Table des matières
- Présidence de M. René Garrec, président.
Expérimentation par les collectivités territoriales - Examen du rapport
M. Jean-Pierre Sueur a déploré les conditions d'organisation des travaux du Sénat, citant en exemple les annulations successives de la réunion de la Conférence des présidents et l'examen en commission des lois des projets de loi organique relatifs à l'expérimentation par les collectivités territoriales et au référendum local quelques heures à peine après leur adoption par l'Assemblée nationale. Il a souhaité savoir quand ces deux textes seraient examinés en séance publique par le Sénat.
M. René Garrec, président, a fait observer que l'ordre du jour prioritaire des assemblées pouvait être fixé par le Gouvernement, en l'absence de réunion de la Conférence des présidents, au moyen d'une simple lettre, tout en donnant acte de sa déclaration à M. Jean-Pierre Sueur. Il a indiqué que les deux projets de loi organique seraient vraisemblablement discutés par le Sénat en séance publique le lundi 21 juillet après-midi, la commission des lois devant se réunir peu avant, afin d'examiner les éventuels amendements extérieurs.
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport en première lecture de M. Gérard Longuet sur le projet de loi organique n° 400 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a observé que ce projet de loi organique avait été déposé en premier lieu sur le bureau de l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant considéré qu'il n'avait pas pour objet principal l'organisation des collectivités territoriales et était ainsi exonéré de l'obligation de dépôt en premier lieu sur le bureau du Sénat, désormais prévue par l'article 39 de la Constitution. Il a constaté qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi des lois organiques en application de l'article 46 de la loi fondamentale, de définir par sa jurisprudence le contenu des textes soumis à cette obligation.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a rappelé que la révision constitutionnelle du 28 mars dernier avait inscrit le droit à l'expérimentation à l'article 37-1 et au quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
Il a expliqué que l'article 37-1, en disposant que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental », donnait un fondement constitutionnel tant aux expérimentations conduites par l'Etat qu'aux expérimentations portant sur le transfert de compétences nouvelles aux collectivités territoriales, déjà engagées depuis plusieurs années, par exemple en matière de transport ferroviaire régional de voyageurs.
Il a indiqué que le quatrième alinéa de l'article 72, en prévoyant que, « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, peuvent déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences », posait la question du pouvoir normatif des collectivités territoriales et leur ouvrait la faculté d'adapter les lois et règlements nationaux aux situations locales.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a expliqué que le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales avait pour unique objet, en application du quatrième alinéa de l'article 72, de déterminer les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements pourraient être habilités, sur leur demande, à déroger à des dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences, la mise en oeuvre de l'article 37-1 ne supposant, en revanche, l'adoption d'aucune loi organique.
Il a estimé qu'en pratique, la procédure d'habilitation ainsi définie pour les expérimentations normatives s'appliquerait sans doute également aux expérimentations portant sur les transferts de compétences aux collectivités territoriales, une même expérimentation pouvant par exemple permettre à une collectivité d'exercer une compétence nouvelle et de modifier les règles qui en régissent l'exercice.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a ensuite présenté les trois volets du projet de loi organique, correspondant aux trois temps de l'expérimentation : l'habilitation, la dérogation, l'évaluation.
Il a expliqué, en premier lieu, que le cadre de chaque expérimentation serait défini, selon les cas, par une loi ou un décret en Conseil d'Etat, qui devrait déterminer :
- l'objet de l'expérimentation, celui-ci devant être d'intérêt général, et les dispositions auxquelles il pourrait être dérogé ;
- la durée de l'expérimentation, celle-ci ne pouvant toutefois excéder cinq ans, renouvelables pour une durée maximale de trois ans, et le délai dans lequel les collectivités territoriales pourraient demander à en bénéficier ;
- les conditions requises pour qu'une collectivité territoriale puisse participer à l'expérimentation, c'est-à-dire, en tant que de besoin, les cas dans lesquels l'expérimentation pourrait être entreprise et, en fonction de leur nature juridique et de leurs caractéristiques, les catégories de collectivités territoriales auxquelles l'expérimentation s'appliquerait.
