Travaux de la commission des lois
- Mercredi 26 mai 1999
- Justice - Référé devant les juridictions administratives - Audition de M. Daniel Labetoulle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat
- Règlement du Sénat - Résolutions européennes - Modification de l'article 73 bis du Règlement du Sénat - Examen des amendements
- Justice - Référé devant les juridictions administratives - Suite de l'examen du rapport
- Présidence de M. Jacques Larché, président.
Justice - Référé devant les juridictions administratives - Audition de M. Daniel Labetoulle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Daniel Labetoulle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le projet de loi n° 269 (1998-1999) relatif au référé devant les juridictions administratives.
M. Daniel Labetoulle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a estimé que le projet de loi répondait à une demande largement exprimée depuis de nombreuses années, en particulier par les avocats. Il a rappelé que les ministres de la justice successifs avaient appelé de leurs voeux une réforme des procédures d'urgence devant les juridictions administratives et que le rapport de la commission d'enquête du Sénat, remis par MM. Jean Arthuis et Hubert Haenel en 1991, avait conclu à la nécessité d'accélérer le traitement des affaires devant le juge administratif, de recourir au juge unique pour accorder le sursis à exécution afin qu'il y fût recouru plus libéralement.
Il a noté que, lors du débat parlementaire sur la loi du 8 février 1995, alors que le projet de loi en lui-même était muet sur les procédures d'urgence, l'Assemblée nationale avait introduit la suspension provisoire figurant actuellement à l'article L. 10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Sénat s'étant montré réticent en première lecture puis s'y étant rallié au cours de la navette. Il a observé que sur le rapport de M. Pierre Fauchon, la commission avait souhaité une réflexion d'ensemble sur les procédures d'urgence devant le juge administratif, sans pour autant encourager les recours abusifs.
M. Daniel Labetoulle a ensuite retracé le calendrier de préparation du projet de loi, rappelant la création à l'automne 1997 du groupe de travail du Conseil d'Etat et la concertation à laquelle le projet avait donné lieu. Il a souligné les ajouts apportés par la Chancellerie, principalement la nécessité de tenir une audience publique pour prononcer la suspension de l'exécution d'un acte administratif ou pour enjoindre à l'administration des mesures de sauvegarde des libertés fondamentales.
Il s'est félicité de l'accueil favorable réservé à ce projet de loi, assumant pleinement le reproche selon lequel le texte, trop anodin, ne prendrait pas suffisamment comme modèle le référé civil. Il a en effet estimé que le référé civil n'était pas adapté à la présomption de légalité des actes des collectivités publiques.
Il a annoncé que le projet de loi ne supprimait pas les mécanismes existants, en particulier le référé expertise, le référé provision et le constat d'urgence, ce qui influençait la structure du projet de loi, les principales innovations figurant sous le titre II consacré aux procédures d'urgence.
M. Daniel Labetoulle a ensuite décrit les pouvoirs du juge des référés statuant en urgence. Le référé " mesures utiles " ou référé conservatoire ne lui a pas paru profondément modifié.
En revanche, il a observé que le référé-suspension décrit à l'article 3 constituait une innovation dans la mesure où, se substituant au sursis à l'exécution classique et à la suspension provisoire de l'article L. 10, il en infléchissait considérablement les conditions d'octroi. Il a rappelé qu'à la condition d'un préjudice difficilement réparable se substituait la simple existence de l'urgence, et que le juge ne rechercherait plus un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée mais se contenterait d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Il a mis en avant la possibilité de moduler les effets de la suspension ou d'en obtenir la modification par le même juge.
Il a considéré que le référé-injonction prévu à l'article 4 était la disposition la plus novatrice, puisqu'il donnait au juge un pouvoir de commandement provisoire à l'égard de l'administration, et qu'il relevait de la même logique que le pouvoir d'enjoindre à l'administration introduit par la loi du 8 février 1995 pour assurer l'exécution de décisions juridictionnelles. S'agissant d'un pouvoir considérable, il a confirmé que le référé-injonction serait limité à un domaine très ponctuel, la protection des libertés fondamentales, contrairement à la logique civiliste qui reconnaît un pouvoir d'injonction généralisé.
Il a ensuite détaillé la procédure applicable, insistant sur la combinaison entre dispositions législatives et réglementaires.
