Table des matières
- Mardi 22 janvier 2002
- Réforme du divorce - Auditions
- Audition de Mme Roselyne Crépin-Mauriès, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, et de Mme Danièle Ganancia, ancien juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre
- Audition de Mme Annie Guilberteau du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles
- Audition de Me Jacques Combret, membre du Conseil supérieur du notariat
- Mme Monique Sassier, présidente du conseil national consultatif de la médiation familiale, M. Pierre Grand, président de l'association pour la promotion de la médiation familiale, M. Roger Leconte, président du comité national des associations et services de médiation familiale, Me Martine-Claire Bourry d'Antin et Me Abraham Zéni, respectivement vice-présidente et secrétaire général de la fédération nationale des centres de médiation
- Collectivités locales - Démocratie de proximité - Examen des amendements
- Mercredi 23 janvier 2002
- Hommage à la mémoire de Mme Dinah Derycke, vice-présidente de la commission
- Collectivités locales - Démocratie de proximité - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
- Statut de la magistrature et recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire - Réforme des tribunaux de commerce - Examen du rapport
- Professions judiciaires - Administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise - Examen du rapport
- Jeudi 24 janvier 2002
- Présidence de M. René Garrec, président.
Réforme du divorce - Auditions
La commission a poursuivi les auditions sur les propositions de loi n° 17 (2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du divorce, et n° 12 (2001-2002) de M. Nicolas About visant à remplacer la procédure de divorce pour faute par une procédure de divorce pour cause objective.
Audition de Mme Roselyne Crépin-Mauriès, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, et de Mme Danièle Ganancia, ancien juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre
Elle a tout d'abord entendu Mme Roselyne Crépin-Mauriès, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, et Mme Danièle Ganancia, ancien juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre.
Mme Roselyne Crépin-Mauriès, après avoir souligné l'intérêt que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale avait soulevé chez les magistrats, a indiqué que nombre d'entre eux regrettaient la suppression du divorce pour faute, mais se félicitaient des dispositions incitant au recours à la médiation familiale.
Elle a approuvé, en premier lieu, la simplification proposée de la procédure de divorce par consentement mutuel, jugeant acceptable de prévoir une seule comparution devant le juge.
Elle a considéré ensuite que la suppression de la pluralité des cas de divorce ne permettrait pas de répondre à la diversité des situations de crise conjugale, faisant ressortir que les trois cas de divorce contentieux existant actuellement, le divorce sur demande acceptée, le divorce pour rupture de la vie commune et le divorce pour faute, permettaient à un époux, à son choix, de réagir ou de rester passif en face d'une crise.
Mme Roselyne Crépin-Mauriès a reconnu que les conséquences importantes du divorce aux torts exclusifs, notamment quant à la prestation compensatoire et aux donations et avantages matrimoniaux, incitaient les époux à se battre pour démontrer les torts de l'autre.
Elle a cependant considéré que le divorce pour faute était mieux à même de permettre à un époux de faire valoir ses droits et d'exprimer ses sentiments que le divorce pour rupture irrémédiable de la vie conjugale.
Se déclarant favorable à la reconnaissance du droit au divorce pour cause objective, elle a considéré qu'un tel droit n'était pas incompatible avec le maintien du divorce pour faute. Elle a estimé qu'il convenait de laisser au « divorcé malgré lui » la possibilité d'avoir un rôle actif dans la procédure en lui permettant d'exposer ses griefs plutôt que d'attendre le prononcé du divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal après un délai de quatre à huit mois. Elle a d'ailleurs récusé le terme de rupture irrémédiable du lien conjugal, estimant qu'il ne faisait pas référence à une situation objective pouvant être constatée par le juge.
Mme Roselyne Crépin-Mauriès a jugé que la proposition de loi relevait de l'utopie, d'une part, en niant la souffrance provoquée par le divorce et en le banalisant, et, d'autre part, en partant du présupposé que la suppression du divorce pour faute mettrait fin aux affrontements entre époux. Faisant référence à son expérience en matière de rupture de concubins, elle s'est déclarée persuadée que le conflit se déplacerait sur les mesures relatives aux enfants ou sur celles relatives aux biens.
Relevant que la proposition de loi initiale avait été amendée pour prendre en compte les cas de violences conjugales, elle a considéré qu'il était préférable de demander un divorce pour faute que l'attribution de dommages et intérêts en fin de procédure.
Elle a néanmoins espéré que le divorce pour faute tomberait progressivement en désuétude et s'est déclarée favorable, à cet effet, à une dissociation entre la détermination des torts et les conséquences patrimoniales du divorce.
Mme Roselyne Crépin-Mauriès a estimé en conclusion que le juge ne devait pas se défausser en refusant d'évoquer la souffrance des époux et de reconnaître leurs griefs et elle a salué le travail remarquable des médiateurs familiaux.
Mme Danièle Ganancia, après avoir rappelé qu'elle avait été entendue par deux fois par la commission des lois, la première fois en avril 1998, lors d'une journée d'auditions sur le droit de la famille, et la deuxième fois, en juin 2000, sur la proposition de loi de M. Nicolas About, a fait part de son approbation de la proposition de loi de M. François Colcombet.
Elle a rappelé que depuis 1997, elle s'était déclarée favorable à la suppression du divorce pour faute, destructeur et archaïque, et à l'institution d'un divorce constat d'échec, articulé avec un temps de réflexion et un espace de dialogue représenté par la médiation.
Elle a considéré que la proposition de loi reflétait une conception moderne et réaliste du mariage ainsi que du rôle que la justice devait avoir dans les conflits entre époux.
Mme Danièle Ganancia a estimé que le divorce pour faute devait être supprimé sous peine de voir les époux continuer à s'engouffrer dans cette procédure destructrice.
Soulignant que la faute n'était pas la cause du divorce, mais le symptôme de l'échec d'un couple, elle a observé que de nombreux demandeurs de divorce pour faute en étaient parfaitement conscients, mais qu'ils étaient contraints de recourir à cette procédure dégradante en l'absence d'autres voies adaptées.
Elle a observé que, sous réserve des cas où les époux demandaient, en application de l'article 248-1 du code civil, que les torts ne soient pas énoncés dans le jugement, la procédure de divorce pour faute conduisait à des échanges haineux, à des déballages indécents de la vie privée et à la multiplication d'attestations fournies par l'entourage, chacun en sortant meurtri, principalement les enfants qui devaient choisir leur camp. Elle a considéré que cette procédure compromettait en conséquence l'exercice de la co-parentalité.
Elle a jugé que, plutôt que de gaspiller une telle énergie pour stigmatiser l'autre époux de manière destructrice, il convenait de construire l'avenir.
Reconnaissant que, dans certains cas marginaux, il était nécessaire que la victime soit reconnue comme telle, elle a considéré que la proposition de loi répondait à cet objectif en permettant que des faits de violence soient mentionnés dans le jugement de divorce.
Mme Danièle Ganancia a remarqué que la proposition de loi répondait à une conception moderne du mariage, désormais considéré comme un lien privé de nature contractuel, dans lequel personne ne pouvait être contraint de rester malgré lui.
Elle a estimé qu'il convenait d'en finir avec la recherche d'un coupable, une relation à deux se faisant et se défaisant à deux.
Rappelant que 80 % des divorces pour faute étaient prononcés aux torts partagés, elle a souligné que l'intervention du juge était illusoire, celui-ci n'étant pas en mesure de porter un jugement sur les faits intervenus dans l'intimité des époux. Elle a en outre récusé l'affirmation selon laquelle cette intervention pourrait contribuer à réparer les souffrances du couple, estimant au contraire qu'elle était une source d'aggravation.
Mme Danièle Ganancia a considéré que l'espace de dialogue constitué par la médiation était un lieu plus approprié pour soigner la souffrance des époux. Elle a observé que la proposition de loi garantissait une procédure à l'opposé de la répudiation, soulignant à cet égard l'intérêt psychologique pour les époux des délais de réflexion de 4 et 8 mois qui seraient accordés par le juge en fonction de l'état du couple et permettraient de recourir à la médiation. Elle a enfin jugé très positive la disposition permettant au juge d'enjoindre aux époux de suivre une séance d'information à la médiation lorsque le défendeur s'opposerait au divorce, soulignant qu'était ainsi institué un véritable devoir de dialogue.
En réponse à M. Patrice Gélard, rapporteur, qui, après avoir souligné que la réintroduction de la faute par l'Assemblée nationale à travers les dommages et intérêts et le prononcé du jugement démontrait qu'il était difficile de s'affranchir de la faute, l'interrogeait sur l'opportunité de prononcer le divorce à la demande d'un époux après un certain délai, Mme Roselyne Crépin-Mauriès a considéré qu'il fallait permettre le divorce pour cause objective, mais que cela n'impliquait pas nécessairement la disparition du divorce pour faute. Contrairement à Mme Danièle Ganancia, elle a estimé que le juge devait intervenir dans la sphère privée du couple sous peine de tomber dans le déni de justice et de vider les obligations du mariage, notamment la fidélité, de toute signification.
En réponse à Mme Michèle André qui l'interrogeait sur le degré de professionnalisme des médiateurs, Mme Roselyne Crépin-Mauriès a rappelé qu'un Conseil national de la médiation familiale, dont elle faisait partie, avait été mis en place par le gouvernement afin de déterminer le profil professionnel des médiateurs et le contenu de la médiation familiale.
