004.
Le ministre a présenté successivement les crédits affectés à la culture, à l'audiovisuel public et à la presse écrite.
Il a indiqué que le projet de budget de la culture s'élevait pour 2004 à 2.633 millions d'euros, soit une progression de 5,8 % par rapport à 2003. Le projet de loi de finances traduit ainsi la persévérance du Gouvernement à tenir ses engagements dans le domaine culturel.
Il a rappelé que si certains avaient mis en garde contre les risques d'une « opération vérité », qui s'était traduite par la suppression dans la loi de finances pour 2003 de 200 millions d'euros de crédits de paiement non consommés, l'exécution du budget avait été réalisée dans des conditions satisfaisantes : le ministère de la culture a consommé au moins 160 millions d'euros de plus qu'en 2002. Par ailleurs, ses crédits n'ont fait l'objet d'aucune annulation budgétaire, alors qu'entre 1997 et 2001, 173 millions d'euros avaient été annulés. Par ailleurs, l'accroissement des crédits de paiement de plus de 100 millions d'euros prévu par le projet de loi de finances permet la reconstitution partielle des crédits en 2004. Le ministère de la culture se trouve ainsi doté des moyens nécessaires pour poursuivre les actions engagées.
Le ministre a souligné que le projet de budget pour 2004 permettrait en effet de financer les priorités définies lors de sa prise de fonctions. Il a évoqué plus particulièrement trois domaines d'action : le soutien à la création, la démocratisation de l'accès à la culture et la protection du patrimoine.
Afin de traduire son engagement renouvelé en faveur de la création, l'accroissement des moyens mis à la disposition du ministère bénéficie en premier lieu au spectacle vivant et à la musique. Ce secteur dispose en 2004 d'une enveloppe de 741 millions d'euros et de mesures nouvelles d'un montant de 32 millions d'euros, soit une hausse de 4,4 % par rapport à 2003. Cet effort permettra la mise en oeuvre des actions qui seront préconisées, à l'issue du débat national, notamment pour soutenir la jeune création.
L'engagement en faveur de la création se traduira également par une augmentation de près de 30 % des moyens consacrés aux arts plastiques, secteur trop souvent négligé. Ces crédits permettront notamment de renforcer le réseau de diffusion sur l'ensemble du territoire et de mettre en valeur la diversité des formes d'expression contemporaine, en particulier dans le secteur de la photographie, des arts de la mode, du graphisme et du design.
En ce qui concerne le soutien à la création dans le domaine du cinéma et de la production audiovisuelle, la réforme de la taxe sur les vidéogrammes permettra d'abonder à hauteur de 22 millions d'euros les recettes du compte de soutien, grâce au dynamisme du marché du DVD.
Le ministre a indiqué que le deuxième objectif poursuivi en 2004 consisterait dans la démocratisation de l'accès à la culture et à la création. Plusieurs projets spécifiques ont été engagés, telle la création d'une nouvelle génération de médiathèques de proximité, les « ruches», destinées aux zones rurales et aux banlieues. Ce projet, qui rencontre d'ores et déjà un vif succès, bénéficiera en 2004 d'une dotation de 10,5 millions d'euros, qui complètera les moyens mis en oeuvre par les collectivités territoriales.
Par ailleurs, le projet de budget traduit le souci de poursuivre l'aménagement culturel du territoire. Alors qu'en 1998, 75 % des dépenses d'investissement étaient consacrés aux grands projets nationaux à Paris, près de 60 % de ces crédits seront affectés en 2004 à des projets menés en région, en partenariat avec les collectivités territoriales.
Enfin, la troisième priorité pour 2004 vise à renforcer l'action en faveur de la protection du patrimoine, conformément aux orientations annoncées en Conseil des ministres le 17 septembre dernier. Un programme de première urgence pour les monuments historiques en péril, qu'ils appartiennent ou non à l'Etat, sera mis en oeuvre. Dans cette perspective, les crédits affectés à la restauration des monuments historiques, hors grandes opérations, s'élèveront en 2004 à 224 millions d'euros, contre 204 millions d'euros en 2003, soit une progression de 10 %. Cet effort imposé par l'état préoccupant de notre patrimoine sera poursuivi au cours des prochaines années.
Le ministre a fait part de son souhait que, dans un contexte de stabilisation de la dépense publique, son administration soit pleinement associée à l'effort de réforme engagé par le Gouvernement. Ainsi, le projet de budget prévoit le non-remplacement de cent départs à la retraite, soit un départ à la retraite sur deux, ce qui représente 2 % de l'effort global de l'Etat.
Seront également conduites des actions destinées à améliorer l'organisation et la gestion des établissements publics relevant de sa tutelle.
En 2004, la réforme des musées nationaux sera mise en oeuvre avec le souci de responsabiliser les différents acteurs afin d'éviter que la Réunion des musées nationaux (RMN) soit à nouveau confrontée à des difficultés financières. Les statuts du Louvre seront modifiés afin d'accroître la maîtrise du président-directeur sur la politique de l'établissement. Le musée Guimet ainsi que le musée d'Orsay seront érigés en établissements publics au 1er janvier 2004 ; l'autonomie de l'établissement public du domaine de Versailles sera renforcée et, enfin, le château de Chambord, qui relève aujourd'hui de six administrations et de trois établissements publics, sera doté du statut d'établissement public.
Par ailleurs, la politique de contractualisation entre le ministère et ses établissements publics, engagée en 2003 avec la signature du contrat d'objectifs et de moyens du Louvre, sera poursuivie en 2004. Un contrat de même nature sera signé avec la Bibliothèque nationale de France (BNF).
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a indiqué que les mesures de redéploiement initiées en 2003 seront reconduites afin de permettre au ministère de la culture de retrouver des marges de manoeuvre : ces mesures devraient porter sur 10 % des crédits. Par ailleurs, à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), a été conduite une réflexion approfondie sur les missions et l'organisation du ministère, qui, conjuguée à l'accroissement des moyens mobilisés par le biais de la décentralisation et du mécénat, lui permettra d'améliorer les conditions dans lesquelles il exerce ses missions.
Abordant ensuite le budget de l'audiovisuel, le ministre a indiqué que les ressources affectées aux entreprises publiques du secteur augmenteraient de 3 % en 2004 par rapport à 2003, cet objectif témoignant de la volonté du Gouvernement de donner aux sociétés nationales de programmes les moyens d'assurer les missions spécifiques qui leur incombent. Au total, la ressource publique s'accroît de 74 millions d'euros, auxquels doivent être ajoutés 45 millions d'euros supplémentaires attendus de la reprise du marché publicitaire.
Il a précisé que la hausse des ressources affectées à l'audiovisuel public ne serait pas liée à l'augmentation du barème de la redevance, mais proviendrait essentiellement du renforcement des dispositions de lutte contre la fraude. A ce propos, il a regretté que l'Assemblée nationale ait rejeté la disposition du projet de loi de finances visant à autoriser le croisement des listes des contribuables de la redevance avec celles des abonnés des opérateurs de télévisions payantes. Il a tenu à préciser que, dans l'hypothèse où le croisement des fichiers serait définitivement rejeté par le Parlement, les services compétents des ministères du budget et de la communication avaient d'ores et déjà mis à l'étude les éventuelles mesures à mettre en oeuvre permettant d'atteindre l'objectif de croissance de 3 % de la ressource affectée au secteur.
Il a toutefois estimé normal que la loi s'attache à mettre en oeuvre des dispositions de lutte contre la fraude permettant de faire peser la charge de l'accroissement des moyens du service public audiovisuel sur les fraudeurs et non sur ceux qui acquittent déjà la taxe.
Il a par ailleurs souligné que cette croissance de 3 % de la ressource publique devait permettre la mise en oeuvre des différentes priorités qu'il avait lui même fixées aux entreprises du secteur lors de sa nomination : améliorer la qualité des contenus diffusés, augmenter sensiblement la part des programmes de proximité, numériser la radio et sauvegarder le patrimoine audiovisuel.
Abordant ensuite la répartition de la ressource entre les différentes sociétés composant le pôle audiovisuel public, M. Jean-Jacques Aillagon a précisé que la dotation de France Télévisions augmenterait de 3 % en 2004. Il a insisté sur le fait que France Télévisions devait marquer de façon plus volontaire la singularité de ses missions et il a indiqué que, dans cette perspective, un avenant au contrat d'objectifs et de moyens liant l'entreprise à l'Etat serait signé d'ici la fin de l'année. Celui-ci mettra l'accent sur trois priorités. En premier lieu, des objectifs chiffrés ambitieux seront fixés à l'entreprise en matière d'investissement et de diffusion, notamment en ce qui concerne les émissions de culture et de connaissance diffusées en première partie de soirée. En second lieu, le volume de programmes de proximité diffusés par France 3 devra doubler en cinq ans. Enfin, un programme de rattrapage a été engagé en matière d'adaptation des programmes aux sourds et malentendants.
Reconnaissant que de tels développements nécessitaient d'importants moyens, il a déclaré que l'abandon de tout projet de création de nouvelle chaîne pour la télévision numérique de terre permettrait de dégager des marges de manoeuvre appropriées, tant en termes de personnel mis à contribution qu'en termes d'enveloppe financière. La réalisation d'un plan d'économies et de synergies de près de 170 millions d'euros d'ici à 2005 permettra en outre de dégager des ressources internes appréciables.
Revenant sur les ressources allouées aux autres sociétés de l'audiovisuel public, le ministre a annoncé que la dotation d'Arte France augmenterait de 3 % en 2004 et serait consacrée intégralement aux programmes de la chaîne désormais diffusés 24 heures sur 24 sur le câble et le satellite. Il a par ailleurs rappelé qu'en concertation avec Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, il avait proposé une nouvelle stratégie ambitieuse pour Réseau France Outre-mer (RFO) s'appuyant sur la filialisation de RFO au groupe France Télévisions et basée, dans le strict respect des spécificités ultramarines, sur le développement des programmes de proximité. Il s'est à cet égard félicité du fait que cette intégration, qui fait encore l'objet d'une large concertation, ait été, d'une manière générale, favorablement accueillie par les salariés de l'entreprise.
Concernant les radios publiques, il a indiqué que la dotation attribuée à Radio France connaîtrait une progression de 3,6 % en 2004. Cette société nationale de programmes, qui bénéficie ainsi de l'augmentation la plus importante du secteur, se verra en outre accorder une dotation exceptionnelle de 7 millions d'euros destinée à financer les travaux de mise aux normes de la Maison de la Radio et à amplifier les efforts entrepris dans le domaine de la numérisation de sa diffusion. Radio France Internationale, qui reste encore soumise à une double tutelle, bénéficiera, quant à elle, d'une ressource issue de la redevance complétant la dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères en hausse de 1,5 %.
