LOIS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATION, SUFFRAGE UNIVERSEL, REGLEMENT ET ADMINISTRATION GENERALE

Table des matières


- Présidence de M. Jacques Larché, président, puis de M. René-Georges Laurin, vice-président.

Projet de loi de finances pour 2000 - Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur les crédits de son ministère pour 2000.

M. Jean-Pierre Chevènement
, ministre de l'intérieur, a tout d'abord indiqué que les crédits de son ministère s'élèveraient en 2000 à 54,2 milliards de francs, hors dotations aux collectivités locales et dépenses liées aux élections. Il a souligné que la progression de 3% de cette dotation, par rapport à 1999, tout en étant comparable à celle de l'année précédente, était bien supérieure à celle de l'ensemble des dépenses de l'Etat, limitée à 0,9% en 2000, après avoir été de 2,2% en 1999. Il s'est félicité de ce que cette progression, alliée à une limitation de l'augmentation spontanée des traitements et des retraites, libérerait 600 millions de francs pour le financement de mesures nouvelles, au lieu de 400 millions de francs en 1999.

Le ministre a indiqué que son action porterait prioritairement sur trois domaines, à savoir la mise en oeuvre de la police de proximité, la professionnalisation de la sécurité civile et la réforme de l'administration territoriale.

Concernant la police nationale, après avoir rappelé que la sécurité constituait la deuxième priorité du Gouvernement après le chômage, il a tout d'abord détaillé les mesures prévues concernant les effectifs, à savoir la mise en place à la fin de l'année 2000 de 20.000 adjoints de sécurité et de 8.192 agents de médiation sociale, la suppression de postes de policiers auxiliaires ramenant leur nombre à 2.075, la création de 100 emplois de personnels scientifiques ainsi que la création, par transformation d'emplois de commissaires et d'officiers, de 469 emplois de gardiens de la paix et de 36 emplois d'attachés de police.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué que la disponibilité des forces de police sur le terrain serait accrue par des redéploiements d'agents occupés à des tâches administratives ou à des gardes statiques et par la "fidélisation" d'unités mobiles de CRS et de gendarmerie dans les zones sensibles.

Il a insisté sur les recrutements exceptionnels devant permettre de faire face aux très nombreux départs en retraite qui toucheraient un quart des effectifs dans les cinq prochaines années. Rappelant que 1.664 agents avaient été recrutés en surnombre en 1999, il a indiqué avoir obtenu des assurances du Premier ministre sur de nouveaux recrutements en 2000.

Le ministre a chiffré à près de 100 millions de francs le total des mesures indemnitaires nouvelles bénéficiant aux personnels, les principales, destinées à améliorer la disponibilité sur le terrain des forces de police, concernant les primes de fidélisation en zone sensible, les améliorations des fins de carrière des agents du corps de maîtrise et d'application et une expérimentation tendant à la rémunération des repos compensateurs. Il a indiqué que des mesures seraient également prises en faveur des officiers et des agents administratifs de catégorie C.

Il a ensuite abordé l'action sociale en faveur des personnels. Faisant référence au rapport de M. Alexandre, il a annoncé des mesures de mise aux normes des locaux de police, la montée en charge de la médecine de prévention et de la restauration chaude dans les commissariats et la poursuite de l'importante action de location aux fonctionnaires de logements à des conditions préférentielles.

Concernant les crédits de fonctionnement s'élevant à 183 millions de francs, il a indiqué que leur accroissement de 5 % permettrait, notamment, d'assurer le renouvellement du parc automobile, l'externalisation de certaines charges de maintenance et la résorption, grâce à la vidéosurveillance, des gardes statiques.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a insisté sur la généralisation, à compter de l'an 2000, de la réforme de la police de proximité après l'évaluation, à l'occasion des assises nationales de la sécurité qui se dérouleront au mois de mars 2000, des expérimentations menées sur une soixantaine de sites.

Il a rappelé qu'il s'agissait de traiter au plus près du terrain la montée de la petite et moyenne délinquance, dans le cadre d'un partenariat mis en place au plan local à travers les contrats locaux de sécurité, 300 de ces contrats ayant déjà été signés et 400 étant en cours d'élaboration.

Il a insisté sur les modifications de l'action policière impliquées par ce passage d'une police d'ordre à une police de proximité, celle-ci devant désormais être ordonnée selon un principe de sectorisation, et fondée sur la responsabilisation et la polyvalence des personnels, ce changement d'orientation étant bien accueilli par ces derniers.

En matière d'équipements de la police, le ministre a indiqué que le déploiement du réseau de télécommunications numériques cryptées ACROPOL serait poursuivi, de façon à assurer la couverture, en 2002, de zones concentrant 80 % de la délinquance et, en 2007, de tout le territoire, le ministère des finances ayant donné son accord pour un cadrage pluriannuel de la dépense pour un montant annuel de 400 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Le ministre a également précisé que l'accroissement de 417 millions de francs en 1999 à 517 millions en 2000 des crédits de paiement consacrés aux travaux immobiliers de la police permettrait d'engager les aménagements de locaux rendus nécessaires par la police de proximité, principalement dans les petits et moyens postes de police, une enveloppe supplémentaire de 500 millions de francs devant être ouverte par le collectif budgétaire pour financer les travaux de construction de grands hôtels de police, à savoir ceux de Bordeaux, de Montpellier et de Lille. Il a noté que pourrait ainsi être rattrapé un retard tout à fait préoccupant en la matière.

Présentant ensuite les crédits de son ministère pour la sécurité civile, M. Jean-Pierre Chevènement a tout d'abord exposé que celle-ci devait être considérée comme une part intégrante de la sécurité, pour laquelle l'action de l'Etat venait en renfort de celle des collectivités locales.

Il a indiqué qu'il s'attachait à mettre en oeuvre les réformes issues des lois du 3 mai 1996 sur la sécurité civile afin que le pays puisse disposer d'un service public moderne d'incendie et de secours.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a exposé que dans tous les départements, les conseils d'administration des services d'incendie et de secours avaient été installés, que le transfert des personnels vers un corps départemental était largement engagé, puisqu'il était déjà effectif pour 60 % des sapeurs-pompiers professionnels et pour 40 % des volontaires, la totalité du transfert des personnels devant être achevée au milieu de l'an 2001.

Il a indiqué que des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques avaient été arrêtés dans près de la moitié des départements.

M. Jean-Pierre Chevènement a fait valoir que le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels avait été harmonisé et simplifié, ajoutant que deux décrets du 15 septembre 1999 avaient amélioré la situation des caporaux exerçant les fonctions de chefs d'agrès et facilité la promotion des lieutenants exerçant des fonctions de chefs de centres.

Il a rappelé que les conditions d'attribution de l'allocation de vétérance pour les sapeurs-pompiers volontaires avaient été assouplies par la loi du 23 février 1999, un décret devant être publié prochainement pour rendre plus attractif l'exercice de leurs fonctions.

M. Jean-Pierre Chevènement a déploré que l'adoption des lois de mai 1996 n'ait pas été précédée d'une étude d'impact sur leurs conséquences financières.

Il a considéré que si la départementalisation des services d'incendie et de secours n'impliquait pas par elle-même une progression significative des dépenses, le regroupement de personnels au sein d'une même entité et l'harmonisation en conséquence de leurs conditions de travail pouvaient rendre nécessaire une coûteuse remise à niveau dans certains départements.

Le ministre a rappelé que le financement des services d'incendie et de secours était traditionnellement à la charge des seules collectivités territoriales, l'Etat prenant en charge les renforts nationaux, et donc la coûteuse professionnalisation des unités d'intervention de la sécurité civile à la suite de la réforme du service national. Il a ajouté que l'Etat devait également prendre en charge les investissements liés à la modernisation de la flotte aérienne de la sécurité civile.