Mme Danièle Ganancia, en tant que vice-présidente de l'association pour la promotion de la médiation familiale, a indiqué que les associations de médiation existantes étaient composées de professionnels qualifiés soumis à des chartes de formation et à des règles éthiques.
A M. François Zocchetto qui avait souhaité savoir comment étaient désignés les juges aux affaires familiales et si l'exercice de cette fonction était considéré comme un choix positif, Mme Roselyne Crépin-Mauriès a indiqué que ces juges étaient désignés par le président du tribunal de grande instance et que si leur fonction était considérée comme une fonction spécialisée ne pouvant être exercée plus d'un certain nombre d'années d'affilée, ils pouvaient, dans les petits tribunaux, être tenus de remplir en même temps d'autres attributions parfois très différentes. Elle a indiqué qu'à Paris, les 16 juges aux affaires familiales assuraient également la liquidation des régimes matrimoniaux. Elle a souligné que de manière générale les juges aux affaires familiales étaient volontaires et appréciaient cette fonction au contact direct avec des justiciables représentant toute la diversité sociale.
A M. Gérard Longuet qui l'interrogeait sur la synchronisation souhaitable entre le prononcé du divorce et la liquidation du régime matrimonial, Mme Danièle Ganancia a indiqué que l'idéal serait de pouvoir lier les deux opérations dans le même jugement. Elle a observé que la détermination de la prestation compensatoire impliquait en tout état de cause d'avoir un aperçu total de la situation après liquidation. Remarquant que la proposition de loi, sans la rendre obligatoire, amorçait la liaison entre le prononcé du divorce et la liquidation en permettant la désignation d'un notaire dès l'audience de conciliation, elle a considéré, se référant aux propositions effectuées par un notaire, Me Claux, qu'il serait non seulement souhaitable, mais encore techniquement possible, de lier les deux opérations.
Mme Roselyne Crépin-Mauriès a précisé que les propositions de Me Claux ne tendaient pas à lier obligatoirement les deux opérations, mais à faire en sorte que le juge soit à même de connaître les difficultés dès le début de la procédure.
Audition de Mme Annie Guilberteau du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles
Puis la commission a entendu Mme Annie Guilberteau du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles.
Mme Annie Guilberteau a indiqué que le réseau national regroupait 120 centres d'information sur les droits des femmes, employant 900 personnes dont un tiers de juristes, traitant 440.000 demandes d'informations par an. Après avoir noté que la pratique de terrain montrait une divergence entre l'égalité existant dans les textes entre les femmes et les hommes et le retard de réalisation dans les faits, elle a regretté que l'espace familial soit celui des rôles conditionnés.
Après avoir rappelé que la réforme du divorce menée en 1975 avait constitué un progrès considérable en dédramatisant la rupture, elle a jugé nécessaire une nouvelle réforme du divorce, dans la mesure où les procédures actuelles, longues, coûteuses, éprouvantes tant pour les époux que pour leur entourage, rajoutaient parfois au conflit préexistant et qu'il manquait une alternative entre le divorce pour faute et le divorce par consentement mutuel, demandé souvent sous la contrainte.
La proposition de loi tendant à pacifier le divorce lui a paru très positive pour les demandes qui ne seraient fondées ni sur la faute ni sur le consentement mutuel. En effet, elle a constaté qu'actuellement, les couples ne souhaitant pas divorcer par consentement mutuel et ne justifiant pas de six années de rupture de la vie commune étaient contraints de fait à la procédure de divorce pour faute, ce qui les faisait sombrer dans un conflit ouvert, notamment par la recherche d'attestations de la part de l'entourage. Elle a approuvé l'économie générale de la proposition de loi mais s'est demandé, dans un contexte de contractualisation du mariage, ce qu'il adviendrait à terme des obligations découlant de celui-ci.
Sur le divorce par consentement mutuel, Mme Annie Guilberteau s'est déclarée favorable à la procédure simplifiée, à condition que le juge ait les moyens et le temps nécessaires pour apprécier le libre consentement des parties et déceler les éventuels phénomènes de violence conjugale et d'emprise. Elle a noté que les requérants actuels se plaignaient souvent de la brièveté de l'entretien avec le juge aux affaires familiales, ne permettant pas de faire la part des « consentements » obtenus sous la contrainte, la menace et le chantage.
Concernant le divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal, permettant de supprimer l'obligation de prouver la faute, elle s'est déclarée favorable à la pacification du conflit. Elle a souligné que la proposition de loi ne niait pas l'existence de la faute commise par un conjoint, notamment en cas de violence familiale et conjugale, le juge ayant la possibilité de constater que des faits d'une particulière gravité sont imputables à l'un des conjoints, permettant ainsi à la victime de se reconstruire après la séparation.
Après avoir indiqué préférer la notion de « divorce pour cause objective » à celle de « divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal », Mme Annie Guilberteau s'est demandé sur quels critères objectifs le juge pourrait se fonder pour apprécier le caractère irrémédiable de la rupture du lien conjugal, et a souhaité que le juge motive sa décision et donne aux époux une possibilité de conciliation. Elle a estimé que le délai de quatre à huit mois pouvait être suffisant pour reconstruire le lien conjugal lorsque cela était possible, mais qu'il était très insuffisant pour permettre au conjoint qui n'avait pas souhaité la rupture de faire le deuil de l'union, en particulier pour les femmes n'ayant jamais travaillé et ayant vécu une longue vie de couple. En l'absence d'un temps suffisant pour faire le deuil de la relation, le divorce, trop brutal, pourrait être vécu comme une forme de répudiation.
Elle s'est déclarée très favorable à l'article 266 du code civil proposé, permettant l'obtention de dommages et intérêts pour le conjoint qui n'a pas eu l'initiative du divorce lorsqu'il fait état de conséquences d'une exceptionnelle gravité.
S'agissant de la médiation familiale, elle a indiqué que le réseau national qu'elle représentait était très favorable à la recherche de règlements alternatifs des conflits, de nombreux médiateurs intervenant d'ores et déjà dans les CIDF. Toutefois, elle a noté que la médiation était contre-indiquée dans le cas des violences conjugales, correspondant à des phénomènes construits, dans lequel un membre du couple dominait l'autre et le contraignait systématiquement. Elle a ajouté que les femmes étaient plus souvent victimes de violences physiques, verbales, morales, sexuelles, de privations de toutes sortes, la loi et la société ayant pendant très longtemps refusé de dénoncer ces phénomènes en les cantonnant à la sphère privée.
Mme Annie Guilberteau a insisté sur le fait que les violences conjugales ne devaient pas être perçues comme des conflits, mais comme des délits ne devant pas échapper à un traitement judiciaire. Elle a indiqué que le rapport à la loi était ainsi reconnu par les professionnels comme réparateur pour les victimes, susceptibles de retrouver confiance en elles, mais aussi pour les auteurs, sortant de leur toute puissance pour progresser vers la reconnaissance de l'autre. Au contraire, elle a regretté que la médiation renforce l'impunité des auteurs de violences conjugales.
Elle a enfin indiqué que les professionnels souhaitaient que la prise de conscience des processus en jeu dans la violence conjugale se fasse dans un espace spécifique. La victime devant réapprendre à s'exprimer par elle-même, et non en fonction des attentes de son conjoint, elle a établi que cette démarche ne pouvait s'effectuer lors d'un entretien de médiation où l'auteur des violences serait présent. Elle a relevé que la médiation avait souvent des résultats dévastateurs sur les victimes, effets ignorés des juges et des médiateurs eux-mêmes, puisque les victimes ne retournaient pas devant eux, mais s'adressaient aux associations, tandis que le conjoint recourait alors davantage à la violence morale, plus difficile à prouver que la violence physique.
M. Patrice Gélard, rapporteur, après avoir observé que l'intervenante attribuait peut-être trop de pouvoirs au juge dans la procédure de divorce pour rupture irrémédiable du lien conjugal, celui-ci ne disposant d'aucune marge d'appréciation pour prononcer ou non le divorce, a demandé quel était le délai de réflexion raisonnable à l'issue duquel le divorce devait pouvoir être prononcé en l'absence d'accord des époux.
Mme Annie Guilberteau a comparé la rupture conjugale avec le décès d'un proche, un délai minimal d'une année étant souvent nécessaire pour entamer le travail de deuil.
Tout en admettant que la médiation pouvait donner lieu à des dérives dans certains cas, M. Jean-Claude Frécon s'est demandé par quelle procédure la remplacer. Mme Annie Guilberteau a répondu que le réseau était très favorable au recours à la médiation dans la procédure de divorce, ses seules réserves concernant les cas de violences conjugales, pour lesquels la solution consistait, d'une part, à faire appel aux associations et, d'autre part, à recourir à l'ensemble de l'arsenal juridique existant actuellement et sous-utilisé.
M. Gérard Longuet ayant demandé des précisions sur les violences morales et le phénomène d'emprise, Mme Annie Guilberteau a indiqué que les violences morales, difficiles à repérer, pouvaient néanmoins être décelées à travers certains comportements de la victime, par exemple le silence, la somatisation, l'état dépressif ou au contraire une excitation majeure et l'inadaptation du comportement social. Dans le phénomène d'emprise, elle a fait valoir que la volonté de l'un était entièrement absorbée par l'autre et que les espaces de réalisation de soi, même les plus infimes, étaient amputés. Elle a souligné que la violence générait la peur et l'emprise, ce qui expliquait que certaines médiations soient en apparence très efficaces, puisque la victime ne pouvait exprimer son plein consentement en présence du conjoint violent.
