Table des matières
- Présidence de M. René Garrec, président.
Professions judiciaires et juridiques - Réforme du statut de certaines professions judiciaires et juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport, en première lecture, de M. Jean-René Lecerf sur le projet de loi n° 176 (2002-2003), réformantle statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et desconseils en propriété industrielle.
Après avoir indiqué que le projet de loi était articulé autour de deux axes principaux consacrés respectivement aux avocats et à diverses professions juridiques et judiciaires (greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, experts judiciaires et conseils en propriété industrielle), M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a mis en lumière le caractère largement consensuel des dispositions proposées, fruit d'une vaste concertation entre le ministère de la justice et les professionnels concernés. Il a noté avec satisfaction que ce texte de modernisation concrétisait bon nombre des recommandations formulées en juillet 2002 par la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, constituée au sein de la commission.
Abordant plus particulièrement les orientations du projet de loi relatives à la profession d'avocat, il a expliqué qu'une adaptation de la réglementation avait été rendue nécessaire par des impératifs nouveaux liés à la construction européenne et aux besoins croissants et divers des usagers du droit.
Evoquant tout d'abord le premier volet de cette réforme relatif aux règles d'accès à cette profession, il a souligné que l'ouverture aux ressortissants communautaires ayant obtenu un titre équivalent dans un autre Etat membre de la Communauté s'avérait indispensable pour mettre le droit français en conformité avec les obligations imposées par la directive 98/5 du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat en Europe. Il a rappelé que cette initiative communautaire avait été justifiée par le souci d'accélérer la libre circulation des avocats en Europe, un objectif encore loin d'être atteint en dépit de l'adoption de deux précédentes directives communautaires, l'une relative à la libre prestation de services en Europe (directive 77/249 du 22 mars 1977), l'autre relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur (directive 89/48 du 21 décembre 1988).
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que la France, contrairement aux deux tiers des Etats membres de la Communauté européenne, n'avait pas encore transposé cette directive, bien que le délai de transposition ait expiré au 15 mars 2000, ce qui avait conduit la cour de justice des communautés européennes à prononcer un arrêt en manquement en septembre 2002. Il a noté qu'en 2001, la jurisprudence française avait considéré que cette directive avait créé des obligations claires, précises et inconditionnelles depuis l'expiration du délai de transposition et qu'en conséquence, une vingtaine d'avocats titulaires d'un titre professionnel acquis dans un autre Etat membre de la Communauté étaient déjà inscrits à un barreau français.
Evoquant le contexte actuel du nouveau cycle de négociations sur les services dans le cadre de l'accord général sur le commerce des services (GATS) ouvert en 2001 et qui devrait s'achever en 2005, il a jugé urgent d'harmoniser les pratiques au sein même de la Communauté européenne afin de permettre à la Commission des communautés européennes de définir sa position à l'égard de ses partenaires.
Observant que le projet de loi proposait une transposition fidèle de la directive 98/5, il a expliqué qu'était consacré un droit d'exercice permanent en France sous le titre d'origine au bénéfice des ressortissants communautaires ayant obtenu leur titre d'avocat dans un des quatorze autres Etats membres de la Communauté européenne, subordonné à l'obligation de s'inscrire auprès du barreau de leur choix. Le rapporteur a indiqué que la simple production d'une attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente dans l'Etat d'origine rendait automatique l'inscription en France. Il a souligné que le projet ne mettait pas en oeuvre la latitude laissée par la directive aux Etats membres d'imposer aux avocats exerçant sous le titre d'origine « d'agir de concert avec un avocat local » pour certaines activités (représentation devant les juridictions), estimant qu'il traduisait ainsi une volonté d'ouverture à l'égard des ressortissants communautaires.
