Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Election - Mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et fonctionnement des conseils régionaux (Pjl n°524) - Limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (Pjlo n°463 et Pjl n°464) : audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, ministre de l'intérieur par intérim

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, ministre de l'intérieur par intérim, sur le projet de loi n° 524 (1997-1998) relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux ainsi que sur le projet de loi organique n° 463 (1997-1998)et le projet de loi n° 464 (1997-1998) relatifs à lalimitation ducumul des mandats électoraux et des fonctions et à leursconditions d'exercice.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, ministre de l'intérieur par intérim, a en premier lieu présenté l'économie du projet de loi portant réforme du mode de scrutin régional et de la procédure d'adoption des budgets régionaux.

Il a rappelé les différentes raisons qui avaient conduit le Gouvernement à proposer ce projet de réforme : critiques convergentes mettant en cause le mode d'élection des conseils régionaux, les élections du mois de mars 1998 ayant confirmé la difficulté à dégager des majorités de gestion dans la mesure où seules deux régions, le Limousin et les Pays de Loire, bénéficiaient d'une majorité absolue au sein de leurs conseils ; situation d'émiettement de la représentation ayant conduit à la constitution d'alliances contestées ; incapacité de la procédure analogue à celle de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution instaurée pour l'adoption des budgets régionaux de prévenir la naissance de nouveaux contentieux.

Concernant le premier volet du projet de loi relatif à la réforme du mode de scrutin régional, il a souligné la similitude du dispositif proposé avec le mécanisme applicable pour les élections municipales dans les communes de plus de 3.500 habitants, dont il a estimé qu'il avait pu être éprouvé depuis 1983 et rencontrait une large approbation.

Il a rappelé que ce régime de " proportionnelle rationalisée " à deux tours permettait de dégager des majorités tout en garantissant la représentation des minorités et d'assurer l'expression de la diversité des courants politiques.

Après avoir indiqué que toute liste devrait recueillir 3% des suffrages au premier tour pour pouvoir fusionner avec une autre liste au second tour et que chaque liste devrait obtenir 10% des voix au premier tour pour accéder au second tour, il a précisé que la différence de niveau de la prime en sièges accordée à la liste ayant réuni la majorité absolue au premier tour ou une majorité relative au second tour par rapport au dispositif applicable au scrutin municipal se justifiait par la nécessité de ne pas trop réduire la représentation des minorités et de tenir compte du fait qu'il s'agissait simplement de corriger les effets du scrutin proportionnel. Il a affirmé qu'une prime égale au quart des sièges devrait permettre à toute liste arrivée en tête au premier tour de disposer d'une majorité de sièges.

Après avoir précisé que l'effectif actuel des conseils régionaux demeurerait inchangé, il a mentionné la modification introduite par l'Assemblée nationale tendant à instaurer la parité entre hommes et femmes dans les listes de candidats aux élections régionales, en soulignant que la loi constitutionnelle relative à la parité devrait être adoptée avant la promulgation de la réforme du mode de scrutin régional.

Justifiant le choix de la circonscription régionale par le risque d'annulation de l'effet stabilisant de la prime si elle était mise en oeuvre dans le cadre départemental, il a évoqué les incidences de la réforme envisagée sur l'équilibre institutionnel entre les différentes collectivités territoriales, les présidents de région étant désormais élus au suffrage universel direct.

Il a rappelé que la réduction à cinq ans de la durée du mandat des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse répondait à l'engagement pris par le Premier ministre d'harmoniser la durée des mandats électifs.

Il a indiqué que le choix de la circonscription régionale pour l'élection des conseillers régionaux nécessitait une réforme du mode de constitution du collège sénatorial, le projet de loi proposant un mécanisme d'affectation de ces élus à un collège électoral sénatorial départemental respectant le principe de la représentation proportionnelle. Après avoir décrit ce mécanisme d'affectation, il a souligné qu'il était inspiré de celui retenu pour l'Assemblée de Corse.

Abordant le second volet du projet de loi portant réforme de la procédure budgétaire régionale, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim, a rappelé que la loi du 7 mars 1998 avait institué une procédure dérogatoire d'adoption des budgets au-delà de la date limite du 31 mars. Il a souligné que seules deux régions avaient pu, cette année, adopter leur budget dans les conditions de droit commun.

Tout en estimant nécessaire de préciser que le vote de l'intégralité des chapitres valait adoption du budget, il a considéré indispensable de réserver à l'exécutif régional une sorte de droit d'appel permettant, par une procédure inspirée du vote bloqué, d'assurer la cohérence du budget et sa conformité aux orientations du débat d'orientation budgétaire.

Il a indiqué que plusieurs incertitudes juridiques devaient par ailleurs être levées : ajustement des calendriers budgétaires lié au report de la date limite de vote des taux, extension du champ d'application de la procédure dérogatoire prévue par la loi du 7 mars 1998 au vote des taux et aux autres décisions budgétaires de la région notamment.

Observant que le vote du budget constituait l'acte politique majeur dans la vie d'une collectivité, il a souligné que le projet de loi en tirait la conséquence logique en prévoyant que l'adoption d'une motion de renvoi devait être sanctionnée par le remplacement de l'exécutif régional.

Il a estimé que le dispositif proposé, dans l'attente de la mise en oeuvre du nouveau mode de scrutin, offrirait aux régions une alternative efficace à l'arbitrage du représentant de l'Etat.

MM. René Garrec et Jean-François Humbert ayant rappelé que la Basse-Normandie constituait une troisième région bénéficiant d'une majorité absolue, M. Paul Girod, rapporteur, a interrogé le ministre sur la date butoir envisagée pour l'adoption définitive de la réforme. M. Jean-Jack Queyranne, ayant indiqué la préférence du Gouvernement pour une adoption avant Noël, M. Jacques Larché, président, a souligné le caractère peu réaliste du calendrier législatif d'ensemble envisagé par le Gouvernement.

Après avoir estimé que le volet budgétaire du projet de loi procédait d'une erreur d'interprétation par deux présidents de région de la procédure en vigueur, M. Paul Girod, rapporteur, a observé que la réforme du mode de scrutin régional ne présentait pas de caractère d'urgence, la prochaine échéance étant fixée à 2004, et méritait une réflexion approfondie. Il s'est interrogé sur l'existence d'un éventuel projet de loi tendant à la dissolution des conseils régionaux. Considérant comme abusive la comparaison entre le mode de scrutin proposé et le mode de scrutin municipal, il a estimé qu'une telle logique aurait à tout le moins dû conduire à calquer le dispositif sur celui applicable aux grandes villes telles que Paris, Lyon ou Marseille, dont la population est davantage comparable à celle des régions. Il a observé que la procédure proposée conduirait à la constitution de listes très longues et peu lisibles, grief aujourd'hui adressé au mode de scrutin aux élections européennes.