M. Jean-Jacques Aillagon a enfin réaffirmé son attachement à la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation des archives audiovisuelles, mission essentielle dévolue à l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Dans l'attente des conclusions de la mission confiée à M. Hubert Astier, la dotation de l'Institut, après trois ans de stagnation, conformément aux dispositions du contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'Etat, augmentera de 1,5 %.
Evoquant enfin les aides à la presse écrite, il a déclaré que le projet de loi de finances pour 2004 consolidait efficacement le dispositif de soutien existant. Au total, les crédits des aides à la presse s'élèveront à 164,5 millions d'euros soit une progression de 0,5 % par rapport aux crédits votés en 2003.
Le ministre a indiqué que les trois objectifs principaux justifiant l'existence des aides directes à la presse que sont le soutien à la diffusion et à la distribution, la défense du pluralisme et le développement du multimédia seraient réaffirmés en 2004. Il a précisé que la défense du pluralisme en particulier, par l'intermédiaire du fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, ferait l'objet d'un effort important de la part du Gouvernement, et verrait les crédits qui lui sont consacrés augmenter de plus de 30 %.
Après avoir rappelé que la loi de finances pour 1998 avait institué une taxe de 1 % sur certaines dépenses de publicité, hors média, afin d'alimenter un fonds d'aide permettant d'accorder aux entreprises et agences de presse des subventions et des avances remboursables, pour la réalisation de projets de modernisation, il a précisé que les ressources du fonds attendues pour 2004 étaient évaluées à 29 millions d'euros.
Il a enfin souligné que, dans un contexte global difficile, l'Etat était résolu, en contrepartie de la mise en place d'une politique de redressement et de modernisation, à accroître de manière significative les moyens consacrés à l'Agence Française de Presse (AFP). Dans le cadre du projet de contrat d'objectifs et de moyens, l'Etat s'est ainsi engagé, en 2004, à augmenter le montant de ses abonnements de 3 %, ce qui représentera un montant de 103,2 millions d'euros.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits de la culture, a souhaité savoir si le transfert aux départements des crédits affectés au patrimoine rural non protégé, prévu par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, serait effectif dès 2004. Il s'est interrogé sur les assouplissements qui seraient apportés aux règles concernant le recours à une maîtrise d'oeuvre spécialisée pour les travaux réalisés sur les monuments historiques. Il s'est ensuite inquiété des perspectives d'évolution de la RMN en 2004. Enfin, soulignant le poids des établissements publics dans le budget du ministère, il a demandé des précisions sur la politique de contractualisation conduite avec ces établissements, qui constituent le relais indispensable de l'action du ministère.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a apporté les précisions suivantes :
- les crédits consacrés au patrimoine rural non protégé, d'un montant de 5,4 millions d'euros, ne seront transférés aux départements qu'une fois la loi relative aux responsabilités locales promulguée. L'affectation d'une partie du produit des successions vacantes à la Fondation du patrimoine permettra de dégager des moyens supplémentaires pour la protection et la mise en valeur de ce patrimoine ;
- la maîtrise d'ouvrage concernant les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat sera restituée aux propriétaires, l'Etat leur déléguant les crédits d'investissement. Concernant les travaux de restauration, il est prévu d'assouplir le principe de territorialité en accordant aux propriétaires la possibilité de choisir sur une liste comportant plusieurs noms l'architecte en chef des monuments historiques (ACMH) auquel ils recourront. Par ailleurs, des recrutements seront effectués dès 2004 afin de permettre à terme une augmentation de 50 % du nombre d'ACMH, ce qui évitera les phénomènes d'engorgement constatés actuellement. Pour les travaux d'entretien, dans le cadre de l'expérimentation de gestion décentralisée des crédits prévue par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, les propriétaires disposeront de la possibilité de recourir soit à l'architecte des Bâtiments de France (ABF), soit à un architecte disposant d'une qualification reconnue par l'Etat ;
- les enveloppes consacrées aux musées nationaux s'élèvent à 103 millions d'euros pour le fonctionnement et à 25 millions d'euros pour l'investissement. Le fonctionnement des musées territoriaux relève des collectivités territoriales. Cependant, des crédits déconcentrés peuvent être affectés au financement des acquisitions ou d'un certain nombre d'actions de diffusion ou d'informatisation. Par ailleurs, l'Etat apporte son soutien à des opérations de rénovation ou de construction de musées relevant des collectivités territoriales : en 2004, 21,3 millions d'euros seront ainsi consacrés à la poursuite ou à l'achèvement d'opérations en région ;
- la RMN sera confirmée dans les différentes missions de service public qu'elle assure pour le compte des musées nationaux ou des collectivités territoriales qui en font la demande. La réforme engagée se traduit au plan budgétaire par un décroisement des financements entre la RMN et les établissements publics. Les activités d'exposition et d'édition de la RMN seront désormais financées par une subvention de fonctionnement et ses acquisitions, par des crédits d'intervention. Les crédits consacrés aux établissements publics seront diminués pour tenir compte de la suppression du versement d'une partie de leurs droits d'entrée à la RMN. Cette réforme est nécessaire pour sortir la RMN de la crise profonde qu'elle traverse, crise qui résulte à la fois de l'alourdissement de ses charges fixes et de sa dépendance à l'égard du niveau de fréquentation des musées nationaux ;
- les établissements publics relevant de sa tutelle constituent les premiers instruments de l'action du ministère de la culture. Les subventions de fonctionnement et d'investissement qui leur sont consacrées s'élèvent à 794 millions d'euros, soit un montant équivalent aux crédits affectés au spectacle vivant. Ces établissements sont depuis 2003 engagés dans une politique de contractualisation, qui devrait notamment permettre le développement de leur action territoriale. Ainsi, le Louvre et le Centre d'art et de culture Georges Pompidou se sont engagés dans la création d'antennes permanentes en région.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis des crédits du cinéma et du théâtre d'art dramatique, s'est d'abord interrogé sur les mesures prises pour remédier à la crise de financement que connaît le cinéma à la suite des difficultés rencontrées par Canal Plus. Evoquant les travaux de la mission d'information de la commission sur l'évolution du secteur de l'exploitation cinématographique, il s'est demandé si des dispositions avaient été prises pour accompagner le développement de la technologie numérique.
Il a souhaité connaître la position du ministre concernant l'agrément par le Centre national de la cinématographie (CNC) du film de M. Jean-Pierre Jeunet, financé par une filiale d'AOL Time Warner.
Il s'est inquiété de la politique de conventionnement mise en oeuvre par le ministère avec les collectivités territoriales dans le domaine du soutien au secteur du cinéma ; il a estimé nécessaire en ce domaine de soutenir les initiatives prises par les établissements publics de coopération intercommunale. Il a souhaité savoir quels moyens étaient affectés aux opérations de sensibilisation du jeune public. Il a regretté que les dotations déconcentrées consacrées à l'organisation de festivals n'aient pas été réactualisées. Enfin, il s'est interrogé sur les priorités retenues pour la mise en oeuvre de la politique de valorisation du patrimoine cinématographique.
Il a souligné que les difficultés engendrées par l'accord du 26 juin dernier posaient non seulement la question de la pérennité du régime de l'intermittence, mais également celle de la place de l'artiste dans la société. A cet égard, il s'est demandé quelles mesures permettraient de sortir de la crise actuelle et d'éviter que le secteur culturel ne soit précarisé. Il s'est interrogé sur les raisons de l'insuffisance des contrôles, qui avait permis le développement de la fraude.
M. Marcel Vidal a ensuite souhaité avoir des précisions sur l'évolution en 2004 des crédits d'investissement consacrés aux institutions de la décentralisation dramatique et sur le degré d'engagement respectif de l'Etat et des collectivités à leur égard.
Enfin, il s'est inquiété du déroulement des opérations de restauration du théâtre national de l'Odéon.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a indiqué que :
- le développement de la technologie numérique suscite l'inquiétude de nombreux exploitants, qui ont consacré d'importants investissements dans les dernières années à la modernisation de leurs salles, tant à l'égard des perspectives de développement de leur activité qu'à l'égard des risques d'un accroissement du phénomène de concentration dans le secteur de la distribution. La réflexion engagée avec la profession devrait permettre d'évaluer ces risques ;
- la société à laquelle a été délivré l'agrément pour la production du film de M. Jean-Pierre Jeunet satisfait aux conditions posées par la réglementation pour l'accès aux mécanismes de soutien. Le débat suscité par la décision du CNC a permis de rappeler les règles applicables en ce domaine. L'investissement de capitaux non européens dans des oeuvres françaises est un facteur positif. Il conviendra toutefois à l'avenir de vérifier que la réglementation permette un encadrement satisfaisant de ces investissements ;
- la Cinémathèque française, dont les statuts ont été réformés et les relations avec l'Etat clarifiées, s'installera au 51, rue de Bercy avec la Bibliothèque du film (Bifi). Par ailleurs, les services des archives du film bénéficieront d'une antenne de consultation à la BNF. Un soutien accru devrait être apporté aux différentes institutions patrimoniales en province ;
- les relations entre l'Etat, les collectivités territoriales et les festivals doivent être clarifiées. Le soutien de l'Etat a vocation à se porter en priorité sur les manifestations d'intérêt national et s'inscrire dans le cadre d'une contractualisation ;
- une mission a été confiée à M. Bernard Latarjet afin de préparer et d'organiser le débat national sur l'état des politiques publiques et les enjeux pour l'avenir du spectacle vivant. Un rapport d'étape consacré à la méthode retenue pour la tenue de ce débat a d'ores et déjà été établi ;
- longtemps a prévalu un système dans lequel une partie du coût de la politique culturelle a été financée par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) au détriment des artistes eux-mêmes. La crise actuelle a permis de distinguer ce qui devait relever de la solidarité interprofessionnelle de ce qui relevait de la solidarité publique. L'aggravation du déficit des annexes 8 et 10 imposait que des solutions soient dégagées pour y remédier. Il convenait donc de s'interroger sur les modalités d'un redressement de la situation financière de l'UNEDIC compatibles avec le maintien du régime spécifique de l'intermittence. Dans le cadre de la renégociation en 2004 de la convention générale d'assurance chômage et de ses annexes, l'UNEDIC et les organisations professionnelles devront s'attacher à définir un régime consolidé de l'intermittence, objectif auquel devra veiller le ministère de la culture. Cet objectif suppose que le recours à l'emploi intermittent soit moralisé, que la situation des professionnels disposant déjà d'une expérience soit distinguée de celle des artistes entrant dans le système, que soit opérée une distinction entre le spectacle vivant, qui relève pour l'essentiel du service public, et la production audiovisuelle et enfin qu'une différence de traitement entre les artistes et les techniciens soit introduite ;
- à l'occasion de la réflexion sur la décentralisation culturelle, il est souhaitable que, dans le domaine du spectacle vivant, soit élaboré un schéma territorial de l'action de l'Etat, afin de rationaliser les modalités de son intervention et que soit équilibré le soutien qu'il accorde aux différents réseaux de diffusion ;
- les travaux de rénovation du théâtre national de l'Odéon s'effectuent dans des conditions satisfaisantes.