Evoquant ensuite la création éventuelle de ressources nouvelles pour compenser les efforts des collectivités territoriales, il a confirmé qu'il envisageait l'institution d'une dotation globale d'équipement spécifique pluriannuelle, au moins pour la période de mise à niveau.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a précisé qu'il étudiait aussi une possibilité de mise à disposition des collectivités de prêts, à très longue durée et à des taux inférieurs à ceux du marché, par la Caisse des dépôts et consignation.

Il a confirmé qu'il installerait dans les prochains jours une commission de suivi et d'évaluation, chargée d'analyser les conditions de mise en oeuvre de la réforme de 1996 et de lui faire des propositions, à partir du début de l'an 2000.

M. Jean-Pierre Chevènement a confirmé que la professionnalisation des unités de sécurité civile serait achevée à la fin de l'année 2001, 367 engagés et volontaires devant être recrutés l'an prochain. Il a ajouté, concernant la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, au budget de laquelle l'Etat contribue à hauteur de 25 %, que la professionnalisation conduirait à la création de 442 emplois d'engagés et de volontaires en l'an 2000, la progression de plus d'un quart du nombre des interventions en 10 ans justifiant un remplacement, nombre pour nombre, des appelés.

Il a indiqué qu'un avion " Hercule C130 " serait loué pendant la saison des incendies, l'utilisation de cet appareil, en 1999, ayant permis de démontrer sa complémentarité avec les " Canadairs ".

Enfin, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a souligné l'importance de la mission de déminage qui traitait chaque année entre 500 et 700 tonnes de munitions, ajoutant que le dépôt de Laon-Couvron, mis en service en 1998 après l'arrêt des destructions en Baie de Somme et la fermeture du dépôt du Crotroy, serait étendu à partir de l'an prochain.

Concernant l'administration territoriale, le ministre a indiqué que le ministère s'était engagé avec le ministère du budget dans une contractualisation de la progression des crédits des préfectures. Il a précisé qu'il avait ainsi accepté en 2000 une réduction limitée des moyens de fonctionnement de 4 millions de francs et de 50 emplois administratifs territoriaux, le ministère du budget s'engageant en contrepartie à ne procéder, en cours d'année, à aucun " gel " sur les crédits et sur les emplois ouverts, ni à aucune annulation.

Le ministre a par ailleurs fait valoir qu'une démarche de globalisation des dotations avait été expérimentée pour trois ans dans quatre départements (Doubs, Finistère, Isère et Seine-Maritime) et faisait l'objet d'un nouveau chapitre 37.20 en loi de finances. Il a souligné que cette procédure engagerait les préfectures concernées à réaliser les réformes nécessaires.

Après avoir indiqué que les mesures catégorielles réservées au cadre national des préfectures s'élèveraient à 15 millions francs, le ministre a fait valoir que les crédits de l'informatique également globalisés permettraient d'achever le programme de câblage de toutes les préfectures et leur mise en réseau avec l'administration centrale et les autres services déconcentrés de l'Etat. Il a enfin relevé que les crédits en matière immobilière progresseraient de 20 % en crédits de paiement, permettant d'améliorer l'accueil du public et la sécurité, d'adapter le réseau des sous-préfectures d'Ile-de-France aux évolutions démographiques et de poursuivre la " désimbrication " des préfectures.

En ce qui concerne les dotations aux collectivités locales, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a rappelé que le contrat de croissance et de solidarité prévoyait que la masse des dotations de l'Etat aux collectivités locales évoluait comme l'inflation prévisionnelle augmentée d'une partie de la croissance (20 % en 1999, 25 % en 2000, 33 % en 2001). Il a souligné que l'indexation prévue permettrait une progression de 2,4 milliards de francs des dotations en 2000.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a en outre fait valoir que l'intégration des résultats du recensement général de la population dans la dotation globale de fonctionnement serait étalée sur trois ans, afin d'en rendre l'impact moins coûteux, et de ne pas pénaliser les collectivités qui perdent des habitants. Il a souligné que, dans le souci de maintenir le niveau de la péréquation, la dotation d'aménagement serait augmentée de 200 millions de francs en 1999 et que la dotation de solidarité urbaine, outre la consolidation des 500 millions de francs prévus en loi de finances pour 1999, bénéficierait d'une nouvelle augmentation de 500 millions de francs en 2000. Il a par ailleurs relevé que la fraction de la dotation de solidarité rurale destinée aux bourgs-centres progresserait de plus de 100 millions de francs, et que la compensation de la part salariale de la taxe professionnelle serait indexée sur le taux de progression de la dotation globale de fonctionnement, avant régularisation de celle-ci (soit 2,05 % au lieu de 0,82 %).

Puis M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a fait observer que le Gouvernement avait également décidé de remédier à la dégradation des comptes de la CNRACL. Il a rappelé que l'Etat réduirait de 4 % la surcompensation effectuée au profit des caisses structurellement déficitaires, ce qui représenterait une somme d'un milliard de francs compensée par le versement à ces régimes d'une dotation de l'Etat du même montant. Il a précisé qu'en contrepartie les cotisations employeurs des collectivités locales et des établissements hospitaliers seraient augmentées de 0,5 % au 1er janvier prochain.

En conclusion, M. Jean-Pierre Chevènement a souligné que l'ensemble des mesures proposées représentait un effort de près de 4 milliards de francs supplémentaires en 2000, plus un milliard de francs correspondant aux mesures prises au profit de la CNRACL. Il a relevé que cet effort était particulièrement significatif à la veille des prochaines échéances municipales.

M. Jacques Larché, président, a estimé que l'Etat devait lui-même définir les perspectives et arrêter les décisions nécessaires concernant le régime de retraite de ses fonctionnaires. Il a considéré que les nombreux départs à la retraite qui allaient intervenir dans les prochaines années constituaient une chance historique de réduire les effectifs inutiles dans certains domaines pour permettre de les faire progresser dans d'autres secteurs.

M. Jacques Larché, président, a par ailleurs souligné que certains conseils généraux s'étaient proposés de construire des commissariats, sous réserve de pouvoir escompter, en retour, le paiement, par l'Etat, d'un loyer correct.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la décentralisation, s'est demandé si la multiplication des objectifs assignés à la dotation globale de fonctionnement, notamment le poids croissant du financement de l'intercommunalité et la pratique des abondements exceptionnels, ne risquaient pas de remettre en cause la cohérence déjà fragile du dispositif des concours de l'Etat aux collectivités locales.

Souhaitant connaître le premier bilan d'application de la loi du 12 juillet 1999, notamment le nombre de nouvelles communautés d'agglomération, M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis, s'est inquiété des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de finances pour 1999 sur la promotion de l'intercommunalité à travers la taxe professionnelle unique. Il a en particulier souligné que la prise en compte de la compensation de la part salariale de la taxe professionnelle dans le calcul des contributions fiscalisées des établissements publics de coopération intercommunale non dotés d'une fiscalité propre avait pu susciter de réelles difficultés d'application.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis, a enfin fait valoir qu'à la veille du congrès des maires, l'insécurité juridique et les conditions d'exercice des mandats locaux constituaient deux préoccupations majeures. Il a donc souhaité savoir, outre les réflexions en cours à la chancellerie sur la responsabilité pénale des décideurs publics, quelles mesures étaient envisagées pour garantir à l'action publique locale une indispensable sécurité juridique.

En réponse, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué que la part de la dotation globale de fonctionnement consacrée aux structures intercommunales à fiscalité propre s'élevait à 5,6 milliards de francs. Il a rappelé que la loi du 12 juillet 1999 avait prévu une dotation spécifique de 500 millions de francs, destinée à financer le coût des nouvelles communautés d'agglomération, ce qui permettrait de soulager la dotation globale de fonctionnement. Il a estimé que cette enveloppe serait suffisante pour financer la première vague de création de ces nouvelles structures.