Audition de Me Jacques Combret, membre du Conseil supérieur du notariat
La commission a ensuite entendu Me Jacques Combret, membre du Conseil supérieur du notariat.
Me Jacques Combret a estimé à titre liminaire que les deux propositions de loi, l'une adoptée par l'Assemblée nationale sur le rapport de M. François Colcombet, l'autre présentée par M. Nicolas About, allaient dans le bon sens, dans la mesure où elles tendaient à simplifier les procédures de divorce, sans pour autant supprimer totalement la notion de faute. Il a estimé que la proposition de loi présentée par M. Nicolas About avait le mérite de la simplicité et celle de M. François Colcombet, celui de l'exhaustivité, même si cette dernière gagnerait encore à être complétée sur certains points.
Me Jacques Combret a souhaité insister tout particulièrement sur trois volets de la réforme : la liquidation du régime matrimonial, les donations entre époux et la procédure de divorce par consentement mutuel.
Sur ce dernier point, il a estimé que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, en ne prévoyant plus qu'une seule comparution devant le juge, permettrait d'accélérer les procédures de divorce, ce qui était parfaitement souhaitable dans les cas les plus simples, c'est-à-dire en l'absence d'enfants et de biens. Il a toutefois souligné que la responsabilité des juges serait renforcée et rappelé que la procédure de divorce par consentement mutuel n'autorisait pas les actions en rescision contre une convention lésionnaire, prévoyant un partage des biens déséquilibré. Il a observé que nombre de couples, après avoir souhaité divorcer dans les plus brefs délais, regrettaient finalement d'avoir pris des décisions irréfléchies et irrémédiables.
S'agissant de la liquidation du régime matrimonial,Me Jacques Combret, a regretté que l'exposé des motifs de la proposition de loi présentée par M. Nicolas About ne mentionne pas le rôle joué par les notaires et a estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale réglait de façon plus complète la question du partage des biens entre les époux.
Il n'a pas jugé souhaitable de prévoir l'homologation par le juge des conventions passées par les époux en cours d'instance sur la liquidation du régime matrimonial, faisant ressortir que la convention une fois homologuée ne pouvait pas faire l'objet de rescision.
Il a proposé de subordonner le prononcé du divorce à la réalisation préalable de l'état liquidatif, fixant les masses actives et passives à partager, mais non au partage effectif des biens car cette exigence allongerait à l'excès la procédure.
Faisant ressortir que lors du prononcé du divorce, en cas de désaccord des époux sur la liquidation du régime matrimonial, le juge désignerait obligatoirement un notaire pour établir un projet de liquidation, il a proposé que pour accélérer les opérations en cas de désaccord des époux, le juge puisse, au titre des mesures provisoires prises dès le début de la procédure, désigner directement un notaire pour établir un projet de liquidation, l'intervention des autres professionnels qualifiés étant alors réservée à l'établissement d'un inventaire ou au règlement des prestations comme le prévoit actuellement l'article 1116 du code civil.
Enfin, s'agissant des donations entre époux, Me Jacques Combret a jugé qu'aucune des deux propositions de loi n'était satisfaisante.
Il a estimé, en premier lieu, que la proposition de loi présentée par M. Nicolas About, en prévoyant l'abrogation de l'article 267 du code civil, n'allait pas assez loin. Il a indiqué que cette abrogation aurait pour effet de confier aux époux le soin de décider eux-mêmes du sort des donations qu'ils s'étaient consenties, comme en matière de divorce par consentement mutuel, sans pour autant remettre en cause leur caractère révocable par la suite. Il a souligné qu'une révocation ultérieure pouvait créer de mauvaises surprises en mettant gravement en cause l'équilibre obtenu lors de la liquidation du régime matrimonial.
Il a estimé qu'à l'inverse, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à abroger l'article 1096 du code civil, allait trop loin et bouleversait le régime des libéralités. Il a souligné qu'une telle abrogation aurait pour effet de rendre irrévocables toutes les donations, qu'elles concernent les biens présents ou les biens à venir, et qu'elle ne permettrait donc plus la révocabilité des donations dites « au dernier vivant ».
Me Jacques Combret a jugé qu'une solution intermédiaire, destinée à limiter les contentieux postérieurs au divorce, consisterait, soit à rendre irrévocables toutes les donations concernant les biens présents pendant le mariage, tout en maintenant le caractère révocable des donations relatives aux biens à venir, soit à maintenir le caractère irrévocable de toutes les donations entre époux pendant le mariage mais à ne plus autoriser la révocation des donations de biens présents après le prononcé du divorce.
M. Patrice Gélard, rapporteur, a souhaité savoir si la révocation par un époux d'une donation au dernier vivant devait être notifiée à son bénéficiaire.
Me Jacques Combret lui a répondu que le droit en vigueur ne le prévoyait pas mais que cette situation se présentait rarement.
M. René Garrec, président, a jugé souhaitable de prévoir une telle notification.
M. Patrice Gélard, rapporteur, a déclaré qu'il ne fallait pas subordonner le prononcé du divorce à la liquidation des biens, car la procédure deviendrait trop longue.
Me Jacques Combret a estimé qu'il incombait aux époux d'élaborer chacun un projet de liquidation et, en cas d'accord, de signer une convention. Il a indiqué qu'en cas de désaccord des époux, il serait souhaitable que le juge désigne un notaire pour établir l'état liquidatif en vue du partage des biens après le divorce et qu'il puisse être saisi par ce notaire des difficultés rencontrées.
Mme Monique Sassier, présidente du conseil national consultatif de la médiation familiale, M. Pierre Grand, président de l'association pour la promotion de la médiation familiale, M. Roger Leconte, président du comité national des associations et services de médiation familiale, Me Martine-Claire Bourry d'Antin et Me Abraham Zéni, respectivement vice-présidente et secrétaire général de la fédération nationale des centres de médiation
Puis la commission a auditionné, au cours d'une table ronde, Mme Monique Sassier, présidente du conseil national consultatif de la médiation familiale, M. Pierre Grand, président de l'association pour la promotion de la médiation familiale, M. Roger Leconte, président du comité national des associations et services de médiation familiale ainsi que Me Martine-Claire Bourry d'Antin et Me Abraham Zéni, respectivement vice-présidente et secrétaire général de la fédération nationale des centres de médiation.
Mme Monique Sassier, présidente du conseil national consultatif de la médiation familiale, a tout d'abord indiqué qu'elle avait été chargée par Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, d'établir un bilan de la médiation familiale, ainsi que des propositions pour mieux la structurer.
Elle a considéré que la médiation familiale avait toute sa place dans le code civil, notamment s'agissant du divorce et de l'autorité parentale, et qu'il était inutile de faire une loi spéciale. Elle a en outre estimé que la médiation familiale devait s'étendre également aux affaires traitées hors procédures judiciaires, rappelant que bon nombre de séparations intervenaient sans divorce, puisqu'il n'y avait pas eu mariage, et donc sans juge.
Mme Monique Sassier a ensuite indiqué que la médiation familiale était développée dans de nombreux pays européens et que l'enjeu constituait actuellement à former des médiateurs de qualité et à professionnaliser cette activité, notamment par la création d'un diplôme de médiateur familial.
Elle a considéré que le fait que ces médiateurs soient issus de domaines très différents, tant juridiques que sociaux, constituait une richesse pour cette activité.
Par ailleurs, Mme Monique Sassier a souhaité que la médiation familiale demeure libre et volontaire.
Rappelant que la médiation familiale demeurait méconnue en France, elle a insisté sur la nécessité d'une information à destination du grand public, en souhaitant qu'un effort financier permette d'en expliquer les motivations, à savoir la préservation des liens des parents avec leurs enfants et la réorganisation de leur vie par les adultes après une séparation.
Mme Monique Sassier a souligné qu'actuellement, hors participation des collectivités locales, seuls 28 millions de francs étaient attribués par les pouvoirs publics (caisses d'allocations familiales, ministères de la justice et des affaires sociales), et que si un premier entretien de médiation gratuit était rendu obligatoire, ceci constituerait une charge de 150 millions de francs, alors même que toutes les personnes n'ont pas besoin d'une médiation.
S'agissant des cas de violences conjugales, tout en reconnaissant que la médiation était illusoire en cas de violences graves passibles de sanctions pénales, elle a considéré, contrairement aux associations de défense des droits des femmes, qu'il n'appartenait pas aux pouvoirs publics d'émettre des contre-indications à la médiation, toute liberté d'appréciation devant être laissée au cas par cas au juge ou au médiateur.
M. Pierre Grand, président de l'association pour la promotion de la médiation familiale, a tout d'abord indiqué que son association avait été créée en 1988 et qu'elle regroupait 350 médiateurs familiaux. Il a regretté que le terme de « médiation » soit souvent dévoyé, puis indiqué qu'il y avait actuellement en France 1.500 médiateurs formés par douze instituts de formation. Il a précisé que le médiateur familial-type était une femme de 49 ans ayant exercé des activités sociales, juridiques ou psychologiques. Il a souligné que la médiation familiale demandait de la part des personnes qui y ont recours autonomie, co-responsabilité et courage.
Il a lui aussi insisté sur la nécessité d'une formation de qualité pour les médiateurs familiaux et souligné l'exigence de déontologie qui s'impose à eux. Rappelant qu'un diplôme de médiateur familial était attendu depuis plus de dix ans, il a indiqué que le conseil consultatif national de la médiation familiale préparait actuellement un texte.