Il a observé que toute collectivité territoriale, dès lors qu'elle remplirait les conditions posées par le texte d'habilitation, serait admise, sur simple demande, au bénéfice de l'expérimentation.
Il a précisé, d'une part, que cette demande prendrait la forme d'une délibération motivée transmise au représentant de l'Etat, ce dernier devant ensuite l'adresser, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales, et d'autre part, qu'il reviendrait au Gouvernement de s'assurer du respect des conditions requises pour l'obtention de l'habilitation et de publier par décret la liste des collectivités territoriales autorisées à déroger à la loi ou au règlement.
Il a ajouté que le bénéfice du droit à l'expérimentation normative serait ouvert, dans les mêmes conditions, aux établissements publics regroupant exclusivement des collectivités territoriales, ce qui excluait en pratique les syndicats mixtes.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a observé qu'en première lecture, l'Assemblée nationale avait clarifié les différentes mentions devant figurer dans la loi ou le décret habilitant les collectivités territoriales à déroger à certaines dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences.
Il a précisé que les collectivités situées outre-mer avaient vocation à bénéficier du droit à l'expérimentation reconnu par le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, puisqu'elles constituaient des collectivités territoriales de la République à part entière, mais que cette faculté, dont la mise en oeuvre supposait l'adoption de mesures d'adaptation spécifiques, ne devrait guère présenter d'intérêt pour elles, dans la mesure où les articles 73 et 74 de la Constitution leur reconnaissaient la possibilité de déroger à titre pérenne aux dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences.
En deuxième lieu, M. Gérard Longuet, rapporteur, a indiqué que les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements portant dérogation à des dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences seraient soumis à des exigences accrues de publicité et à un contrôle renforcé.
Il a expliqué que le caractère exécutoire de ces actes serait subordonné, d'une part, à leur transmission au représentant de l'Etat, d'autre part, à leur publication au Journal officiel de la République française, seuls étant soumis à cette double exigence les actes à caractère général et impersonnel, c'est-à-dire ceux modifiant ou supprimant des dispositions législatives ou réglementaires, et non les actes individuels pris sur leur fondement, dont le régime demeurerait inchangé.
Il a indiqué que ces actes seraient non seulement susceptibles d'un recours en annulation devant le juge administratif mais que leur exécution serait de droit suspendue, sur demande du représentant de l'Etat, jusqu'à ce que le juge des référés ait statué, dans un délai d'un mois, l'acte déféré redevenant applicable au-delà de ce délai en l'absence de décision juridictionnelle sur la demande de suspension.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a ajouté qu'en première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu, d'une part, que les actes à caractère général et impersonnel des collectivités territoriales portant dérogation à des dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences devraient mentionner leur durée de validité, d'autre part, que les recours dont ces actes feraient l'objet seraient portés devant le tribunal administratif, plutôt que devant le Conseil d'Etat. Il a estimé qu'une telle solution était conforme au mouvement de décentralisation et que ces juridictions disposeraient de la faculté de saisir le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle en cas de difficulté.
En troisième et dernier lieu, M. Gérard Longuet, rapporteur, a expliqué que chaque expérimentation devrait faire l'objet d'une évaluation permettant d'apprécier les suites devant lui être réservées.
S'agissant des dérogations à la loi, il a indiqué que le Parlement se verrait remettre par le Gouvernement :
- avant le terme de chaque expérimentation, un rapport d'évaluation assorti des observations des collectivités territoriales y ayant participé ;
- chaque année, un rapport retraçant l'ensemble des demandes d'expérimentation adressées au Gouvernement et les suites qui leur auraient été réservées.