Précisant que la création d'environ vingt communautés d'agglomération au 1er janvier 2000 avait été envisagée initialement, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a fait observer qu'il n'était pas exclu que trente communautés de ce type, en définitive, voient le jour à cette date. Soulignant que cet élan devrait se poursuivre au premier semestre 2000, il a relevé l'engouement des districts qui opéraient leur transformation. Il a fait valoir que l'incitation financière apparaissait efficace et que ce mouvement n'était pas factice, le coefficient d'intégration fiscale permettant de prendre en compte la réalité du projet de développement mis en oeuvre. Rappelant l'échec des communautés de villes créées par la loi d'orientation du 6 février 1992, il a souligné que le nouveau dispositif connaissait un grand succès.

S'agissant de l'impact des abondements exceptionnels sur la cohérence de la dotation globale de fonctionnement, le ministre a rappelé que ces abondements étaient destinés à améliorer la péréquation. Il a néanmoins reconnu qu'une réflexion était nécessaire sur l'évolution des mécanismes de péréquation, réflexion qui pourrait être menée au sein de la commission sur la décentralisation dont la présidence était confiée à M. Pierre Mauroy.

Rappelant que les montants consacrés à la péréquation étaient limités à 15 milliards de francs sur un total de 291 milliards de francs, il a jugé nécessaire d'examiner les moyens d'accroître la péréquation et de remédier à la complexité des mécanismes en vigueur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a par ailleurs considéré que la prise en charge, par l'Etat, sur une période de cinq ans, de la part salariale de la taxe professionnelle favoriserait la promotion de la taxe professionnelle unique, considérant qu'il était plus facile de mettre en place cette mutualisation fiscale dans un cadre où les bases sont amputées de 35 % de leur montant. Il a souligné qu'une perception très favorable à la taxe professionnelle unique pouvait être observée et que les communes dans lesquelles une entreprise avait cessé son activité bénéficieraient de la prise en compte de la situation existante en 1998. Il a en outre noté que le projet de loi relatif à la prise en compte du recensement prévoyait que la compensation de la part salariale de la taxe professionnelle serait réintégrée dans le calcul du potentiel fiscal.

S'agissant de l'insécurité juridique et des conditions d'exercice des mandats locaux, M. Jean-Pierre Chevènement a estimé qu'outre les réflexions en cours à la chancellerie, ces questions devraient être examinées par la commission sur la décentralisation. Il a considéré qu'il fallait concilier le principe d'égalité des citoyens devant la loi pénale avec le risque spécifique que couraient les décideurs publics. Il a noté que les deux tiers des fonctionnaires d'autorité mis en examen bénéficiaient en définitive de décisions de non-lieu. Il s'est enfin inquiété de l'inégalité des professions face au mandat local, les salariés d'entreprise pouvant difficilement accéder au mandat, situation qui justifierait l'adoption de mesures spécifiques.

M. Yves Fréville a souhaité savoir si les divers abondements exceptionnels seraient pris en compte dans le calcul de la base de la dotation globale de fonctionnement au cours du prochain exercice budgétaire. Il a en outre demandé s'il était envisagé d'augmenter la cotisation des agents des collectivités locales à la CNRACL en 2000.

En réponse, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, tout en relevant qu'en principe ces abondements exceptionnels ne devaient pas être consolidés, a relevé qu'en pratique cette consolidation était le plus souvent opérée, ce qui devrait être également le cas au cours du prochain exercice budgétaire.

Il a indiqué que dans la mesure où la valeur du point avait moins augmenté en 2000 qu'en 1999 et en 1998, il n'était pas envisagé de faire progresser la cotisation des agents des collectivités locales à la CNRACL.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis des crédits de la police et de la sécurité, a fait part de ses inquiétudes concernant les effectifs de la police nationale, compte tenu du grand nombre de départs à la retraite prévisibles dans les cinq années à venir, et il a souhaité obtenir des précisions sur les recrutements anticipés envisagés, ainsi que sur les mesures permettant de dissuader les personnels de prendre une retraite anticipée. Il s'est également déclaré inquiet sur la qualité des personnels, soulignant que la multiplication des adjoints de sécurité présents sur le terrain, en comparaison des effectifs titulaires, risquait de transformer la sécurité publique en " garderie " pour adjoints de sécurité. Observant que 40% des places offertes aux concours de gardiens de la paix seraient réservées aux adjoints de sécurité, alors que le niveau d'études des seconds était très inférieur à celui des premiers, il a souhaité savoir comment serait assurée la qualité de ce recrutement spécifique.

S'agissant des moyens de fonctionnement de la police, il a constaté que les dotations seraient insuffisantes pour rattraper les retards accumulés, s'agissant notamment du renouvellement du parc automobile. A cet égard, il a souhaité obtenir des précisions sur la passation des marchés par l'UGAP et sur les adaptations que nécessiterait l'implantation des terminaux de transmission sur les voitures Ford Fiesta sélectionnées.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, a ensuite souhaité connaître l'état d'avancement de l'élaboration des décrets d'application de la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, dont plusieurs avaient été annoncés pour le mois de juillet 1999.

Evoquant les travaux de la commission d'enquête sur l'opération de régularisation des sans papiers initiée par la circulaire du 24 juin 1997, il s'est demandé si la circulaire du 11 octobre 1999, adressée par le ministre aux préfets, stigmatisant le fait que plus de la moitié des personnes non-régularisées n'avaient pas fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, n'allait pas dans le sens des conclusions de la commission critiquant l'institution par cette procédure de régularisation de " clandestins officiels ". Après avoir demandé le bilan de l'opération de régularisation et celui de la politique d'aide au retour dans le pays d'origine, il a souhaité savoir quel serait l'impact de la politique européenne de l'immigration dont les contours avaient été esquissés au sommet de Tampere.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, se référant enfinaux travaux de la mission de la commission des lois sur le suivi de la coopération policière internationale, a souhaité savoir si, comme le préconisait le rapport de la mission publié en juin 1998, le ministre de l'intérieur avait obtenu de plus grandes responsabilités dans les négociations européennes et s'il avait procédé, au sein du ministère, aux adaptations nécessaires à une meilleure prise en compte des questions internationales.

En réponse, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué en premier lieu, s'agissant des effectifs, qu'il espérait obtenir le recrutement de 941 agents en surnombre en 2000 et pouvoir organiser un concours dès le mois de février. Il a considéré qu'une telle mesure, alliée à celles permettant d'améliorer la fin de carrière des agents afin de les dissuader de partir en retraite anticipée, à savoir la création de 600 échelons exceptionnels supplémentaires de gardiens de la paix et la transformation de 300 emplois de gardiens de la paix en emplois de brigadiers et de brigadiers majors, permettraient de maintenir sur le terrain des effectifs opérationnels.

Il a jugé sévères les critiques souvent entendues à l'encontre des adjoints de sécurité. Il s'est quant à lui montré très élogieux à l'égard de ces personnels, les jugeant souvent très motivés et constitutifs d'un important facteur de rajeunissement et de diversification de la police. Il a indiqué que, sans toutefois imposer de quotas, il avait souhaité que les adjoints de sécurité reflètent la population et que 19 % d'entre eux étaient à l'heure actuelle originaires de quartiers sensibles. Il a rappelé que 1/3 étaient d'anciens policiers auxiliaires, que 900 d'entre eux avaient passé des concours normaux de gardiens de la paix et que 200 étaient partis dans le privé. S'agissant de leur niveau d'études, il a observé qu'il était plutôt supérieur à celui des policiers auxiliaires, 5 % n'ayant aucun diplôme, 35 % ayant le niveau CAP-BEP, 45 % le niveau Bac, 12 % le niveau bac + 2 et 3 % le niveau Bac+3. Il a rappelé que leur formation initiale était désormais de huit semaines complétées par un stage de quinze jours et que des programme spéciaux de préparation aux concours de gardiens de la paix leur étaient proposés.

Concernant le parc automobile de la police, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué que les 26.912 véhicules en service étaient suffisants, mais qu'ils n'étaient pas toujours en bon état de marche, 13 % du parc ayant dépassé les critères de réforme. Il a confirmé que le renouvellement des marchés par l'union des groupements d'acheteurs publics (UGAP) avait suscité des retards dans l'acquisition des véhicules et que l'implantation des terminaux de transmission dans les voitures Ford Fiesta sélectionnées était incompatible avec l'airbag dont elles étaient équipées.