M. Roger Leconte, président du comité national des associations et services de médiation familiale, a indiqué que ce comité regroupait 150 associations et services publics et para-publics, notamment des conseils généraux et des communes, et qu'il avait été créé en 1991.
Il a précisé que ses objectifs principaux étaient d'exercer une action auprès des pouvoirs publics, de faire respecter un cadre éthique et déontologique, de promouvoir une information nationale auprès du grand public ainsi que des professionnels (notamment grâce à son site internet), et de promouvoir des actions de conseil et d'évaluation des pratiques de médiation familiale.
M. Roger Leconte a indiqué qu'une réflexion concernant l'habilitation des services était actuellement en cours, et qu'il était nécessaire de parvenir à élaborer une charte des services de médiation familiale, ainsi qu'un statut officiel des médiateurs familiaux.
Me Martine-Claire Bourry d'Antin, vice-présidente de la fédération nationale des centres de médiation, a indiqué qu'elle était avocate au barreau de Paris et qu'en tant qu'ancien membre du barreau de Paris, elle avait été chargée de définir une politique de formation en matière de médiation familiale et qu'elle était actuellement la présidente de l'association de médiation du barreau de Paris. Elle a rappelé qu'avait été créée en juillet 2001 une fédération nationale des centres de médiation regroupant les centres issus de barreaux.
Me Martine-Claire Bourry d'Antin a elle aussi considéré que la médiation familiale avait sa place dans le code civil et qu'elle devait se développer également hors procédures judiciaires. Elle a souligné que les avocats, notamment ceux spécialisés en droit des personnes, avaient un rôle à jouer en la matière. Elle a estimé que la médiation familiale devait également concerner la liquidation des régimes matrimoniaux et les aspects fiscaux.
S'agissant de la formation, elle a considéré qu'un minimum de 400 heures était nécessaire, comme au Canada et dans la plupart des pays européens, mais qu'un avocat ayant déjà un acquis professionnel devait pouvoir bénéficier d'une équivalence de 200 heures. Elle a également indiqué que la rédaction d'un mémoire d'une quarantaine de pages était nécessaire, ainsi qu'un volet pratique de 150 heures concernant une matière non encore acquise dans la formation d'origine (psychologie s'agissant des avocats, droit s'agissant des psychologues, par exemple).
Me Martine-Claire Bourry d'Antin a souligné qu'une pratique de plus en plus courante, s'agissant de dossiers complexes, consistait en une « co-médiation » faisant intervenir un juriste médiateur ainsi qu'un psychologue afin de régler l'ensemble des difficultés de la famille.
S'agissant de l'opportunité de la création d'un diplôme d'Etat, elle a considéré que cette idée ne pouvait être recevable, la médiation familiale devant demeurer une activité annexe, car impliquant indépendance et neutralité. Elle a cependant souligné que la médiation familiale devait être reconnue sous certaines conditions, à savoir que les avocats puissent l'exercer et que, seules, les personnes ayant accepté une formation et acquis une méthodologie particulière, tout en s'engageant à respecter une déontologie stricte, soient habilitées.
Elle a indiqué que le barreau avait beaucoup travaillé sur la déontologie et qu'il existait désormais une charte déontologique relative notamment à la confidentialité et à la neutralité.
En conclusion, elle a par ailleurs souhaité que la médiation familiale demeure libre et volontaire.
Me Abraham Zéni a pour sa part aussi souhaité une formation de base d'une durée minimale de 40 à 50 heures et souligné l'importance de la formation continue grâce à des échanges avec des psychologues. Il a souligné qu'il était possible d'être à la fois avocat et médiateur, sous réserve que l'avocat exerçant les fonctions de médiateur se présente sans ambiguïté comme médiateur afin d'éviter tout amalgame.
En réponse à M. Patrice Gélard, rapporteur, Mme Monique Sassier a indiqué que plusieurs modes de formation coexistaient (notamment, formations dispensées par les notaires, les avocats, les universités de Lyon II, de Lille et de l'association de « l'école des parents ») puisque les pouvoirs publics n'avaient jamais défini de politique cohérente. Elle a indiqué que la plupart des formations comprenaient 400 heures, mêlant théorie et pratique.
M. Pierre Grand a pour sa part indiqué que cette formation portait sur la psychologie, notamment de l'enfant, l'analyse de l'histoire du couple ainsi que la recherche des motivations de sa désunion, mais qu'il serait nécessaire d'insister davantage sur le côté pratique. Il a également indiqué que la France comptait 1.500 médiateurs familiaux formés par douze instituts de formation.
M. Roger Leconte a pour sa part indiqué qu'il existait 230 services de médiation familiale, dont 150 étaient affiliés au comité national, ce qui permettait une certaine unité dans la formation.
En réponse à M. Patrice Gélard, rapporteur, M. Roger Leconte a en outre indiqué qu'une partie de ces centres était financée par le ministère de l'emploi et de la solidarité, certains par le ministère de la justice et par les conseils généraux ou les mairies, mais que la majeure partie était prise en charge par les caisses d'allocations familiales, la situation étant cependant très variable. Il a rappelé que le total de cette prise en charge s'élevait à 28 millions de francs, mais que très peu de centres de médiation familiale pouvaient travailler à plein temps, la plupart exerçant parallèlement des activités d'accueil pour les enfants.
M. Pierre Grand a par ailleurs indiqué que les centres recevant des subventions devaient respecter un barème, un titulaire du RMI payant ainsi 50 F pour une séance.
Me Abraham Zéni a pour sa part indiqué que dans le cadre d'une médiation judiciaire, les deux parties consignaient, comme dans le cas d'une expertise, 1.500 F chacun auprès du président du centre de médiation, l'heure de médiation au-delà de ce forfait de six heures coûtant ensuite entre 700 et 800 F. Il a indiqué qu'il était possible de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Dans le cadre d'une médiation contractuelle, il a précisé que la séance s'élevait le plus souvent à 1.000 F. Il a en outre souligné qu'il n'existait pas d'intéressement pour le médiateur.
En réponse à M. Gérard Longuet, Mme Monique Sassier a indiqué qu'il était nécessaire de conserver une participation financière des personnes et rappelé que le prix moyen de revient d'une séance de médiation s'élevait à 1.500 F. Elle a en outre souhaité que soit entamée une réflexion concernant l'empilement des dispositifs d'action sociale, considérant que certains devaient être supprimés afin de permettre qu'en émergent de nouveaux.
Collectivités locales - Démocratie de proximité - Examen des amendements
Puis la commission a poursuivi, sur le rapport de M. Daniel Hoeffel, l'examen des amendements au projet de loi n° 415 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de proximité.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 712 présenté par le Gouvernement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 43, afin de permettre à l'ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de créer des établissements publics industriels et commerciaux appelés offices du tourisme. En conséquence, elle a donné un avis défavorable au sous-amendement n° 727 à l'amendement n° 712 présenté par Mme Josiane Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen tendant à permettre aux départements et aux régions de créer des agences du tourisme sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux.
La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 47 ter, afin de maintenir les seuils existant actuellement pour la consultation du service des domaines par les collectivités locales, préalablement aux opérations immobilières qu'elles envisagent d'effectuer.
La commission a donné un avis favorable au sous-amendement n° 726 à l'amendement n° 594 du Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 48, présenté par M. Patrick Lassourd, tendant à instaurer un avis conforme de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires s'agissant des modifications substantielles de couloirs aériens.
La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 609 rectifié présenté par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, tendant à insérer un article additionnel après l'article 54, prévoyant que l'utilité publique est déclarée par arrêté ministériel ou préfectoral, tout en souhaitant que soit retiré le paragraphe I de cet amendement.
A l'article 57 (déclaration de projet suivie d'une déclaration d'utilité publique), la commission a souhaité recueillir l'avis du Gouvernement, s'agissant de l'amendement n° 628 rectifié présenté par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste concernant le transfert de domanialité publique.
La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 719 présenté par le Gouvernement, tendant à insérer un article additionnel après l'article 58 afin de transposer l'article 9 de la directive 97/11/CE renforçant l'obligation d'information du public.
Mercredi 23 janvier 2002
- Présidence de M. René Garrec, président.
Hommage à la mémoire de Mme Dinah Derycke, vice-présidente de la commission
M. René Garrec, président, a rendu hommage à la mémoire de Mme Dinah Derycke, dont le décès a marqué l'ensemble des membres de la commission. Il a rappelé qu'elle était vice-présidente de la commission, choisie dès son arrivée à la commission en 1998 par le groupe socialiste pour cette fonction. Il a souligné qu'elle avait rapporté durant la même période l'avis budgétaire sur les services généraux de la justice avec rigueur et compétence jusqu'à ses derniers jours de présence au Sénat. Porte-parole de son groupe dans de nombreux débats, elle s'est intéressée particulièrement, tant au sein de la Délégation aux droits des femmes dont elle aura été la première présidente, qu'en commission, aux débats sur la parité en général ou le droit de la famille. Elle fut également membre de la mission d'information de la commission en Guyane, Martinique et Guadeloupe en septembre 1999.
En réponse à M. René Garrec, président, Mme Michèle André, au nom du groupe socialiste, a salué la passion militante de Mme Dinah Derycke. Elle a souhaité que l'ensemble des membres de la commission garde le souvenir d'une femme belle et vivante. Mme Michèle André a annoncé que nombreux seraient ses collègues qui se retrouveraient le jeudi 24 janvier 2002 pour lui rendre un dernier hommage à l'occasion de ses obsèques.