S'agissant des dérogations aux dispositions réglementaires régissant l'exercice des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements, il a observé qu'il reviendrait aux décrets d'habilitation de prévoir les modalités d'évaluation de chaque expérimentation, un bilan de ces évaluations devant être adressé par le Gouvernement au Parlement.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a précisé qu'au vu de cette évaluation, une nouvelle loi ou un nouveau décret en Conseil d'Etat pourrait soit prolonger ou modifier l'expérimentation, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, soit maintenir et généraliser des mesures prises à titre expérimental, soit abandonner l'expérimentation. Il a ajouté que, dans un souci de sécurité juridique, le simple dépôt d'un projet de loi ayant l'un de ces objets aurait pour effet de proroger d'un an la période d'expérimentation. Il a expliqué qu'à défaut, l'expérimentation ne pourrait être poursuivie, les actes à caractère général et impersonnel dérogeant à des dispositions législatives ou réglementaires devenant caducs, d'une part, les actes individuels pris sur leur fondement restant valides, d'autre part.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a signalé qu'en première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu que le rapport annuel remis par le Gouvernement au Parlement relaterait, d'une part, les demandes d'habilitation des collectivités territoriales dans le cadre d'une expérimentation déjà autorisée par la loi ou le règlement, d'autre part, les propositions qu'elles pourraient formuler en vue d'expérimentations nouvelles, le Gouvernement devant exposer les suites réservées à ces demandes et propositions.
Il a ajouté que l'Assemblée nationale avait également prévu que le dépôt d'une proposition de loi ayant pour objet soit de prolonger ou de modifier, soit de maintenir et de généraliser, soit d'abandonner une expérimentation aurait pour effet, à l'instar de celui d'un projet de loi ayant l'un de ces objets, de la proroger dans la limite d'un an à compter du terme de la loi ayant autorisé l'expérimentation, mention devant être faite de cette prorogation au Journal officiel.
Jugeant les conditions définies par l'Assemblée nationale pour la mise en oeuvre du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution de nature à assurer la sécurité juridique des expérimentations, M. Gérard Longuet, rapporteur, a proposé d'adopter sans modification le projet de loi organique.
Après avoir regretté que la commission s'apprête une nouvelle fois à adopter un texte sans modification, M. Jean-Claude Peyronnet a déploré l'imprécision du projet de loi organique et s'est interrogé sur son utilité. Il a exprimé la crainte que la durée des expérimentations, susceptible d'atteindre neuf ans, ne compromette leur nécessaire réversibilité. Il a souhaité savoir si une expérimentation pourrait ne concerner qu'une seule collectivité territoriale et, dans ce cas, si les mesures prises par cette collectivité pourraient être pérennisées.
M. Jean-Pierre Sueur a mis en doute la conformité à la Constitution de la disposition prévoyant que le simple dépôt - et non l'adoption - d'un projet ou d'une proposition de loi aurait pour effet de proroger l'expérimentation pour une durée maximale d'un an à compter du terme fixé par la loi d'habilitation. Il a estimé que les expérimentations seraient pour la plupart prorogées puisqu'il suffirait qu'un parlementaire dépose une proposition de loi.
M. Robert Bret a déploré, d'une part, que le projet de loi organique n'ait pas été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat, d'autre part, que le rapporteur propose de l'adopter sans modification. Il a également dénoncé l'imprécision de ce texte et, plus généralement, de tous les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales présentés par l'actuel Gouvernement.
M. René Garrec, président, a souligné que la commission amendait les textes dont elle était saisie lorsque leur rédaction le justifiait. Il a observé qu'elle venait d'adopter avec modification le projet de loi organique relatif au référendum local en proposant au Sénat de rétablir à la moitié des électeurs inscrits le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux.
M. Maurice Ulrich a souhaité savoir si le projet de loi organique s'appliquerait à la collectivité territoriale de Corse.
M. Gérard Longuet, rapporteur, le lui a confirmé.
En réponse à M. Jean-Claude Peyronnet, il a estimé que cette procédure était suffisamment claire et précise. Il a confirmé, d'une part, qu'une expérimentation pourrait ne concerner qu'une seule collectivité territoriale, d'autre part, que les mesures prises par cette collectivité pourraient être généralisées si elles s'avéraient pertinentes. Il s'est toutefois déclaré convaincu que les candidatures seraient nombreuses et a estimé que les mesures prises à titre expérimental risquaient d'être très différentes selon les collectivités. Il a expliqué qu'il reviendrait dans ce cas au législateur, au terme de l'expérimentation, soit d'élaborer un texte de synthèse soit de généraliser les mesures les plus pertinentes.