Evoquant à son tour l'agrément accordé par le CNC à la filiale de la Warner, M. Jacques Valade, président, tout en comprenant la nécessité de soutenir le film de M. Jean-Pierre Jeunet tourné en langue française sur notre territoire, s'est inquiété des conséquences de ce précédent et d'une interprétation au cas par cas qui pourrait favoriser d'habiles montages juridiques. Il a appelé à la plus grande vigilance des pouvoirs publics dans cette ouverture du compte de soutien à des investisseurs extra-européens, souhaitant qu'elle se fasse dans la transparence et que toutes les précautions soient prises pour protéger notre industrie cinématographique et garantir notre identité culturelle.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel et de la communication, après avoir rappelé que la fraude à la redevance concernait 7 % des résidences principales et 70 % des résidences secondaires, a indiqué qu'il était peut-être temps de revoir les mécanismes de perception d'une taxe qui restait mal comprise par la plupart des contribuables. Il s'est également interrogé sur l'absence de progression du barème de cette taxe alors que trois dossiers urgents nécessitaient des moyens financiers supplémentaires : la numérisation des archives de l'INA, le financement de la future chaîne d'information internationale et la résorption de l'emploi précaire dans les différentes sociétés de l'audiovisuel public.
Il a ensuite souligné la situation illégale dans laquelle se trouvait aujourd'hui l'AFP qui, selon les termes des dispositions de son statut fixé par la loi du 10 janvier 1957, a l'interdiction expresse d'adopter un budget en déséquilibre. Il s'est interrogé sur les solutions envisageables pour mettre fin à une situation appelée, aux termes des dispositions du contrat d'objectifs et de moyens, à se prolonger au cours des années à venir.
Il a enfin déploré l'état de fragilité chronique du secteur de la presse en France et s'est prononcé en faveur de la mise en place d'un « contrat de confiance » pluriannuel entre l'Etat et les éditeurs garantissant le maintien d'une diversité des titres indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.
M. Louis Duvernois a, quant à lui, regretté que Radio France Internationale, qui constitue pourtant une référence en matière d'information, et dont le succès à l'étranger ne s'est jamais démenti, ne fasse pas partie des principaux acteurs appelés à mettre en oeuvre la future chaîne d'information internationale.
En réponse à ces interventions, le ministre a indiqué que :
- pour la troisième année consécutive, le barème de la redevance n'augmentera pas en 2004 car la priorité a été donnée à la lutte contre la fraude pour augmenter le rendement de cette taxe. Toutefois, il semble que l'on soit arrivé aux limites de cette logique. Dans ces conditions, et ce même s'il existe encore des marges de progression importantes, si l'on compare le taux en vigueur dans notre pays à celui existant en Allemagne ou en Grande-Bretagne, la question de l'avenir de cette taxe doit être posée. A ce propos, toutes les propositions permettant de rénover la redevance en la simplifiant, tout en assurant aux entreprises de l'audiovisuel public une ressource stable et cohérente, feront l'objet d'une attention particulière de la part du ministère et de ses services ;
- le statut de l'AFP est ancien et certains de ses aspects peuvent parfois paraître déroutants. Pour autant, outre que le personnel y est particulièrement attaché, la modification du statut n'est pas envisagée. La priorité fixée par l'Etat à l'agence est en effet de rétablir dans les meilleurs délais sa situation financière, ce qui exige la mise en oeuvre des engagements réciproques pris dans le cadre du contrat d'objectif et de moyens ;
- la presse, et notamment la presse quotidienne d'information politique et générale, est aujourd'hui extrêmement fragilisée par la diminution régulière du nombre de ses lecteurs et la persistance de la crise publicitaire. Comme l'a proposé le Premier ministre récemment, il convient de définir des objectifs ambitieux pour la presse, après avoir réalisé une évaluation systématique de l'efficacité des aides existantes ;
- l'audiovisuel public français se caractérise aujourd'hui encore par deux faiblesses principales. La première est liée à l'existence d'une double tutelle quelque peu déresponsabilisante sur certaines des sociétés nationales de programme. Tel est le cas pour Radio France Internationale, financée pour partie par la redevance et pour le reste par les crédits du ministère des affaires étrangères. La seconde a trait au nombre trop important de sociétés éditrices de programmes. Il serait en effet préférable que l'ensemble des sociétés existantes soient regroupées au sein de deux pôles publics distincts, le premier regroupant les opérateurs de télévision et le second ceux de radio ;
- s'agissant de la chaîne internationale d'information, le Gouvernement dispose du rapport de M. Bernard Brochand, qui complète la réflexion engagée par la direction du développement des médias et les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale. Sa mission a été prolongée de façon à ce qu'elle puisse aboutir à mettre en évidence une meilleure synergie avec le reste du dispositif de l'audiovisuel extérieur, radio et télévision. Il faudra notamment veiller à une meilleure articulation avec RFI dont les réseaux de correspondants à l'étranger devront être mobilisés.
M. Jack Ralite a estimé indispensable un acte gouvernemental en faveur de l'intermittence. Il convient de prendre en compte, dans les modalités d'indemnisation, la partie actuellement non rémunérée du travail artistique. Le débat sur la décentralisation pose la question du désengagement de l'Etat dans le domaine culturel ; les transferts de compétences prévus par le projet de loi relatif aux responsabilités locales font apparaître des évolutions préoccupantes, notamment en ce qui concerne l'inventaire, les monuments historiques ou l'enseignement artistique. Il a ensuite mis en garde contre les risques d'une uniformisation du soutien apporté par l'Etat aux institutions culturelles relevant des collectivités territoriales. Enfin, il a estimé que la différence de présentation entre le budget de 2002 et le budget de 2003 rendait difficile toute analyse de l'évolution réelle des crédits.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a fait observer qu'un accroissement des crédits inscrits en titre V était inopérant si ces crédits ne pouvaient être effectivement consommés. L'effort destiné à améliorer la consommation des crédits d'investissement a permis en 2003 d'accroître les capacités d'engagement du ministère, qui sont renforcées à nouveau en 2004 par une augmentation substantielle des crédits de paiement. L'augmentation en 2004 des crédits inscrits aux titres III et IV est comparable à celle constatée en 2003 ;
- la réalité du coût du travail artistique doit être prise en compte par les responsables des structures culturelles. L'accroissement des crédits inscrits en titre IV permettra de dégager des marges de manoeuvre en ce sens. L'UNEDIC n'a pas vocation à prendre en charge le financement de la création artistique. S'il revient au Gouvernement de définir un objectif aux négociations interprofessionnelles sur les conditions d'indemnisation de l'intermittence, il ne lui appartient pas de se substituer aux partenaires sociaux.
Mercredi 22 octobre 2003
- Présidence de M. Jacques Valade, président, puis de M. Alain Dufaut, secrétaire. -
Collectivités territoriales - Responsabilités locales - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Richert sur le projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a indiqué à titre liminaire que le projet de loi constituait la traduction de l'organisation décentralisée de la République, principe auquel la loi du 28 mars 2003 a conféré valeur constitutionnelle.
Les dispositions de ce texte relatives à l'éducation et à la culture doivent être analysées au regard des objectifs qui justifient, pour le Gouvernement, le transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales.
Ces objectifs répondent à la volonté de rendre l'action publique plus efficace et de permettre aux citoyens de mieux en identifier les responsables. A cette fin, il est proposé de confier, conformément au principe de subsidiarité, les compétences à l'échelon territorial le plus à même de les exercer.
Le rapporteur pour avis a estimé que ce principe devait être mis en oeuvre conformément à trois exigences qui sont, d'une part, la cohérence afin d'éviter un émiettement des compétences, d'autre part, la proximité pour rapprocher la décision publique des territoires et, enfin, l'antériorité de l'engagement des différentes collectivités territoriales dans les domaines concernés.
Il a souligné que ces exigences correspondaient aux attentes des citoyens comme des collectivités territoriales. Dans cette perspective, il a estimé nécessaire de modifier sur certains points le texte proposé par le Gouvernement afin de le faire coïncider au mieux avec ces attentes.
Le rapporteur pour avis a tout d'abord présenté les articles du projet de loi relatifs à l'éducation, auxquels s'ajoute l'article 51 concernant le logement des étudiants. Il a rappelé que cet article proposait de confier aux communes ou à leurs groupements, en cohérence avec leur compétence générale en matière de logement social, réaffirmée par le présent projet de loi, la charge de la construction, de la reconstruction, de l'extension, des grosses réparations et de l'équipement des locaux destinés au logement des étudiants.
Il a fait remarquer à ce titre que le récent rapport de M. Jean-Léonce Dupont, adopté par la commission des affaires culturelles à l'issue des travaux de la mission d'information sur le patrimoine immobilier universitaire, constituée à l'initiative de M. Jacques Valade, président, proposait de confier, dans ce domaine, un rôle de chef de file aux agglomérations.
Rappelant néanmoins que ce même rapport soulignait l'état souvent préoccupant du parc immobilier étudiant, ainsi que la pénurie de l'offre d'hébergement, il a indiqué qu'il lui semblait préférable de réserver le transfert de cette charge aux communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui en feraient la demande, dans la mesure où ceux-ci affichent des velléités diverses de se saisir de cette compétence. Il a ensuite estimé nécessaire de prévoir qu'un diagnostic de l'état des logements et qu'un programme des travaux à venir soient établis au moment du transfert de propriété du patrimoine concerné, afin de garantir une visibilité à court et moyen terme.
Abordant ensuite le volet « Les enseignements », au chapitre Ier du titre IV, le rapporteur pour avis a souligné que les mesures proposées visaient à prolonger la première étape de la décentralisation engagée, avec succès, au début des années 1980.
Il a rappelé les efforts sans précédent déployés par les départements et régions pour rénover, moderniser et agrandir le parc immobilier des collèges et lycées, salués de l'avis unanime, en particulier par la commission Mauroy, laquelle soulignait, dans son rapport paru en 2000, que les collectivités territoriales « avaient su agir avec célérité et efficience, là où l'Etat avait tardé ».
En outre, il a fait remarquer que, contrairement au mauvais procès qui lui est parfois intenté, l'expérience de 20 ans de décentralisation n'avait pas contribué à accroître les disparités territoriales.