La commission a alors respecté une minute de silence à la mémoire de Mme Dinah Derycke.
Collectivités locales - Démocratie de proximité - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire
La commission a tout d'abord procédé à la désignation de candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Ont été désignés MM. René Garrec, Daniel Hoeffel, Patrick Lassourd, Jean-Pierre Schosteck, Paul Girod, Jean-Claude Peyronnet et Mme Josiane Mathon comme membres titulaires, MM. Jean-Patrick Courtois, Xavier Darcos, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Mercier, Georges Othily, Bernard Saugey et Jean-Pierre Sueur comme membres suppléants.
Statut de la magistrature et recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire - Réforme des tribunaux de commerce - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen des rapports de M. Paul Girod sur le projet de loi organique n° 241 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire, et sur le projet de loi n° 239 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce.
A titre liminaire, M. Paul Girod, rapporteur, a évoqué la spécificité des juridictions consulaires, exclusivement composées de juges élus, dont le champ de compétence, initialement circonscrit aux litiges entre marchands, s'est progressivement complexifié, englobant désormais les litiges bancaires, le droit des affaires, la vie des entreprises. Il s'est déclaré convaincu de la nécessité de réformer l'organisation des juridictions commerciales.
Le rapporteur s'est étonné de l'attitude très hésitante du Gouvernement quant à l'aboutissement de la réforme des tribunaux de commerce, rappelant qu'au cours de l'été 1998, un premier rapport « fracassant » avait été publié par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, suivi d'un second rapport des inspections générales des finances et des services judiciaires, mais que les projets de loi portant réforme de ces tribunaux n'avaient été déposés qu'en juillet 2000, et enfin que la discussion de ces textes en première lecture à l'Assemblée nationale n'était intervenue qu'en mars 2001. Il a regretté la récente précipitation du Gouvernement quant à l'inscription de ces textes à l'ordre du jour du Sénat, alors même qu'il avait annoncé, en octobre 2001, qu'ils ne pourraient être examinés par le Sénat avant la fin de la législature.
M. Paul Girod, rapporteur, a noté le paradoxe selon lequel les modalités de mise en oeuvre de la réforme proposée semblaient encore très incertaines, la Chancellerie n'ayant, la plupart du temps, pas été en mesure de fournir des réponses précises aux questions du rapporteur.
Après avoir rappelé l'hétérogénéité de l'organisation de la justice commerciale, comprenant 191 tribunaux de commerce, 23 tribunaux de grande instance à compétence commerciale composés de juges professionnels, 7 juridictions échevinées (c'est-à-dire présidées par un magistrat professionnel assisté de deux assesseurs élus), il a souligné l'inadaptation de la carte des juridictions consulaires. Il a mentionné les fortes disparités d'activité entre les petits tribunaux de commerce, souvent composés de huit à douze juges, et les plus importants, composés de plus de vingt-cinq juges (de l'ordre de 1 à 200). Il a expliqué que la faible activité des petites juridictions ne permettait pas toujours à certains juges d'acquérir une expérience indispensable pour exercer pleinement leurs fonctions, une telle situation s'avérant particulièrement délicate dans la mesure où l'exigence de spécialisation était de plus en plus forte, en particulier dans le domaine du droit des procédures collectives.
M. Paul Girod, rapporteur, a précisé qu'il ne partageait pas les critiques formulées par les députés imputant la responsabilité de l'échec des procédures collectives aux juges consulaires, estimant que ces remarques n'étaient fondées que sur la dénonciation de quelques scandales ponctuels. Pour sa part, il a fait valoir qu'il s'agissait surtout d'un échec global lié aux contradictions de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires imposant la conciliation d'objectifs conflictuels (la sauvegarde des entreprises, le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif). Il s'est déclaré favorable à un renforcement des mécanismes de prévention rappelant, par ailleurs, que cette notion avait été introduite à l'initiative des tribunaux de commerce.
Le rapporteur a indiqué que dans le domaine des procédures collectives plusieurs acteurs, tels que le ministère public ou les greffiers, étaient appelés à assister les juges consulaires, ajoutant à cet égard que les insuffisances qui avaient pu être constatées n'émanaient pas uniquement de ces derniers.
Décrivant brièvement le coeur du dispositif proposé par le projet de loi portant réforme des tribunaux de commerce, M. Paul Girod, rapporteur, a observé qu'il tendait à introduire la mixité dans les juridictions consulaires. Il a rappelé que le texte initial instituait la compétence de la chambre mixte dans quatre domaines, mais que le Gouvernement, lors de l'adoption du texte par les députés le 28 mars 2001, l'avait réduite au seul domaine des procédures collectives. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'un tel dispositif relevant que la présence du parquet constituait la garantie la plus efficace du bon fonctionnement des juridictions dans ce domaine.
Il a déploré que cette réforme inverse les priorités, soulignant qu'au préalable une révision de la carte judiciaire s'avérait nécessaire et qu'une réforme en profondeur du droit des procédures collectives était urgente.
M. Paul Girod, rapporteur, a insisté sur l'atmosphère de crise dans laquelle étaient discutés ces projets de loi, caractérisée par un manque de dialogue entre la Chancellerie et les membres du corps consulaire. Il a précisé que la présidence de certaines formations de jugement par des magistrats professionnels pourrait être envisageable à la seule condition que ces derniers témoignent d'un intérêt réel pour les matières économiques et financières et bénéficient d'une formation adaptée.
Il s'est inquiété des dispositions complémentaires proposées par le projet de loi, estimant, d'une part, que la suppression du mode d'élection à deux degrés des juges consulaires, conjuguée à l'élargissement du corps électoral (de 30.000 à 2.000.000 d'électeurs), était susceptible d'entraîner la constitution de listes à caractère essentiellement corporatiste, d'autre part, que l'instauration d'une nouvelle condition d'âge maximale (68 ans) conduirait inévitablement à priver les juridictions consulaires de l'expérience des chefs d'entreprise retraités et donc très disponibles pour ces fonctions bénévoles.
M. Paul Girod, rapporteur, a jugé que cette réforme, abordée de manière caricaturale, n'était pas viable, et a proposé le dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi portant réforme des tribunaux de commerce. Il s'est toutefois réservé la possibilité, en nouvelle lecture, si la navette devait se poursuivre dans ces conditions, d'aborder ce texte différemment et, le cas échéant, de proposer de nombreux amendements.
En conclusion, il a souligné que les conditions d'une réforme durable ne semblaient pas réunies, relevant en particulier le manque de moyens chronique de la justice, l'obsolescence de la carte des juridictions commerciales et l'absence de réflexion sur les procédures collectives.
M. Paul Girod, rapporteur, a exprimé une position analogue sur le projet de loi organique instituant le recrutement de conseillers de cour d'appel à titre temporaire, expliquant que ce texte n'était que la contrepartie, au demeurant très déséquilibrée, au niveau des cours d'appel, de l'introduction de la mixité dans les tribunaux de commerce. Il a en outre jugé dissuasives les dispositions du projet de loi organique relatives aux incompatibilités géographiques tendant à interdire aux candidats l'exercice des fonctions de conseiller d'une cour d'appel dans le ressort de laquelle ils auraient précédemment exercé leurs anciennes fonctions de juge consulaire.
M. Robert Bret a relevé que l'organisation de la justice commerciale en France constituait une exception par rapport au reste de l'Europe, mais qu'au-delà de quelques dysfonctionnements ponctuels, l'existence des tribunaux de commerce ne pouvait être remise en cause. Il a toutefois jugé nécessaire d'engager une réflexion sur le rôle de l'institution judiciaire dans la vie économique. Il a souscrit à l'analyse du rapporteur, selon laquelle les rapports publiés en 1998 avaient contribué à exacerber les tensions entre la Chancellerie et les juges consulaires.
Il a jugé équilibrée la réforme proposée par le Gouvernement, estimant la mise en place de la mixité au sein des tribunaux de commerce nécessaire, de même que le renforcement des règles déontologiques et l'élargissement du corps électoral. A la différence du rapporteur, il a considéré possible et souhaitable une amélioration des textes portant réforme des tribunaux de commerce soumis au Sénat.
M. Paul Girod, rapporteur, a souligné, d'une part, que le calendrier concernant ces textes avait été exagérément accéléré, d'autre part, que les modalités relatives aux élections des juges consulaires paraissaient notoirement insuffisantes, voire dangereuses, regrettant que la réforme du recrutement des magistrats consulaires, au demeurant indispensable, n'ait fait l'objet d'aucune concertation avec les juges consulaires.
Après avoir relevé l'intérêt des propos du rapporteur, M. Robert Badinter, en tant qu'ancien garde des sceaux, a fait part de la difficulté qu'il avait rencontrée à réformer l'organisation de la justice commerciale face à l'hostilité du corps consulaire. Après avoir expliqué que, faute de moyens, il n'avait pu, en 1985, mener cette réforme, il a considéré qu'une réforme s'avérait désormais incontournable et pouvait même être accueillie favorablement par les juges élus, à la seule condition qu'elle poursuive des objectifs clairs et qu'elle soit menée dans un contexte pacifié.
