Table des matières
- Présidence de M. Jacques Larché, président.
Elections - Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
La commission a tout d'abord désigné MM. Jacques Larché, Christian Bonnet, Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Paul Girod, Simon Sutour et Mme Nicole Borvo, candidats titulaires et MM. Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Guy Cabanel, Jean-Patrick Courtois, Jean-Jacques Hyest, Lucien Lanier et Henri de Richemont, candidats suppléants pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Larché, président, a indiqué qu'après l'adoption en première lecture d'articles additionnels contenant des dispositions organiques relatives au Sénat, il s'interrogeait sur la possibilité de réunir cette commission mixte paritaire à ce stade de la procédure, l'application de l'article 46 de la Constitution supposant dans ce cas la recherche d'un vote conforme des deux assemblées. Il a rappelé que le Conseil constitutionnel portait une attention particulière à la procédure d'adoption des lois organiques, élément essentiel de leur définition comme leur matière. Il a néanmoins marqué sa volonté, par courtoisie, de se rendre à l'Assemblée nationale en préalable de la tenue éventuelle de la réunion, afin d'y débattre en ces termes de la constitutionnalité de la procédure.
M. Guy Allouche a estimé que la demande de convocation de la commission mixte paritaire constituait une prérogative gouvernementale à laquelle il n'était pas possible de s'opposer.
Il a marqué sa conviction qu'il ne suffisait pas que le Sénat vote un amendement pour qu'un texte devienne relatif au Sénat empêchant ainsi la tenue d'une commission mixte paritaire.
S'agissant d'une loi organique, il a observé que le Conseil constitutionnel serait saisi d'office et trancherait ce point. Il a estimé incontestable sur le fond la prolongation de la durée du mandat des députés dès lors que celle-ci ne dépassait pas les cinq ans.
Sur la procédure, M. Jacques Larché, président, a rappelé que le Gouvernement disposait de moyens constitutionnels pour éviter l'adoption d'amendements, le cas échéant relatifs au Sénat.
Nomination d'un rapporteur
La commission a ensuite nommé M. José Balarello rapporteur du projet de loi n° 2932 (AN, XIème législature) relatif à Mayotte.
Résolutions européennes - Création d'Eurojust - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Fauchon sur la proposition de résolution n° 53 (2000-2001) présentée, en application de l'article 73 bis, par M. Hubert Haenel au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les propositions de la République fédérale d'Allemagne, d'une part, et du Portugal, de la France, de la Suède et de la Belgique, d'autre part, relatives à la création d'Eurojust (E 1479 et E 1509).
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les questions européennes étaient les seules à propos desquelles le Parlement pouvait adopter des résolutions. Il a fait valoir qu'une telle possibilité pourrait être utile dans d'autres domaines et éviterait que les assemblées adoptent des lois dénuées de toute portée normative. Il a estimé que cette prérogative méritait d'être utilisée à propos de la construction de l'espace judiciaire européen. Il a noté que, si la construction d'une Europe politique ne progressait que laborieusement, l'Europe du crime était en revanche une réalité de plus en plus préoccupante. Il a ainsi observé qu'au développement de la criminalité traditionnelle, notamment le terrorisme et le blanchiment, s'ajoutait l'apparition de formes nouvelles de criminalité, qu'il s'agisse des infractions contre les intérêts des Communautés européennes ou de la traite des êtres humains à des fins sexuelles ou économiques.
Le rapporteur a ensuite rappelé que les Etats membres de l'Union européenne n'avaient réagi que très progressivement face à cette évolution. Il a indiqué que le traité de Maastricht avait fait de la coopération en matière pénale un sujet d'intérêt commun et que, sur la base de ce traité, le Conseil de l'Union européenne avait notamment décidé la création de magistrats de liaison et d'un réseau judiciaire européen.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a souligné qu'en 1999, le Conseil européen avait, pour la première fois, consacré l'une de ses réunions à la création de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Il a noté que le Conseil européen avait décidé la création d'Eurojust, unité composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police, ayant pour mission de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son concours dans les affaires de criminalité organisée. Il a précisé que le traité de Nice mentionnait l'existence d'Eurojust, ce qui ne pourrait que renforcer l'autorité de cet organe.
Le rapporteur a indiqué que deux propositions avaient été formulées en vue de la création d'Eurojust, d'une part par l'Allemagne, d'autre part par le Portugal, la France, la Suède et la Belgique. Il a souligné que la proposition allemande tendait pour l'essentiel à faire d'Eurojust un centre d'échange d'informations, tandis que la proposition du Portugal, de la France, de la Suède et de la Belgique visait au contraire à donner à Eurojust des compétences opérationnelles. Il a fait valoir que cette dernière proposition servait actuellement de base aux négociations du Conseil de l'Union européenne et qu'elle prévoyait notamment qu'Eurojust pourrait demander à un Etat d'entreprendre une enquête ou des poursuites. Il a indiqué que la demande n'aurait pas de caractère contraignant, mais que l'Etat membre la refusant devrait en informer Eurojust par une décision motivée. Il a précisé qu'Eurojust pourrait également apprécier l'opportunité d'une coordination des enquêtes et devrait simplifier l'exécution des commissions rogatoires.