En réponse à M. Jean-Pierre Sueur, il a indiqué que le dispositif, certes singulier, prévoyant la prorogation d'une expérimentation, pour une durée maximale d'un an, en cas de dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi ayant pour objet soit de la prolonger ou de la modifier, soit de la maintenir et de la généraliser, soit de l'abandonner, répondait à un objectif de sécurité juridique.
M. Gérard Longuet, rapporteur, a par ailleurs estimé que la durée des expérimentations ne devait être ni trop courte, sous peine de les priver d'intérêt, ni trop longue, afin d'éviter qu'elles ne deviennent irréversibles. Rappelant que l'expérimentation conduite en vue du transfert aux régions de la responsabilité du transport ferroviaire régional de voyageurs avait duré sept ans, il a approuvé la durée maximale de neuf ans prévue par le projet de loi organique.
Enfin, il a expliqué qu'il n'avait pas jugé utile de présenter des amendements au projet de loi organique dans la mesure où les modifications votées par l'Assemblée nationale avaient apporté une réponse à ses interrogations initiales.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a approuvé l'amendement de l'Assemblée nationale prévoyant la prorogation d'une expérimentation en cas de dépôt d'une proposition de loi ayant pour objet soit de la prolonger ou de la modifier, soit de la maintenir et de la généraliser, soit de l'abandonner. Il a estimé que cette disposition rétablissait l'équilibre entre les droits du Gouvernement et ceux du Parlement, d'une part, ceux de la majorité et ceux de l'opposition, d'autre part. En revanche, il a exprimé la crainte que la réversibilité des expérimentations ne soit pas assurée.
Rejoignant les propos de M. Jean-Pierre Sueur, M. Bernard Frimat s'est étonné que la durée d'une expérimentation, fixée par la loi d'habilitation, puisse être prorogée par le simple dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi. Observant que nombre de chefs d'exécutifs locaux étaient parlementaires, il a estimé que les expérimentations seraient pratiquement toutes prorogées.
M. Josselin de Rohan a souligné que, par définition, les expérimentations constituaient un pari, comportaient des risques et engendraient des tâtonnements. Aussi a-t-il souhaité que leur durée soit suffisamment longue pour que leurs effets puissent être évalués.
En réponse à M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Gérard Longuet, rapporteur, a indiqué que les actes à caractère général et impersonnel des collectivités territoriales dérogeant à des dispositions législatives ou réglementaires deviendraient caducs s'ils n'étaient pérennisés au terme de l'expérimentation mais que les actes individuels pris sur leur fondement resteraient valides. A titre d'exemple, il a expliqué qu'une commune riveraine d'un plan d'eau d'une superficie inférieure à mille hectares pourrait être habilitée à déroger à la « loi littoral » et, ainsi, autoriser des constructions à proximité de la rive. Il a précisé que les modifications apportées à la « loi littoral » deviendraient caduques à l'issue de l'expérimentation mais que les permis de construire délivrés sur leur fondement resteraient valides.
La commission a adopté sans modification le projet de loi organique.
Référendum local - Examen du rapport
La commission a procédé, sur le rapport de M. Daniel Hoeffel, à l'examen du rapport en deuxième lecture sur le projet de loi organique n° 399 (2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, relatif au référendum local.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a observé que la faculté reconnue aux collectivités territoriales d'organiser des référendums décisionnels locaux sur les projets de délibération ou d'acte relevant de leur compétence constituait l'un des cinq leviers de changement introduits par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
Il a rappelé qu'en première lecture, le Sénat avait réaffirmé la responsabilité première des élus locaux, légitimés à intervalles réguliers par le suffrage universel, dans la gestion des collectivités territoriales et avait donné une base juridique solide aux référendums locaux. Il a souligné, d'une part, que les projets d'acte individuel, tels qu'une nomination ou la délivrance d'un permis de construire, avaient été exclus du champ des référendums locaux, d'autre part, que la valeur décisionnelle des résultats du scrutin avait été subordonnée à une condition de participation minimale, fixée à la moitié au moins des électeurs inscrits.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale, tout en approuvant dans leur principe l'ensemble des apports du Sénat, avait souhaité préciser les délais de la procédure référendaire mais également réduire le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux résultats d'un référendum local.
