LOIS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATION, SUFFRAGE UNIVERSEL, REGLEMENT ET ADMINISTRATION GENERALE
Table des matières
- Présidence de M. Jacques Larché, président.
Outre-mer - Loi d'orientation pour l'outre-mer - Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le projet de loi n° 342 (1999-2000) d'orientation pour l'outre-mer.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a tout d'abord rappelé que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, prochainement soumis à l'examen du Sénat, constituait la concrétisation d'un engagement pris par le Gouvernement lors de la discussion budgétaire d'octobre 1998 et le fruit d'une longue concertation avec les élus et les forces vives des départements d'outre-mer, sur la base notamment des rapports élaborés par MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique et Michel Tamaya, député de la Réunion, et par M. Bertrand Fragonard, conseiller-maître à la Cour des Comptes.
Il a précisé que ce projet de loi avait un double objectif : d'une part, répondre aux handicaps structurels qui freinent le développement économique des départements d'outre-mer, aujourd'hui affectés par un chômage trois fois supérieur à celui de la métropole en dépit d'une croissance du PIB plus rapide, et d'autre part, approfondir la décentralisation et ouvrir le débat sur les questions institutionnelles afin de rompre avec une certaine uniformité qui prévalait jusqu'ici.
Après avoir évoqué le débat à l'Assemblée nationale qui avait donné lieu à l'examen de très nombreux amendements, le secrétaire d'Etat a présenté les principales orientations du texte.
Il a d'abord indiqué que la première de ces orientations consistait à favoriser la création d'emplois grâce à l'amélioration de la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer et à des mesures spécifiquement destinées aux jeunes.
Il a en effet relevé que le projet de loi permettrait un abaissement du coût du travail par une exonération à 100 % des cotisations sociales patronales de sécurité sociale, dans la limite de 1,3 SMIC, qui bénéficierait à l'ensemble des entreprises de moins de 11 salariés (un dispositif progressif adopté par l'Assemblée nationale permettant toutefois d'atténuer les effets de seuil), aux entreprises les plus exposées à la concurrence et aux travailleurs indépendants, ainsi qu'au secteur du bâtiment et des travaux publics à hauteur de 50 %, le coût total de ce dispositif étant évalué à 3,5 milliards de francs, à comparer avec un coût de 800 millions de francs seulement pour le dispositif précédemment mis en place par la " loi Perben ".
Le secrétaire d'Etat a ensuite évoqué les dispositions du projet de loi prévoyant l'octroi de primes à la création d'emplois en faveur des entreprises exportatrices et a annoncé qu'un nouveau dispositif de défiscalisation serait introduit d'ici la fin de l'année, soit dans le cadre du présent projet de loi, soit dans le projet de loi de finances pour 2001.
Il a ensuite présenté les dispositions du projet de loi tendant à favoriser plus particulièrement l'emploi des jeunes, notamment le " projet initiative-jeune " permettant d'aider les jeunes créateurs d'entreprise et le " congé solidarité " permettant le départ en préretraite de salariés de plus de 55 ans et en contrepartie l'embauche de jeunes, grâce à un financement assuré à 60 % par l'Etat et à 40 % par les collectivités locales et les entreprises.
Il a ajouté que le " titre de travail simplifié " entraînerait une simplification importante des formalités pour les emplois chez les particuliers et que les entreprises pourraient bénéficier de plans d'apurement de leurs dettes sociales et fiscales.
Abordant ensuite la deuxième orientation du projet de loi, à savoir la lutte contre les exclusions, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoyait un alignement en trois ans du RMI sur le niveau de la métropole, la création d'une allocation de retour à l'activité (ARA) pouvant être cumulée avec une activité rémunérée, ainsi que le renforcement du dispositif d'insertion et des contrôles sur le travail dissimulé. Il a en outre précisé que les crédits du logement social seraient maintenus nonobstant la suppression de la créance de proratisation du RMI.
Le secrétaire d'Etat a par ailleurs rappelé que les départements d'outre-mer bénéficieraient au cours des sept prochaines années d'un volume global de crédits publics de 37 milliards de francs, dont 23 milliards de francs au titre des fonds structurels communautaires et 5,6 milliards de francs au titre des contrats de plan Etat-région.
Puis, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a présenté les dispositions tendant à la valorisation des identités d'outre-mer et à l'approfondissement de la décentralisation, qui constituent la troisième orientation du projet de loi.