S'agissant de l'application de la loi sur les polices municipales, il a indiqué que trois des dix décrets prévus par la loi, à savoir celui déterminant les contraventions au code de la route que les agents pourront verbaliser, celui sur les conventions de coordination et celui sur l'armement des agents, faisaient actuellement l'objet de derniers ajustements avant leur présentation devant le Conseil d'Etat. Il a ajouté que le décret sur la Commission nationale consultative des polices municipales serait soumis courant décembre au Conseil supérieur de la fonction publique et que celui créant un cadre d'emploi de catégorie B serait examiné très prochainement par la section de l'intérieur du Conseil d'Etat.

M. Jean-Pierre Chevènement a ensuite donné le bilan de l'opération de régularisation, précisant que sur 143.939 demandes, 80.085 avaient été acceptées et 62.808 rejetées, 1.046 étant encore en instance d'examen. S'agissant de la politique d'aide au retour, il a indiqué que 717 personnes avaient bénéficié des dispositions du décret de janvier 1998 et que des contrats de réinsertion dans le pays d'origine (CRPO) étaient proposés depuis peu aux ressortissants marocains, maliens et sénégalais.

Concernant les mesures d'éloignement, il a noté que 44.513 mesures avaient été prononcées en 1998, pour 8.040 départs effectifs, ces chiffres s'établissant respectivement à 19.818 et 3.595 pour le 1er semestre 1999. Il a indiqué qu'il avait par sa circulaire du 11 octobre 1999 appelé les préfets à plus de vigilance sur la question de l'éloignement des étrangers, une plus grande fermeté se justifiant à partir du moment où la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 était libérale et permettait de régler de nombreuses situations grâce à l'attribution de la carte de séjour vie privée et familiale. Il a considéré que la situation aux frontières était maîtrisée, même si des mesures spécifiques avaient dû être prises à la frontière italienne en considération d'un important flux d'immigrants kosovars d'origine albanaise essayant de traverser la France pour se rendre en Allemagne.

S'agissant des négociations européennes, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué que celles-ci relevaient toujours, dans le cadre du traité d'Amsterdam, de la responsabilité du ministre des affaires européennes. Mais il a indiqué qu'avait été créé, et confié à un préfet, un poste d'adjoint au représentant permanent de la France auprès des Communautés européennes et que, sous l'impulsion de la délégation aux affaires internationales récemment créée et confiée à M. Thierry Leroy, le ministère de l'intérieur était désormais mieux en mesure de faire admettre ses positions dans les négociations. Il a noté que cela avait été le cas dans le cadre de la préparation du sommet de Tampere au cours duquel, grâce à un accord préalable obtenu en amont avec l'Allemagne, avait prévalu en matière de politique d'immigration la position défendue par la France, fondée sur le refus de la fixation de quotas d'immigrants mais mettant l'accent sur la nécessité du co-développement et d'une maîtrise des flux migratoires associée à un souci d'intégration des étrangers en situation régulière.

En réponse à M. Jean-Claude Peyronnet, qui avait souhaité connaître les projets du Gouvernement en matière de redéploiement des effectifs entre la police et la gendarmerie après la remise en cause du plan ambitieux initialement présenté, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a affirmé qu'aucune autre mesure n'était envisagée que celle actuellement à l'étude tendant à la fermeture de six commissariats, et il a indiqué qu'il était en accord avec les propos tenus par le ministre de la défense sur la nécessité d'associer les élus aux décisions en la matière.

En réponse à M. Bernard Murat, qui, faisant état de sa déception de voir la population de la ville de Brive continuer à placer l'insécurité au premier rang de ses préoccupations un an après la signature d'un contrat local de sécurité, avait souligné la nécessité pour toutes les parties concernées d'adhérer à la démarche du contrat, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a estimé qu'il convenait de faire vivre les contrats locaux de sécurité en assurant le suivi périodique d'actions simples clairement déterminées. Faisant référence à l'enquête de victimation conduite récemment par l'institut des hautes études de sécurité intérieure (IHESI), il a de plus considéré qu'il fallait se garder de confondre insécurité et sentiment d'insécurité. Tout en reconnaissant que les statistiques de la criminalité issues des états 4001 tenus par la police judiciaire ne permettaient pas de mesurer parfaitement le niveau d'insécurité, il a réfuté les interprétations alarmistes de cette enquête.

M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis des crédits de la sécurité civile, a demandé au ministre de lui faire connaître son sentiment sur la crise sociale affectant le corps des sapeurs-pompiers, s'interrogeant sur les moyens financiers qui pourraient être apportés pour répondre à leurs revendications de plus en plus pressantes, et en particulier à celle de l'abaissement à 50 ans de l'âge du départ à la retraite.

Il l'a interrogé sur les mesures qu'il envisageait pour encourager le développement du volontariat, en dehors des dispositions statutaires et indemnitaires prises par l'Etat et supportées financièrement par les collectivités territoriales.

M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis, a interrogé le ministre sur les modalités de calcul et d'attribution de la dotation globale d'équipement spécifique envisagée par le ministre.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a confirmé que la progression sensible des dépenses des services d'incendie et de secours, dont le montant total est évalué à 15 milliards de francs, provenait non seulement de la départementalisation elle-même, mais des mesures statutaires et indemnitaires d'harmonisation prises depuis trois ans.

Il a ajouté que la progression des dépenses pouvait varier sensiblement selon les départements, certains services d'incendie et de secours ayant entrepris une remise à niveau avant la publication des lois du 3 mai 1996.

A M. Jacques Larché, président, qui évoquait des grèves et des mouvements sociaux des sapeurs-pompiers engagés avec des moyens parfois difficilement tolérables pour les usagers, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a répondu qu'il appartenait aux présidents des services départementaux d'incendie et de secours de prendre, le cas échéant, les mesures adéquates.

M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis, relevant que ces services recevaient l'estime des Français en raison des nombreuses prestations qu'ils rendaient, a attiré l'attention sur la progression très forte des charges de secours pour certaines communes, évoquant les exemples de celles de Fréjus et de St Raphaël qui auraient dû doubler, ce qui avait conduit le service départemental du Var à reporter d'un an la mise en oeuvre de la départementalisation.

M. Jean-Claude Peyronnet a souhaité que le coût des services d'incendie et de secours soit clairement porté à la connaissance de chaque contribuable. Il a considéré que la départementalisation, impliquant la direction opérationnelle de ces services par le préfet et leur financement par les collectivités, constituait un échec et ne pouvait, de surcroît, qu'aggraver les risques de responsabilité pénale des élus en cas d'accident. Il a exprimé les fortes inquiétudes des élus locaux devant la progression de leurs charges de sécurité civile et demandé en conséquence une intervention financière de l'Etat.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué que la dotation globale d'équipement spécifique pourrait contribuer, à hauteur de 20 ou 30 %, aux investissements des collectivités territoriales en matière de sécurité civile, et que sa durée pourrait être de cinq ou six ans.

Il a affirmé qu'une substitution de l'Etat aux communes dans ce domaine serait contraire à la loi, l'Etat devant en revanche faciliter le dialogue nécessaire entre les acteurs concernés.

M. Jean-Pierre Chevènement a estimé que la question de l'âge de départ à la retraite des sapeurs-pompiers professionnels devait être considérée dans le cadre plus général de la réflexion en cours sur l'ensemble des régimes de retraite et qu'une réunion de concertation serait organisée dès le 23 novembre pour améliorer les dispositions en vigueur concernant la reconnaissance de l'inaptitude au travail.

Il a reconnu que certaines manifestations de sapeurs-pompiers professionnels, comme l'occupation du boulevard périphérique de Paris, avaient revêtu un caractère excessif.