M. Robert Badinter a reconnu la nécessité d'actualiser la législation de 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires aujourd'hui dépassée, rappelant qu'à l'époque, le Sénat avait considérablement contribué à l'enrichissement du texte en adoptant plus de 320 amendements. Il a partagé l'avis du rapporteur selon lequel la réforme de la carte judiciaire constituait la véritable priorité, soulignant que cette question avait peu progressé durant la présente législature. Il a expliqué qu'elle permettrait de remédier à l'absence du parquet au sein des juridictions commerciales.
M. Robert Badinter a évoqué plusieurs voies de réforme s'agissant de la composition des juridictions consulaires. S'il a jugé envisageable la suppression des tribunaux de commerce, il a toutefois constaté que l'institution judiciaire n'avait pas les moyens de les remplacer par les juridictions civiles. Il a ensuite relevé l'intérêt de l'échevinage pratiqué en Alsace-Moselle, tout en observant que sa généralisation aux tribunaux de commerce devait s'accompagner de créations de postes de magistrats professionnels en grand nombre, ainsi que de la mise en place d'une formation poussée des magistrats professionnels en matière économique. Il a enfin indiqué que la mixité (la collaboration entre les magistrats professionnels et les juges consulaires) constituait une autre piste possible permettant de garantir l'intégrité des formations de jugement des juridictions consulaires. Il a considéré qu'en l'état actuel des moyens, seule la mixité pouvait être instituée, sous réserve de développer la culture économique des magistrats professionnels, souvent très insuffisante.
En conclusion, M. Robert Badinter a indiqué que, tout en comprenant la position du rapporteur, il souhaitait faire progresser une réforme parvenue à maturation.
M. Paul Girod, rapporteur, a partagé les observations de M. Robert Badinter tout en déplorant la crispation actuelle du Gouvernement et en s'interrogeant sur les modalités de mise en oeuvre de la mixité alors même que les magistrats professionnels n'étaient pas suffisamment formés. Il a jugé qu'une telle réforme proposée ne pouvait être menée en l'état, mais exigeait encore un temps de maturation.
M. Patrice Gélard, s'associant aux propos du rapporteur, s'est inquiété du climat de tension entre la Chancellerie et les magistrats consulaires, évoquant les risques de démission collective de ces derniers. Il a considéré prioritaire la réforme de la carte des tribunaux de commerce, ajoutant que l'organisation d'audiences foraines destinée à maintenir l'activité des plus petites juridictions pourrait constituer une piste pour l'avenir. Il a estimé que la réforme des tribunaux de commerce était indissociable d'une réforme de la justice dans son ensemble (conseil des prud'hommes, tribunaux des baux ruraux...).
Il a jugé insuffisante la formation économique dispensée lors des études juridiques face à la complexité croissante du droit. Il a observé que cette réforme méritait une réflexion plus approfondie et ne devait pas être adoptée dans l'urgence. Il a regretté la démarche actuelle du Gouvernement tendant à légiférer de manière ponctuelle et partielle plutôt que de mener des réformes globales et cohérentes.
M. Daniel Hoeffel a souscrit aux propos du rapporteur tout en soulignant les vertus de l'échevinage en Alsace-Moselle qui, loin d'être une simple survivance du droit local, pouvait au contraire être envisagé comme une solution d'avenir.
Puis la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi portant réforme des tribunaux de commerce et une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi instituant le recrutement des conseillers de cours d'appel à titre temporaire.
Professions judiciaires - Administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise- Examen du rapport
Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport deM. Jean-Jacques Hyest sur le projet de loi n° 243 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise.
Après avoir confirmé les propos tenus par le rapporteur des projets de loi relatifs à la réforme des tribunaux de commerce sur les vicissitudes du cheminement de ces textes depuis leur annonce par le Gouvernement à l'automne 1998, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a regretté que l'Assemblée nationale ait délibérément ignoré la codification dans le code de commerce de la loi du 25 janvier 1985 sur les mandataires de justice et ait préféré, par commodité, modifier une loi abrogée depuis plus de six mois.
Après avoir retracé la genèse de l'apparition des professions d'administrateur et de mandataire judiciaires en lien avec l'évolution des finalités poursuivies par le droit français des procédures collectives et avoir montré que, contrairement à la plupart des autres pays européens qui privilégiaient le recouvrement des créances, la défense de l'entreprise et de l'emploi constituait un enjeu nécessitant comme auxiliaires des procédures collectives de véritables collaborateurs du service public de la justice, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, tout en regrettant vivement les dérives qui avaient pu être constatées, a dénoncé le caractère caricatural et peu propice à une réforme conduite dans la sérénité du rapport d'enquête de l'Assemblée nationale proposant de supprimer la profession de mandataire-liquidateur et de redresser la profession d'administrateur judiciaire. Il a estimé que la conclusion de ce rapport tendant à imputer aux mandataires la proportion élevée de liquidations prononcées était infondée dans la mesure où ce phénomène était dû tout à la fois à l'insuffisante mise en oeuvre de la législation sur la prévention, problème renvoyant à la nécessaire révision de la carte des tribunaux de commerce, au caractère bien souvent tardif de la déclaration de cessation des paiements ou encore à des maux économiques bien français, tels que la faiblesse des fonds propres des entreprises ou l'importance du crédit inter-entreprises.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souligné que les dérives constatées avaient été encouragées par l'absence du parquet dans les procédures collectives et le caractère pernicieux du tarif en vigueur.
Puis le rapporteur a démontré qu'une contradiction fondamentale grevait le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, affectant sa viabilité. Il a indiqué que ce dispositif opérait une banalisation du recours à des personnes extérieures aux professions réglementées pour exercer les mandats d'administrateur et de liquidateur et enserrait parallèlement les professionnels inscrits dans un véritable carcan, ce qui conduisait à consacrer une situation de concurrence déloyale pour aboutir logiquement à la disparition des professions réglementées. Il a observé que ce dispositif se démarquait de celui du projet de loi initial, qui proposait une ouverture plus mesurée et un renforcement du cadre légal applicable aux professions réglementées, mais se situait dans le droit fil de l'exposé des motifs faisant référence aux notions d'ouverture à la concurrence et de fin d'un monopole. Il a enfin constaté que la solution retenue par l'Assemblée nationale aurait pour conséquence la prise en charge de mandats de justice par les grands cabinets multidisciplinaires, avec des risques accrus de conflits d'intérêts et de moindres garanties pour les justiciables.
Faisant valoir qu'un décret du 27 décembre 1998 avait permis d'amorcer le processus de renforcement des règles applicables à ces professions, en particulier en matière de formation et de contrôles, un corpus de règles professionnelles ayant été approuvé par arrêté du garde des sceaux du 11 avril 2001, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que la plupart des mesures complémentaires proposées par le projet de loi initial devaient être approuvées, à l'exception de quelques dispositions jugées excessives ou vexatoires généralement introduites par l'Assemblée nationale.
Proposant d'écarter ces dispositions, de maintenir deux professions réglementées distinctes rigoureusement encadrées et de rejeter les modifications ponctuelles de la législation sur les procédures collectives pour éviter que sa cohérence ne soit affectée, le rapporteur a soumis à la commission 134 amendements.
Déclarant qu'il souscrivait pleinement à l'analyse du rapporteur et regrettait la généralisation abusive des critiques formulées par l'Assemblée nationale à l'encontre de ces professions, M. Robert Bret a indiqué que des cabinets d'audit se préparaient d'ores et déjà à profiter de l'ouverture à des personnes non inscrites résultant du projet de loi et s'apprêtaient à embaucher des administrateurs et des mandataires judiciaires qui ne manqueraient pas de quitter la profession réglementée. Il a observé que la proportion importante de dossiers impécunieux nécessitait le maintien de véritables mandataires de justice chargés d'une mission de service public. Se déclarant partisan de renforcer les contrôles et l'effectivité du pouvoir disciplinaire sur ces professionnels, il a souligné l'importance de leur rôle dans les missions de prévention des difficultés des entreprises.