Le rapporteur pour avis a par ailleurs indiqué que le projet de loi comportait un certain nombre de dispositions de nature à consolider l'équilibre délicat sur lequel est institué le partage des compétences entre l'Etat, garant du service public de l'éducation nationale, et les collectivités territoriales, étroitement associées à son développement. A ce titre, en effet, le projet de loi spécifie que l'Etat conserve le primat sur des missions « régaliennes » qui font l'objet d'une définition claire, qu'un rapport, transmis au Parlement tous les deux ans, évalue l'exercice des compétences décentralisées et qu'un cadre spécifique de dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales est institué, avec la création du Conseil territorial de l'éducation nationale.
Le rapporteur pour avis a fait observer, dans le même sens, que les conseils généraux se voyaient confier, dans le prolongement de leurs attributions actuelles, la compétence pour déterminer les secteurs de recrutement des collèges, les décisions d'affectation des élèves restant toutefois du ressort de l'inspecteur d'académie.
S'agissant des autres dispositions du projet de loi, relatives au transfert de la propriété des bâtiments scolaires ou à la transformation en établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) d'établissements relevant de statuts dérogatoires, il a précisé qu'elles s'inscrivaient en continuité et cohérence avec la première étape de la décentralisation.
Le rapporteur pour avis a ensuite fait observer que le transfert aux départements et régions du recrutement et de la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) qui exercent leurs missions dans les établissements du second degré répondait à une logique identique, de même que l'extension des missions confiées aux collectivités en matière de restauration, d'hébergement, d'entretien et d'accueil, termes qu'il a estimé nécessaire de circonscrire afin d'éviter toute équivoque au sujet des assistants d'éducation, lesquels ne sont en rien concernés par le transfert.
Il a en effet souligné l'incohérence de la situation actuelle, dans laquelle départements et régions assurent, depuis le 1er janvier 1986, la construction, la reconstruction, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des collèges et lycées, alors que les personnels chargés de la maintenance et de l'entretien de ces bâtiments sont restés à la charge et sous l'autorité de l'Etat.
Les collectivités territoriales ont dès lors été tributaires de moyens insuffisants alloués par l'Etat, les effectifs des personnels TOS n'ayant augmenté que de 2,5 % en vingt ans, alors que dans le même temps la surface cadastrale des établissements scolaires a augmenté de près de 20 %.
Le rapporteur pour avis a néanmoins estimé nécessaire que les collectivités territoriales disposent d'une réelle maîtrise de ces nouvelles compétences et soient ainsi à l'abri d'éventuelles pressions, alors que la répartition des personnels selon les académies traduit en effet actuellement de fortes disparités, le nombre de personnels TOS pour 1.000 élèves variant de 15,6 dans l'académie de Nice à près de 32 dans l'académie de Limoges, pour une moyenne nationale équivalent à 20.
Il a indiqué qu'il proposerait un amendement visant à instituer une forme d'autorité directe de la collectivité de rattachement à l'égard du chef d'établissement, chargé de mettre en oeuvre les objectifs définis par la collectivité, dans la limite des moyens, notamment en personnels, que celle-ci alloue à cet effet à l'établissement.
Le rapporteur pour avis s'est ensuite félicité d'une mesure qui, sous réserve de cette garantie, s'inscrit dans le sens des objectifs de cohérence, d'efficacité et de proximité, permettant non seulement une gestion plus réactive, mais de mieux repérer les besoins et de lisser progressivement les disparités.
Il a indiqué que ces mêmes préoccupations justifiaient la proposition consistant à confier aux départements la charge de la médecine scolaire, comme le suggérait déjà le rapport de la commission Mauroy.
Rappelant les moyens insuffisants dédiés actuellement par l'Etat pour l'exercice de missions, pourtant essentielles, qui concernent notamment la prévention ou l'accompagnement des handicaps, il a exprimé sa conviction que, dans ce domaine, la décentralisation apporterait une réponse au besoin de continuité et de coordination avec les services départementaux d'action sanitaire, à savoir les centres de Protection maternelle et infantile (PMI).
Il a souhaité en outre que cette mesure contribue à décloisonner le service médical scolaire, afin de lui permettre d'agir de façon plus réactive et de travailler en synergie avec des partenaires extérieurs, en particulier pour mener des actions de prévention des conduites à risque, le rapport de la commission d'enquête du Sénat relative à la délinquance des mineurs, présidée par M. Jean-Pierre Schosteck, soulignant à ce titre l'an passé le rôle clé du département et des PMI.
Le rapporteur pour avis a précisé que les seuls personnels visés par le transfert de service étaient les médecins de l'éducation nationale, lesquels ne sont pas placés, à la différence des infirmiers ou assistants sociaux scolaires, sous l'autorité du chef d'établissement, et exercent donc les missions qui leur sont confiées dans l'indépendance que leur confère leur discipline.
Enfin, le rapporteur pour avis a souhaité appeler l'attention sur les effets induits par le développement des regroupements ou réseaux d'écoles, dans la mesure où ces formes de mutualisation des moyens, salutaires pour la survie des écoles en milieu rural, peuvent néanmoins entraîner des charges supplémentaires en direction des départements, au titre de leur compétence générale en matière de transports scolaires.
C'est pourquoi il a estimé légitime et nécessaire de proposer un amendement précisant que les conseils généraux seront préalablement consultés, avant toute décision susceptible d'impliquer des besoins nouveaux de transport des élèves.
Abordant ensuite les articles relatifs à la culture, le rapporteur pour avis a rappelé que les lois de 1982 et 1983 n'avaient opéré en ce domaine que des transferts mineurs. Toutefois, cette absence de répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales n'a pas découragé ces dernières d'investir le champ culturel, auquel elles consacrent désormais un effort financier équivalent à celui de l'Etat, tous ministères confondus.
Il a fait observer que les mesures proposées par le projet de loi, qui concernaient, d'une part, le patrimoine et, d'autre part, les enseignements artistiques, poursuivaient des objectifs sensiblement différents.
Il a indiqué que s'il s'agissait, pour les articles 75 et 76, de clarifier les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales en matière d'enseignement artistique, compétence d'ores et déjà décentralisée, les articles 72, 73 et 74 procédaient, quant à eux, de la volonté d'accorder à l'échelon territorial un rôle dans la conduite de la politique du patrimoine, action restée jusqu'ici à l'écart des transferts de compétences. Il a déploré toutefois, qu'en ce domaine, les mesures proposées soient inspirées d'une conception prudente de la décentralisation, qui se traduit dans la complexité des dispositifs proposés.
En ce qui concerne les articles 72 et 74, relatifs respectivement au transfert de l'inventaire et à l'expérimentation d'une gestion décentralisée des crédits consacrés aux monuments historiques, le rapporteur pour avis a regretté que le projet de loi favorise une dispersion des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. En effet, l'article 72 attribue la compétence de l'inventaire aux régions, tout en ouvrant aux autres collectivités la possibilité, dès qu'elles en formulent la demande, de conduire les opérations de recensement. Par ailleurs, l'article 74 prévoit une expérimentation qui repose sur un partage des compétences entre la région et le département, en fonction de la nature des crédits, selon qu'ils relèvent de l'entretien ou de la restauration. Ces dispositions ne permettent guère la constitution de pôles de compétences, mais favorisent plutôt un émiettement des responsabilités.
Il a estimé nécessaire, sur ces points, d'accroître la cohérence des transferts proposés, tout en tenant compte du degré d'implication des différentes collectivités dans les domaines concernés.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a souligné que le souci de refonder la politique du patrimoine grâce à un nouveau partage des responsabilités inspirait également l'article 73, qui ouvre aux collectivités territoriales la possibilité de bénéficier de transferts de propriété de monuments historiques affectés au ministère de la culture. Les critères retenus pour identifier les monuments transférables, comme les modalités prévues par le projet de loi pour le transfert, qui sera opéré par convention entre l'Etat et les collectivités territoriales, devraient garantir que ce dispositif s'applique dans des conditions satisfaisantes.
Evoquant enfin les articles 75 et 76 relatifs aux enseignements artistiques, le rapporteur pour avis a salué le souci du Gouvernement de promouvoir une plus grande lisibilité des formations et une meilleure couverture du territoire. Cependant, il a considéré que la rédaction du dispositif devait être précisée afin de lever les ambiguïtés concernant les champs de compétences respectifs des collectivités territoriales.
En conclusion de son propos, le rapporteur pour avis a indiqué que le projet de loi avait fait l'objet, sous l'égide du Gouvernement, d'un important travail de concertation avec les associations représentant les collectivités territoriales afin de parvenir, lorsque cela était possible, à des positions communes, positions dont tenaient compte ses propositions. Il a rappelé, par ailleurs que, dans le cadre de travaux conduits préalablement au dépôt du projet de loi, la commission des affaires culturelles avait d'ores et déjà eu l'occasion de faire connaître sa position sur l'opportunité et les modalités de certains des transferts de compétences proposés par le texte, notamment dans le domaine du patrimoine.
M. Jacques Valade, président, après avoir félicité le rapporteur pour la clarté de son exposé, a indiqué que le projet de loi, qui traduit les principes annoncés par le Premier ministre, notamment dans son discours de Rouen, est soumis au Parlement par le Gouvernement avec le souci qu'à l'issue des débats parlementaires, puisse être élaboré, dans un esprit de concertation, un texte satisfaisant l'ensemble des acteurs concernés.
Il a regretté que le projet de loi ne détermine pas les modalités de la compensation financière des transferts de compétences qu'il prévoit. Ces modalités seront, en effet, définies par la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales qui sera examinée ultérieurement. Il a souhaité toutefois que, lors des débats sur le projet de loi, le Gouvernement puisse prendre des engagements en ce domaine, afin de consolider les avancées qu'il prévoit.
La commission a ensuite abordé l'examen des amendements que lui proposait son rapporteur.
A l'article 51 (logement étudiant), outre trois amendements rédactionnels ou de précision, elle a adopté cinq amendements tendant à :
- préciser que le réseau des oeuvres universitaires devra veiller à adapter ses prestations aux besoins des étudiants ;
- viser spécifiquement la responsabilité des Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) en matière d'attribution des logements destinés aux étudiants ;
- réserver le transfert de la charge du logement étudiant aux communes et aux EPCI qui en feraient la demande ;
- prévoir que ce transfert sera réalisé à titre gratuit et ne donnera lieu au versement d'aucun droit, taxe ou honoraire ;
- préciser que la convention conclue entre la commune ou l'EPCI et le CROUS devra dresser un diagnostic de l'état des logements sociaux étudiants et établir un programme de travaux.
A l'article 60 (service public de l'éducation nationale), la commission a adopté un amendement de coordination.
A l'article 61 (Conseil territorial de l'éducation nationale), elle a adopté deux amendements : le premier tend à assurer la représentation des EPCI au sein de ce conseil de façon générale et non pas restrictive, le second consiste à élargir le champ des recommandations que ce conseil est appelé à formuler.
A l'article 62 (intégration des formations sanitaires et sociales dans le schéma prévisionnel des formations), elle a adopté un amendement de précision.