M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis, s'est demandé si les collectivités territoriales n'avaient pas été chargées de responsabilités excessives, compte tenu des moyens dont elles disposaient.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a indiqué que la dotation générale d'équipement spécifique qu'il envisageait pourrait atteindre 150 millions de francs.

M. Jean-Jacques Hyest a fait savoir que dans le département de la Seine-et-Marne, l'importance des moyens de secours, liée aux nombreuses infrastructures de transport dans ce département, entraînait un budget moyen de 430 F par habitant pour les services de secours, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, indiquant que la moyenne nationale de ce budget s'établissait à 250 F par habitant.

M. Jean-Jacques Hyest, déplorant que le conseil supérieur de la fonction publique territoriale ait rejeté les propositions formulées en matière d'harmonisation des régimes de travail des sapeurs-pompiers professionnels, s'est demandé si les négociations sur ce point, devant être conduites par les collectivités autorités d'emplois, n'aboutiraient pas à un alignement sur les régimes les plus coûteux pour ces collectivités, citant l'exemple de la Seine-et-Marne où les sapeurs-pompiers effectuaient 147 jours de garde par an.

Outre-mer - Ratification des ordonnances relatives aux mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest à l'examen du projet de loi n° 421 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur
, a rappelé que le projet de loi de ratification soumis à l'examen de la commission, comme trois autres textes ayant le même objet soumis à trois autres commissions permanentes, tendait à conférer valeur législative à un vaste ensemble de mesures poursuivant l'actualisation et l'adaptation du droit applicable outre-mer, pris par vingt ordonnances entrées en vigueur de façon échelonnée entre le mois de juin et le mois de septembre 1998.

Il a précisé que l'Assemblée nationale n'avait modifié qu'à la marge les sept ordonnances de la compétence de la commission des lois, observant que les ajustements opérés lors de leur ratification, bien que nécessaires, n'étaient pas de nature à améliorer la lisibilité de l'ordonnancement juridique en l'absence de recueil ou de code présentant les textes sous leur forme consolidée.

Présentant l'économie de chaque ordonnance, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que la première avait pour objet de porter de trois à trente jours le délai de déclaration des naissances à l'officier d'état civil dans certaines communes du département de la Guyane, la deuxième créant, après une longue période d'incertitude statutaire, deux universités distinctes, respectivement implantées en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Après avoir rappelé que la troisième ordonnance étendait, en matière de droit pénal et de procédure pénale, diverses législations, parfois anciennes, relatives à la lutte contre le trafic de stupéfiants, aux courses de chevaux ou encore aux jeux de hasard, et proposait d'assimiler, pour l'exercice des missions de police judiciaire, les agents de la police territoriale de Mayotte mis à la disposition de l'Etat aux agents de police nationale, il a observé que la quatrième ordonnance, relative à l'organisation juridictionnelle dans les territoires d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, devrait permettre de pallier une pénurie de magistrats à Saint-Pierre-et-Miquelon empêchant aujourd'hui le respect de principes fondamentaux de la justice tels que l'impossibilité de confier successivement à un même juge l'instruction, le jugement de première instance puis le traitement du recours en appel d'une même affaire.

Il a souligné qu'une solution novatrice consistait dans l'introduction de la visioconférence pour garantir la présence d'un magistrat professionnel dans le jugement de chaque affaire, tout en estimant que le recours à cette technique devait être considéré comme un pis-aller.

Après avoir approuvé les regroupements de textes épars opérés par la cinquième ordonnance relative au droit électoral applicable dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte, il a indiqué que la sixième ordonnance instituait, à titre temporaire, une procédure simplifiée de déclaration de nationalité, destinée à permettre, à certaines personnes nées et résidant à Mayotte, de régulariser leur situation au regard du droit de la nationalité, la dernière ordonnance procédant à de nombreuses actualisations législatives en diverses matières du droit civil et du droit commercial et pour l'exercice de certaines professions libérales telles que celles des commissaires-priseurs ou des géomètres-experts.

Puis la commission a adopté, sur proposition de son rapporteur, dix-sept amendements tendant à procéder :

- à une harmonisation terminologique prenant en compte l'évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie (article additionnel après l'article 1er) ;

- à permettre de conférer la qualité d'officier de police judiciaire aux officiers de la police territoriale de Mayotte mis à la disposition de l'Etat (article additionnel après l'article 2) ;

- à rendre applicables à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux îles Wallis-et-Futuna et à la collectivité territoriale de Mayotte les dispositions de la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales organisant les relations entre agents de police municipale et officiers de police judiciaire et habilitant les agents de police municipale à relever l'identité des contrevenants (article additionnel après l'article 2) ;

- à aligner la définition du délit relatif à la prise de paris sur les courses de chevaux applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française sur celle en vigueur en métropole et à exprimer le montant de l'amende en francs Pacifique tout en corrigeant une erreur de décompte d'alinéas (article additionnel après l'article 2) ;

- à souligner le caractère dérogatoire de la procédure d'audience collégiale par visioconférence devant le tribunal supérieur d'appel instaurée à Saint-Pierre-et-Miquelon (article additionnel après l'article 3) ;

- à corriger une erreur de numérotation créant un doublon dans le code de procédure pénale et à prévoir la consultation du président du tribunal de première instance pour la définition du nombre annuel des audiences correctionnelles de sa juridiction (article additionnel après l'article 3) ;

- à transférer au juge administratif la compétence dévolue au conseil national de l'ordre pour connaître du contentieux des élections à la chambre territoriale de discipline des chirurgiens-dentistes créée en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (article additionnel après l'article 3) ;

- à supprimer la disposition conférant la personnalité morale à la chambre territoriale de discipline des chirurgiens-dentistes créée en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (article additionnel après l'article 3) ;

- à renforcer au sein de l'ordre des chirurgiens-dentistes la publicité relative aux sanctions disciplinaires infligées (article additionnel après l'article 3) ;

- à rétablir, à l'article 26 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, la référence à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon pour tenir compte du fait que jusqu'au 1er octobre 1977 cette collectivité était régie par le principe de la spécialité législative (article additionnel après l'article 3) ;

- à abroger expressément l'article 8 de l'ordonnance n° 98-730 devenu sans objet depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (article additionnel après l'article 3) ;

- à corriger une erreur de décompte d'alinéas et à compléter une référence au code électoral (article additionnel après l'article 3) ;

- à modifier une disposition insérée dans le code de la santé publique pour tenir compte de l'interdiction de prendre une mesure relevant de la loi organique par voie d'ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution (article additionnel après l'article 5) ;

- à corriger plusieurs erreurs de référence et imprécisions rédactionnelles aux articles 8 et 9 de l'ordonnance n° 98-774 (articles additionnels après l'article 5),

- à tenir compte d'une modification introduite par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions dans la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et à en adapter le dispositif pour son application en Polynésie française (article additionnel après l'article 6).

Sous réserve de ces modifications, la commission a approuvé le projet de loi n°421 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Mercredi 17 novembre 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Projet de loi de finances pour 2000 - Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les crédits de son ministère pour 2000

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les crédits de son ministère pour 2000.

En préambule, M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'une délégation de la commission avait effectué, sous sa présidence, une mission d'information en Guyane, Martinique et Guadeloupe au mois de septembre dernier, où elle avait rencontré de très nombreux interlocuteurs. Il a fait part de son sentiment d'inquiétude, à la suite de cette mission, sur la situation des départements d'outre-mer et a estimé que, face à cette situation, il pouvait être nécessaire d'agir de façon relativement révolutionnaire.

En conséquence, il a suggéré que la procédure d'urgence soit retenue pour l'examen du futur projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer et il a souhaité que ce projet de loi soit définitivement adopté d'ici à la fin de la présente session.

Il a ajouté que la grande diversité des situations spécifiques de chaque département d'outre-mer devrait être prise en compte dans les solutions retenues par ce texte.