Après avoir évoqué les diverses mesures prévues dans le domaine culturel concernant tant les langues régionales que le prix du livre, le cinéma ou les échanges culturels, il a fait valoir que le projet de loi permettrait une meilleure insertion des départements d'outre-mer dans leur environnement régional en rendant possible la coopération décentralisée des régions ou des départements avec les Etats voisins.
Il a ensuite énuméré les compétences nouvelles que le projet de loi tendait à transférer aux collectivités territoriales, notamment les routes nationales, la gestion et la conservation des ressources biologiques de la mer et la gestion de l'eau, avant de mentionner les ressources nouvelles qui bénéficieraient à ces collectivités, notamment grâce à une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes.
Après avoir rappelé le projet de création d'un deuxième département à la Réunion, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a enfin indiqué que l'approfondissement du débat institutionnel, la quatrième orientation du projet de loi, serait obtenu grâce à la mise en place, dans les départements français d'Amérique, d'un Congrès réunissant les deux assemblées (conseil général et conseil régional) qui coexistent avec une même légitimité démocratique dans ces régions monodépartementales. Il a en effet expliqué que le Congrès pourrait débattre de propositions d'évolution statutaire qui seraient susceptibles d'être ensuite soumises par le Gouvernement à la consultation des populations intéressées.
Il a par ailleurs précisé que la majeure partie des dispositions économiques et sociales du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer seraient applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon et que le système de protection sociale de cette collectivité serait renforcé.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a conclu en déclarant que l'adoption de ce projet de loi d'orientation marquerait une étape décisive dans l'histoire des départements d'outre-mer et en évoquant le grand débat de 1946 sur la départementalisation des " quatre colonies historiques ".
M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'à son retour de la mission de la commission dans les Antilles-Guyane, bien qu'habituellement opposé à cette procédure, il avait proposé que le Gouvernement déclare l'urgence sur ce projet de loi d'orientation.
Rappelant qu'il avait suggéré, lors d'une précédente audition de M. Jean-Jack Queyranne, l'élaboration de statuts " cousus main " adaptés à la spécificité de chaque département d'outre-mer et qu'au cours d'un récent voyage aux Antilles, le Président de la République s'était également prononcé en faveur d'une évolution vers des statuts sur mesure pour les départements d'outre-mer, M. José Balarello, rapporteur, s'est demandé si l'on n'aurait pas pu aller plus loin dans le sens d'une évolution différenciée, sans pour autant modifier la Constitution.
Compte tenu de l'importance des fonds structurels européens pour les départements d'outre-mer, il a souhaité savoir si une éventuelle modification du statut des départements d'outre-mer faisant évoluer la départementalisation leur permettrait néanmoins de conserver le bénéfice de ces fonds.
Constatant que le projet de mise en place d'un Congrès ne faisait pas l'unanimité, il s'est demandé si l'on n'aurait pas pu envisager de créer une structure de concertation plus souple entre le conseil général et le conseil régional, et a par exemple suggéré une réunion périodique de leurs commissions permanentes. Il a en outre estimé que l'appellation de " Congrès " risquait de susciter des confusions terminologiques avec le Congrès du Parlement se réunissant à Versailles, voire avec le Congrès américain.
Après avoir souhaité recueillir l'avis du secrétaire d'Etat sur la création éventuelle d'un deuxième département en Guyane, M. José Balarello, rapporteur, lui a demandé pourquoi il avait maintenu son projet de bidépartementalisation de la Réunion en dépit de la vive controverse suscitée par ce projet, d'un sondage montrant l'opposition d'une majorité des réunionnais, d'un avis défavorable émis par le conseil général comme par le conseil régional et des réserves formulées par le Conseil d'Etat. Il lui a en outre demandé si l'on n'aurait pas pu envisager une clarification du statut fiscal de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin à l'occasion de ce projet de loi.
Se déclarant favorable à la disposition introduite par l'Assemblée nationale afin de supprimer la prime d'éloignement allouée aux fonctionnaires nommés outre-mer, il a souhaité connaître la position du secrétaire d'Etat sur cette question.
En matière culturelle, il a fait part de ses réserves quant au renforcement de l'enseignement du créole susceptible, selon lui, de porter préjudice à l'enseignement du français.