Il a tout d'abord approuvé les délais imposés par l'Assemblée nationale pour l'organisation des référendums locaux, considérant qu'ils apportaient une plus grande sécurité juridique aux scrutins. Il a expliqué que :
- l'exécutif d'une collectivité territoriale dont l'assemblée délibérante déciderait d'organiser un référendum décisionnel local devrait transmettre au représentant de l'Etat la délibération prise à cette fin dans un délai de huit jours ;
- le délai de dix jours accordé au préfet pour déférer au tribunal administratif une délibération organisant un référendum local qu'il jugerait illégale et assortir son recours d'une demande de suspension courrait à compter de la réception de la délibération ;
- le délai de quinze jours dans lequel le préfet devrait notifier la délibération organisant un référendum local, prise par l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale autre que la commune, aux maires des communes situées dans le ressort de cette collectivité courrait à compter de la réception de la délibération par le représentant de l'Etat.
Il a ensuite souligné que l'Assemblée nationale, tout en acceptant dans son principe l'exigence d'une condition de quorum, avait réduit de la moitié au tiers des électeurs inscrits le seuil de participation exigé par le Sénat pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux, observant que sa commission des lois avait, dans un premier temps, proposé un taux de 40 % des électeurs inscrits par référence au taux moyen de participation constaté lors des dernières consultations organisées par les communes.
Constatant que le débat portait uniquement sur le niveau du taux de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux, M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a estimé que le seuil prévu par le Sénat en première lecture constituait la seule référence réellement significative. Il a fait valoir qu'un projet de délibération ou d'acte adopté par voie de référendum avec un peu plus de la moitié des suffrages exprimés et un taux de participation de 50 % recueillerait en fait l'adhésion de moins du quart des électeurs inscrits, compte tenu des suffrages blancs ou nuls. Il a ajouté que la condition de quorum instituée par le Sénat recueillait un large consensus et permettrait non seulement d'éviter d'imposer des choix minoritaires à la population mais également de mobiliser les électeurs en leur montrant l'importance attachée à leur participation. Il a ainsi estimé que, loin de décourager le recours au référendum local, elle devrait au contraire en asseoir la légitimité, l'exemple des référendums en vue de l'adhésion des Etats d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne et des votations organisées en Suisse montrant que le taux de participation dépendait finalement davantage de la question posée que de l'existence d'une condition de quorum.
Pour ces raisons, M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a proposé de rétablir à la moitié des électeurs inscrits le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux.
M. Jean-Claude Peyronnet s'est déclaré favorable à cette proposition. Il a considéré que, dans la mesure où les référendums locaux auraient désormais une valeur décisionnelle, la référence faite par la commission des lois de l'Assemblée nationale au taux moyen de participation lors des consultations organisées jusqu'à présent par les communes n'était pas pertinente, dans la mesure où ces consultations revêtaient la valeur de simples avis.
M. Jean-Pierre Sueur a indiqué que la principale lacune du projet de loi organique tenait au fait que les établissements publics de coopération intercommunale ne pourraient organiser des référendums décisionnels alors qu'ils disposaient de compétences de plus en plus étendues, dans des domaines touchant la vie quotidienne des Français.
Il a souhaité connaître l'opinion du rapporteur sur les propos tenus par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Pascal Clément, lors de l'examen des deux projets de loi organique en séance publique, invitant les députés à retenir un seuil de participation assez bas en première lecture, afin que le taux de 40 % apparaisse ultérieurement comme une solution de compromis entre les deux Assemblées.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a approuvé l'argument supplémentaire de M. Jean-Claude Peyronnet en faveur du rétablissement à la moitié des électeurs inscrits du seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux.