Evoquant le fonctionnement d'Eurojust, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué qu'Eurojust serait composé d'un représentant de chaque Etat membre ayant la qualité de procureur, de magistrat ou d'officier de police, qu'il serait doté de la personnalité juridique, qu'enfin chaque Etat membre pourrait désigner un correspondant national d'Eurojust.
Le rapporteur a indiqué que les Etats membres avaient d'ores et déjà décidé la création d'une unité provisoire baptisée " pro-Eurojust ", dans l'attente de l'adoption définitive de la décision créant Eurojust. Il a souligné que la création de cette unité provisoire était un signe encourageant de la volonté des Etats membres de voir Eurojust fonctionner de manière efficace, notant que la plupart des Etats avaient nommé au sein de l'unité provisoire des magistrats exerçant des fonctions importantes dans leur pays d'origine.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a ensuite indiqué que M. Hubert Haenel avait déposé au nom de la délégation pour l'Union européenne une proposition de résolution sur les propositions de décision relatives à la création d'Eurojust. Il a relevé que la proposition de résolution soulignait que la conception d'Eurojust figurant dans les propositions de décisions était en deçà des exigences de la nécessité d'une lutte efficace contre la criminalité organisée. Il a indiqué que la proposition de résolution tendait notamment à demander au Gouvernement d'affirmer le rôle d'Eurojust en tant qu'unité juridique autonome et collégiale, de veiller à ce que les membres d'Eurojust se voient accorder des compétences équivalentes par les Etats qui les désignent, de voir reconnaître à Eurojust un rôle opérationnel pour les investigations transfrontalières entrant dans son champ de compétence. Il a enfin observé que la proposition de résolution visait en outre à inviter le Gouvernement à prendre des initiatives en vue de parvenir, pour les formes graves de criminalité transfrontalière, à la constitution d'une autorité responsable des poursuites et à la définition commune des règles et des procédures pénales nécessaires à la mise en oeuvre des poursuites et des enquêtes.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a alors souligné que la création d'Eurojust méritait d'être encouragée et qu'elle permettrait vraisemblablement des progrès dans la lutte contre la criminalité à condition que les demandes figurant dans la proposition de résolution soient retenues. Il a toutefois indiqué qu'il appartenait au Parlement d'avoir une vision prospective et d'envisager d'ores et déjà des évolutions ultérieures. Il a ainsi fait valoir que dans certaines matières, il faudrait vraisemblablement que les Etats membres unifient leurs droits pénaux et décident la création d'un ministère public européen susceptible d'engager des poursuites. Il a observé que cette unification des droits pénaux paraissait particulièrement indispensable en matière de protection des intérêts financiers des Communautés européennes.
Le rapporteur a alors noté qu'une telle entreprise devait être menée selon une procédure associant étroitement les représentants des peuples, à savoir les parlementaires nationaux et européens. Il a rappelé que dès 1997, il avait proposé la réunion d'un comité consultatif composé de parlementaires nationaux et européens, qui aurait été chargé d'examiner les conditions de l'unification des droits pénaux et de la création d'un ministère public européen. Il a indiqué que cette idée avait alors paru irréaliste, mais que l'expérience de la convention chargée d'élaborer la charte européenne des droits fondamentaux avait montré qu'une telle instance pouvait fonctionner.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a alors proposé d'apporter quelques modifications à la proposition de résolution de M. Hubert Haenel. Il a suggéré de demander au Gouvernement de veiller à ce que les Etats membres attribuent des compétences " étendues ", et non " équivalentes ", aux membres d'Eurojust, observant en effet que la demande d'attribution de compétences équivalentes risquait d'aboutir à des difficultés juridiques du fait des différences de systèmes de droits existant au sein des Etats membres. Il a en outre exprimé la crainte que la demande d'attribution de compétences équivalentes conduise en fait à retenir le plus petit dénominateur commun.
Le rapporteur a en outre proposé que le Sénat demande au Gouvernement d'étudier la possibilité qu'Eurojust exerce à terme un contrôle sur les activités de coopération policière au sein de l'Union européenne. Il a en outre proposé que le Sénat demande au Gouvernement de défendre l'unification des droits pénaux et la création d'un ministère public européen en matière de protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Il a enfin souhaité que la proposition de résolution demande au Gouvernement de prendre des initiatives pour qu'une convention composée notamment de parlementaires nationaux et européens soit réunie afin d'étudier les conditions de l'unification des droits pénaux et de la création d'un ministère public européen.
M. Alex Türk a tout d'abord regretté que les Etats membres conduisent en leur sein des réflexions sans prendre en considération les actions menées sur le même sujet au niveau de l'Union européenne et réciproquement. Il s'est déclaré très étonné que les Allemands fassent preuve de frilosité à l'égard d'Eurojust, rappelant qu'ils avaient au contraire souhaité la création d'un véritable FBI européen au moment des négociations sur Europol. Il a estimé que le rôle des Länder ne suffisait pas à expliquer cette différence d'attitude, rappelant que les Länder avaient des prérogatives étendues en matière de justice comme en matière de police.