Enfin, il a interrogé M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les dispositions du projet de loi concernant la coopération régionale, le logement social et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il a en outre souhaité savoir si le secrétariat d'Etat à l'outre-mer avait procédé à des études comparatives des statuts des autres régions ultrapériphériques européennes.
En réponse aux questions de M. José Balarello, rapporteur, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a tout d'abord déclaré que si chacun s'accordait à permettre une évolution différenciée du statut de département d'outre-mer, se posait néanmoins le problème de la forme juridique de cette évolution, compte tenu du principe de l'assimilation législative découlant de l'article 73 de la Constitution et de l'interprétation restrictive par le Conseil constitutionnel des adaptations prévues par cet article.
Il a précisé que le Gouvernement avait souhaité aller dans le sens d'une évolution différenciée mais sans la prédéterminer, car il préférait que celle-ci émane des départements d'outre-mer eux-mêmes et ne leur soit pas imposée. Il a ajouté que cette démarche avait conduit le Gouvernement à proposer la mise en place du Congrès, structure de concertation réunissant le conseil général et le conseil régional qui tirent tous les deux leur légitimité du suffrage universel, le Gouvernement n'entendant pas privilégier l'une ou l'autre de ces légitimités. Il a en outre fait valoir qu'afin d'éviter le risque de créer une troisième assemblée permanente, le Congrès aurait pour seule compétence de proposer des évolutions statutaires.
L'idée d'une réunion périodique des commissions permanentes des deux assemblées, suggérée par M. José Balarello, rapporteur, lui est apparue quelque peu restrictive ; en revanche, il s'est déclaré ouvert à d'éventuelles propositions tendant à modifier l'appellation du Congrès.
Après avoir rappelé que l'appartenance des départements d'outre-mer à l'Europe était essentielle compte tenu du volume colossal des fonds structurels alloués aux régions ultrapériphériques, dix fois plus élevés que les fonds européens attribués aux PTOM (pays et territoires d'outre-mer) associés à l'Union européenne, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que l'article 299-2 du traité d'Amsterdam mentionnant explicitement les départements d'outre-mer français, il était probable qu'une modification de leur dénomination statutaire rendrait nécessaire une modification du traité.
M. Jacques Larché, président, a cependant estimé qu'en cas de modification du statut, il devrait être possible d'assimiler les actuels départements d'outre-mer aux Açores ou aux Canaries quant à leurs relations avec l'Union européenne et de modifier la rédaction du traité en substituant la dénomination géographique de chaque département à l'actuelle mention de la catégorie juridique des départements d'outre-mer, afin de ne pas leur faire perdre le bénéfice des fonds structurels.
Par ailleurs, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, s'est déclaré ouvert à l'idée de la création d'un deuxième département en Guyane. Après avoir rappelé qu'en 1946 la départementalisation n'avait concerné que la seule bande côtière, le territoire de l'Inini constituant alors un territoire sui generis, et que le département n'avait été étendu à l'ensemble de la Guyane qu'en 1969, il a en effet constaté qu'il existait aujourd'hui de fortes disparités entre l'île de Cayenne et la Guyane de l'intérieur.
En ce qui concerne le projet de bidépartementalisation de la Réunion, le secrétaire d'Etat a souligné que l'ensemble des parlementaires de l'île y étaient favorables, à l'exception du sénateur Edmond Lauret, et que ce projet était justifié à la fois par l'évolution démographique et par des considérations d'aménagement du territoire, compte tenu du retard de développement de la partie sud de l'île. Il a par ailleurs constaté la volonté affirmée des réunionnais de conserver le statut de département d'outre-mer.
S'agissant des îles de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a rappelé que le projet de loi comportait des dispositions prévoyant la possibilité de leur transférer des compétences actuellement exercées par la région ou le département de la Guadeloupe. Relevant que l'Union européenne était très attentive aux questions relatives à la lutte contre les paradis fiscaux, il a cependant estimé qu'il n'était pas possible de faire de ces îles des zones d'exonération fiscale, sauf à modifier leur statut et à les ériger en collectivité territoriale à statut particulier ou en territoire d'outre-mer en leur transférant la compétence fiscale. Il a en outre constaté que la situation était très différente à Saint-Barthélémy où la prospérité économique résultant de l'essor du tourisme de luxe permettait d'envisager une autonomie de l'île, et à Saint-Martin où, en raison des importantes charges financières pesant sur la commune, il n'existait pas de véritable demande d'autonomie.