A l'article 63 (conseils académiques de l'éducation nationale), elle a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 64 (transfert du patrimoine immobilier), elle a adopté trois amendements de précision.
A l'article 65 (sectorisation des écoles), la commission a adopté un amendement de coordination et un amendement visant à supprimer le paragraphe II de cet article, dont les dispositions s'avèrent inutiles dans la mesure où la liste des enfants résidant dans sa commune et soumis à l'obligation scolaire, établie par le maire, dont il est ici question, n'est plus mise en oeuvre.
M. Pierre Martin s'est inquiété, concernant les communautés de communes, des problèmes créés en matière d'affectation des élèves, s'agissant notamment des demandes de dérogation adressées par les parents d'élèves.
Mme Brigitte Luypaert a, quant à elle, suggéré que le président de l'EPCI concerné soit consulté pour statuer sur les demandes de dérogation, M. Louis de Broissia précisant que le conseil communautaire, dès lors qu'il a reçu la compétence en matière scolaire, devrait déterminer le ressort de chacune des écoles présentes sur son territoire.
A l'article 67 (transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service), la commission a adopté un amendement visant à circonscrire le terme d'accueil, en précisant que sont exclues du transfert les missions d'encadrement et de surveillance des élèves assurées par les assistants d'éducation. Elle a également adopté un amendement consistant à supprimer la référence à l'article L. 916-1 du code de l'éducation relatif aux assistants d'éducation, personnels qui restent à la charge de l'Etat. Outre trois amendements de précision ou de coordination, la commission a par ailleurs adopté un amendement clarifiant les relations entre le président du conseil général ou régional et le chef d'établissement, pour l'exercice des compétences qui incombent à la collectivité de rattachement, et créant un lien direct entre eux, le chef d'établissement étant chargé de mettre en oeuvre les objectifs fixés par la collectivité et de rendre compte de l'utilisation des moyens que celle-ci alloue à cet effet.
Mme Annie David s'est interrogée sur les possibilités ouvertes aux établissements afin de discuter sur ces objectifs et ces moyens.
M. Dominique Mortemousque, dont les propos ont été confirmés par le rapporteur pour avis, et par M. Daniel Eckenspieller a fait remarquer que la rédaction proposée permettait, en évitant de recourir à une convention, comme prévu dans le texte du projet de loi, de passer outre d'éventuelles situations de blocages, le conseil d'administration restant toutefois libre de débattre tant des objectifs fixés que des moyens alloués.
La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer, après l'article 67, un article additionnel relatif au transfert de la médecine scolaire aux départements.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il s'agissait de parvenir à une plus grande efficacité, par une gestion de proximité plus attentive aux besoins, et en assurant une continuité avec les services départementaux de la PMI, notamment en matière de prévention des conduites à risque ou des cas de maltraitance.
M. Jean-Marc Todeschini a exprimé ses doutes quant à la pertinence du lien entre médecine scolaire et centres de PMI.
Mme Annie David s'est demandé si le transfert aux départements de la charge de la médecine scolaire concernait également le transfert des personnels médicaux scolaires. Elle a indiqué qu'elle voterait contre l'adoption de cet amendement.
En réponse aux intervenants, M. Philippe Richert a rappelé que n'étaient visés que les seuls médecins, lesquels, à la différence des infirmiers, ne sont pas placés sous l'autorité du chef d'établissement.
A l'article 68 (transfert d'établissements d'Etat), la commission a adopté un amendement de précision, de même qu'à l'article 69 (transfert d'établissements municipaux ou départementaux).
A l'article 70 (compétences des EPCI), la commission a adopté, outre un amendement de rédaction, un amendement tendant à préciser que, dès lors qu'une famille résidant sur le territoire d'un EPCI ayant reçu compétence en matière de fonctionnement des écoles, décide de scolariser ses enfants dans une école située en dehors du périmètre de cet EPCI, ce dernier n'est pas tenu de contribuer aux dépenses de fonctionnement des écoles de la commune d'accueil.
Après les interventions de M. Pierre Martin et de Mme Brigitte Luypaert, M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a reconnu que cet amendement ne contribuait certes pas à lever l'ensemble des interrogations soulevées, notamment celles relatives aux demandes de dérogation, mais que ces questions méritaient d'être discutées en séance publique, à l'initiative individuelle des sénateurs.
Après l'article 70, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel précisant que le département est consulté par les autorités compétentes de l'Etat, préalablement à toute décision susceptible d'entraîner une modification des besoins en matière de transport scolaire, au titre de la compétence générale qui lui est attribuée en ce domaine.
A l'article 72 (décentralisation de l'inventaire général du patrimoine culturel), après une intervention de M. Jean-François Humbert qui s'est interrogé sur les modalités de transfert des personnels de l'Etat, la commission, outre des amendements de précision ou de coordination, a adopté un amendement tendant à confier au département la compétence de l'inventaire général du patrimoine culturel.
A l'article 73 (transfert de propriété aux collectivités territoriales de monuments historiques), la commission a adopté un amendement tendant à préciser qu'à l'appui de leur demande de transfert de propriété, les collectivités territoriales communiquent au représentant de l'Etat dans la région un projet précisant les conditions dans lesquelles elles assureront la conservation et la mise en valeur de l'immeuble, ainsi qu'un amendement de coordination rédactionnelle.
A l'article 74 (expérimentation de décentralisation des crédits du patrimoine), la commission a adopté un amendement modifiant les modalités de l'expérimentation de décentralisation de la gestion des crédits du patrimoine. Ce dispositif supprime la possibilité pour les régions participant à l'expérimentation de déléguer aux départements de leur ressort les crédits d'entretien et ouvre aux départements, lorsque la région n'est pas candidate, la possibilité de gérer les crédits d'entretien et de restauration.
Outre deux amendements de coordination, la commission a adopté, à l'article 75 (organisation et financement des établissements d'enseignement artistique relevant des collectivités territoriales), un amendement qui tend à clarifier les responsabilités respectives des différents niveaux de collectivités territoriales, en précisant que le département détermine les conditions dans lesquelles il finance les établissements publics dispensant ces enseignements, en attribuant à cette collectivité un rôle de chef de file et en précisant que la région est compétente pour financer les formations professionnelles.
A l'article 76 (établissements d'enseignement artistique relevant de la responsabilité de l'Etat), la commission a adopté un amendement supprimant une précision inutile.
Sous le bénéfice de ces modifications, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales, les commissaires appartenant aux groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote.
Présidence de M. Jacques Valade, président. -
PJLF pour 2004 - Audition de MM. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu MM. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, sur le projet de budget de leur département ministériel pour 2004.
Accueillant les deux ministres, M. Jacques Valade, président, a souhaité que, par-delà la présentation des crédits consacrés au ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche par le projet de loi de finances pour 2004, l'audition permette également d'aborder l'organisation de la consultation nationale sur l'école dont les conclusions nourriront la préparation de la prochaine loi d'orientation.
Evoquant pour commencer l'esprit dans lequel avait été élaboré le projet de budget de son ministère, dont les crédits globaux progresseront de 3 % en 2004, et de 2,8 % au titre du seul enseignement scolaire, M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, a indiqué qu'il avait privilégié une logique du redéploiement qui, contrairement à la pratique du saupoudrage, permettait de financer des projets clairement identifiés.
Il a ainsi précisé que, dans un souci de rééquilibrage, une centaine de millions d'euros seraient transférés de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, et affectés en priorité aux crédits d'investissement et de fonctionnement des universités, qui progresseraient ainsi de 10 %.
Il a indiqué que ce transfert était assorti de l'engagement, clair et public, pris par le ministère du budget, de ne procéder à aucun gel ni à aucune régulation sur les crédits de l'enseignement scolaire en 2004.
Insistant sur le caractère novateur de cette mesure, il a également noté que, pour accompagner l'évolution de la démographie, 1.500 emplois de maîtres seraient créés dans l'enseignement primaire, et 1.500 emplois de professeurs seraient en revanche supprimés dans l'enseignement secondaire.
Le ministre s'est ensuite réjoui des bonnes conditions dans lesquelles s'était effectuée la dernière rentrée scolaire, imputant ce succès au fait que, pour la première fois, la construction de la carte scolaire n'avait pas pris en compte uniquement les « flux », comme par le passé, mais également les « stocks » de professeurs, permettant ainsi un rééquilibrage entre les académies.
Il a indiqué, à ce propos, que le ministère s'attachait à remédier à d'autres dysfonctionnements du système, comme par exemple celui qui se traduit par le faible « rendement » des remplaçants, les « titulaires sur zone », qui sont traditionnellement en sous-service.
Il a souligné qu'une extension de ces zones permettrait d'augmenter ce rendement, actuellement inférieur à 50 %, et a estimé que la rationalisation du service public qu'elle autoriserait était une condition de la défense de ce dernier.
Il a jugé que ces considérations budgétaires devraient être prises en compte dans le prochain débat sur l'école. Souhaitant que celui-ci permette une approche ouverte sur tous les sujets, il a indiqué, par exemple, qu'il était prêt à prendre en considération la demande fréquemment formulée par les organisations syndicales en faveur de procédures de pré-recrutement, à condition que celles-ci soient prêtes à accepter des contreparties comme, par exemple, une certaine bivalence pour les professeurs de collège.
Enfin, M. Luc Ferry a indiqué que le projet de budget prévoyait une réforme de l'administration centrale et des services déconcentrés de son ministère, qui permettrait une économie sur les effectifs administratifs, avec une suppression de 11.000 emplois.
Abordant l'examen des crédits pour l'enseignement supérieur, il a noté que le projet de budget ne prévoyait pas en 2004 la création de postes de professeurs, mais concentrait ses efforts sur les crédits de fonctionnement et d'investissement des universités. Il a également annoncé que la création de 125 emplois permettrait de renforcer les équipes d'encadrement pour permettre aux universités d'affronter les défis de la mondialisation.
Il a également évoqué l'enseignement supérieur privé qui, avec 5 millions d'euros de mesures nouvelles, bénéficiera d'un important effort de rattrapage.
Evoquant pour finir l'accompagnement social des étudiants, il a annoncé une augmentation des bourses et la mise en place de bourses de mobilité et a indiqué que le programme de réhabilitation du logement étudiant, qui a permis en 2003 la réhabilitation de 5.000 logements, serait poursuivi en 2004.
En complément à cette intervention, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, a souligné la volonté du ministère d'inscrire le budget pour 2004 dans une perspective plus générale de réforme de l'Etat sur le moyen terme, cette démarche consistant à préserver la qualité des services rendus avec des effectifs moindres. Il a fait remarquer que les nombreux départs à la retraite prévus dans les années à venir fourniraient l'occasion d'une réforme non seulement utile, mais aussi indispensable.