En réponse à M. Jean-Pierre Sueur, il a rappelé que les établissements publics de coopération intercommunale s'étaient vu refuser la qualité de collectivité territoriale lors de la révision constitutionnelle du 28 mars dernier et ne pouvaient, de ce fait, être autorisés à organiser des référendums décisionnels.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur, a souligné la nécessité de ne pas décourager les élus locaux dans leur action au service de l'intérêt général, tant il était difficile de mener à bien des projets importants pendant la durée d'un mandat. Aussi a-t-il préconisé de retenir, dans un premier temps, le seuil de la moitié des électeurs inscrits, quitte à le modifier par la suite si la pratique des référendums décisionnels locaux en révélait la nécessité.
M. Robert Bret a rappelé l'hostilité du groupe communiste républicain et citoyen à l'institution d'un seuil de participation pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux, estimant que cette question de principe ne devait pas donner lieu à un quelconque marchandage. Dénonçant la frilosité de la majorité, il a estimé que le développement de la participation des citoyens aux décisions qui les concernent était de nature à revivifier la démocratie et non à l'affaiblir.
Estimant que la démocratie représentative constituait le fondement des institutions de la République, M. Pierre Fauchon a déclaré que le recours au référendum ne présentait d'intérêt que s'il donnait davantage de légitimité à la décision adoptée, ce qui supposait l'institution d'un seuil de participation élevé. Après avoir également mis en exergue la nécessité d'éviter que des minorités n'imposent leurs choix à la population, il a plaidé en faveur du rétablissement du seuil de participation retenu par le Sénat en première lecture pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux. En conclusion, il a déclaré qu'un faible taux de participation donnerait à réfléchir sur la pertinence des référendums.
Dans le texte proposé par l'article unique du projet de loi organique pour insérer un article L.O. 1112-7 dans le code général des collectivités territoriales (adoption, entrée en vigueur et contrôle des textes soumis à référendum local), la commission a adopté un amendement tendant à fixer à la moitié des électeurs inscrits le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux.
La commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.
Orientation et programmation pour la ville - Rénovation urbaine - Examen du rapport pour avis
La commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi n° 398 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Après avoir présenté l'économie générale du projet de loi dont le nombre d'articles était passé de trente-quatre à cinquante-sept lors de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, répartis sous quatre titres traitant successivement de la réduction des inégalités sociales et territoriales dans le cadre des zones urbaines sensibles, de la rénovation de l'habitat et du cadre de vie des quartiers, du soutien au développement économique dans les zones franches urbaines et du renforcement de la lutte contre la marginalisation des ménages surendettés, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis, a rappelé que le champ de saisine de la commission était circonscrit aux dispositions relatives à la sécurité dans les immeubles collectifs à usage d'habitation et aux copropriétés en difficulté d'une part, et à celles relatives à l'instauration d'une procédure de rétablissement personnel pour les particuliers dont la situation financière était définitivement obérée d'autre part.
S'étant interrogé sur la multiplication des régimes juridiques applicables en matière de prévention des risques liés à l'état dégradé d'une partie du parc immobilier à usage d'habitation, le rapporteur a relaté l'historique de la législation sur le traitement des situations de surendettement des particuliers en rappelant le constat et les conclusions dressés par le rapport d'information du Sénat établi conjointement par sa commission des lois et sa commission des finances à l'automne 1997. Il s'est félicité du travail accompli par les commissions de surendettement en dépit des difficultés rencontrées du fait de l'évolution de la nature du surendettement et a estimé que le dispositif proposé par le projet de loi, s'inspirant du système de la faillite civile en vigueur en Alsace-Moselle, risquait de conduire à les court-circuiter, le juge redevenant la cheville ouvrière du traitement du surendettement au risque de provoquer une « thrombose » judiciaire. Il a observé que dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle l'instauration de la nouvelle procédure dite de rétablissement personnel aboutirait à la juxtaposition de trois mécanismes juridiques de traitement des situations de surendettement.
Tout en regrettant certaines modifications ponctuelles introduites par l'Assemblée nationale, il s'est félicité du travail de remise en cohérence des procédures de traitement du surendettement et de rétablissement personnel qu'elle avait effectué, à l'initiative, pour l'essentiel, de sa commission des lois. Il a en particulier approuvé la substitution du juge de l'exécution au juge d'instance comme juge du rétablissement personnel.