Puis la commission a adopté :
- avant l'article 1er, un amendement modifiant l'intitulé du titre Ier pour tenir compte de la codification de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 dans le code de commerce ;
- à l'article 1er (définition du statut et des missions des administrateurs judiciaires), outre un amendement de codification, un amendement précisant le régime d'autorisation motivée pour la délégation de certaines tâches ;
- à l'article 2 (inscription sur une liste nationale, ouverture à la concurrence), outre trois amendements de codification, un amendement rétablissant le caractère exceptionnel du recours à une personne non inscrite sur la liste nationale et un amendement restaurant la possibilité de choisir à ce titre une personne exerçant la profession d'avocat ;
- à l'article 3 (division de la liste nationale en sections), un amendement de codification ;
- à l'article 4 (composition de la commission nationale), outre un amendement de codification, un amendement rétablissant la présence de deux personnes qualifiées en matière économique ou sociale au sein de la commission nationale et un amendement autorisant un renouvellement du mandat des membres de cette commission ;
- à l'article 5 (conditions d'inscription sur la liste nationale), outre un amendement de codification, un amendement exigeant que le candidat à l'inscription n'ait pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur ou à la probité ayant été pénalement sanctionnés, que ces faits aient été commis dans un cadre professionnel ou non, et un amendement permettant de prendre en compte les mesures de faillite personnelle, d'interdiction ou de déchéance intervenues depuis la codification de la loi du 25 janvier 1985 sur les procédures collectives ;
- un amendement de suppression de l'article 6 (instauration d'une limite d'âge) ;
- à l'article 6 bis (ouverture de la saisine de la commission nationale d'inscription en cas d'empêchement d'un administrateur judiciaire), outre un amendement de codification et trois amendements de précision, un amendement supprimant la faculté ouverte à tout justiciable de saisir la commission nationale par l'intermédiaire du commissaire du Gouvernement pour faire constater l'empêchement ou l'inaptitude d'un administrateur judiciaire ;
- à l'article 7 (cessation de fonctions), un amendement restaurant la possibilité pour le tribunal, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'autoriser un ancien administrateur judiciaire ayant cessé ses fonctions à poursuivre le traitement d'un ou plusieurs dossiers ;
- à l'article 8 (incompatibilités professionnelles), outre deux amendements de codification et un amendement rédactionnel, un amendement rétablissant la compatibilité entre la profession d'administrateur judiciaire et celle d'avocat, un amendement pour tenir compte de la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général ainsi que de l'évolution du régime juridique de la société par actions simplifiée résultant de la loi sur les nouvelles régulations économiques et un amendement tendant à faire en sorte que l'exercice de mandats de mandataire ad hoc ou de conciliateur ne constitue pas une simple activité accessoire pour les administrateurs judiciaires ;
- à l'article 9 (contrôle de la profession), un amendement de codification ;
- un amendement de suppression de l'article 10 (renumérotation d'articles) ;
- à l'article 11 (définition de la faute disciplinaire), un amendement de codification ;
- à l'article 12 (mise en oeuvre de l'action disciplinaire), outre un amendement de codification, un amendement supprimant la faculté ouverte à tout intéressé d'informer le commissaire du Gouvernement de faits susceptibles d'être sanctionnés au plan disciplinaire aux fins de saisine de la commission nationale et un amendement ramenant à un an la durée de l'interdiction temporaire d'exercer ;
- à l'article 13 (utilisation du titre d'administrateur judiciaire), un amendement de coordination ;
- à l'article 14 (modification de la dénomination de la profession de mandataire judiciaire), un amendement de codification ;
- à l'article 15 (définition du statut et des missions des mandataires judiciaires), un amendement de codification et un amendement de coordination relatif à la délégation des tâches liées au mandat ;
- à l'article 16 (inscription sur une liste nationale, ouverture à la concurrence), outre trois amendements de codification, deux amendements de coordination relatifs respectivement au refus d'une banalisation du recours à des personnes non inscrites et au rejet de l'interdiction de choisir la personne non inscrite parmi les avocats ;
- à l'article 17 (composition de la commission nationale), outre trois amendements de codification, deux amendements de coordination tendant respectivement à rétablir la présence de deux personnes qualifiées en matière économique ou sociale dans la composition de la commission nationale et à permettre un renouvellement du mandat des membres de cette commission ;
- à l'article 18 (conditions d'inscription sur la liste nationale), outre deux amendements de codification, un amendement de coordination exigeant que le mandataire candidat à l'inscription n'ait pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur ou à la probité ayant donné lieu à une condamnation pénale ;
- un amendement de suppression de l'article 19 (instauration d'une limite d'âge) ;
- à l'article 20 (coordination relative à la compétence nationale de la commission), outre un amendement de codification et trois amendements de précision, un amendement de coordination supprimant la faculté de saisine indirecte de la commission nationale par tout justiciable ;
- à l'article 21 (cessation de fonctions), un amendement de coordination permettant au tribunal, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'autoriser un mandataire judiciaire ayant cessé ses fonctions à poursuivre le traitement de certains dossiers en cours ;
- à l'article 22 (ressort national de la liste d'inscription), un amendement de codification ;
- à l'article 23 (incompatibilités professionnelles), outre deux amendements de codification et un amendement rédactionnel, deux amendements de coordination tendant respectivement à prendre en compte les modifications introduites par la loi sur les nouvelles régulations économiques dans le droit des sociétés commerciales et à faire en sorte que l'exercice de mandats ad hoc ou de conciliation ne soit pas réduit à une simple activité accessoire pour les mandataires judiciaires ;
- à l'article 24 (coordination relative à la compétence nationale de la commission), un amendement de codification ;
- à l'article 25 (utilisation du titre de mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises), un amendement de codification et un amendement de coordination ;
- à l'article 26 (indépendance de l'expert en diagnostic d'entreprise), deux amendements de codification ;
- à l'article 27 (recours contre les décisions des commissions nationales), un amendement de codification ;
- à l'article 28 (conseil national), un amendement de codification et un amendement supprimant la possibilité pour le garde des sceaux de mettre fin aux fonctions des membres du conseil national ;
- à l'article 29 (caisse de garantie), un amendement de codification ;
- un amendement de suppression de l'article 30 (carence de la caisse de garantie) ;
- à l'article 31 (obligation d'assurance), un amendement de codification et un amendement pour inscrire dans la loi la nature de la responsabilité civile encourue par les administrateurs et les mandataires judiciaires ;
- à l'article 32 (obligation d'assurance et de garantie imposée aux non inscrits), outre deux amendements de codification, un amendement alignant le régime de responsabilité des mandataires nommés hors liste sur celui applicable aux professionnels inscrits ;
- un amendement insérant un article additionnel avant l'article 32 bis pour créer une nouvelle division dans le code de commerce ;
- à l'article 32 bis (déclaration des diligences accomplies antérieurement par les mandataires), outre deux amendements de codification, un amendement limitant aux cinq années précédentes la période prise en compte pour l'obligation de déclarer les diligences accomplies pour une entreprise ;
- un amendement de suppression de l'article 32 ter (obligation de déclaration d'intérêts) ;
- à l'article 32 quater (obligation de formation), un amendement de codification ;
- un amendement rétablissant la rédaction initiale de l'article 33 (rémunération des mandataires de justice) ;
- un amendement de suppression de l'article 33 bis (contestation de la rémunération des mandataires de justice) ;
- à l'article 33 ter (rémunération des dossiers impécunieux), deux amendements de codification et un amendement de clarification ;
- à l'article 34 (obligations des non-inscrits), outre trois amendements de codification, un amendement organisant la diffusion de la connaissance des mesures d'interdiction par l'intermédiaire du ministère public ;
- à l'article 34 bis (obligation de versement à la Caisse des dépôts et consignations de toute somme détenue au titre d'un mandat amiable), un amendement d'insertion dans le code de commerce ;
- un amendement de réécriture de l'article 36 (décret en Conseil d'Etat) ;
- à l'article 37 (dispositions transitoires), outre un amendement de codification, un amendement de précision et quatre amendements de coordination, un amendement supprimant le réexamen, au regard des nouvelles exigences légales, des dossiers des mandataires de justice inscrits à la date de promulgation de la loi ;
- à l'article 38 (nomination de plusieurs administrateurs et représentants des créanciers), un amendement de codification et un amendement supprimant un ajout de l'Assemblée nationale anticipant sur la réforme des procédures collectives ;
- à l'article 39 (désignation de plusieurs mandataires de justice en cours de procédure), un amendement rétablissant la rédaction du projet de loi initial ;
- un amendement de suppression de l'article 39 bis (communication du bilan économique et social au procureur de la République) ;
- à l'article 40 (secret professionnel du commissaire aux comptes du débiteur), un amendement de codification ;
- un amendement de suppression de l'article 40 bis (avis du procureur avant toute décision de cessation d'activité ou de liquidation) ;
- à l'article 40 ter (versement à la Caisse des dépôts et consignations des fonds reçus par les commissaires à l'exécution du plan), un amendement de codification ;
- trois amendements de suppression des articles 40 quater (communication des offres de reprise), 40 quinquies (critères retenus par le tribunal pour la sélection de l'offre de reprise) et 40 sexies (possibilité accordée au ministère public de demander l'annulation des actes passés en période suspecte) ;
- à l'article 41 (nomination d'un administrateur judiciaire non inscrit), un amendement de codification ;
- à l'article 42 (désignation d'un liquidateur dans un jugement de liquidation judiciaire sans période d'observation), trois amendements de codification ;
- à l'article 43 (désignation d'un liquidateur dans un jugement de liquidation judiciaire prononcée au cours de la période d'observation), deux amendements de codification et un amendement de coordination ;
- neuf amendements de suppression des articles 43 bis (publicité relative à la réalisation de l'actif), 43 ter (opérations de cession d'unités de production), 43 quater (répartition provisionnelle des créances dues au Trésor public), 43 quinquies (clôture de la liquidation), 43 sexies (ouverture des voies de recours au représentant des salariés), 43 septies (recours du procureur de la République), 43 octies (sanctions civiles prononcées par le tribunal), 43 nonies (faillites prononcées par le tribunal) et 43 decies (publicité des débats) ;
- à l'article 43 undecies (obligation faite aux syndics de verser les fonds perçus à la Caisse des dépôts et consignations), un amendement de codification ;
- un amendement de suppression de l'article 43 duodecies (restitution par le Trésor public des créances réglées à titre provisionnel) ;
- à l'article 44 (application outre-mer), un amendement prévoyant l'extension de certaines dispositions à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna ;
- un amendement insérant un article additionnel après l'article 44 pour prévoir l'extension partielle à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna des dispositions figurant à l'article 42 du projet de loi ;
- un amendement de suppression de l'article 45 (entrée en vigueur des dispositions modifiant la législation sur les procédures collectives).
Jeudi 24 janvier 2002
- Présidence de M. René Garrec, président.