A l'issue des exposés des ministres, M. Jacques Valade, président, a donné la parole aux rapporteurs pour avis du budget de l'éducation nationale.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'enseignement scolaire, s'est félicité de la considération apportée par les ministres à l'affectation des moyens.
Rappelant ensuite les engagements pris par le ministre lors des débats en séance publique relatifs au projet de loi sur les assistants d'éducation, il s'est interrogé sur la mise en place des contrats CIVIS, afin de suppléer aux auxiliaires de vie scolaire associatifs employés sous contrats emplois-jeunes. Il a enfin souhaité connaître les orientations fixées par le ministère au sujet, d'une part, de l'expérience des classes de cours préparatoire dédoublées, et, d'autre part, de la mise en place du plan de lutte contre l'absentéisme.
En réponse au rapporteur pour avis, M. Luc Ferry a apporté les précisions suivantes :
- de nombreux emplois-jeunes associatifs ont volontairement choisi de démissionner pour intégrer le dispositif des assistants d'éducation, en raison du statut plus attractif de ces derniers, que confirment par ailleurs les 54.000 candidatures enregistrées pour le recrutement à ces fonctions dans les établissements scolaires. S'agissant des associations, 3.000 contrats CIVIS leur seront prochainement dédiés ;
- l'expérience des cours préparatoires dédoublés concerne cette année 500 classes à temps plein et 1.780 autres classes à temps partiel, dédoublées pendant les horaires consacrés à l'apprentissage de la lecture, soit un total de 70.000 élèves. Ce système, ciblé sur les écoles situées dans les zones les plus en difficulté, a fait la preuve de son efficacité, les performances des élèves étant améliorées de 30 à 35 % selon les premières estimations. Ce dispositif sera pérennisé l'an prochain avec l'objectif de viser un public de 150.000 élèves, soit dans le cadre de classes dédoublées le matin seulement, soit en étendant l'expérience aux classes de CE1.
M. Xavier Darcos a ajouté, concernant le plan de lutte contre l'absentéisme, la volonté d'aborder ce sujet comme un phénomène social et non purement scolaire, mais aussi de renforcer la politique de signalement de l'absentéisme par les enseignants et chefs d'établissements.
Mme Annie David, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technologique et professionnel, après avoir fait remarquer les difficultés pour identifier les crédits attribués à ce secteur dans le budget de l'enseignement scolaire, a soulevé plusieurs interrogations. Elle s'est inquiétée, d'une part, de l'impact sur l'enseignement technique des suppressions de postes prévues dans le second degré et, d'autre part, de la mise en place du dispositif des assistants d'éducation notamment pour assurer la surveillance dans les internats, particulièrement développés en lycées professionnels. Elle a souhaité par ailleurs avoir des explications sur la diminution, constatée dans le projet de loi de finances pour 2004, des crédits affectés aux bourses. Elle s'est ensuite interrogée sur les orientations du ministère concernant les mesures d'accompagnement du développement du dispositif de validation des acquis de l'expérience, les systèmes d'alternance, ainsi que sur les perspectives liées à la mise en place de la licence professionnelle et du concept de lycée des métiers, avant de s'enquérir des mesures mises en oeuvre en vue de revaloriser la voie professionnelle.
En réponse à ces interrogations, M. Luc Ferry a indiqué que :
- 300 professeurs de lycées professionnels (PLP) et 400 PLP stagiaires sont concernés par les suppressions de postes prévues au budget pour 2004 et affectant le second degré. Il existe en effet des surnombres disciplinaires importants dans de nombreuses filières de l'enseignement professionnel, certains secteurs, dans l'industrie notamment, accusant des déficits de candidatures aux concours de recrutement ;
- les maîtres d'internat-surveillants d'externat (MI-SE) des lycées professionnels seront remplacés, poste pour poste, par des assistants d'éducation ;
- la baisse observée des crédits destinés aux bourses dans le « bleu » budgétaire ne traduit qu'un effet de périmètre, en raison des expérimentations de globalisation des crédits, engagées dans deux académies, dans le cadre de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances ;
- les candidats à la validation des acquis de l'expérience doivent en effet bénéficier d'un encadrement spécifique, en particulier pour les aides dans la constitution de leur dossier ;
- le système d'alternance mis en place au collège, qui a concerné 15.000 élèves de 4e l'an dernier, produit des effets jugés très positifs, sans pour autant créer des « effets de filière » et s'avère en cela bien préférable à la mise en place d'un palier d'orientation en fin de 5e ;
- les licences professionnelles poursuivent leur développement dynamique, avec 746 créations en 2003 ;
- le lycée des métiers constitue une voie d'excellence propice à valoriser la voie professionnelle, en créant notamment un lien vers la licence professionnelle. En 2003, les critères d'obtention du label ont été assouplis, alors que l'obligation de présenter dans un même lieu l'ensemble des branches d'un métier rendait auparavant la labellisation impossible pour les plus petits établissements.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, après s'être interrogé sur le calendrier de présentation au Parlement du projet de loi relatif aux universités, qu'il a estimé indispensable pour assurer leur compétitivité au plan international, a demandé au ministre :
- d'établir un premier bilan de la volonté d'introduire davantage de culture générale au cours du premier cycle d'enseignement général ;
- d'exposer les effets induits du système « LMD » (licence mastère doctorat), en particulier pour les bacs + 2 et les bacs + 4 ;
- de présenter les mesures destinées à lutter contre la faible attractivité de la France à l'égard des étudiants étrangers, en particulier au problème d'hébergement ;
- de préciser l'évolution des crédits consacrés à la mise en sécurité du patrimoine immobilier universitaire, jugés indispensables par la mission d'information de la commission des affaires culturelles relative à ce sujet ;
M. Luc Ferry a répondu successivement à ces différentes questions :
- il est essentiel de proposer une culture générale spécifique à chaque voie de formation et il appartient aux universités et à leurs équipes pédagogiques de définir ce qui est adéquat. Il importe de traiter les étudiants à l'université aussi bien que les élèves des grandes écoles. 9 universités ont introduit davantage de culture générale dans leurs premiers cycles et il est probable que cela fera tache d'huile ;
- la mise en place du système « LMD » est très importante pour la construction d'un modèle européen d'études, et la France n'a pas pris de retard dans ce domaine : 50 % des universités l'auront adopté en 2004 et la totalité d'ici 2006-2007. Les bacs + 2 et bacs + 4 nécessaires seront maintenus et ils ne sont en rien incompatibles avec l'harmonisation européenne ;
- s'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, la France est effectivement mal placée, seuls 9 % des étudiants européens étudiant hors de leur pays choisissant la France, contre 12 % l'Allemagne, 14 % la Grande-Bretagne et 28 % les Etats-Unis. Plusieurs raisons expliquent cette situation, dont le manque d'hébergement, l'état désastreux d'un certain nombre de logements étudiants et l'accueil insuffisant réservé à ces étudiants, alors que les universités d'autres pays les maternent. Il faut donc développer une vraie politique d'accueil à leur égard. Le transfert de compétences en matière de construction de logements étudiants que prévoit le projet de loi sur les responsabilités locales permettra plus d'efficacité dans ce domaine ;
- il convient d'accroître les efforts en faveur de l'immobilier universitaire. A cette fin, les crédits de construction devraient être réorientés vers la maintenance et la sécurisation.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse, a souhaité connaître les orientations du ministère quant au devenir de l'opération « Envie d'agir », engagée en 2003, ainsi que de l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ), qui a fêté cette année ses 40 ans. Il s'est ensuite interrogé sur l'articulation des dispositifs de prévention de l'illettrisme pendant le temps extra-scolaire, avec les mesures mises en oeuvre dans le cadre de l'éducation nationale.
M. Luc Ferry a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'opération « Envie d'agir » a rencontré un très large succès et suscité une grande ferveur chez les jeunes, en leur permettant de s'investir, au sein de l'espace de la société civile, dans des projets porteurs de sens. 10.000 projets ont été proposés cette année, et leur nombre sera doublé en 2004. A l'issue d'un concours ouvert aux jeunes, 36 lauréats nationaux se verront récompensés pour leur projet lors d'une soirée qui sera retransmise sur France 3 le 15 décembre 2003. Il est en outre question d'étendre cette opération à d'autres pays européens ;
- l'OFAJ, qui vient de s'installer à Montreuil, sera prochainement doté d'une nouvelle direction française et recentré sur ses missions fondamentales, à savoir l'apprentissage par les jeunes Français et Allemands de la langue du pays partenaire ;
- les dispositifs soutenus dans le cadre de la politique de la jeunesse, en particulier les contrats éducatifs locaux, doivent apporter leur contribution à la politique du ministère de lutte contre l'illettrisme.
Un large débat s'est ensuite engagé.
Après avoir évoqué le bon déroulement de la visite du Président de la République à Valenciennes,M. Ivan Renar a noté que nombre des problèmes évoqués à cette occasion avaient un lien avec la scolarisation à 2 ans. Il a regretté que cette dernière serve de variable d'ajustement des moyens, en particulier dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
M. Xavier Darcos a répondu que la scolarisation à 2 ans n'était pas critiquable en tant que telle, mais qu'elle ne profitait malheureusement pas le plus à ceux pour lesquels elle avait était aménagée, à savoir surtout les zones en difficulté et les zones rurales. Il a souhaité que ce dossier sorte du cadre scolaire, trop étroit, et soit repensé en termes de politique de la ville, d'aménagement rural, de politique de prévention... Il a également relevé que l'évaluation de son impact en termes d'efficacité scolaire était très nuancée, beaucoup de pays européens interdisant d'ailleurs la scolarisation avant 4 ans. Il a néanmoins affirmé qu'il n'envisageait pas de fermer d'écoles maternelles.
M. Ivan Renar a relayé l'inquiétude des syndicats enseignants et étudiants dans la perspective de la mise en place du système « LMD ». Il a demandé pourquoi celle-ci n'était pas intégrée au grand débat sur l'école et s'est inquiété de la date prévisionnelle d'examen par le Parlement du projet de loi de modernisation des universités.
Il a, par ailleurs, fait part de deux préoccupations : l'une concernant le problème des doctorants, l'autre relative à la vie sociale des étudiants (logement, statut social, problèmes de santé).
M. Michel Guerry a jugé nécessaire l'amélioration de la situation des étudiants étrangers qui souhaiteraient poursuivre leurs études en France. A cet égard, Mme Danièle Pourtaud a fait état des difficultés rencontrées par ces étudiants, en particulier ceux qui ne possèdent pas de documents de séjour totalement en règle. En Ile-de-France, 600 étudiants n'auraient pas pu s'inscrire à l'université, dont les deux tiers sont étrangers. Jugeant nécessaire leur « apport d'intelligence », elle s'est inquiétée d'une éventuelle politique de quotas visant à encadrer l'accueil des étudiants étrangers en France et elle a, par ailleurs, demandé au ministre son point de vue sur les dispositions du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, qui reviennent sur les obligations de motiver les refus d'autorisation de visas.