L'article 9 du projet de loi, prenant compte d'une réflexion des avocats, lui a paru essentiel. Il a remarqué que le juge aurait la possibilité non seulement de trier les requêtes en fonction de leur degré d'urgence mais aussi d'écarter les requêtes mal fondées, non urgentes ou abusives, sans que le défendeur ait à intervenir dans cette décision. Il a noté que la voie réglementaire disposerait que les requêtes devraient justifier de leur urgence, qu'un calendrier d'instruction serait établi et que la date fixée pour l'audience publique serait immédiatement connue des parties.
Il a annoncé que l'instruction suivrait une procédure écrite ou orale, l'introduction de l'oralité dans la procédure contentieuse administrative étant une innovation.
Après avoir reconnu que le groupe de travail du Conseil d'Etat n'avait pas prévu d'audience publique systématique pour les principaux référés prononcés en urgence, il a remarqué que cette adjonction avait été obtenue à l'initiative des avocats.
M. Daniel Labetoulle a relevé que les référés en urgence ne donneraient pas lieu à l'appel, le groupe de travail du Conseil d'Etat ayant estimé que le juge ne pourrait satisfaire à une situation d'urgence qu'en statuant rapidement. Il a observé que la mesure la plus fréquemment demandée serait la suspension, et que l'appel risquerait de dissocier le dossier entre la première instance au fond et l'appel de la mesure d'urgence. Il a souligné que le législateur avait délibérément décidé que les référés précontractuels, introduits en 1992 et 1993, ne donneraient pas lieu à appel.
Bien que l'absence d'appel ne soit pas " compensée " par la procédure prévue à l'article 6, il a estimé que la modification par le même juge d'une mesure de référé, au vu d'un élément nouveau, était une innovation très importante, car elle ne cantonnait pas le juge dans une logique du tout ou rien.
Il a ajouté que les conditions d'octroi du référé-provision seraient assouplies par voie réglementaire afin de ne plus le subordonner à une demande principale en indemnité.
En conclusion, il a indiqué que les textes réglementaires d'application seraient disponibles rapidement dès la publication de la loi, que le projet de loi s'insérerait dans le code de justice administrative approuvé par la Commission supérieure de codification et que sa mise en oeuvre nécessiterait sans doute un travail d'explication auprès des tribunaux administratifs.
S'agissant des moyens humains nécessaires, il a souligné l'importance pour les magistrats de fournir des efforts de productivité, en particulier pour le traitement des séries, et de développer les modes non contentieux de règlement des conflits.
En réponse à M. Jacques Larché, président, M. Daniel Labetoulle a précisé que le groupe de travail du Conseil d'Etat n'avait pas entendu les représentants des collectivités locales.
M. Patrice Gélard a demandé si la proposition de loi déposée par M. Alain Vasselle pouvait entrer dans le cadre du référé ; il a rappelé qu'elle consistait à éviter la multiplication des procès pénaux mettant en cause des maires pour des fautes non intentionnelles, et qu'elle proposait de renvoyer la requête devant le tribunal administratif qui ferait le tri entre faute personnelle et faute de service.
M. Daniel Labetoulle a estimé que la suppression en 1875 de la garantie des fonctionnaires créée par l'article 75 de la Constitution de l'An VIII avait marqué un progrès de l'Etat de droit et qu'il était difficile de prévoir un recours devant le juge administratif avant chaque mise en cause pénale. M. Jacques Larché, président, a estimé que tel n'était pas l'objet du projet de loi. M. Daniel Labetoulle a ajouté que les requérants étaient tentés d'utiliser abusivement la voie pénale, connue pour sa rapidité, en raison de l'absence de procédure d'urgence efficace devant le juge administratif.
M. Jacques Larché, président, a craint que la systématisation des recours devant le juge administratif ne perturbe le fonctionnement quotidien de l'administration et ne paralyse ses initiatives. Il a relevé que plusieurs éléments facilitaient considérablement l'intervention du juge, en premier lieu la dispense de droit de timbre, et surtout l'absence de définition des notions d'urgence et de doute. Il a regretté que des mesures mettant en cause le caractère exécutoire des décisions administratives soient prises sur la base d'un simple doute sérieux.