Sur ce volet du projet de loi, il a expliqué que les modifications qu'il proposait s'articulaient autour de trois idées principales : la sortie de l'impasse des personnes surendettées dont la situation était définitivement obérée sans pour autant susciter d'effet d'aubaine ; le maintien de la commission de surendettement comme étape obligatoire et comme instance d'instruction et de filtre des dossiers ; la clarification des rôles respectifs de la commission et du juge, le rôle de conciliation des parties étant réservé à la commission, le juge n'ayant à connaître que des situations les plus désespérées excluant tout redressement.
Considérant la complexité des mécanismes juridiques proposés par le projet de loi, M. Michel Dreyfus-Schmidt a regretté que le calendrier de discussion du texte soit aussi précipité. Il a observé que l'effacement du passif résultant de la mise en oeuvre de la procédure de rétablissement personnel aurait pour effet de léser les créanciers de bonne foi et a estimé nécessaire de simplifier l'ordonnancement juridique applicable en Alsace-Moselle. Il s'est enfin déclaré favorable à l'octroi de l'aide juridictionnelle aux personnes surendettées dont la bonne foi était reconnue.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis, ayant rappelé que le projet de loi avait été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le samedi précédent au petit matin, M. Robert Bret a à son tour déploré la précipitation avec laquelle le Parlement devait examiner ce texte en toute fin de session.
En réponse à MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Bret, le rapporteur a indiqué que les associations de consommateurs s'étaient déclarées favorables à l'instauration d'une procédure de rétablissement personnel et que les réserves émises par le Conseil économique et social dans son rapport portaient sur l'absence de dispositions relatives à la prévention. Il a rappelé que la mise en oeuvre des actions de prévention se heurtait aujourd'hui à la pénurie de travailleurs sociaux et reposait essentiellement sur les caisses d'allocations familiales et les services sociaux du département. Il a souligné que, par rapport à la situation actuelle, l'avantage offert par la nouvelle procédure était de permettre un effacement global du passif après inventaire.
Puis la commission a adopté quarante-deux amendements proposés par le rapporteur.
A l'article 15 (sécurité des immeubles collectifs à usage d'habitation), elle a adopté un amendement réservant la procédure d'urgence applicable à la remise en état ou au remplacement d'équipements communs défectueux dans les immeubles collectifs à usage principal d'habitation aux cas où le conseil municipal a recensé ces immeubles dans une délibération motivée.
A l'article 16 (assistance de l'administrateur provisoire de copropriété par un tiers pour l'exercice de ses fonctions), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir la désignation du tiers par le juge sur proposition de l'administrateur provisoire.
A l'article 17 (état de carence dans la gestion d'un immeuble collectif à usage d'habitation), la commission a adopté, outre trois amendements de clarification rédactionnelle, deux amendements corrigeant une erreur de qualification juridique.
A l'article 19 (octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle aux syndicats de copropriétaires), elle a adopté un amendement soumettant le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les syndicats de copropriétaires aux mêmes conditions que pour les autres personnes morales.
La commission a ensuite adopté un amendement de suppression de l'article 27A (impossibilité pour le prêteur qui ne s'est pas assuré de la solvabilité de l'emprunteur d'exercer contre lui des procédures de recouvrement).
A l'article 27 (procédure de rétablissement personnel), la commission a adopté trente et un amendements modifiant les dispositions du titre III du livre III du code de la consommation.
Sur l'article L. 330-1 créé par le paragraphe I, elle a adopté deux amendements, l'un pour que le cautionnement puisse être pris en compte dans l'évaluation d'une situation de surendettement, l'autre modifiant la définition du critère d'éligibilité au bénéfice d'une procédure de rétablissement personnel pour éviter l'effet d'aubaine que pourrait susciter l'instauration d'une telle procédure.