M. Paul Girod, rapporteur, s'est en outre interrogé sur la possibilité de discerner d'emblée quel serait le président du conseil régional avec un mécanisme autorisant une fusion des listes au second tour. Il a enfin exprimé des réserves sur la recevabilité d'une disposition imposant la parité dans la constitution des listes avant l'adoption d'une révision de la Constitution.

Concernant le volet budgétaire, M. Paul Girod, rapporteur, a estimé que le projet de loi, pour éviter l'intrusion du représentant de l'Etat dans le fonctionnement des conseils régionaux, versait dans un autre travers en offrant au président une possibilité de mise sous tutelle de l'assemblée délibérante. Il s'est interrogé sur la constitutionnalité d'un tel dispositif, peu conforme à ses yeux au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Approuvant le dispositif tendant à une remise en cause de l'exécutif régional à la suite du rejet du budget, il a en revanche critiqué le fait que seule la majorité absolue du conseil régional puisse proposer une motion de censure.

M. Georges Othily s'est interrogé sur l'applicabilité du dispositif aux régions monodépartementales.

Après avoir souligné la nature plus politique que juridique de la réforme proposée, M. Patrice Gélard a estimé qu'une durée de mandat ramenée à cinq ans serait insuffisante. Il a qualifié de démagogique et contraire à une tradition universellement répandue la modification introduite par l'Assemblée nationale prévoyant l'attribution du siège au candidat le plus jeune en cas d'égalité de suffrages et a considéré comme une anticipation regrettable la disposition instaurant la parité pour la constitution des listes. Il s'est en outre interrogé sur la différence de seuil relative à la fusion des listes au second tour par rapport au dispositif applicable pour les élections municipales et a observé que pour la mise en oeuvre de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution il suffisait de réunir les signatures de 10% des députés.

Il a enfin exprimé la crainte que la réforme proposée, en renforçant la complexité de la procédure, ne contribue à renforcer l'abstentionnisme aux élections régionales.

M. Michel Duffour s'est interrogé sur le caractère transitoire du volet budgétaire. Il a exprimé l'opposition du groupe communiste aux seuils de 10% pour se maintenir au second tour et de 5% pour participer à la répartition des sièges.

Après avoir estimé que toute réforme d'un mode de scrutin revêtait nécessairement une dimension politique, M. Guy Allouche a exprimé un doute sur le caractère automatique, dans tous les cas de figure, de l'obtention d'une majorité absolue de sièges résultant de l'octroi de la prime pour la liste arrivée en tête. Il a par ailleurs souligné une lacune du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, celui-ci ne prévoyant pas la représentation obligatoire de tous les départements sur la liste.

En réponse aux orateurs, M. Jean-Jack Queyranne a considéré en premier lieu que les dispositions sur le vote du budget avaient pour objet d'apporter, à la lumière de l'expérience, des corrections au texte adopté en mars dernier, de manière à éviter notamment que la constitution de majorités de rencontre n'aboutisse à l'adoption de dispositions contradictoires ou dénaturant le projet de budget initial.

Concernant le scrutin régional, il a précisé que la nouvelle loi s'appliquerait à toute élection survenant après sa promulgation donc à une élection qui serait consécutive à une éventuelle dissolution d'un conseil régional. Il a en revanche indiqué que la réduction de la durée du mandat à cinq ans n'entrerait en vigueur qu'à compter du prochain renouvellement normal des conseils régionaux devant intervenir en 2004, aucune dissolution d'ensemble des conseils régionaux n'étant envisagée avant cette date.

Concernant le mode de scrutin lui-même, il a estimé que le mode de scrutin municipal applicable aux communes de plus de 3.500 habitants, dont il s'inspirait, avait fait ses preuves en permettant de conforter les majorités tout en accordant une représentation aux minorités. En réponse à M. Jean-Pierre Schosteck, il a néanmoins considéré qu'une prime majoritaire de 50 % identique à celle en vigueur pour le scrutin municipal affaiblirait trop la représentation des autres listes.

Il a considéré que le mécanisme de la prime majoritaire induisait le choix d'une élection dans le cadre de la circonscription régionale, même si cela devait impliquer la constitution de listes extrêmement lourdes (209 candidats en Ile-de-France, 157 en région Rhône-Alpes). Il a jugé que le cadre régional donnerait une autre dimension à ce scrutin en permettant à la région de mieux s'affirmer et en renforçant la légitimité du président qui, même si rien ne l'y obligeait, serait fréquemment la tête de liste.

Faisant part des simulations effectuées sur le résultat des élections municipales de 1995, il a indiqué que la prime majoritaire du quart des sièges n'aurait généré que deux cas sur 569 ne permettant pas à une majorité absolue de se constituer. Il a admis que la majorité absolue pourrait être difficile à atteindre dans le cas où plusieurs listes resteraient en présence. Mais il a considéré que ces cas, peu nombreux, ne justifiaient pas d'amoindrir la représentation des forces politiques de la région.

M. Jean-Jack Queyranne a rappelé que le Gouvernement s'était opposé à l'adoption par l'Assemblée nationale de l'article 22 quater rendant obligatoire la délégation par le président de l'exercice d'une partie de ses responsabilités aux vice-présidents. Il a estimé que le renversement du président par l'adoption d'une motion de renvoi rendait justice aux observations exprimées par le président Jacques Larché lui-même au printemps dernier concernant la difficulté pour un président d'exécuter un budget proposé par l'opposition. Il a estimé que l'exigence du dépôt de la motion de renvoi du président du conseil régional par la majorité absolue des membres du conseil était liée à la volonté de permettre l'expression d'une politique alternative.

Il a indiqué que la situation dans les départements-régions d'Outre-Mer constituant une seule circonscription ne serait pas modifiée par le projet à l'exception de l'introduction de la prime majoritaire du quart des sièges.

Il a déclaré que la réduction de la durée du mandat de conseiller régional à cinq ans correspondait au souhait du Gouvernement d'harmoniser la durée des différents mandats locaux et de député et de permettre un renouvellement plus fréquent.