Au sujet de la prime d'éloignement allouée aux fonctionnaires nommés outre-mer, le secrétaire d'Etat a indiqué que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur l'amendement prévoyant la suppression de cette prime. Il a admis que le versement d'une prime équivalente à un an de rémunération ne se justifiait plus aujourd'hui par des difficultés de déplacement mais a toutefois évoqué le problème spécifique des enseignants nommés dans les communes de l'intérieur de la Guyane.
En réponse à une interrogation de M. Jacques Larché, président, sur une éventuelle modification du régime des surrémunérations, il a rappelé que le Premier ministre avait déclaré que cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement et que le Président de la République avait souhaité qu'un consensus soit obtenu préalablement à une réforme.
A propos de l'enseignement du créole, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé que le projet de loi ne prévoyait pas un enseignement obligatoire et que l'enseignement du créole ne se ferait pas au détriment de l'enseignement du français. Il a par ailleurs estimé que les langues créoles contribuaient à l'enrichissement de la langue française, évoquant la vitalité des écrivains créoles.
S'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, il a expliqué que le Gouvernement avait intégré les propositions formulées par le rapport de M. Thuau dans la version initiale du projet de loi mais qu'à la suite du récent changement de majorité politique du conseil général, M. Grignon, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, avait demandé la suppression des dispositions relatives à l'urbanisme et à la fiscalité. Le secrétaire d'Etat a néanmoins précisé qu'il avait pour sa part souhaité que l'Assemblée nationale maintienne les dispositions garantissant la représentation de la minorité au bureau du conseil général.
Puis il a constaté que les dispositions destinées à favoriser le développement de la coopération régionale avaient reçu un accueil très favorable, notamment de la part de l'Association des Etats de la Caraïbe, tout en soulignant qu'elles ne remettaient pas en cause les compétences régaliennes de l'Etat.
Enfin, il a fait part de sa volonté d'une adaptation du logement social au contexte spécifique des départements d'outre-mer, évoquant les problèmes posés par les grands ensembles de logements sociaux.
Après avoir indiqué qu'on aurait pu s'attendre à une loi de programmation pour l'outre-mer, M. Lucien Lanier a exprimé sa déception à la lecture du projet de loi d'orientation déposé par le Gouvernement.
Tout en saluant l'effort financier considérable consenti en faveur de l'emploi, il a regretté la très grande complexité des mesures prévues par le projet de loi dans ce domaine, qui lui sont apparues être source de contentieux et de discriminations selon la dimension et l'activité des entreprises. Il a par ailleurs souhaité une simplification de la réglementation pour éviter les risques de développement du travail clandestin.
S'agissant du volet culturel du projet de loi, il a partagé la crainte précédemment exprimée par M. José Balarello, rapporteur, qu'un développement de l'enseignement des langues régionales se fasse au détriment de l'enseignement du français.
Puis M. Lucien Lanier a regretté que l'extrême diversité des territoires concernés ne soit pas suffisamment reconnue dans ce projet de loi, soulignant, par exemple, que la situation de la Guyane était profondément différente de celle des Antilles françaises et que son avenir ne s'inscrivait pas dans les mêmes perspectives.
Il a jugé indispensable la reconnaissance du droit des départements d'outre-mer à développer leurs relations avec leur environnement régional, rappelant que ce droit avait été reconnu à la Polynésie française, mais a néanmoins regretté une certaine imprécision des dispositions du projet de loi relatives à la coopération régionale.
Enfin, il a souhaité que l'appellation du Congrès soit modifiée et s'est interrogé sur la capacité de cette institution à jouer un rôle d'arbitre.
M. Edmond Lauret a approuvé la partie du projet de loi consacrée aux mesures en faveur de l'emploi et tendant à renforcer la " loi Perben ", tout en constatant que le coût évalué de ces mesures, d'un montant de 3,5 milliards de francs, était à peu près équivalent à la somme dont les départements d'outre-mer avaient été privés en conséquence de la modification de la " loi Pons ".