M. Robert Badinter s'est dit préoccupé de l'absence de recours en matière de référé-injonction. Il a souhaité attirer l'attention sur la mission constitutionnelle du juge lorsqu'il protège les libertés fondamentales, en particulier lorsque les parties intéressées sont l'Etat et les collectivités territoriales. Il a noté que le pourvoi en cassation, intéressant pour les juristes, ne donnait pas satisfaction aux parties. Il s'est inquiété du recours exercé devant le même juge alors qu'une atteinte grave était portée à une liberté fondamentale.
Il a remarqué que le juge judiciaire pratiquait l'appel des référés à jour fixe, ce qui permettait à la cour d'appel de Paris de statuer en quinze jours, au plus en un mois. Il a souhaité concilier deux exigences, ne pas encombrer les tribunaux administratifs de demandes inutiles et permettre un deuxième débat. Il a estimé que les dispositions de l'article 9, permettant le rejet par ordonnance des demandes mal fondées, étaient particulièrement pertinentes au niveau de l'appel.
M. Jacques Larché, président, s'étant interrogé sur la portée concrète du second alinéa de l'article 4, M. Daniel Labetoulle a rappelé que depuis 1982 le préfet disposait du " déféré-liberté " prononcé en quarante-huit heures, permettant, dans une logique proche du recours pour excès de pouvoir, de déférer au tribunal administratif les actes des collectivités locales susceptibles de porter atteinte à une liberté publique ou individuelle. Il a noté que le déféré-liberté donnait lieu à appel devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, dans des délais très brefs respectés en pratique.
Il a rappelé l'expérience du déféré-liberté pour les " arrêtés couvre-feu " pris par des maires en 1997, précisant que les différents tribunaux administratifs avaient rendu des jugements divergents, et que seule l'intervention du Conseil d'Etat statuant en appel avait permis d'unifier la jurisprudence. Il a donc estimé que dans le domaine sensible des libertés fondamentales, il était nécessaire de confier l'appel au Conseil d'Etat.
M. Robert Bret a jugé la réforme utile mais a craint une différence de traitement en faveur des requérants représentés par un avocat, mieux dirigés vers les procédures d'urgence. Il a souhaité que les gains de productivité réalisés par les magistrats s'accompagnent d'une augmentation des effectifs, dans la mesure où l'exonération du droit de timbre pourrait amener des requêtes supplémentaires devant les tribunaux administratifs. Il a souhaité que le débat budgétaire donne une estimation des créations d'emplois nécessaires.
M. Daniel Labetoulle a estimé que la réforme était de nature à dissuader certaines demandes, en particulier du fait de la suppression de l'instance au fond lorsque la provision prononcée en référé satisfait les parties. Il a ajouté que les moyens supplémentaires n'étaient pas rendus nécessaires par ce projet de loi mais par l'augmentation des requêtes au fond devant les tribunaux administratifs, de l'ordre de 10 à 15 % par an.
M. Jacques Larché, président, ayant mis en garde contre le risque de paralysie de l'administration, M. Daniel Labetoulle a répondu que la sauvegarde résidait dans le tri des demandes prévu à l'article 9.
M. Pierre Fauchon a regretté que le projet de loi remette en cause des principes fondamentaux, comme la collégialité de la formation de jugement et le double degré de juridiction, alors que la garantie des droits de la défense était constitutionnellement protégée. Il a déploré que, pour des considérations ponctuelles tenant à l'encombrement des cours administratives d'appel, des principes fondateurs du droit soient négligés. Il a de plus remarqué que l'appel exerçait un effet préventif sur le magistrat de première instance, plus attentif à la motivation de sa décision. Il a déclaré qu'il n'était pas acceptable d'opposer le manque de moyens de la justice pour écarter l'application des principes généraux du droit, puis il a regretté la lenteur de la justice administrative et souligné que la cassation ne permettait au juge que de statuer en droit et non en fait. Il a demandé pourquoi la limitation à trois mois de la durée de la suspension provisoire disparaissait du référé-suspension.
M. Daniel Labetoulle a rappelé que la suspension provisoire, introduite en 1995 à l'initiative de l'Assemblée nationale, avait été écartée en première lecture par le Sénat. Il a considéré que l'article 3, selon lequel la suspension durait jusqu'à ce que le juge du fond se soit prononcé, ou pour la durée déterminée par le juge des référés, permettrait de combiner une mesure d'instruction et la possibilité d'une suspension de courte durée.