Il a indiqué que le renversement de la condition d'âge au bénéfice du plus jeune en cas d'égalité de voix résultait d'une initiative de l'Assemblée nationale. Il a reconnu que la disposition introduite par l'Assemblée nationale relative à l'obligation de la parité hommes-femmes dans les listes de candidats supposait une réforme préalable de la Constitution.

Il a considéré que le seuil minimum de 3 % des voix pour opérer la fusion des listes au deuxième tour (au lieu de 5% prévu dans le texte initial), associé à celui de 5 % pour participer à la répartition des sièges, permettait d'éviter un trop fort émiettement de la représentation sans porter atteinte à la représentativité des conseils.

Concernant le mode d'élection des délégués sénatoriaux, il a rappelé que le Conseil constitutionnel avait validé un dispositif similaire concernant la Corse.

Il a enfin considéré qu'il reviendrait à chaque liste en présence de garantir la représentation au conseil régional de chaque département de la région.

M. Jacques Larché, président, a souligné qu'il ne fallait pas confondre la responsabilité morale qui incomberait à ce titre aux formations politiques et une obligation qui leur serait imposée par la loi. Il a considéré que ce projet traduisait en tout état de cause à une volonté sous-jacente de favoriser la région au détriment du département alors que plusieurs départements étaient plus peuplés que certaines régions.

M. Lucien Lanier a craint que ce texte ne soit le prélude à la disparition du département.

M. Jean-Jack Queyranne a estimé que du fait de la situation politique actuelle, l'idée régionale avait peu progressé dans l'opinion et que les régions françaises accusaient un retard préoccupant par rapport à l'évolution des autres pays européens.

L'audition s'est poursuivie par l'examen des projets de loi ordinaire et organique relatifs au cumul des mandats.

M. Jean-Jack Queyranne a rappelé l'engagement du Premier ministre, pris lors de sa déclaration de politique générale en juin 1997, d'élaborer un nouveau dispositif limitant les cumuls de mandats et fonctions, destiné à favoriser l'émergence de nouvelles générations de responsables, tout en tenant compte de nos traditions politiques. Il a fait état des nombreuses consultations engagées auprès des formations politiques et associations d'élus.

Il a regretté les insuffisances de la loi de 1985, qui avait déjà limité à deux mandats importants le cumul possible, mais permettait aux parlementaires d'être responsables d'exécutifs locaux importants ou membres du Parlement européen et en même temps maires de communes de moins de 20.000 habitants.

Concernant le projet de loi organique, relatif à la limitation du cumul applicable aux députés et aux sénateurs, M. Jean-Jack Queyranne a rappelé la nécessité d'une loi organique, en raison de l'objet de la loi qui a trait au statut des parlementaires et s'applique aux territoires d'Outre-Mer. Il a fait remarquer que l'article L.O. 297 du code électoral établissait un régime identique pour les députés et les sénateurs.

En premier lieu, M. Jean-Jack Queyranne a souligné l'unanimité des personnes consultées pour rendre le mandat de représentant au Parlement européen incompatible avec un mandat parlementaire national. Il a jugé que l'Acte européen du 20 septembre 1976 ne faisait pas obstacle aux législations nationales établissant une telle incompatibilité, illustrant son propos en rappelant que cinq pays l'avaient déjà fait sans se voir opposer pour autant de procédure en manquement.

En second lieu, il a exposé que le mandat de parlementaire national deviendrait incompatible avec les fonctions exécutives locales : président de Conseil général ou régional, maire, président du Conseil exécutif de Corse, président d'une Assemblée de province du Territoire de Nouvelle Calédonie.

Il a précisé que l'Assemblée nationale en première lecture avait ajouté des incompatibilités supplémentaires, un parlementaire national ne pouvant plus exercer les fonctions de président d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, membre du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France, juge des tribunaux de commerce, membre d'un cabinet ministériel ou du cabinet du président de la République, membre de la Commission européenne ou du Directoire de la Banque centrale européenne, membre du bureau d'une chambre consulaire ou d'une chambre d'agriculture, membre du conseil d'administration ou de surveillance des sociétés faisant publiquement appel à l'épargne.

Il a enfin rappelé qu'un parlementaire ne pourrait détenir plus de deux mandats. Il devrait choisir, en plus du mandat de député ou sénateur, entre conseiller régional, conseiller général ou conseiller de Paris ou conseiller à l'Assemblée de Corse, ou conseiller municipal.

M. Jean-Jack Queyranne
a fait remarquer que l'Assemblée nationale avait ajouté divers autres amendements en première lecture tendant à fixer l'âge d'éligibilité à 18 ans pour tous les mandats, y compris celui de sénateur, ou encore à associer les parlementaires aux diverses commissions réunies dans les départements. Il a estimé qu'ainsi les parlementaires ne seraient pas coupés de l'expérience locale puisqu'ils pourraient détenir un mandat local, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une fonction exécutive.

Concernant l'entrée en vigueur, M. Jean-Jack Queyranne a noté que la loi serait applicable au prochain renouvellement de l'Assemblée nationale, mettant l'accent sur la mise en place progressive du nouveau régime des incompatibilités. En outre, il a confirmé que l'élu placé en situation de cumul prohibé disposerait d'un délai de trente jours pour renoncer au mandat de son choix (à l'exception du dernier acquis) et qu'à défaut le mandat le plus ancien serait réputé abandonné.

M. Jean-Jack Queyranne a ensuite commenté le projet de loi ordinaire relatif aux élus non parlementaires nationaux c'est-à-dire les membres du Parlement européen et les élus locaux. Il a signalé que le dispositif applicable aux députés européens était aligné sur celui des parlementaires nationaux, tandis que la règle retenue pour les élus locaux était de limiter à deux mandats le cumul autorisé à l'exclusion du cumul de deux fonctions exécutives. L'Assemblée nationale en première lecture a renforcé les incompatibilités avec diverses fonctions non électives et activités professionnelles, parallèlement à ce qu'elle avait voté pour les parlementaires.

M. Jean-Jack Queyranne a précisé que le régime transitoire prévu par le projet de loi était strict puisque le mandat le plus ancien serait perdu et qu'il n'existerait pas de délai d'option, contrairement au régime applicable aux parlementaires.

M. Jean-Jack Queyranne a fait remarquer que le dispositif serait applicable dans les territoires d'Outre-Mer et les collectivités territoriales d'Outre-Mer sous réserve d'assimilation de certains mandats et fonctions métropolitains et ultra-marins.