Après avoir rappelé que le Président de la République ne s'était déclaré favorable au projet de bidépartementalisation de la Réunion que sous certaines conditions telles que l'accord des élus et un redécoupage communal, M. Edmond Lauret a fait part de son opposition à ce projet. En effet, il a considéré que cette " partition " risquait de remettre en cause l'unité de l'île et qu'elle constituait une erreur politique. Il s'est par ailleurs interrogé sur le coût du projet et sur ses incidences sur les conditions de versement des fonds structurels. Enfin, soulignant que deux sondages différents avaient montré l'hostilité de la population réunionnaise à ce projet, il a souhaité que celle-ci soit consultée préalablement à la création d'un second département.
Sur ce dernier point, M. Robert Bret a cependant noté que le sénateur Paul Vergès était pour sa part favorable à la création d'un deuxième département à la Réunion.
Après avoir rappelé sa participation à la mission de la commission des lois du Sénat dans les départements français d'Amérique au mois de septembre dernier, M. Robert Bret a constaté les très fortes attentes suscitées par le projet de loi d'orientation parmi la population, les élus et les socioprofessionnels des départements d'outre-mer et l'urgence de trouver des réponses adaptées pour éviter le développement de la violence, évoquant l'exemple de la situation en Guyane. Il a estimé que le consensus le plus large devait être obtenu avant toute évolution statutaire et a espéré que la proposition de création du Congrès permette de répondre à cette préoccupation.
Par ailleurs, il a souligné l'importance d'un développement de la coopération des départements d'outre-mer avec leur environnement régional, considérant que ces départements constituaient une chance et un atout pour la France comme pour l'Union européenne.
Rappelant que la mission de la commission des lois avait permis de mesurer la fragilité économique des départements d'outre-mer et leur dépendance à l'égard des fonds publics, il a souligné que nonobstant le volume de ces fonds, il convenait de veiller à l'efficacité de leur utilisation pour éviter les déperditions constatées actuellement.
Mme Dinah Derycke a estimé que ce projet de loi constituait un texte d'étape qui devait favoriser les évolutions sans pour autant tout bouleverser. Rappelant qu'elle avait également participé à la mission de la commission des lois dans les départements français d'Amérique, elle a déclaré que celle-ci lui avait permis de mieux comprendre les problèmes des départements d'outre-mer en conservant cependant une grande humilité, car elle avait pu constater que personne n'avait de solution toute faite permettant de régler tous les problèmes.
Elle a souligné que les attentes très fortes suscitées par le projet de loi d'orientation parmi les responsables politiques ou socioprofessionnels se situaient davantage dans le registre économique et social que dans le registre institutionnel et que les intéressés souhaitaient désormais sortir de l'assistanat et bénéficier d'aides leur permettant de construire leur développement économique et de favoriser l'emploi.
Par ailleurs, elle a fait part de ses préoccupations devant les difficultés financières des collectivités locales d'outre-mer et s'est demandé si celles-ci auraient des moyens suffisants pour assumer leurs responsabilités.
Après avoir relevé la nécessité d'adapter aux réalités locales les normes aujourd'hui importées de métropole, notamment en matière de logement social ou de construction de bâtiments publics, elle a mis l'accent sur la forte demande d'intégration dans l'environnement régional et de reconnaissance identitaire, notamment dans le domaine culturel.
Enfin, elle s'est interrogée sur les risques de développement de l'immigration clandestine suscitée par l'attractivité de ces départements français à l'égard des populations des pays voisins, tout particulièrement en Guyane.
M. Jacques Larché, président, a rappelé que la départementalisation, qui avait été accueillie avec enthousiasme à l'époque de sa mise en oeuvre, avait eu des effets positifs mais aussi des effets pervers résultant en particulier des transferts sociaux. Il a en effet constaté que dans l'hypothèse d'une suppression de ces transferts, la Guyane retrouverait à peu près le niveau de vie du Surinam. Il a souligné que le principe du traitement indifférencié des départements d'outre-mer et de la métropole posait des problèmes dans ce département, évoquant la nécessité de créer constamment de nouvelles classes pour accueillir des enfants arrivant du Surinam.
Il s'est par ailleurs interrogé sur la disposition prévoyant l'alignement progressif du RMI sur le niveau de la métropole, constatant l'accroissement très rapide du nombre de " Rmistes " dans les départements d'outre-mer. Il a en outre évoqué la situation particulière de Saint-Martin où l'hôpital, situé dans la partie française, accueille l'ensemble de la population de l'île, alors que les principales infrastructures sont concentrées dans la partie hollandaise.