M. Jacques Larché, président, a estimé que ce projet de loi pouvait être considéré comme l'aveu du mauvais fonctionnement de la justice administrative. Citant plusieurs exemples récents dont la presse s'était faite l'écho, M. Daniel Labetoulle a fait part de sa pratique de juge qui consistait à distinguer les affaires dont l'importance particulière justifiait un traitement rapide. M. Jacques Larché, président, a souligné que la critique sur la lenteur du juge ne visait pas les " grandes " affaires mais la justice du quotidien. Il a remarqué que le tribunal administratif de Melun, bien que créé récemment, statuait en deux ans. Il a conclu en rappelant que la commission contrôlerait ultérieurement l'application de cette réforme.
Règlement du Sénat - Résolutions européennes - Modification de l'article 73 bis du Règlement du Sénat - Examen des amendements
Puis, la commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, les amendements à la proposition de résolution n° 295 (1998-1999) de M. Michel Barnier et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'article 73 bis du Règlement du Sénat.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 1 présenté par MM. Robert Bret, Michel Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à compléter le huitième alinéa de l'article 73 bis du règlement du Sénat pour prévoir que l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution est de droit lorsqu'elle est demandée par un président de groupe.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué qu'il conviendrait peut-être d'examiner le rôle des groupes politiques en matière d'inscription des textes à l'ordre du jour complémentaire du Sénat, mais que cette question ne pouvait être abordée par le biais des propositions de résolution. Il a estimé préférable à ce stade de maintenir la règle selon laquelle l'inscription à l'ordre du jour des propositions de résolution est décidée par la Conférence des présidents.
Justice - Référé devant les juridictions administratives - Suite de l'examen du rapport
La commission a enfin poursuivi, sur le rapport de M. René Garrec, l'examen du projet de loi n° 269 (1998-1999) relatif au référé devant les juridictions administratives.
A l'article 2 (magistrats statuant comme juges des référés), la commission a adopté un amendement rédactionnel.
La discussion s'est ensuite engagée sur le référé-suspension prévu à l'article 3, M. Jacques Larché, président, opposant le terme " doute sérieux " au moyen sérieux, fondement actuel de la décision juridictionnelle. Il a souligné que le sursis à exécution devait être réservé aux cas où le préjudice subi présenterait un caractère irréparable et où l'illégalité de la décision administrative ne ferait pas de doute.
M. René Garrec, rapporteur, a rappelé que le référé-suspension n'était pas un jugement au fond mais une mesure n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée, puis il a souligné les aspects très positifs du référé judiciaire pour la justice civile.
M. Pierre Fauchon a regretté la trop grande confiance accordée au juge, en particulier l'absence de limitation dans le temps de la suspension de l'exécution des actes administratifs alors qu'à l'heure actuelle l'article L. 10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel la limite à trois mois.
M. Robert Badinter a rappelé que, comme en procédure civile, la suspension prendrait fin lorsqu'il serait statué sur le fond. Il a ajouté qu'on substituait un doute sérieux à l'appréciation des conséquences d'un acte administratif, qu'il s'agissait là d'une innovation considérable et d'un renforcement sans précédent du pouvoir du juge des référés.
M. René Garrec, rapporteur, a relevé que le juge des référés ne pourrait apprécier les moyens de la requête principale, ce qui justifiait qu'il ne se prononce plus au vu d'un moyen sérieux. Il a ajouté que l'actuel sursis à exécution, auquel se substituait le référé-suspension, ne faisait l'objet d'aucune limitation de durée.
M. Jacques Larché, président, a souhaité savoir si le juge des référés pourrait participer à la formation collégiale de jugement appelée à statuer au fond sur une affaire dont il aurait eu à connaître à titre provisoire. M. René Garrec, rapporteur, a estimé qu'il n'était pas souhaitable que la jurisprudence de la Cour de cassation, très restrictive, s'applique au juge administratif. M. Robert Badinter a souligné le risque de recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, sur le terrain du droit à un procès équitable.