Il a relevé que l'Assemblée nationale avait souhaité accompagner le projet de loi d'un statut de l'élu, en particulier en réévaluant les indemnités des maires dès l'entrée en vigueur des règles limitant le cumul.

En conclusion, il a tenu à marquer que ces deux projets de loi renforceraient la démocratie représentative.

M. Jacques Larché, rapporteur, a souligné la responsabilité particulière du Sénat, porteur d'espoirs inavoués à l'Assemblée nationale. Il a rappelé que lors des débats sur la loi de 1985, présentée par le ministre de l'intérieur d'alors, M. Pierre Joxe, le Sénat et l'Assemblée nationale étaient parvenus à un accord, au terme de trois lectures, sur une rédaction conforme à l'intérêt général.

M. Jacques Larché, rapporteur, a marqué sa surprise devant le cours pris par les débats à l'Assemblée nationale. Constatant le passage d'une réforme initiale du Gouvernement de 25 articles à un conglomérat de 55 articles, il s'est prononcé pour le retour à une voie plus raisonnable.

Il a constaté que les incompatibilités s'appliquant aux ministres n'avaient pas encore donné lieu au dépôt d'un projet de loi constitutionnelle et a souhaité connaître les intentions du Gouvernement en la matière avant d'aborder l'examen du projet de loi organique.

Il a jugé démagogique le passage de l'âge d'éligibilité à 18 ans, tout en rappelant que le Sénat avait su démontrer que l'abaissement de l'âge des jurés de 23 à 18 ans n'était pas judicieux. Il s'est demandé s'il faudrait aussi réduire à 18 ans l'âge d'éligibilité à la présidence de la République. De même, il a critiqué le passage à la règle de la proclamation du plus jeune en cas d'égalité des voix.

M. Jacques Larché, rapporteur, a ensuite qualifié de fondamentale la question de l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions exécutives locales.

Il a considéré que le ministre n'avait pas exposé les raisons d'une telle mesure. Il a constaté que l'une des motivations le plus fréquemment avancées était l'absentéisme parlementaire. Cependant, il a objecté qu'au sein de la commission des lois du Sénat la présence de titulaires de mandats locaux, en particulier de fonctions exécutives, n'avait jamais entraîné l'absentéisme. Il a estimé que cette justification n'était pas déterminante et qu'il s'agissait d'un faux problème. Il a souligné que l'organisation du débat parlementaire suivait encore des règles du XIXème siècle et il a suggéré que les conséquences de la révision constitutionnelle instituant la session de neuf mois n'avaient pas été tirées, tandis que le Gouvernement inscrivait davantage de lois à l'ordre du jour.

M. Jacques Larché, rapporteur, a mis en lumière la contradiction entre l'intention affichée de lutter contre l'absentéisme et l'article additionnel prévoyant que les parlementaires seraient membres de droit des commissions locales dans lesquelles seraient examinés les programmes de développement local et les contrats de plan. Il a relevé que les présidents n'assistaient pas aux séances nombreuses de ces commissions mais y déléguaient en général les vice-présidents.

Il a ensuite exprimé la crainte que les propositions de l'Assemblée nationale sur le statut de l'élu local ne se traduisent par une dépense considérable à la charge des collectivités locales, estimée à 700 millions de francs pour les communes. De plus, il s'est interrogé sur l'interdiction de cumuler deux fonctions exécutives pour un élu non parlementaire, estimant que les difficultés de gestion n'étaient réelles que pour les maires de communes de 6.000 à 10.000 habitants, dans lesquelles les moyens techniques des grandes villes ne sont pas disponibles, mais où l'exigence de proximité demeure.

De manière générale, il a estimé que ces projets de loi pouvaient mettre en cause le mécanisme de recrutement des élites politiques. Il s'est déclaré réservé à l'égard de projets de loi qui feraient disparaître le soubassement local de la démocratie pour le remplacer par un rôle accru des partis. Il a estimé que de tels projets préludaient, comme celui sur la parité, à la généralisation du mode de scrutin à la proportionnelle.

M. Daniel Hoeffel a souligné que, contrairement à leurs homologues de la plupart des pays occidentaux, les parlementaires français devaient quitter le Parlement lorsqu'ils étaient nommés membres du Gouvernement. Il a estimé que cela posait le problème des relations entre le ministre et son suppléant et que la situation actuelle, marquée notamment par l'organisation d'élections partielles lorsque les ministres quittent le Gouvernement, n'était pas satisfaisante. Il a évoqué l'éventualité d'une restitution du mandat par le suppléant à l'issue des fonctions ministérielles.

M. Jacques Larché, président, a alors rappelé que des textes en ce sens avaient été préparés dans les années 1970 mais qu'ils avaient été considérés comme portant atteinte aux principes fondateurs de la Vème République.

M. Jean-Claude Peyronnet a souhaité savoir si le rejet éventuel de la disposition du projet de loi organique interdisant le cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale risquait d'entraîner le retrait de l'ensemble du texte ou si le Gouvernement considérait les autres dispositions suffisamment importantes pour en poursuivre malgré tout l'adoption. Il s'est demandé si l'adoption du projet de loi organique n'aurait pas pour conséquence logique l'adoption du mode de scrutin proportionnel pour l'ensemble des élections.

A propos du statut de l'élu, il a observé que les mesures adoptées par l'Assemblée nationale étaient à la fois coûteuses et dérisoires. Il a exprimé le souhait que le Gouvernement s'engage en faveur de l'adoption d'un véritable statut, qui pourrait être adopté d'ici 2002. Il a enfin noté que l'article 10 du projet de loi organique prévoyait l'application du texte à compter du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale et en a déduit que, sauf en cas de dissolution de l'Assemblée nationale, le texte ne s'appliquerait, en pratique, qu'en 2004 pour les sénateurs.

M. Christian Bonnet s'est déclaré convaincu que les députés avaient volontairement complété ce texte par des mesures n'ayant aucun rapport avec son objet initial afin de conduire la réforme à l'échec. Il a estimé que l'adoption des deux projets de loi conduirait à la mise en oeuvre généralisée du mode de scrutin proportionnel et donc au régime des partis pourtant rejeté par l'opinion publique.

M. Patrice Gélard a tout d'abord estimé que l'adoption d'un statut de l'élu aurait dû intervenir préalablement à la présentation de cette réforme. Il a souligné que certaines questions n'étaient pas abordées, en particulier le fait que l'accès aux fonctions politiques était de facto beaucoup plus aisé pour les retraités et les fonctionnaires que pour les autres catégories de citoyens.