Relevant qu'une disposition du projet de loi prévoyait la création d'un institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) en Guyane, il a constaté les problèmes posés par l'afflux d'enseignants métropolitains ne parlant pas le créole dans les départements d'outre-mer en raison de l'attrait des surrémunérations et il s'est demandé s'il ne faudrait pas envisager des mesures tendant à réserver les emplois publics aux fonctionnaires originaires des départements d'outre-mer.
Enfin, après avoir estimé indispensable, dans la perspective d'une évolution vers davantage d'autonomie, que les présidents des exécutifs des assemblées d'outre-mer puissent en même temps être parlementaires français pour maintenir un lien avec la métropole, il s'est interrogé sur la nécessité d'une modification de la Constitution en cas d'évolution du statut des départements d'outre-mer. Il a en effet rappelé que l'article 72 de la Constitution permettait de créer par la loi des collectivités territoriales sui generis.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ayant fait observer que dans cette hypothèse les territoires concernés ne bénéficieraient plus des dispositions de l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam, M. Jacques Larché, président, s'est demandé pourquoi l'Europe refuserait de reconnaître à la Martinique, par exemple, le statut qu'elle reconnaît actuellement aux Açores, à Madère et aux Canaries.
En conclusion, il a regretté la timidité du projet de loi et a estimé que les départements d'outre-mer deviendraient à terme des régions autonomes.
Répondant ensuite à l'ensemble des intervenants, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a tout d'abord indiqué que la présentation d'un projet de loi de programme, de portée essentiellement financière, n'aurait pas été justifiée dans la mesure où l'Etat venait de signer les contrats de plan avec les régions. Il a regretté, comme M. Lucien Lanier, la très grande complexité du régime d'exonérations de charges sociales prévu mais a constaté qu'il n'était malheureusement pas possible de prévoir des dispositions plus simples.
Réaffirmant que les langues créoles contribuaient à la vitalité de la langue française, il a indiqué que l'application dans les départements d'outre-mer de la " loi Deixonne " de 1951 permettrait d'utiliser le créole comme vecteur d'apprentissage du français, soulignant par ailleurs la nécessité d'adapter les programmes d'enseignement.
Tout en reconnaissant l'importance des particularismes de la Guyane, il s'est interrogé sur la possibilité d'imaginer la mise en place d'un traitement différencié dans le respect de la Constitution. Il a en particulier évoqué l'idée émise par M. Léon Bertrand, député de Guyane, d'instituer une gestion collective du RMI pour éviter la déstructuration de la société locale que celui-ci provoque dans l'intérieur de la Guyane, ainsi que la création d'un IUFM en Guyane pour remédier aux inconvénients liés à l'existence d'un IUFM commun aux Antilles et à la Guyane et à la nomination d'instituteurs antillais en Guyane.
Puis il a noté que certaines dispositions du projet de loi étaient destinées à répondre aux problèmes financiers des collectivités locales, citant la majoration de la DGF des communes et la taxe sur les tabacs bénéficiant aux départements.
Au sujet de la bidépartementalisation de la Réunion, il a rappelé que le découpage prévu par l'avant-projet de loi avait été modifié pour prendre en compte le débat local, les communes du Port et de la Possession figurant désormais parmi les communes du futur département du nord de l'île. Il a ajouté qu'un redécoupage communal ne relevait pas de la compétence du Parlement et que le Gouvernement n'avait pas l'intention de consulter la population réunionnaise sur la réforme administrative constituée par la création d'un second département, se référant sur ce point aux précédents de Paris et de la Corse.
Enfin, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, s'est interrogé sur la forme constitutionnelle d'éventuelles évolutions statutaires. Sur ce point, il a souligné que la création de collectivités nouvelles dans le cadre de l'article 72 de la Constitution entraînerait la nécessité d'une renégociation communautaire et que le bénéfice des fonds structurels ne pourrait être conservé par ces nouvelles collectivités que si elles respectaient les principes fondamentaux du droit communautaire, tels que la liberté de circulation. Il a par exemple relevé que Sint-Marteen (la partie hollandaise de l'île de Saint-Martin) avait au regard de l'Union européenne le statut de PTOM.
A ce sujet, M. José Balarello, rapporteur, a de nouveau souligné la nécessité de faire des études de droit comparé pour mieux connaître les statuts des régions européennes autonomes, telles que le Val d'Aoste, qui bénéficient bien des fonds structurels.