Il s'est étonné des observations figurant dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution de M. Hubert Haenel à propos de l'absence de toute forme de contrôle de l'activité d'Europol. Il a rappelé qu'il présidait l'autorité de contrôle d'Europol qui veillait en particulier à la protection des données recueillies par cet organisme. Il a déploré que cette autorité de contrôle ne dispose pas de moyens plus étendus pour exercer son activité. Il a souhaité qu'elle soit consultée à propos de l'attribution éventuelle à Eurojust de pouvoirs de contrôle des activités de coopération policière.
M. Simon Sutour a estimé que le texte proposé par le rapporteur modifiait de manière très sensible la proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne sur proposition de son président, M. Hubert Haenel. Il a regretté qu'ait été supprimée la demande d'attribution à Eurojust d'un champ de compétences défini par référence à celui d'Europol. Il a en outre considéré que la demande de création d'un ministère public européen allait très au-delà de la proposition de résolution émanant de la délégation pour l'Union européenne.
M. José Balarello a regretté que la commission doive statuer sur un sujet aussi important sans un large débat préalable. Il a fait valoir qu'il était préférable que les membres d'Eurojust se voient attribuer par leur Etat d'origine des compétences équivalentes conformément à la proposition de M. Hubert Haenel, plutôt que des compétences étendues, ce terme n'étant pas aussi clair. Il a indiqué que l'unification des droits pénaux et la création d'un parquet européen ne devaient être envisagées que dans les matières relevant de la compétence d'Eurojust.
M. Daniel Hoeffel a tout d'abord souligné que le débat sur cette proposition de résolution démontrait qu'il existait une certaine confusion sur les rôles respectifs des commissions et de la délégation pour l'Union européenne. Il a en outre estimé qu'il était difficile de qualifier l'élaboration de la charte européenne des droits fondamentaux d'exemplaire, observant que la multiplication de textes portant sur les droits de l'homme, rédigés de manière différente, ne pouvait qu'engendrer la confusion.
Mme Nicole Borvo s'est déclarée plutôt hostile à une intégration européenne en matière judiciaire, soulignant qu'il convenait de renforcer la coopération entre les Etats membres en cette matière. Elle a regretté que le texte proposé par le rapporteur aille bien au-delà de la proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne.
M. Jacques Larché, président, s'est déclaré très réservé sur la création d'un droit pénal européen. Il a estimé que la formulation de propositions irréalistes ne servait pas la construction européenne. Il s'est en outre interrogé sur l'opportunité d'utiliser à nouveau la procédure ayant conduit à l'élaboration d'une charte des droits fondamentaux, dont la qualité rédactionnelle pouvait être contestée.
En réponse aux orateurs, M. Pierre Fauchon, rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'il avait proposé la suppression de la demande d'attribution à Eurojust d'un champ de compétences défini par référence à celui d'Europol, dans la mesure où cette demande était d'ores et déjà satisfaite dans le cadre des négociations au sein du Conseil de l'Union européenne. Il a proposé de rétablir ce paragraphe, qui ne pouvait que renforcer le compromis déjà acquis au sein du Conseil. Il a ensuite rappelé que la demande d'attribution aux membres d'Eurojust de compétences " équivalentes " risquait de soulever certaines difficultés juridiques, mais ne s'est pas opposé au rétablissement de ce terme. Il a enfin proposé d'intégrer dans la proposition de résolution la demande de consultation des autorités de contrôle existantes en matière de coopération policière.
Le rapporteur a ensuite souligné que son texte n'était pas profondément différent de la proposition de résolution déposée par M. Hubert Haenel. Il a rappelé que cette proposition demandait la création d'une autorité responsable des poursuites compétente pour les formes graves de criminalité transfrontalière, tandis que son propre texte évoquait la création d'un ministère public européen compétent en matière de protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Il s'est déclaré d'accord pour rétablir le texte figurant dans la proposition de résolution de M. Hubert Haenel, estimant qu'il ne différait que fort peu de celui qu'il proposait.
Le rapporteur a en outre précisé que le texte qu'il soumettait à la commission demandait la réunion d'une convention comprenant en particulier des parlementaires nationaux et européens afin d'étudier les conditions d'unification des droits pénaux et de la création d'un ministère public européen. Il a estimé qu'une telle demande n'emportait pas approbation de la charte européenne des droits fondamentaux élaborée selon la même méthode, mais soulignait l'intérêt d'associer les parlements nationaux à la création de l'espace judiciaire européen. Il s'est déclaré d'accord avec M. José Balarello pour que cette unification des droits pénaux ne soit envisagée que dans les matières relevant de la compétence d'Eurojust.
La commission a alors adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur ainsi modifié.