Evoquant certaines dispositions des projets de loi, il s'est interrogé sur la volonté d'exclure la possibilité de cumuler une fonction de membre d'une chambre consulaire ou d'une chambre d'agriculture et un mandat parlementaire. Il a par ailleurs fait observer qu'aucun élu n'appartenait officiellement à un cabinet ministériel ou au cabinet du président de la République et que la mise en place d'une incompatibilité n'avait donc aucune signification en cette matière. Il a enfin estimé illogique la volonté de rendre incompatibles les fonctions de maire et de président d'une structure intercommunale à fiscalité propre.

M. Patrice Gélard a estimé que l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale conduirait le président d'une assemblée locale choisissant d'exercer un mandat de parlementaire national à se faire remplacer officiellement par un adjoint tout en continuant à gérer en fait la collectivité. Il s'est demandé si une accélération du renouvellement des élites politiques obtenue de cette manière était vraiment la meilleure.

M. Patrice Gélard a observé que l'obligation de cesser d'exercer le mandat le plus ancien ne tenait aucun compte de la volonté des électeurs. Il a souligné que les électeurs des villes importantes ou moyennes étaient convaincus qu'il était préférable pour une commune d'avoir à sa tête un député-maire ou un sénateur-maire plutôt qu'un maire ne détenant aucun mandat national. Il a ajouté que la possibilité de cumuler certaines fonctions était issue de l'histoire et de la culture françaises et qu'il était difficile de comparer la situation de notre pays avec celle d'autres pays occidentaux. Il a en particulier précisé qu'en Allemagne l'incompatibilité entre certains mandats était justifiée, dans la mesure où, dans un système fédéral, il pouvait y avoir antagonisme entre le mandat national et le mandat local.

M. Guy Allouche a observé que le fait qu'un maire soit député ou sénateur ne le mettait pas à l'abri d'une défaite lorsqu'un courant politique fort existait.

En réponse aux orateurs, M. Jean-Jack Queyranne a tout d'abord rappelé les objectifs des projets de loi. Il a souligné que l'exception française en matière de cumul des mandats prenait racine dans la centralisation qui a longtemps prévalu dans notre pays et a estimé que la décentralisation conduisait à remettre en cause cette situation sans exclure tout cumul mais en limitant simplement cette possibilité.

Il a ensuite fait valoir que l'opinion souhaitait que les élus se consacrent pleinement à leurs mandats. Il a indiqué que le Gouvernement, tout en ne souhaitant pas une révision générale du régime des indemnités des élus, avait accepté une revalorisation des indemnités accordées aux maires, compte tenu de l'insuffisance actuelle de leur montant. Il a enfin souligné que le Gouvernement souhaitait une diffusion des responsabilités et estimait nécessaire de favoriser la pluralité des élites, observant qu'un renouvellement plus rapide du personnel politique correspondait davantage à l'état de notre société.

A propos des structures intercommunales, le ministre a estimé que le problème soulevé par M. Patrice Gélard était réel et qu'il devrait être traité dans le cadre de la discussion du projet de loi. Evoquant les nombreuses dispositions ajoutées aux textes par l'Assemblée nationale, il a estimé que certaines d'entre elles mériteraient un examen approfondi par le Sénat.

M. Henri de Richemont s'est demandé pourquoi il était apparu nécessaire au Gouvernement d'interdire aux maires des petites communes rurales le plus souvent bénévoles de détenir un mandat de parlementaire.

M. Jean-Jack Queyranne a alors fait observer que le Gouvernement avait souhaité mettre en oeuvre une mesure générale afin d'éviter les effets de seuil. Il a observé que la loi de 1985 avait évité le cumul d'un très grand nombre de fonctions mais avait en fait conduit à une augmentation du nombre de personnes cumulant deux ou trois mandats ou fonctions.

Mme Dinah Derycke a souligné que des députés européens élus en France pouvaient avoir la nationalité d'un autre pays de l'Union européenne et donc détenir un autre mandat dans ce pays. Elle s'est demandé si cette possibilité était compatible avec les objectifs de la réforme.

M. Patrice Gélard a souligné qu'indépendamment de la réforme présentée, il était désormais nécessaire d'entreprendre une refonte du code électoral devenu illisible à ses yeux de codificateur.

M. Lucien Lanier a évoqué le lien établi par le ministre entre la décentralisation et la limitation du cumul des mandats. Il a exprimé la crainte que s'établisse un hiatus entre les compétences et pouvoirs dévolus aux collectivités locales et le principe de l'unité de la République. Il s'est demandé si on ne risquait pas d'aboutir à une contradiction entre les intérêts défendus au niveau national et les intérêts défendus au niveau local. Il en a déduit qu'il fallait respecter une juste mesure dans la décentralisation.

Mercredi 14 octobre 1998

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur sur les textes suivants :

- M. Luc Dejoie pour le projet de loi n° 530 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès au droit et à larésolution amiable des conflits ;

- M. Jean-Jacques Hyest pour la proposition de loi n° 485 (1997-1998), de M. Paul Loridant et plusieurs de ses collègues, pour l'extensionde la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale, en remplacement de M. Pierre Fauchon et pour la proposition de loi n° 532 (1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale ;

- M. Jean-Paul Delevoye pour la proposition de loi n° 399 (1996-1997)de M. Michel Duffour et plusieurs de ses collègues, assurant le maintien des avantages individuellement acquis en matière de régime indemnitaire pour les agents titulaires des collectivités locales intégrés dans la fonction publique territoriale, en remplacement de M. Robert Pagès, pour la proposition de loi n° 249 (1997-1998), de M. Alain Vasselle, visant à modifier l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et pour la proposition de loi n° 283 (1997-1998), de M. Daniel Eckenspieller et plusieurs de ses collègues, relative à laprime de fin d'année attribuée aux fonctionnaires des collectivités territoriales.

Office parlementaire d'évaluation de la législation - Désignation d'un membre de droit

Puis, la commission a désigné, en application de l'article 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, outre M. Jacques Larché, président, membre de droit,M. Patrice Gélard, membre de la Délégation du Sénat de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.

Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques - Désignation d'un membre de droit

Elle a ensuite désigné, en application de l'article 6 quinquies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Pierre Fauchon comme membre de la Délégation du Sénat de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Elections - Mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et fonctionnement des conseils régionaux (Pjl n°524) : examen du rapport

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Paul Girod sur le projet de loi n° 524 (1997-1998) relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

M. Paul Girod, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le choix de la représentation proportionnelle intégrale pour l'élection des conseillers régionaux avait conduit à la multiplication des listes et n'avait pas permis de dégager des majorités stables au sein des conseils régionaux. Il a souligné que cette situation avait, dans le passé, empêché dans quelques cas l'adoption des budgets de certaines régions et conduit à un règlement de ces budgets par les préfets. Le rapporteur a observé que le Gouvernement avait déposé en 1997 un projet de loi sur le vote des budgets régionaux, qui avait été adopté en mars 1998 et donnait au président de région des moyens pour faire adopter un projet de budget.

M. Paul Girod, rapporteur, a alors fait valoir qu'après les dernières élections régionales deux régions s'étaient trouvées dans l'impossibilité de mettre en oeuvre un budget, mais il a estimé que les présidents de ces régions n'avaient pas pleinement mis en oeuvre les dispositions de la loi de mars 1998.

Présentant le projet de loi, le rapporteur a indiqué qu'il comportait deux volets très différents. Il a observé que le texte visait tout d'abord à modifier le mode d'élection aux élections régionales afin d'introduire un scrutin proportionnel avec prime majoritaire dans le cadre d'une circonscription régionale unique. Il a précisé que ce scrutin comporterait deux tours et que seules les listes ayant obtenu 10 % des suffrages pourraient se maintenir au second tour, un seuil de 3 % étant prévu dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale pour les fusions de listes et un seuil de 5 % pour la participation à la répartition des sièges.

Il a estimé que l'urgence invoquée par le Gouvernement ne paraissait guère justifiée à propos de cet aspect du projet de loi, le nouveau mode de scrutin n'ayant vocation à s'appliquer qu'en 2004. Il a enfin remarqué que l'Assemblée nationale avait souhaité introduire une disposition imposant la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats et qu'une telle disposition nécessitait au préalable une révision constitutionnelle.

M. Paul Girod, rapporteur, a ensuite abordé le second volet du projet de loi concernant le fonctionnement des conseils régionaux et l'adoption des budgets. Il a observé que la loi adoptée en mars 1998 avait pour objet d'éviter l'intrusion de l'Etat dans le fonctionnement des conseils régionaux et a remarqué que le projet de loi présenté par le Gouvernement avait cette fois pour objectif de permettre aux présidents de région de faire adopter un budget sans vote sauf lorsqu'un autre budget et un autre président seraient proposés par une majorité du conseil régional. Il s'est demandé si une telle proposition, malgré le rôle dévolu au Bureau du Conseil régional, était pleinement conforme à l'autonomie des collectivités territoriales et à la libre administration des conseils régionaux par leurs membres élus.

A propos du mode de scrutin, le rapporteur a rappelé que la commission des lois du Sénat avait mis en place il y a quelques années un groupe de travail qui avait conclu après un grand nombre d'auditions qu'il était, à l'époque, prématuré de modifier le système actuel. Il a fait valoir que les dernières élections avaient permis de constater que la représentation proportionnelle intégrale posait de réelles difficultés et a alors observé que le groupe de travail sénatorial avait estimé que, dans l'hypothèse d'un changement, il serait envisageable d'introduire une " prime majoritaire modérée " et de ne pas remettre en cause les autres caractéristiques du mode de scrutin. Il a considéré, en particulier, indispensable de maintenir l'élection dans une circonscription départementale.

M. Paul Girod, rapporteur, s'est déclaré très circonspect à propos des dispositions du projet de loi relatives au fonctionnement des conseils régionaux. Il a en effet estimé nécessaire de permettre à la loi de mars 1998 d'être véritablement appliquée et a fait valoir que les présidents de région actuellement en difficulté n'avaient pas pleinement respecté les dispositions de ce texte.

Concluant son propos, le rapporteur a souhaité savoir si la commission entendait discuter le projet de loi ou si elle estimait que la déclaration de l'urgence par le Gouvernement sur ce projet de réforme électorale justifiait le dépôt d'une question préalable. Il a enfin indiqué que dans l'hypothèse où la commission déciderait de discuter du projet de loi, il proposerait d'appliquer le mode de scrutin en vigueur pour les villes de Paris, Lyon et Marseille (PLM) dans un cadre départemental et de modifier très profondément les dispositions relatives au fonctionnement des conseils régionaux et à l'adoption des budgets.

M. Guy Allouche s'est déclaré opposé au dépôt d'une motion de procédure, soulignant que des problèmes se posaient qu'il convenait désormais de résoudre. Il a rappelé que les conclusions du groupe de travail de la commission des lois s'inscrivaient, à l'époque, dans un contexte politique précis et que les auditions avaient permis de constater qu'il existait de grandes divergences d'appréciation à propos du mode de scrutin applicable aux élections régionales.

Evoquant la déclaration d'urgence, M. Guy Allouche a souligné qu'elle était certes davantage justifiée pour les dispositions relatives au budget que pour celles relatives au mode de scrutin, mais que la réflexion sur les élections régionales se déroulait depuis plus de quatre ans et qu'il fallait désormais trancher. Il a ajouté que dans certaines régions, comme dans la région Rhône-Alpes, on ne pouvait exclure une dégradation de la situation.

A propos de la réduction à cinq ans de la durée du mandat de conseiller régional, il a estimé qu'elle pouvait être justifiée par la nécessité de renforcer les liens entre l'Union européenne et les régions, le mandat de député européen ayant une durée de cinq ans. Il a ajouté que l'objectif du Gouvernement était la réduction de la durée de l'ensemble des mandats électifs.

Concluant son propos, M. Guy Allouche a observé que les dispositions relatives au vote des budgets n'auraient vocation à s'appliquer que jusqu'en 2004 et que l'apparition de majorités absolues à compter de cette date permettrait de résoudre les difficultés actuelles. Il a estimé que le dispositif proposé pour l'adoption des budgets n'était pas choquant et qu'au niveau national, nombre de budgets avaient été adoptés en utilisant la procédure de l'article 49-3 de la Constitution, alors même qu'il existait une majorité absolue au sein de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Schosteck a estimé contestable la déclaration d'urgence sur ce projet de loi et a souligné qu'il serait normal que deux lectures se déroulent dans chaque Assemblée avant la réunion d'une commission mixte paritaire. Il s'est toutefois demandé si l'adoption d'une motion de procédure ne serait pas interprétée comme ayant une autre signification.