M. Jacques Larché, président, a souligné que des pouvoirs considérables s'exerceraient sans appel. M. Maurice Ulrich, craignant que les tribunaux administratifs ne paralysent les initiatives publiques, a proposé d'introduire un délai limitant les effets de la suspension.
M. René Garrec, rapporteur, a mis en garde contre les dérives procédurales qui pourraient en résulter. Il a estimé qu'un délai obligeant le juge à statuer au fond conduirait les parties à recourir abusivement aux procédures d'urgence pour accélérer le jugement au fond.
M. Jacques Larché, président, constatant que les délais de jugement des tribunaux administratifs étaient considérés comme trop lents, a refusé que la suspension puisse durer plusieurs années dans les cas où le juge ne ferait pas diligence. M. René Garrec, rapporteur, a répondu que la cassation donnerait lieu à évocation, ce qui permettrait au Conseil d'Etat de statuer définitivement sur la mesure d'urgence sans renvoyer au juge des référés de première instance.
M. Nicolas About a proposé que la suspension prenne fin au plus tard à l'expiration d'un délai d'un an, estimant que cette disposition inciterait le juge du fond à statuer rapidement. M. René Garrec, rapporteur, s'y est déclaré défavorable en raison du risque de détournement de procédure et a estimé qu'il appartenait aux tribunaux administratifs de trier les dossiers selon leur degré d'urgence.
M. Maurice Ulrich s'est inquiété de la possibilité reconnue au juge de mettre en échec un acte d'une collectivité locale pour une durée illimitée. Il en a conclu que la définition d'un butoir serait une garantie, et que malgré ses inconvénients procéduraux, elle limiterait le risque de paralysie des collectivités locales. M. René Garrec, rapporteur, a estimé que les collectivités territoriales devraient s'entourer de conseils juridiques plus performants, afin de limiter les cas de suspension.
M. Maurice Ulrich a estimé qu'on passait d'un système dans lequel il était très difficile d'obtenir un sursis à exécution à un dispositif totalement différent, ce qui justifiait une limitation de la durée de la suspension. M. Jacques Larché, président, a approuvé, considérant que le principe du caractère exécutoire des décisions administratives était un des fondements du droit public.
M. Jean-Jacques Hyest a relevé que s'il existait un doute sérieux sur la légalité d'un acte, il subsisterait tant que le juge du fond ne se serait pas prononcé, et non à l'expiration d'un délai donné.
M. Jacques Larché, président, a proposé que la sanction du non-respect de ce délai soit la fin de la suspension, ce qui aurait une vertu pédagogique pour les magistrats administratifs. M. René Garrec, rapporteur, a souligné que le sursis à exécution actuel, qui n'était pas limité dans la durée, pouvait à tout moment prendre fin, aux termes de l'article 54 du décret du 30 juillet 1963.
La commission a donc adopté un amendement à l'article 3, tendant à ce que, lorsque la suspension serait ordonnée, il soit statué sur la requête en annulation de la décision dans un délai d'un an, à défaut de quoi la suspension prendrait fin.
A l'article 4 (référé-injonction), la commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement supprimant le second alinéa en vertu duquel le représentant de l'Etat dans le département ou la région pourrait demander au juge des référés de prononcer des mesures d'injonction à l'égard des collectivités locales lorsqu'une atteinte grave et manifestement illégale serait portée à une liberté fondamentale.M. René Garrec, rapporteur, a en effet estimé que cette disposition était redondante avec le " référé quarante-huit heures " introduit par les lois de décentralisation.
Un débat s'est ensuite engagé sur l'appel du référé-injonction. M. Robert Badinter a contesté l'absence de cette voie de recours dans le domaine des libertés fondamentales et a suggéré que l'appel s'exerce directement devant la section du contentieux du Conseil d'Etat. M. Charles Jolibois a approuvé, considérant que si l'appel était confié aux cours administratives d'appel, des solutions divergentes seraient retenues, alors que les libertés fondamentales devaient faire l'objet d'une jurisprudence unifiée.
M. Pierre Fauchon a noté que le Tribunal des conflits avait récemment restreint la théorie de la voie de fait, M. René Garrec, rapporteur, ajoutant que cela n'empêchait pas les requérants de s'adresser en priorité au juge judiciaire. Il a estimé que l'appel devrait s'exercer devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat afin d'unifier la jurisprudence sur le territoire national.