Sur l'article L. 331-1 modifié par le paragraphe II, la commission a adopté deux amendements, l'un pour éviter d'accroître l'effectif des commissions de surendettement de deux membres supplémentaires et pour prévoir l'association d'un travailleur social à l'instruction du dossier et sa présence avec voix consultative aux délibérations de la commission, l'autre pour supprimer l'institution auprès de chaque commission d'une cellule chargée de la prévention du surendettement et de l'accompagnement social des surendettés.
Sur l'article L. 331-2 modifié par le paragraphe III, la commission a adopté, outre un amendement de coordination, un amendement permettant de rétablir la définition actuellement en vigueur du reste à vivre.
Sur l'article L. 331-3 modifié par le paragraphe IV, elle a adopté, outre deux amendements de précision et deux amendements de coordination, un amendement ouvrant au débiteur une faculté de recours devant le juge de l'exécution contre les décisions prises par la commission en matière d'orientation du dossier.
La commission a adopté un amendement de suppression de l'article L. 332-5 créé par le paragraphe V ouvrant plusieurs possibilités de saisine directe du juge de l'exécution par le débiteur aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel.
Sur l'article L. 332-6 créé par le paragraphe V, elle a adopté un amendement tendant à supprimer l'exigence de la présence d'un travailleur social à l'audience où il est statué sur la demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel.
Sur l'article L. 332-7 créé par le paragraphe V, elle a adopté trois amendements de clarification rédactionnelle.
Sur l'article L. 332-8 créé par le paragraphe V, la commission a adopté, outre un amendement de précision, un amendement prévoyant le dessaisissement du débiteur de la disposition de ses biens à compter du jugement prononçant la liquidation.
La commission a adopté un amendement de réécriture de l'article L. 332-9 créé par le paragraphe V relatif à la clôture de la procédure de rétablissement personnel et un amendement de suppression de l'article L. 332-10 créé par le paragraphe V, fusionné en partie dans l'article L. 332-9, pour ôter au juge la possibilité d'élaborer des plans de redressement.
A l'article L. 332-11 créé par le paragraphe V, la commission a adopté, outre un amendement de coordination portant à dix ans la durée d'inscription au fichier des incidents de paiement des personnes ayant bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel, un amendement supprimant la levée de l'inscription dès l'apurement du passif ainsi que la limitation à une fois du bénéfice de cette procédure.
La commission a adopté un amendement de réécriture de l'article L. 332-12, créé par le paragraphe V, prévoyant la possibilité pour le juge, en cas de retour à meilleure fortune en cours de procédure, de renvoyer le dossier à la commission de surendettement.
Sur l'article L. 331-6 modifié par le paragraphe VII, la commission a adopté un amendement pour plafonner à dix années la durée maximale d'un plan conventionnel en prévoyant la possibilité de le réviser ou de le renouveler dans la limite de cette durée.
Sur l'article L. 331-7 relatif aux recommandations de la commission de surendettement modifié par le paragraphe VIII, la commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle et de coordination.
Sur l'article L. 331-7-1 modifié par le paragraphe IX, la commission a adopté deux amendements pour, d'une part, relever à trois années la durée maximale d'un moratoire et, d'autre part, supprimer la possibilité pour la commission de surendettement de recommander un effacement total des dettes.
La commission a adopté deux amendements de coordination supprimant les paragraphes XI et XII de l'article 27.
A l'article L. 333-1 modifié par le paragraphe XIII, la commission a adopté un amendement tendant à exclure, sauf accord du créancier, toute possibilité de rééchelonnement, de remise ou d'effacement pour tous les dommages-intérêts prononcés par le juge et pas seulement ceux résultant d'une condamnation pénale.
A l'article L. 333-4 modifié par le paragraphe XV, la commission a adopté un amendement chargeant le greffe du juge de l'exécution de saisir la Banque de France aux fins d'inscription au fichier des incidents de paiement des personnes bénéficiant d'une procédure de rétablissement personnel.
A l'article 27 septies (suppression de l'inscription au casier judiciaire et inscription au fichier des incidents de remboursement de crédit), la commission a adopté un amendement de précision. Elle a adopté par coordination avec la suppression de l'article L. 332-5 un amendement de suppression de l'article 28.
Sous réserve de ces modifications, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.