M. Jean-Jacques Hyest a souligné que la seule raison pouvant justifier l'urgence sur ce projet de loi serait que le Gouvernement envisage d'appliquer rapidement le nouveau mode de scrutin après la dissolution de tel ou tel conseil régional. Observant que le rapporteur envisageait le dépôt d'un grand nombre d'amendements, il a estimé que la procédure d'urgence ne permettrait pas de faire un travail de bonne qualité. A propos du nouveau mode de scrutin envisagé, il a rappelé que le vote dans le cadre d'une circonscription régionale unique conduirait dans la région Ile-de-France à la présentation de listes comportant 209 noms. Il s'est demandé s'il s'agissait vraiment d'un progrès de la démocratie. Il a enfin estimé souhaitable que le Sénat propose une solution alternative au projet du Gouvernement.

M. Jacques Larché, président, a alors rappelé qu'une procédure de dissolution par décret d'un conseil régional avec information du Parlement était prévue dans le code des collectivités locales.

M. Daniel Hoeffel a estimé nécessaire que le Sénat discute et modifie le projet de loi. Il a regretté la déclaration d'urgence estimant qu'en une telle matière, il convenait de ne pas improviser, mais au contraire de procéder à des concertations approfondies. Evoquant la durée du mandat de conseiller régional, il a estimé qu'une étroite coordination était nécessaire entre les trois niveaux de collectivités locales et que la réduction de la durée du mandat de conseiller régional constituait à cet égard une absurdité. Il a fait valoir qu'elle conduirait en outre à rapprocher encore les différentes échéances électorales. S'agissant du mode de scrutin, il a fait valoir qu'il fallait tenir compte des caractéristiques propres de chaque collectivité.

M. Guy Allouche a alors rappelé que le Gouvernement s'était engagé avant les élections régionales à réformer le mode de scrutin aussitôt après la tenue de ces élections. Il en a déduit que le projet de loi ne constituait pas une surprise et que le temps de la concertation avait été pris. A propos de la réduction de la durée du mandat, il a convenu qu'il était souhaitable de coordonner les trois niveaux de collectivités et a indiqué que le Gouvernement déposerait certainement des projets de loi concernant les communes et les départements. A propos des départements, il a estimé que la notion de canton n'avait plus guère de signification en milieu urbain.

M. Lucien Lanier a évoqué un risque de " caporalisation " des institutions locales, en observant qu'un alignement des dates des élections serait de nature à éliminer les contre-pouvoirs. Il a appelé à une réflexion sur le nombre de niveaux de collectivités locales.

Après avoir regretté la déclaration d'urgence, M. Jacques Larché, président, a constaté que pour des considérations diverses, la commission optait pour la poursuite de l'examen du projet de loi.

M. Paul Girod, rapporteur, a souligné que pour la première fois un gouvernement présentait un projet de loi comportant à la fois des dispositions électorales, touchant au fondement de la démocratie, et des dispositions purement techniques, revêtant de surcroît une nature transitoire. Il a jugé regrettable qu'à ce lien artificiel entre les deux volets du texte s'ajoute une déclaration d'urgence.

A l'article premier, M. Paul Girod, rapporteur, aprèsavoir rejeté la comparaison entre mandat européen et mandat régional, a jugé malvenue la réduction à cinq ans de la durée de ce dernier, une telle disposition relevant de son point de vue d'une réflexion spécifique sur la durée de l'ensemble des mandats électifs.

Rappelant l'attachement de son groupe au septennat, M. Michel Duffour a souhaité que cette question soit reportée à une discussion d'ensemble sur le quinquennat. M. Jacques Mahéas a au contraire estimé que l'examen de ce projet de loi offrait une occasion d'aborder la question de la durée des mandats.

M. Maurice Ulrich s'est interrogé sur une modification de l'article L. 336 dernier alinéa du code électoral lequel prévoit la convocation le même jour de tous les collèges électoraux pour les élections régionales. Regrettant que les élections locales soient commentées au plan national sans détailler les situations locales, il a souhaité davantage de souplesse et suggéré que les élections puissent avoir lieu au mois de mars à la date fixée un an auparavant par chaque conseil régional. Sur ce point, M. Patrice Gélard a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi interdisant la concomitance de plusieurs élections. Il s'est déclaré partisan d'un délai de deux mois entre chaque élection, sauf en cas d'élection anticipée ou de dissolution. M. Daniel Hoeffel a répondu que la multiplication des dates d'élections conduisait au renforcement de l'absentéisme.

M. Jean-Pierre Schosteck a considéré que le délai de six ans était adapté à l'impératif de bonne gestion des collectivités locales et nécessaire à l'exécution des programmes pour lesquels les responsables locaux étaient élus. Mme Dinah Derycke a objecté qu'après deux ou trois ans, les réunions du conseil régional souffraient d'un absentéisme croissant. Elle a estimé qu'un mandat de cinq ans permettrait au contraire aux élus d'exercer pleinement leur mandat.

M. Jacques Larché, président, a mis l'accent sur les conséquences dommageables de la mensualisation des indemnités allouées aux élus locaux et, approuvé par M. René Garrec, a exprimé son attachement au système des vacations.

En réponse à M. Robert Badinter qui s'interrogeait sur la durée du mandat régional en vigueur dans d'autres pays d'Europe, tels que l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, en estimant que la France ne devrait pas se singulariser par une durée excessive, M. Jacques Larché, président, a observé que les collectivités locales françaises présentaient de nombreuses particularités.

M. Charles Jolibois a confirmé la nécessité du mandat de six ans pour conduire un projet à son terme. Il a constaté que la concomitance des échéances électorales avait généré un supplément d'intérêt des électeurs pour la région.

M. Guy Allouche a observé que le regroupement de deux élections était source d'économies. Il a considéré que la mise en chantier des projets des nouveaux élus s'opérait essentiellement au cours des deux premières années du mandat.

M. Paul Girod, rapporteur, a souligné la nécessité de tenir compte de la spécificité du système français caractérisé par une forte implication de l'Etat au travers de procédures longues.

M. Pierre Jarlier ayant mis en exergue une contradiction entre un allongement de la durée réelle des contrats de plans Etat - région et la proposition de diminuer la durée du mandat régional, M. Jean-Patrick Courtois a estimé qu'une telle contradiction était aggravée par le recours croissant aux financements croisés et a confirmé la nécessité d'un mandat de six ans.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article premier.