M. Michel Guerry a ajouté que les étudiants étrangers, rencontrant dans leur pays des difficultés pour obtenir un visa, arrivaient souvent en France avec un simple visa touristique. Il conviendrait, a-t-il estimé, de trouver une solution pour qu'une fois inscrits à l'université, ils puissent obtenir un visa leur permettant de poursuivre leurs études.
M. Luc Ferry a précisé que ces étudiants devaient également prouver qu'ils avaient les moyens d'assumer leur subsistance pendant un an en France et qu'il s'agissait, dans un certain nombre de cas, d'étudiants dont l'inscription avait été refusée dans les universités de leur propre pays. Il s'est érigé en faux contre l'idée qu'il pourrait instituer une politique de quotas, mais a montré un intérêt pour qu'une politique ciblée d'échanges d'étudiants puisse concerner plus particulièrement certaines filières pédagogiques et certains pays. Il a proposé aux sénateurs une réunion avec le ministère des affaires étrangères et son propre ministère afin d'avancer sur ce sujet.
Après s'être félicité de la déclaration du Président de la République à Valenciennes sur la laïcité, M. Ivan Renar a estimé nécessaire de légiférer sur ce sujet, enseignants et chefs d'établissement ne pouvant être laissés seuls face aux situations délicates auxquelles ils sont confrontés. La République doit parler clairement, a-t-il déclaré, d'autant que des arrière-pensées politiques, sans relation avec la religion, sous-tendent ce débat.
M. Ivan Renar a ensuite évoqué le rapport de la commission sur la diffusion de la culture scientifique et a regretté le manque de crédits dans ce domaine. Il a mis en garde contre le développement de l'intolérance de « ceux qui érigent leur ignorance en théorie ». Il a proposé, avec M. Jacques Valade, président, que ce rapport soit présenté officiellement au ministre.
Mme Danièle Pourtaud s'est également inquiétée du trop faible intérêt manifesté par les jeunes, en particulier par les jeunes filles, pour les études et les carrières scientifiques. Elle a demandé au ministre s'il envisageait de lancer une campagne de sensibilisation afin de remédier à cette situation.
Face à cette crise des vocations scientifiques, M. Luc Ferry a exposé que la marge de progression se situait effectivement essentiellement du côté des jeunes filles. Il a fait état de mesures prises avec le ministre de la recherche afin de faire mieux connaître ces carrières et de revaloriser leur image (visites de laboratoires scientifiques pour les classes du secondaire, campagne de sensibilisation à l'égard des filles...)
M. François Autain a déploré le développement de la publicité à l'école, au profit de grandes marques, qu'il a jugé contraire à tout projet éducatif. Rappelant l'évolution de la réglementation en la matière, il a demandé au ministre s'il comptait modifier ou supprimer la circulaire du 28 mars 2001, qui reconnaît la publicité à l'école et se contente d'attirer l'attention sur la déontologie et la « neutralité commerciale ». Il s'est également montré préoccupé par les conséquences sur l'obésité et la santé des enfants de l'existence de distributeurs de barres chocolatées et de boissons sucrées dans les écoles.
M. Xavier Darcos a fait part du projet de suppression de ce type de distributeurs et de son souhait que soient installées des fontaines à eau. Ce problème est traité dans le volet nutrition du « plan santé ».
Répondant à Mme Danièle Pourtaud, qui l'interrogeait sur l'évolution des carrières des professeurs dont l'état de santé ne leur permet pas d'enseigner, M. Luc Ferry a tenu à élargir à l'ensemble du corps enseignant les réflexions concernant les perspectives de seconde carrière. En effet, une telle perspective peut intéresser un certain nombre de professeurs, et non exclusivement les personnes rencontrant des difficultés.
M. André Vallet a tout d'abord demandé quelques données sur les effectifs d'enseignants n'exerçant pas une fonction d'enseignement devant des élèves. Il s'est ensuite interrogé sur la volonté du ministère de généraliser le principe de la bivalence des professeurs de collège, avant d'attirer l'attention des ministres sur le fait que les professeurs agrégés et certifiés répondent à des obligations de service différentes, alors même qu'ils enseignent parfois dans les mêmes établissements et devant les mêmes classes. Il s'est enfin élevé contre les critiques formulées dans la presse à l'encontre des cours préparatoires dédoublés.
Mme Annie David a fait remarquer que le budget du ministère de l'éducation nationale intégrait désormais les crédits consacrés aux assistants d'éducation, alors que la participation de l'Etat au financement des emplois-jeunes était imputée sur le budget du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, ce qui rend très artificielle la hausse apparente des crédits du ministère de l'éducation.
M. Jean-Marc Todeschini, après avoir relevé que le budget était présenté de façon adroite, a exprimé son inquiétude quant à la pérennité des associations départementales des pupilles de l'enseignement public, en raison de la forte diminution du nombre de postes qui leur sont attribués. Il s'est ensuite interrogé sur les mesures envisagées en vue de faire face aux départs massifs à la retraite attendus ces prochaines années, en particulier afin de doter chaque classe, notamment dans le premier degré, d'enseignants ayant reçu une formation préalable.
M. Michel Guerry a demandé au ministre s'il avait l'intention d'engager une concertation avec le ministère des affaires étrangères au sujet de la situation des établissements d'enseignement français à l'étranger.
En réponse à ces intervenants, M. Xavier Darcos a précisé que :
- les différences de service entre agrégés et certifiés exerçant au sein des mêmes établissements renvoient à un problème de fond, concernant la gestion de la carrière des professeurs agrégés, dont le profil doit être différencié de celui des professeurs certifiés, notamment en exerçant dans les lycées plutôt que dans les collèges, voire dans l'enseignement supérieur ;
M. Luc Ferry a ensuite ajouté les compléments de réponse suivants :
- les effectifs d'enseignants n'exerçant pas une fonction d'enseignement devant les élèves, et qui ne sont pas, dès lors, rémunérés par le ministère de l'éducation nationale, s'élèvent à 34.500 en 2003, qu'ils soient en détachement, en disponibilité, en congé parental ou en poste à l'étranger. S'ajoutent à ces effectifs 14.500 enseignants exerçant leurs fonctions devant des étudiants ou des adultes, et seuls 4.500 enseignants n'exerçant aucune fonction, soit qu'ils sont dans l'incapacité provisoire d'enseigner, soit qu'ils constituent des surnombres disciplinaires, comme cela est le cas dans certaines disciplines comme l'allemand ou l'arabe, pour lesquelles les recrutements sont maintenus pour des considérations diplomatiques ou afin de ne pas fermer des filières disciplinaires, mais où nombre de professeurs sont en situation de sous-service ;
- s'agissant des établissements français à l'étranger, il serait très opportun d'organiser une réunion paritaire entre le ministère de l'éducation et le Quai d'Orsay, associant les représentants des Français à l'étranger ;
- aucune réduction de postes n'est envisagée concernant les associations départementales des pupilles de l'enseignement public ;
- quant aux enseignants stagiaires dénommés « reçus-collés », directement affectés dans les écoles sans avoir suivi de formation préalable en Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), il est prévu de résorber progressivement leurs effectifs, qui ont atteint le nombre de 6.000 à la fin du ministère précédent, et devraient être ramenés à 3.500 en 2004.
Jeudi 23 octobre 2003
- Présidence de M. Jacques Valade, président. -
PJLF pour 2004 - Audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche
La commission a procédé à l'audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, sur le projet de budget de son département ministériel pour 2004.
Insistant sur la très forte priorité du Gouvernement en faveur de la recherche, qui trouve sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2004, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, a indiqué que son projet de budget enregistrait une hausse de 3,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, ses moyens se décomposant ainsi :
- + 1 % pour le budget civil de recherche et développement ;
- + 1,2 %, soit 110 millions d'euros, liés aux changements de périmètre et aux débudgétisations ;
- + 1,7 %, soit 150 millions d'euros, liés à un nouveau fonds alimenté par le compte d'affectation spéciale provenant des cessions d'actifs de l'Etat.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, a ensuite détaillé l'ensemble des mesures qui illustrent cette volonté gouvernementale et dont l'objectif est de rendre la recherche plus attractive, plus réactive, faisant une part importante à un large socle de recherche fondamentale et répondant mieux aux enjeux économiques et de société, donc aux attentes des Français.
La recherche, a-t-elle souligné, repose sur le potentiel humain et sur les innovateurs de demain. Elle a exposé les mesures fortes à l'égard des chercheurs, en vue de renforcer l'attractivité de la recherche française :
- revalorisation de 4 % de l'allocation de recherche à la rentrée universitaire 2004 (soit + 15 % en trois ans) ;
- couverture sociale pour 300 jeunes docteurs disposant d'une simple subvention ;
- 3.700 nouvelles allocations, contre 4.000 en loi de finances initiale pour 2003, cette réduction étant compensée par l'attribution de 300 bourses CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche) supplémentaires, les débouchés professionnels pour ces dernières s'avérant bien supérieurs ;
- augmentation du nombre de post-doctorants (+ 200, s'ajoutant aux 400 initiés en 2003), ce qui permettra d'attirer de jeunes chercheurs à la fois français et étrangers ;
- remplacement de tous les départs (par 1.050 fonctionnaires et 550 contractuels sous contrat de 3 à 5 ans). La formule contractuelle permet de renforcer avec plus de souplesse les équipes pluriactives, de permettre aux jeunes de s'impliquer plus rapidement sur des projets de recherche et de réagir à des urgences (comme, par exemple, avec le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003).
Va également dans le sens de la réactivité l'augmentation des crédits destinés aux fonds incitatifs -le FNS (Fonds national de la science) et le FRT (Fonds de recherche technologique)- lesquels ont pour mérite d'orienter la recherche dans les domaines stratégiques.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, a insisté sur le fait que ces fonds sont certes pilotés par le ministère, mais qu'ils sont relayés par des organismes, afin de venir abonder les crédits des laboratoires publics de recherche.
Elle a ensuite rappelé que le « fonds des priorités de recherche » est utilisé à la fois pour des grands projets prioritaires -comme la lutte contre le cancer, le véhicule propre ou les biotechnologies- et pour doter en capital des fondations de recherche. L'objectif est de faire en sorte que le financement public de la recherche exerce un effet de levier sur le financement privé. Elle s'est déclarée convaincue que la loi sur le mécénat peut être un outil intéressant dans ce domaine.
Elle s'est inscrite en faux contre la présentation du budget de son ministère faite par certains, qui prétendent qu'il n'augmenterait que de 1 %, alors qu'il convient d'avoir une vision globale de l'ensemble des moyens mis en oeuvre, des crédits incitatifs -en particulier au travers des fonds précités- ayant également vocation à contribuer au financement des laboratoires et centres de recherche.