M. Jean-Jacques Hyest s'est interrogé sur la catégorie juridique des libertés fondamentales, en soulignant son caractère évolutif. M. Jacques Larché, président, a constaté que la jurisprudence aurait à les définir, comme elle a eu à définir l'ordre public, le bon père de famille ou le mineur capable de discernement.
Par ailleurs, M. Pierre Fauchon s'est interrogé sur la saisine d'office du juge, et lui a préféré la demande expresse des parties. La commission a donc adopté un amendement à l'article 6 (modifiant des mesures ordonnées en référé), tendant à supprimer la saisine d'office du juge des référés.
A l'article 7, la commission a adopté un amendement prévoyant que les décisions rendues en application de l'article 4 seraient susceptibles d'appel devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou le conseiller d'Etat qu'il désignerait à cet effet.
A l'article 7, la commission a de plus adopté un amendement prévoyant une audience publique pour la modification des mesures de suspension et d'injonction décidées en référé, par parallélisme avec la décision initiale. M. Pierre Fauchon a approuvé la présence du contradictoire et de la publicité à tous les stades de la procédure.
M. René Garrec, rapporteur, a estimé que l'appel du référé-injonction se combinerait difficilement avec la modification du référé par le même juge, prévue à l'article 6, rappelant qu'en droit public l'appel n'était pas suspensif. M. Pierre Fauchon a estimé que le juge des référés devrait être dessaisi quand l'appel serait exercé. M. Jacques Larché, président, a insisté sur l'aspect dévolutif de l'appel. En conséquence, la commission a précisé qu'en cas d'appel du référé-injonction, les dispositions de l'article 6 ne seraient pas applicables.
La discussion s'est poursuivie sur l'article 8 prévoyant une dispense de droit de timbre pour les demandes déposées en urgence. M. René Garrec, rapporteur, a confirmé que l'amende pour requête abusive s'appliquait aux demandes en référé et M. Jacques Larché, président, a souhaité que les magistrats administratifs l'utilisent davantage. M. René Garrec, rapporteur, a relevé que la condamnation aux frais irrépétibles, selon laquelle la partie perdante devait payer les frais d'avocat de la partie adverse, devrait aussi accompagner les mesures de référé.
A l'article 9 (tri des requêtes selon leur degré d'urgence), la commission a adopté un amendement limitant le rejet pour irrecevabilité aux seuls cas d'irrecevabilité manifeste.
A l'article 10 (référés précontractuels), la commission a adopté un amendement limitant à vingt jours la durée pendant laquelle le juge des référés pourrait enjoindre à la personne publique de différer la signature d'un contrat de marché public ou de délégation de service public.
La commission a adopté quatre amendements rédactionnels aux articles 11 (suspension de l'exécution d'une décision en matière d'urbanisme), 12 (suspension de l'exécution des actes des collectivités territoriales dans le cadre du contrôle de légalité), 13 (suspension de l'exécution des actes des communes) et 15 (suspension des marchés des établissements publics locaux d'enseignement).
A l'article 16 (suspensions de droit dans le domaine de la protection de l'environnement), la commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement corrigeant une erreur, le juge des référés n'étant pas destinataire de la requête au fond tendant à l'annulation de la décision attaquée.
A l'article 17 (suspension des actes des fédérations sportives), la commission a adopté un amendement supprimant le délai spécial d'un mois imparti au juge pour se prononcer, afin d'aligner complètement cette procédure sur le droit commun.
La commission a enfin adopté trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 19 (application en outre-mer), s'insérant dans le code des communes de la Nouvelle-Calédonie, créé par la loi du 19 mars 1999. Le premier rend applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions du paragraphe I de l'article 12 du projet de loi, le haut-commissaire pouvant demander la suspension de l'exécution des actes transmis par les communes de la Nouvelle-Calédonie. Le deuxième rend applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions du paragraphe II de l'article 12, relatives à la suspension d'extrême urgence des actes des communes en cas d'atteinte à une liberté publique ou individuelle. Le dernier rétablit le déféré-défense nationale dans le code des communes de la Nouvelle-Calédonie, celui-ci ayant été censuré par le Conseil constitutionnel à la suite d'une erreur matérielle dans la loi du 19 mars 1999.
La commission a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.