M. Paul Girod, rapporteur, a proposé de modifier l'article 3 (mode de scrutin) pour adapter aux élections régionales le mécanisme de la loi " Paris-Lyon-Marseille " en retenant la circonscription départementale et en attribuant une prime équivalente au tiers des sièges à la liste arrivée en tête.

M. Daniel Hoeffel
a jugé préférable que l'élection régionale se déroule dans le cadre de la circonscription régionale, estimant que le fractionnement prévalant jusqu'à présent avait contribué à freiner l'émergence de l'idée régionale.

Approuvant le point de vue de M. Daniel Hoeffel, M. Guy Allouche a estimé qu'une prime équivalente au quart des sièges avec une élection dans le cadre départemental risquait de priver certaines listes de toute représentation dans les départements où le nombre de sièges serait faible.

M. Michel Duffour s'est déclaré favorable au cadre départemental, tout en contestant le mode de scrutin proposé.

M. Pierre Fauchon a jugé nécessaire, avant de procéder à un quelconque choix, de remédier au problème de l'accumulation des strates de collectivités, source de gaspillages.

Après un large débat sur les rôles respectifs des départements et des régions, ainsi que sur le nombre de niveaux de collectivités locales en France, M. Jacques Larché, président, a proposé un vote par division de l'amendement de réécriture de l'article 3. La commission a adopté les deux premiers alinéas maintenant la circonscription départementale.

M. Paul Girod, rapporteur, ayant présenté sa proposition, inspirée du système de scrutin municipal applicable aux villes de Paris, Lyon et Marseille, M. Michel Duffour a confirmé son opposition aux seuils proposés, supérieurs à ceux du projet de loi. M. Guy Allouche a relevé que dans certaines régions, certains départements pourraient répartir les sièges dès le premier tour tandis que d'autres procéderaient à un deuxième tour.

M. Jacques Larché, président, a souligné l'importance du choix du nombre de tours de scrutin.

M. Jean-Pierre Schosteck ayant considéré que le scrutin à un tour était viable à condition que les seuils soient élevés, M. Lucien Lanier a exprimé sa préférence pour un scrutin à deux tours et M. Patrice Gélard a souligné que le principe " au premier tour, on choisit, au deuxième, on élimine " permettait d'éviter les aléas liés au scrutin à un tour et respectait une tradition française bien établie.

Mme Dinah Derycke a indiqué qu'elle était favorable au scrutin à deux tours, mais opposée au système proposé par le rapporteur.

La commission a adopté le principe du scrutin à deux tours.

Rejoignant sur ce point M. Daniel Hoeffel et prenant l'exemple de la Grande-Bretagne et du bipartisme, M. Jacques Larché, président, a estimé qu'un mode de scrutin devrait être conçu dans la durée et non résulter de la prise en considération d'une conjoncture politique particulière qu'il pouvait au contraire contribuer à modifier.

La commission a ensuite élevé au tiers des sièges la prime majoritaire et a adopté le seuil de 5 % des suffrages exprimés pour la participation à la répartition des sièges.

A l'article 4 (conditions de recevabilité des déclarations de candidature), la commission a adopté, outre un amendement de coordination, un amendement supprimant la disposition introduite par l'Assemblée nationale pour imposer la parité entre les candidats féminins et masculins, le rapporteur ayant fait ressortir l'inconstitutionnalité, en l'état actuel des textes, de cette disposition. Elle a également adopté un amendement du rapporteur relevant de 3 % à 5 % des suffrages exprimés, comme dans le projet de loi initial, le minimum de suffrages qu'une liste devrait avoir obtenu au premier tour pour fusionner au deuxième tour. Elle a admis le principe du seuil de 10 % des suffrages exprimés pour la présentation au second tour, tout en précisant, sur proposition de M. Patrice Gélard, que dans le cas où une seule liste atteindrait ce seuil, la suivante pourrait se maintenir.

Par coordination notamment avec le maintien de la circonscription départementale, la commission a ensuite, sur proposition de son rapporteur :

- supprimé les articles  2 (effectif des conseils régionaux), 10 (recensement des votes), 12 (contentieux des élections régionales), 13 (conséquences de l'annulation des élections), 15 (durée du mandat des conseillers de Corse), 16 bis (parité des listes pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse) et 23 (tableau n° 7 annexé au code électoral) ainsi que le titre II (articles 19 et 20) relatif à la composition du collège électoral élisant les sénateurs ;

- modifié les articles 5 (contenu de la déclaration de candidature), 6 (dépôt et enregistrement des déclarations de candidature), 7 (contentieux de l'enregistrement des candidatures), 11 (remplacement des conseillers régionaux), 16 (mode de scrutin pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse) et 18 (remplacement des conseillers à l'Assemblée de Corse).

Sur proposition du rapporteur, la commission a supprimé l'ensemble des dispositions du titre III du projet relatives au fonctionnement des conseils régionaux (articles 21 à 22 quater).

M. Paul Girod, rapporteur, a considéré que ces dispositions permettant à un président de remettre en cause des votes du conseil régional donnaient à l'exécutif un pouvoir excessif de nature à porter atteinte au principe de la libre administration des collectivités locales par des conseils élus. Il a rappelé que la loi de mars 1998 répondait à une logique de non-intrusion de l'Etat dans la gestion des collectivités territoriales en évitant les blocages conduisant au règlement du budget par le préfet. Il a souhaité que l'on poursuive l'expérimentation de la loi actuelle, qui n'avait pas encore été réellement appliquée, plutôt que de consacrer une suprématie de l'exécutif sur l'organe délibérant.

Il a, enfin, souligné que les dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale, obligeant notamment le président du conseil régional à déléguer une partie de ses fonctions, prévoyaient pour les seules régions des règles inédites qui perturberaient leur fonctionnement.

M. Patrice Gélard a considéré qu'une telle suprématie de l'exécutif n'aurait pu être concevable qu'en cas d'élection du président au suffrage universel direct.

M. Lucien Lanier a regretté que la décentralisation n'ait pas été effectuée dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif des collectivités et leurs organes délibérants.

M. Guy Allouche a soutenu les dispositions du projet souhaitant, dans la conjoncture politique actuelle, donner un maximum de moyens à l'exécutif pour diriger efficacement la région.

M. Michel Duffour a fait part de l'abstention de son groupe sur ces dispositions.

La commission a enfin adopté une nouvelle rédaction de l'article 24 (entrée en vigueur de la loi) prévoyant que l'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales relatif au vote du budget cesserait d'être applicable dès le prochain renouvellement des conseils régionaux.

La commission a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.