Elle a ensuite insisté sur l'attention portée au socle de recherche fondamentale, qu'il ne faut pas opposer à la recherche appliquée. Jugeant nécessaire le développement d'une recherche fondamentale d'excellence au plan national mais aussi européen, elle a fait part aux membres de la commission de la demande officielle formulée par la France à la Commission européenne de voir mis en place un « European research council ».
Elle a ensuite souhaité une plus grande lisibilité des efforts de recherche pour les Français ainsi qu'une plus grande adaptation de la recherche à leurs attentes et à celles des entreprises. Seront ainsi mis en exergue en 2004 quelques axes forts, marquant la priorité en faveur de la recherche pour la santé, le développement durable et l'énergie (véhicule propre en particulier), la gestion des risques sanitaires et alimentaires, les nanotechnologies ainsi que la culture scientifique et la diffusion du savoir. A ce dernier égard, elle a évoqué la mise en place d'un comité de pilotage et annoncé qu'elle ferait une communication en Conseil des ministres d'ici la fin de l'année.
Elle a exposé que plusieurs mesures essentielles du « plan innovation » seront proposées à l'occasion du projet de loi de finances pour 2004 :
- des dispositions fiscales importantes : le crédit d'impôt recherche est en particulier réformé. Le plafond est augmenté, l'assiette prendra en compte, non seulement l'accroissement des dépenses en recherche et développement mais également leur niveau, le champ des dépenses éligibles est élargi (notamment aux dépenses liées à la veille technologique et à la défense des brevets) ; ce « dopage » du crédit d'impôt recherche conduira à doubler cette réduction d'impôts ;
- le statut de la jeune entreprise innovante, assorti d'exonération de charges sociales et fiscales, devrait permettre d'attirer et de développer en France un certain nombre de ces entreprises ;
- le statut unipersonnel de l'investisseur providentiel (business angel) a été mis en place.
L'ensemble de ces dispositions et des mesures d'accompagnement (par exemple : stage de six mois en entreprise pour les jeunes chercheurs le souhaitant, prime au dépôt de brevet, prime au partenariat entre recherche publique et recherche privée) montre toute la détermination gouvernementale en faveur de l'innovation.
Au total, l'ensemble des incitations fiscales en faveur de la recherche devrait représenter 1 milliard d'euros, sans compter les incitations prévues dans le cadre des fondations de recherche. Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, a regretté à cet égard que la loi sur le mécénat ne soit pas allée assez loin. Elle a cependant souligné que l'ensemble des mesures devait contribuer à l'augmentation de l'effort privé en matière de recherche, lequel devrait passer de 1,25 % du produit intérieur brut (PIB) en 2002 (contre 0,95 % pour l'effort public de recherche) à 2 % en 2010.
Enfin, dans le cadre de la réforme budgétaire engagée en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), elle a proposé qu'une mission interministérielle concerne à la fois l'enseignement supérieur et la recherche, des discussions étant également en cours avec les nombreux autres ministères concernés (industrie, agriculture, santé, écologie, défense). Le ministère de la recherche travaille par ailleurs à un protocole d'accord en faveur de la recherche duale.
Après avoir remercié la ministre pour la qualité de sa présentation et l'avoir félicitée pour son projet de budget pour 2004, M. Jacques Valade, président, lui a fait part des excuses de M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis du budget de la recherche, retenu à Sophia Antipolis. Il a exposé le souhait de ce dernier d'introduire dans le projet de loi de finances des amendements qu'il avait initialement envisagé de déposer sur le projet de loi sur l'innovation. Ceux-ci tendent en particulier à :
- faciliter le financement des fonds d'amorçage par l'incitation à y investir par le canal des fonds communs de placement innovation (FCPI) et autres structures ;
- assouplir le fonctionnement des établissements publics de recherche ;
- élargir le champ des fondations de recherche en incluant les associations hébergées par des fondations préexistantes, de façon à pouvoir démarrer dès 2004.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. Ivan Renar a pris acte du fait que le projet de budget pour 2004 permettait d'enrayer la diminution des crédits enregistrée en 2003. Il a toutefois fait valoir sa préférence pour des fonds plus pérennes que les fonds de concours.
Il a estimé que la recherche n'apparaissait pas comme véritablement prioritaire pour le Gouvernement, jugement partagé par M. François Autain qui a estimé, à cet égard, que les engagements de campagne du Président de la République n'étaient pas respectés. En réponse, la ministre a insisté sur la volonté gouvernementale d'encourager la recherche et de défendre cette priorité à Bruxelles. En particulier, à l'occasion du dernier Conseil des ministres franco-allemand, a été prise l'initiative de relancer la croissance par la recherche et le développement.
M. Ivan Renar s'est ensuite montré préoccupé par le nombre important de jeunes chercheurs amenés à s'expatrier, alors même que la France en compte trop peu, et par l'insuffisance des efforts de recherche menés par les entreprises. Il a enfin souhaité savoir si le projet de loi relatif aux universités comporterait un volet « recherche ».
MM. François Autain, Ivan Renar et Jean-Marc Todeschini se sont inquiétés de la précarisation des emplois de chercheurs, le premier estimant que le ministère de la recherche avait payé un lourd tribut à la réduction des effectifs d'emplois publics, alors que le renforcement de l'attractivité de la recherche lui semblait nécessiter la possibilité pour les jeunes chercheurs de s'inscrire dans la durée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, a relativisé le nombre d'emplois concernés (550 sur 40.000) et a insisté sur le maintien du nombre global d'emplois. Elle a ajouté que le Gouvernement empruntait la bonne voie, avec aussi 200 post-doctorants supplémentaires, ce qui s'avérait nécessaire compte tenu de l'objectif européen de développer la recherche. Elle a insisté sur le fait que cette situation n'était pas en contradiction avec la situation spécifique de la France, qui compte une beaucoup plus forte proportion d'emplois publics permanents que ses voisins européens, et qu'elle n'envisageait pas de supprimer de tels emplois. Il ne s'agit pas de précariser l'emploi mais de permettre souplesse et réactivité.
M. François Autain a fait valoir que cette notion de réactivité était à la fois ancienne et remise en cause par l'affirmation du président du Comité national de recherche scientifique qui affirme que le financement des laboratoires dépend d'ores et déjà beaucoup des contrats.
Evoquant la présentation à la presse du rapport de la mission d'information sur la culture scientifique et technique, M. Ivan Renar a rendu hommage à la ministre de la recherche, estimant les crédits de son ministère mieux répartis que d'autres sur l'ensemble du territoire national, même si les crédits consacrés à la diffusion de cette culture lui paraissent globalement insuffisants.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, a souligné qu'outre une réflexion sur le thème « sciences et progrès », de nouveaux modes de promotion de la recherche auprès de la population devaient être développés. Elle a évoqué les travaux et réflexions de son ministère sur la production d'images scientifiques et la valorisation du patrimoine scientifique. Elle a estimé que le succès de la récente Fête de la science avait montré à la fois l'intérêt de la population et la disponibilité des chercheurs, mais qu'une forte mobilisation dans ce domaine restait nécessaire afin de créer un climat plus favorable à la science et au progrès.
Répondant en particulier à M. François Autain, qui s'inquiétait de la stagnation des crédits des organismes de recherche parallèlement à la hausse des crédits pilotés au niveau gouvernemental, la ministre a insisté sur le fait que ces derniers avaient aussi vocation à abonder les budgets de ces organismes et que la stratégie du Gouvernement consistait, par ailleurs, à encourager le financement privé de la recherche.
Après avoir félicité la ministre pour son combat en faveur de la recherche, M. Serge Lagauche a insisté sur la nécessité de développer celle-ci au niveau international et européen. Il lui a demandé dans quelle mesure elle pouvait oeuvrer en faveur d'un développement de la coopération entre les entreprises françaises ou européennes et celles de pays en développement (tels que la Chine) qui n'entraînerait pas le pillage des connaissances et des résultats de la recherche européenne, les transferts technologiques en faveur de certains pays lui paraissant parfois peu maîtrisés.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, s'est déclarée consciente de ce problème et de la nécessité de trouver des accords avec les pays concernés dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Répondant ensuite à M. Jean-Marc Todeschini sur le faible attrait des femmes pour les carrières scientifiques, plus de 85 % des chercheurs français étant de sexe masculin, la ministre s'est montrée très concernée par ce problème. Elle a souhaité que soient conduites des actions volontaristes de reconnaissance et de promotion des femmes menant des carrières scientifiques, la mise en place d'un prix Irène Joliot-Curie allant dans ce sens. Par ailleurs, une mission sur la parité existe au sein du ministère de la recherche et une étude est en cours sur la place des femmes au sein de la recherche privée.
S'agissant des relations avec le ministère de l'enseignement supérieur, question posée par M. Ivan Renar, la ministre a souhaité la constitution de pôles de compétence et d'excellence dans les régions, afin de développer l'attractivité des universités françaises et de faire en sorte que la formation des jeunes réponde mieux aux besoins des entreprises. Le projet de loi de modernisation des universités devrait, selon elle, constituer un élément important de cette politique.
Elle a indiqué à M. Marcel Vidal, qui se déclarait préoccupé par les difficultés des étudiants chercheurs, en particulier étrangers, à se loger dans la région Languedoc-Roussillon, que ce problème -réel- ne relevait pas de sa compétence.
M. Jacques Valade, président, a rappelé que le projet de loi sur les responsabilités locales donnerait de nouveaux moyens d'y répondre.
Il a par ailleurs déclaré adhérer à l'idée émise par Mme Claudie Haigneré de constituer une mission interministérielle sur la recherche et l'enseignement supérieur et il a relevé que le ministère de l'enseignement supérieur pourrait être rattaché plus étroitement au ministère de la recherche.
Constatant ensuite la grande inertie des laboratoires de recherche face aux sujets d'actualité et ses inévitables conséquences, à la fois sur les motivations des jeunes chercheurs et sur les orientations de la recherche, il a regretté l'immense difficulté d'infléchir un axe de recherche une fois celui-ci lancé.
A cette fin, la ministre a jugé nécessaire une réflexion sur l'évaluation des programmes de recherche. Elle a indiqué que les fonds incitatifs du ministère constituaient aussi un moyen d'orienter les projets, y compris dans la recherche fondamentale. Sans doute conviendrait-il également de favoriser la mobilité inter-organismes.
M. Jacques Valade, président, ayant souhaité des précisions sur les modes d'accès à ces fonds, elle a indiqué qu'ils seraient prochainement déterminés. Elle s'est réjouie que les financements des fondations soient utilisables dès le début 2004, regrettant seulement qu'une disposition un peu contraignante de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations ne vise que les « fondations en capital initial », et non les fondations existantes.
M. Jacques Valade, président, s'est enfin déclaré impressionné par les efforts de la ministre pour revaloriser la recherche et l'en a remerciée.