Souscrivant à cette dernière observation, M. Robert Bret a déclaré que le récent voyage du Premier ministre aux Antilles avait également permis de mesurer la réalité de l'urgence résultant de la situation des départements d'outre-mer.

Mme Dinah Derycke a souligné la grande diversité des situations des départements d'outre-mer, faisant observer qu'il existait en outre des spécificités à l'intérieur même de chaque département. Elle a à cet égard évoqué les différences entre la Guyane du littoral et la Guyane de l'intérieur, ainsi que la situation particulière des Iles du Nord au sein du département de la Guadeloupe.

M. Lucien Lanier a considéré qu'il était impossible de continuer à traiter de manière identique chacun de ces territoires si différents les uns des autres en calquant leur organisation sur celle d'un département de métropole.

M. José Balarello a approuvé les propos tenus par le président Jacques Larché, estimant qu'il fallait faire du " cousu main " pour les départements d'outre-mer, une approche globale ne pouvant être retenue sans risque d'erreur.

M. Jacques Larché, président, a enfin évoqué un certain nombre de spécificités qui l'avaient frappé au cours de la mission, évoquant notamment le faible nombre de chômeurs à Saint-Barthélémy et l'accroissement très rapide du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion en Guadeloupe.

Mme Dinah Derycke a pour sa part relevé l'anglophonie des habitants de Saint-Martin.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a ensuite présenté le budget de l'outre-mer pour 2000.

Après avoir rappelé que l'effort global de l'Etat en faveur de l'outre-mer, en progression de 2,85 %, s'élevait à 57,8 milliards de francs pour 2000, il a indiqué que le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer représentait au sein de cette masse globale une enveloppe de 6,36 milliards de francs, en augmentation de 13,6 % du fait de différents transferts provenant notamment du ministère des affaires sociales et de l'inscription de dotations correspondant à l'exercice de compétences nouvelles par la Nouvelle-Calédonie, l'évolution des crédits du secrétariat d'Etat étant de + 2 % à structure constante.

Le ministre a précisé que les crédits relatifs à l'emploi représentaient 40 % du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer et que la dotation du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) connaissait une progression de 16 %, qui permettrait de financer 58.000 nouvelles solutions d'insertion, ainsi que 3.000 emplois jeunes supplémentaires.

Sur ce dernier point, il a souligné que face à l'importante expansion démographique de l'outre-mer, un effort important était fait en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, avec 11.000 emplois jeunes en tout à la fin de l'année 2000 auxquels s'ajouteraient les emplois d'adjoints de sécurité et d'aides éducateurs créés respectivement par les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale. Après avoir rappelé que même si le taux de natalité dans les DOM tendait à se rapprocher de celui de la métropole, les moins de vingt ans y représentaient 35 % de la population, il a précisé que 6,25 % des emplois-jeunes étaient mis en oeuvre outre-mer alors que les tranches d'âge susceptibles d'être concernées par ce type de mesure d'insertion outre-mer ne représentaient que 3,5 % de la population cible au niveau national.

Le ministre a par ailleurs indiqué que le service militaire adapté (SMA) poursuivait sa professionnalisation avec 500 emplois créés par transformation de postes d'appelés en 1999 et 600 autres en 2000. Il a précisé que cette transformation du SMA serait achevée d'ici 2002, ce qui permettrait d'assurer la formation professionnelle de 1.800 jeunes. Il a observé que le SMA représentait 8 % des dépenses dans le budget du secrétariat d'Etat.

S'agissant des crédits consacrés au logement dans les DOM, d'un montant de 1,1 milliard de francs, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a relevé qu'ils permettraient de financer la construction ou la réhabilitation de 14.000 logements, ainsi que des opérations en faveur de la résorption de l'habitat insalubre.

En ce qui concerne l'effort en faveur du développement économique et social de l'outre-mer, le ministre a souligné que les quatre régions d'outre-mer figuraient parmi les régions les plus dotées dans la répartition des enveloppes financières relatives aux nouveaux contrats de plan. Il a précisé qu'à l'issue de la répartition complémentaire devant intervenir prochainement, l'enveloppe financière consacrée aux contrats de plan bénéficiant aux départements d'outre-mer devrait atteindre 5 à 6 milliards de francs pour la période 2000-2006, auxquels viendraient s'adjoindre 21 milliards de francs au titre des fonds structurels européens, ce qui représenterait au total, avec les concours locaux, une masse de 30 milliards de francs disponible pour le développement économique de ces départements. Rappelant que d'importants efforts de développement des infrastructures de transport avaient déjà été effectués au cours de la période récente, il a estimé que ces nouveaux crédits devraient être prioritairement destinés à des infrastructures consacrées à la protection de l'environnement, ainsi qu'à des actions de soutien à l'économie. Il a souligné la nécessité de veiller à l'efficience des mécanismes d'engagement des crédits.

Le ministre a noté que les dotations budgétaires du fonds d'investissement des départements d'outrer mer (FIDOM) et du fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES) pour l'exercice 2000 permettraient de financer une tranche de démarrage de ces nouveaux contrats de plan ainsi que des contrats de développement spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

Enfin, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a souligné que les crédits consacrés à l'action culturelle étaient en forte augmentation et qu'un fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer avait été créé afin de favoriser les échanges des collectivités d'outre-mer avec la métropole et avec leur environnement régional.

A l'issue de cette présentation, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis des crédits des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, a interrogé le ministre sur la révision du statut d'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à l'Union européenne, sur la mise en place des institutions résultant du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des contrats de développement pluriannuels destinés à poursuivre le rééquilibrage économique entre les différentes provinces de Nouvelle-Calédonie, sur le calendrier de la réforme statutaire engagée par le projet de loi constitutionnel relatif à la Polynésie française et la mise en oeuvre de la convention destinée à compenser les conséquences financières du démantèlement du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), et enfin sur les perspectives de conclusion de l'accord particulier prévu pour organiser les relations entre la Nouvelle-Calédonie et le territoire de Wallis-et-Futuna.

En réponse, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a tout d'abord indiqué qu'une réunion sur l'évolution du statut des PTOM s'était tenue à Bruxelles à la fin du mois d'avril dernier et que la Commission européenne mettait actuellement en forme un statut novateur pour ces territoires associés à l'Union européenne, l'objectif restant d'aboutir à l'adoption d'un nouveau texte avant le mois de mars 2000.

S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, le ministre a indiqué que les nouvelles institutions avaient été mises en place au mois de juin dernier et que le nouveau gouvernement, après une période de rodage, essayait aujourd'hui de travailler dans l'esprit des accords de Nouméa. Il a précisé que la réunion du comité des signataires de l'accord de Nouméa serait probablement reportée au début de l'année 2000, le calendrier de fin d'année étant très chargé en Nouvelle-Calédonie.

Le ministre a en outre déclaré que les premiers transferts de compétences seraient mis en oeuvre au 1er janvier 2000, les compensations financières correspondantes étant inscrites au budget et 87 emplois de fonctionnaires de l'Etat étant créés en contrepartie de la suppression d'emplois d'agents contractuels.

Il a enfin précisé qu'une enveloppe de 2,5 milliards de francs avait été consacrée aux contrats de développement relatifs à la Nouvelle-Calédonie sur la période 1993-1999, de nouveaux contrats devant prochainement être conclus entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie, l'Etat et les provinces, et l'Etat et l'agglomération de Nouméa pour une nouvelle période quinquennale.

S'agissant de la Polynésie française, le ministre a souhaité que le projet de loi organique et le projet de loi tendant à modifier le statut de la Polynésie française à l'issue de la révision constitutionnelle soumise au Congrès le 24 janvier prochain, ainsi que le projet de loi consacré aux communes de Polynésie française, soient conjointement et définitivement adoptés avant la fin de l'année 2000, des élections territoriales et municipales devant avoir lieu en 2001. Il a précisé que la révision statutaire consisterait en une modification des lois du 12 avril 1996.