Justice - Aménagement de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport deM. Jean-Pierre Schosteck sur la proposition de loi n° 101 (2001-2002) de M. Hubert Haenel, aménageant la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a tout d'abord souligné que la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes était une réforme utile et nécessaire, mais qu'elle connaissait des difficultés d'application incontestables, qu'il serait vain de nier. Il a estimé que ces difficultés tenaient d'une part à l'insuffisance des moyens humains et matériels consacrés à la mise en oeuvre de la réforme, d'autre part à l'inadaptation de certaines dispositions aux contraintes rencontrées dans leurs missions par les acteurs de la procédure pénale.
Tout en constatant que les mesures les plus contestées ne figuraient pas dans le projet d'origine et ne résultaient pas d'amendements originaires du Sénat, il a fait valoir que le législateur n'avait peut-être pas accordé une attention suffisante au nécessaire équilibre entre droits de la défense et efficacité de la procédure pénale.
Le rapporteur a constaté qu'après bien des hésitations, le Gouvernement avait décidé d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une proposition de loi « complétant » la loi sur la présomption d'innocence. Il a souligné que M. Hubert Haenel n'avait pour sa part pas attendu cette évolution pour déposer, dès le 28 novembre 2001, une proposition de loi destinée à aménager la loi sur la présomption d'innocence sans remettre en cause les principes essentiels de ce texte.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a alors indiqué que la proposition de loi prévoyait :
- une modification des termes de la notification aux personnes gardées à vue de leur droit de ne pas répondre aux questions, afin qu'il soit précisé qu'une telle attitude peut leur porter préjudice, compte tenu de l'existence d'indices rendant vraisemblable qu'elles aient commis une infraction ;
- la fixation à une par an -contre une par trimestre actuellement- du nombre de visites obligatoires du procureur de la République dans les locaux de garde à vue de son ressort ;
- une clarification des conditions dans lesquelles un témoin peut être retenu par les officiers de police judiciaire aux fins d'audition ;
- la possibilité pour le procureur de prolonger la durée d'une enquête de flagrance lorsque des investigations ne peuvent être différées ;
- la possibilité de procéder à des perquisitions, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, au cours d'enquêtes préliminaires portant sur un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ;
- la possibilité pour la chambre de l'instruction de prolonger, à titre exceptionnel, les durées maximales de détention provisoire lorsque la remise en liberté de la personne mise en examen causerait un risque d'une particulière gravité pour la sécurité des personnes et des biens ;
- un encadrement plus strict des règles imposant une enquête sociale avant tout placement en détention provisoire du parent d'un enfant de moins de dix ans ;
- une possibilité pour le président de la chambre de l'instruction de refuser la comparution personnelle d'une personne qui a déjà comparu devant elle moins de quatre mois auparavant, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté ;
- l'obligation pour les parties d'invoquer dans un délai maximal de six mois les moyens pris de la nullité des actes d'instruction ;
- la possibilité pour le ministère public de faire appel des arrêts d'acquittement rendus par les cours d'assises.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a alors souligné que ces différentes mesures étaient pleinement conformes aux positions défendues par le Sénat pendant la discussion de la loi sur la présomption d'innocence. Il a rappelé que le Sénat avait souhaité que les durées maximales de détention provisoire puissent être prolongées dans certaines circonstances exceptionnelles. Il a également observé que le Sénat s'était opposé à la volonté de l'Assemblée nationale d'interdire purement et simplement le placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans pour la plupart des infractions. Il a enfin noté que le Sénat avait été à l'origine d'une disposition imposant aux parties d'invoquer les moyens pris de la nullité des actes accomplis avant l'interrogatoire de première comparution dans les six mois suivant cet interrogatoire.
Le rapporteur a fait valoir que la proposition de loi ne remettait en cause une position défendue par le Sénat qu'à propos de l'appel des arrêts d'acquittement. Rappelant que l'Assemblée nationale avait pour sa part voulu écarter tout appel du parquet en matière criminelle, il a souligné que le Sénat avait pu obtenir un droit d'appel général du ministère public, sauf en cas d'acquittement.
Le rapporteur a estimé qu'après réflexion il paraissait difficile de porter atteinte à l'égalité des armes en interdisant au ministère public de faire appel des arrêts d'acquittement.
Concluant son propos, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a souligné que, sous réserve de quelques modifications, l'adoption de la proposition de loi pourrait permettre de mettre en oeuvre des mesures concrètes et efficaces pour améliorer le fonctionnement de la procédure pénale sans remettre en cause les fondements de la loi sur la présomption d'innocence.
M. Robert Badinter a tout d'abord rappelé que la loi sur la présomption d'innocence avait été le fruit d'un travail parlementaire considérable et qu'une partie non négligeable de ce texte avait été bâtie en commission mixte paritaire. Il a observé que toute réforme de cette ampleur connaissait nécessairement des difficultés d'application auxquelles il convenait d'être attentif. Il a toutefois considéré qu'il était probablement trop tôt pour entreprendre une réforme de la loi et que la mise en oeuvre de dispositions pratiques par le Gouvernement aurait probablement pu suffire dans un premier temps.
M. Robert Badinter, constatant qu'une proposition de loi sur le même sujet et évoquant les mêmes problèmes était en cours de discussion à l'Assemblée nationale, s'est demandé s'il était opportun que le Sénat débatte de la proposition de loi de M. Hubert Haenel sans attendre la transmission de la proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale. Il a souhaité que l'examen de la proposition de loi soit suspendu afin que les deux textes puissent être examinés conjointement.
M. René Garrec, président, a observé qu'il était difficile de savoir comment le Sénat pourrait examiner l'ensemble des textes que le Gouvernement entendait inscrire à son ordre du jour prioritaire avant la suspension des travaux parlementaires. Il a par ailleurs noté que des contacts personnels lui avaient permis de constater que la loi sur la présomption d'innocence était mise en oeuvre dans de bonnes conditions dans les juridictions disposant de moyens matériels et humains suffisants.
M. Pierre Fauchon a tout d'abord observé que la remise en cause des grands textes législatifs n'était pas une fatalité. Il a estimé qu'il était sans doute beaucoup trop tôt pour envisager une modification de la loi sur la présomption d'innocence. Soulignant qu'il avait pour sa part été sceptique à l'origine sur l'intérêt de la création d'un juge des libertés et de la détention, il a relevé que, dans de nombreuses juridictions, cette réforme s'avérait pourtant utile de l'avis des praticiens. Il a souhaité qu'à tout le moins la proposition de loi soit examinée en même temps que celle en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest a souligné que la loi sur la présomption d'innocence connaissait certaines difficultés d'application qu'il convenait de prendre en compte. Il a rappelé que le législateur savait pertinemment, en élaborant cette loi, qu'elle susciterait des réticences et qu'il avait voulu notamment mettre fin à une utilisation abusive de la détention provisoire. Il a fait valoir que certaines corrections pouvaient être envisagées afin d'apporter une réponse aux dysfonctionnements constatés, par exemple pour l'application de la disposition imposant une enquête sociale avant le placement en détention provisoire des parents d'enfants de moins de dix ans.
Mme Nicole Borvo a souhaité que la proposition de loi présentée par le rapporteur soit examinée en même temps que le texte discuté par l'Assemblée nationale. Elle a estimé inopportun que chaque assemblée travaille sur son propre texte. Sur le fond, elle s'est déclarée choquée du rapport établi par certains entre la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et l'augmentation de la délinquance. Elle a rappelé que cette loi avait été le fruit d'un travail parlementaire sérieux et approfondi et que des améliorations auraient pu être apportées par circulaires.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a tout d'abord observé qu'il ne lui avait pas été possible de prendre en compte les travaux de l'Assemblée nationale dans ses conclusions sur la proposition de loi soumise au Sénat dès lors que ses travaux s'étaient achevés dans la nuit précédant la réunion de la commission et que l'Assemblée nationale ne statuerait que le 29 janvier. Il a souligné qu'en tout état de cause il était indéniable que certaines des dispositions de la loi sur la présomption d'innocence posaient des difficultés d'application réelles. Il a indiqué que le législateur devait absolument apporter une réponse aux attentes des citoyens en matière de sécurité.
Le rapporteur s'est déclaré prêt à reprendre l'examen de la proposition de loi lorsque la proposition en cours d'examen à l'Assemblée nationale serait inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Il a souligné que la date prévue pour l'examen de la proposition de loi de M. Hubert Haenel était aussi celle de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité et a indiqué que cette concomitance était susceptible de poser des difficultés aux membres de la commission.
M. Maurice Ulrich a demandé au rapporteur s'il estimait que l'application de la loi sur la présomption d'innocence avait eu une incidence sur l'augmentation de la violence.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a alors noté que cette loi avait en tout cas provoqué une démobilisation des forces de l'ordre. Il a noté que certaines dispositions, comme les visites trimestrielles des locaux de garde à vue par les procureurs, ne présentaient guère d'intérêt dès lors que ces visites pouvaient déjà avoir lieu auparavant, mais qu'elles avaient été ressenties comme un signe de méfiance.
Après une suspension de séance, le rapporteur a indiqué que, compte tenu d'une part de la tenue le 29 janvier de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, d'autre part de l'imminence de la transmission au Sénat d'une proposition de loi complétant la loi sur la présomption d'innocence, son groupe demanderait le retrait de l'ordre du jour de la proposition de loi qu'il venait de présenter à la commission et proposerait qu'elle soit examinée en même temps que le texte adopté par l'Assemblée nationale.