Au sujet de la mise en oeuvre de la convention signée en 1996 pour compenser les conséquences du démantèlement du CEP, il a précisé qu'une enveloppe globale de 990 millions de francs par an avait été prévue, de laquelle étaient déduites les dépenses relatives aux opérations de démantèlement du centre, et que 10 millions de francs avaient déjà été versés en 1997, 157 millions en 1998 et 376 millions en 1999, la somme prévue pour 2000 devant s'établir à environ 500 millions.

Enfin, le ministre a indiqué qu'il espérait que l'accord particulier devant régir les relations entre la Nouvelle-Calédonie et le territoire de Wallis-et-Futuna -qu'il a jugé essentiel pour les Wallisiens- serait conclu, comme prévu, avant le 31 mars 2000, les services de l'Etat ayant accompli le travail préparatoire nécessaire pour distinguer les services communs et les services propres au territoire.

Puis, M. José Balarello, rapporteur pour avis des crédits des départements d'outre-mer, a interrogé le ministre sur l'évolution réelle des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer compte tenu des transferts, sur la destination des crédits programmés dans le cadre des contrats de plan, notamment pour le renforcement des infrastructures touristiques, sur les difficultés constatées pour mobiliser effectivement les crédits des fonds structurels européens, sur les grandes lignes retenues pour le projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer ainsi que le calendrier envisagé pour l'examen de ce texte, sur les propos tenus récemment par le Premier ministre au sujet des surrémunérations bénéficiant aux fonctionnaires d'outre-mer, sur l'état d'avancement des réflexions du Gouvernement au sujet de l'évolution du statut de Mayotte et les perspectives de consultation de la population mahoraise à ce sujet et enfin, sur les conclusions de la mission confiée à M. François Seners sur les problèmes spécifiques des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy.

En réponse, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a tout d'abord précisé que le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer avait été affecté par l'arrivée, en provenance d'autres ministères, de crédits destinés à la Nouvelle-Calédonie, au financement des contrats emplois consolidés (CEC) dans les départements d'outre-mer et à l'emploi à Mayotte, et, en sens inverse, par le transfert de certains crédits vers le budget de l'éducation nationale, la progression des crédits à structure constante étant en définitive de 2 %.

Après avoir confirmé que les départements d'outre-mer recevraient au total de 5 à 6 milliards de francs au titre des contrats de plan, le ministre a indiqué qu'en matière de tourisme, les départements d'outre-mer avaient déjà bénéficié de l'ouverture du trafic aérien et des investissements favorisés par la défiscalisation, mais que le développement touristique se heurtait actuellement à une concurrence accrue de la part des îles voisines et à une faible ouverture internationale de la clientèle. Observant que la Martinique venait d'adopter un schéma de développement touristique, il a estimé nécessaire d'améliorer, non seulement les infrastructures, mais également la qualité de l'accueil et la sécurité assurée aux touristes.

Au sujet de l'utilisation des crédits provenant des fonds européens, le ministre a déclaré qu'une réunion concernant les régions ultrapériphériques était prévue la semaine prochaine à la Commission européenne et que la mise en place d'un correspondant de la Commission dans chaque département d'outre-mer était envisagée en vue de réduire les délais résultant des procédures communautaires.

A propos de l'élaboration du projet de loi d'orientation, le ministre a annoncé que les grandes lignes du projet seraient prochainement communiquées aux élus locaux pour effectuer une concertation d'ici la fin décembre, puis que l'avant-projet de loi serait soumis aux assemblées territoriales en janvier dans la perspective d'un passage en Conseil des ministres au mois de février, ce qui laisserait quatre à cinq mois avant la fin de la session pour les débats parlementaires.

Il a précisé qu'en matière institutionnelle, le projet de loi d'orientation s'inspirerait des propositions du rapport élaboré par MM. Lise et Tamaya, les deux assemblées territoriales (conseil régional et conseil général) étant maintenues sous réserve de l'instauration d'une possibilité de réunion commune, de nouveaux transferts de compétences étant envisagés et la coopération régionale devant être développée pour permettre un dialogue plus facile avec les régions environnantes. Sur ce dernier point, il a précisé qu'il conviendrait de se référer à ce qui avait été prévu pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

S'agissant des surrémunérations des fonctionnaires, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a confirmé les propos tenus par le Premier ministre, pour qui cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement, tout en ajoutant qu'elle serait néanmoins évoquée dans le cadre des négociations générales concernant la fonction publique, par exemple celles portant sur la réduction du temps de travail.

Au sujet de l'évolution statutaire de Mayotte, le ministre a déclaré qu'à la suite des discussions menées localement, un document d'orientation avait été signé au mois d'août dernier par l'ensemble des partis politiques mahorais, mais non par les parlementaires représentant cette collectivité, et qu'un consensus était actuellement recherché afin de mieux assurer la présence de Mayotte au sein de la République française tout en tenant compte de ses spécificités.

Sur ce point, M. Jacques Larché, président, a fait observer que l'article 72 de la Constitution permettait à une loi ordinaire d'élaborer un statut particulier de collectivité territoriale sur mesure.

Enfin, après avoir rappelé qu'à la suite de la présentation en 1996 par M. Pierre Mazeaud d'amendements destinés à prendre en compte la spécificité de la situation des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, la commission des lois du Sénat avait alors effectué une mission d'information dans ces îles, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a souligné que la situation de l'île de Saint-Martin, divisée entre une partie française et une partie néerlandaise, était très différente de celle de Saint-Barthélémy. Il a en outre précisé que le rapport élaboré par M. Seners serait rendu public d'ici le mois de décembre et que le Gouvernement s'orientait vers la mise en place d'un système de relations conventionnelles bénéficiant à ces deux communes, plutôt que vers des statuts particuliers.

En ce qui concerne Saint-Martin, M. Jacques Larché, président, a déclaré que ses habitants avaient fait part à la délégation du Sénat, au cours de la mission d'information, de leur souhait de ne plus dépendre de la Guadeloupe pour l'attribution des crédits disponibles au titre du contrat de plan et des fonds européens, et par ailleurs de voir assurer à leurs enfants un enseignement d'anglais dans le cadre de leur scolarisation.

M. José Balarello, rapporteur pour avis, a estimé qu'il conviendrait de prévoir une sous-enveloppe de crédits européens affectées spécifiquement à Saint-Martin.

Par ailleurs, M. Jacques Larché, président, a également fait part au ministre de plusieurs autres constats effectués par la mission d'information de la commission, à savoir la demande de création d'un institut régional d'administration spécifique aux Antilles et à la Guyane, la situation catastrophique de la justice en Guyane résultant notamment de la vétusté de ses installations, ainsi que les difficultés rencontrées par les jeunes enfants lorsque leurs instituteurs ne parlaient pas le créole.

M. Gaston Flosse a ensuite interrogé le ministre sur l'utilisation des crédits du fonds de reconversion économique de la Polynésie française, regrettant que le territoire n'ait jusqu'ici bénéficié que de faibles sommes au titre de ce fonds. Il a en outre souhaité savoir si les crédits relatifs au fonds intercommunal de péréquation seraient inscrits en loi de finances, quel était le calendrier envisagé pour les arbitrages relatifs au nouveau contrat de développement pour les années 2000-2003 et à quel moment serait installée la chambre territoriale des comptes de Polynésie française. Après s'être félicité que le taux de réalisation du contrat de développement venant à expiration atteigne presque 100 %, il a précisé que la Polynésie française avait proposé pour le nouveau contrat une participation territoriale de 35 milliards de francs Pacifique (1,925 milliards de francs).

En réponse, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que le fonds intercommunal de péréquation reposant sur un support législatif initialement prévu pour les années 1994 à 1998, une ordonnance allait prochainement être prise pour prolonger son existence, ce qui permettrait d'inscrire les crédits correspondants dans les projets de loi de finances rectificative pour 1999 et 2000.

Après avoir confirmé la bonne exécution de l'actuel contrat de développement, il a annoncé que l'arbitrage qui serait prochainement rendu pour déterminer les enveloppes complémentaires destinées aux contrats de plan Etat-région concernerait également les contrats de développement spécifiques aux territoires d'outre-mer, bien que ces derniers n'obéissent pas à la même périodicité.

Il a enfin précisé que la mise en place de la chambre territoriale des comptes de Polynésie française serait achevée au début du mois de janvier prochain.

M. Lucien Lanier a regretté que la structure des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer privilégie les actions destinées au secteur parapublic, notamment à travers la création de nombreux emplois jeunes, au détriment des dépenses d'investissement nécessaires pour préparer l'avenir. Il a en effet considéré qu'il n'était pas satisfaisant de " surfonctionnariser " les départements d'outre-mer et qu'il faudrait à terme chercher à mettre fin au régime d'assistance dont bénéficient ces départements.

M. Gaston Flosse ayant souhaité connaître l'avis du ministre sur sa proposition de loi organique tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué qu'il serait favorable à un rééquilibrage pour tenir compte du poids démographique des îles du Vent, mais qu'il conviendrait de veiller à ne pas nuire à la représentation des collectivités les plus éloignées. En conséquence, il s'en est remis à la sagesse du Sénat sur cette proposition de loi organique.

Elections - Amélioration du régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de Polynésie française - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Lucien Lanier, à l'examen de la proposition de loi organique n° 471 (1998-1999), tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française.

Après avoir indiqué que la proposition de loi organique avait essentiellement pour objet d'ajuster la répartition des sièges attachés à chacune des cinq circonscriptions électorales au sein de l'Assemblée de la Polynésie française en portant à 26 sièges la représentation des Iles-du-Vent, M. Lucien Lanier, rapporteur, a précisé qu'elle tendait accessoirement d'une part, à opérer une clarification formelle dans la loi du 21 octobre 1952 concernant le mode de scrutin applicable et, d'autre part, à abaisser l'âge d'éligibilité à dix-huit ans. Il a observé que la spécificité géographique de ce futur pays d'outre-mer caractérisée par une forte dispersion insulaire et la diversité de ses archipels devait être prise en considération dans son organisation institutionnelle.

Ayant rappelé que les quarante-huit communes étaient situées pour treize d'entre elles aux Iles-du-Vent, les Iles-Sous-le-Vent en regroupant sept, les Iles Marquises six, les Iles Tuamotu et Gambier dix sept et les Iles Australes cinq, il a indiqué que la répartition du nombre de sièges attachés à chacune de ces circonscriptions électorales au sein de l'Assemblée de la Polynésie française avait été modifiée successivement en 1946, 1952, 1957 et 1985 pour tenir compte des évolutions démographiques. Il a constaté qu'aucune adaptation n'était intervenue depuis pour prendre en considération les recensements de 1988 et 1996, un nouvel ajustement paraissant désormais indispensable pour réduire les écarts de représentation devenus excessifs du fait, en particulier, de la forte progression démographique des Iles-du-Vent regroupant près des trois quarts de la population totale.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a souligné que le lien de corrélation entre le poids démographique des circonscriptions et leur représentation en sièges au sein de l'Assemblée de la Polynésie française n'était pas un lien de proportionnalité, du fait de la nécessité de préserver une représentation minimale de chaque entité. Il a rappelé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel distinguait trois critères dont la mise en oeuvre devait garantir le respect du principe de l'égalité du suffrage : la nécessité de prendre en considération les évolutions démographiques récentes, la prépondérance du critère démographique pour la répartition des sièges et la possibilité de pondérer cette répartition en tenant compte, dans une mesure limitée, d'autres impératifs d'intérêt général.

M. Lucien Lanier, rapporteur, a estimé qu'à l'aune de ces critères, la nouvelle répartition des sièges devait traduire les évolutions démographiques, sans marginaliser la représentation des archipels, afin de préserver la cohésion de la Polynésie française, ce dernier objectif constituant un impératif d'intérêt général : il a ainsi proposé de porter de vingt-deux à vingt-huit le nombre de sièges des Iles-du-Vent sans modifier le nombre de sièges dévolu aux autres circonscriptions. Il a souligné qu'un tel ajustement permettrait de ramener l'écart maximal de représentation au niveau accepté en 1985, sans que l'effectif total des conseillers à l'Assemblée de la Polynésie française soit accru de façon déraisonnable.

Il a par ailleurs proposé de renvoyer à l'examen du futur statut de la Polynésie française la clarification formelle résultant de l'article 2 de la proposition de loi organique ayant pour objet de supprimer la référence à l'article L. 338 du code électoral à l'article 2 de la loi du 21 octobre 1952 définissant le mode de scrutin applicable aux élections à l'Assemblée de la Polynésie française. Il a enfin rejeté la modification inscrite à l'article 3 de la proposition de loi organique pour abaisser à dix-huit ans l'âge d'éligibilité pour ces élections en rappelant que le Sénat avait repoussé par deux fois ce type de disposition lors de l'examen des projets de loi organique et ordinaire relatifs au cumul des mandats et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.

En réponse à M. Jacques Larché, président, évoquant l'immensité polynésienne caractérisée par une insularité dispersée, M. Gaston Flosse a confirmé que plusieurs heures et parfois plusieurs jours de trajet séparaient les différents archipels, certaines îles n'étant accessibles que par bateau.

M. Patrice Gélard s'est interrogé sur la conformité du dispositif proposé en matière de répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française aux critères définis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Après avoir considéré que la proposition sénatoriale de loi organique ne réduisait pas suffisamment les écarts de représentation pour répondre aux exigences de cette jurisprudence et que la proposition de loi organique déposée par M. Emile Vernaudon à l'Assemblée nationale manquait de réalisme en préconisant une diminution du nombre de sièges des circonscriptions des Iles-Sous-le-Vent, des Iles Australes, des Iles Marquises et des Iles Tuamotu et Gambier, M. Guy Allouche a indiqué que l'ajustement le plus pertinent consisterait à porter à trente-six le nombre de sièges des Iles-du-Vent. Estimant inconciliables à première vue les dispositifs préconisés par ces deux textes, il a estimé prématuré l'examen de la proposition sénatoriale de loi organique, se prononçant pour son report au débat sur le statut de la Polynésie.

Après avoir approuvé pleinement les observations et les conclusions du rapporteur, M. Gaston Flosse a souligné l'urgence de rééquilibrer la répartition des sièges au sein de l'Assemblée de la Polynésie française dans la perspective des prochaines élections territoriales prévues au mois de mai 2001. Il a estimé incohérente la proposition de M. Emile Vernaudon tendant à réduire la représentation des archipels alors qu'il convenait d'encourager leur développement et a considéré que le dispositif préconisé par M. Guy Allouche consacrerait une prépondérance écrasante des Iles-du-Vent.

S'interrogeant sur l'opportunité de renvoyer l'examen du problème de la répartition des sièges au débat sur le nouveau statut de la Polynésie française qui risquait d'aboutir à l'adoption d'une modification moins d'un an avant la prochaine échéance électorale, M. Jacques Larché, président, a rappelé que les critères fixés par le Conseil constitutionnel en matière d'égalité du suffrage n'étaient pas strictement arithmétiques et autorisaient une pondération en fonction d'autres impératifs d'intérêt général que les évolutions démographiques.

En réponse à M. Jacques Larché, président, M. Lucien Lanier, rapporteur, a confirmé que la proposition de loi organique répondait à un voeu formulé par l'Assemblée de la Polynésie française, dont il a donné lecture.

Tout en souscrivant aux propos du rapporteur soulignant la nécessité de tenir compte des spécificités locales, M. Guy Allouche a observé, qu'en l'état, la proposition de loi organique sénatoriale ne serait pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il a proposé d'augmenter plus substantiellement la représentation des Iles-du-Vent, afin de rapprocher les points de vue en respectant plus sûrement les critères fixés par la jurisprudence.

La commission a adopté la proposition de loi organique dans la rédaction proposée par le rapporteur.