Il a indiqué que le texte reconnaissait également aux avocats communautaires le droit d'être intégré comme avocat exerçant sous un titre français, sous réserve d'une condition d'activité effective et régulière en France en droit français et en droit communautaire d'une durée de trois ans.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a noté que le projet de loi, soucieux d'aligner le régime applicable aux avocats exerçant sous le titre d'origine sur celui des avocats exerçant sous un titre français, transposait certains points facultatifs de la directive :
- par symétrie avec l'obligation d'assurance imposée aux avocats exerçant en France, il a indiqué qu'était prévue une règle analogue pour les migrants, tenus de s'assurer pour les mêmes risques professionnels selon les mêmes modalités ;
- les avocats exerçant sous un titre français étant soumis à une réglementation très stricte en matière de structures d'exercice collectives, il a précisé qu'était mise en oeuvre la possibilité prévue par la directive de prévoir des mesures restrictives destinées à garantir le caractère « monoprofessionnel » des structures d'exercice en groupe régies par le droit d'un autre Etat membre au nom desquelles les avocats communautaires exerçant sous le titre d'origine étaient autorisés à pratiquer leurs activités en France.
Sur ce dernier point, il a toutefois souligné qu'étaient prévues deux innovations, la première permettant l'association d'avocats communautaires et d'avocats français au sein de sociétés régies par le droit français, la seconde ouvrant la faculté aux avocats communautaires, sous certaines conditions, de créer des agences ou des succursales d'une société constituée sous l'empire du droit d'un autre Etat membre. En parallèle, il a signalé que si le projet de loi marquait la volonté de ne pas pénaliser les avocats exerçant sous un titre français soumis à une réglementation très stricte en matière d'exercice en commun en imposant des contraintes analogues aux avocats migrants, fidèle à la directive et à ses ambiguïtés, il reproduisait cependant strictement l'obligation faite aux Etats membres d'autoriser ces derniers à faire mention du groupement au sein duquel ils exerçaient, y compris lorsqu'il leur serait interdit de pratiquer leurs activités sous cette forme en France.
Tout en se félicitant de la démarche du Gouvernement tendant à mettre le droit français en conformité avec les exigences communautaires, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a fait part de quelques interrogations soulevées par la directive et par les mesures de transposition proposées par le projet de loi. Après avoir mis en exergue la diversité des conditions d'accès à la profession d'avocat et de son périmètre d'exercice en Europe, il a fait observer que l'ouverture des règles d'accès à la profession d'avocat en France était susceptible de bouleverser ses contours, voire d'engendrer une redéfinition du champ des activités pratiquées.
Compte tenu des différences notables des systèmes de formation entre les pays membres de la Communauté, disparates dans leurs deux composantes, universitaire et professionnelle, le rapporteur a mis l'accent sur la nécessité de promouvoir une nécessaire harmonisation des enseignements, au niveau communautaire, en vue d'éviter des disparités de niveau liées à l'origine de chaque professionnel.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a également mis en lumière les insuffisances de la directive en matière d'assurance obligatoire, cette règle pouvant constituer un obstacle de fait au libre établissement des avocats en Europe. A cet égard, il s'est ému de l'attitude protectionniste des autorités britanniques qui, se fondant sur une interprétation restrictive de la directive, refusaient de prendre en compte les contrats d'assurance souscrits en France par ailleurs assez protecteurs et imposaient aux avocats français souhaitant s'établir au Royaume-Uni de prendre une police d'assurance britannique d'un montant très élevé en raison du périmètre d'activité très large des solicitors (étendu aux activités de notaire et d'agent immobilier).
Enfin, après avoir insisté sur l'urgence d'une réforme des règles relatives à l'exercice en groupe de la profession d'avocat aujourd'hui largement considérées comme inadaptées, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, s'est déclaré déçu de l'approche a minima retenue par le projet de loi, expliquant qu'il se bornait à mettre en oeuvre la directive dans le cadre du droit actuel. Il a fait valoir, dans la continuité des recommandations formulées par la mission d'information des métiers de la justice, la nécessité de mettre fin aux rigidités statutaires caractérisant les sociétés d'avocats, à la complexité de la législation et aux contraintes fiscales. Il a regretté qu'aucune avancée n'ait été proposée en faveur de l' « interprofessionnalité » des structures d'exercice (c'est-à-dire la possibilité d'étendre l'objet de la société à l'exercice en commun non plus d'une seule profession mais de plusieurs).
Evoquant le deuxième axe du projet de loi relatif à la refonte de la formation professionnelle, il s'est félicité des orientations proposées. Le rapporteur a expliqué que le système actuel faisait l'objet de critiques anciennes et consensuelles, toutes les étapes de la formation initiale (de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle au certificat d'aptitude à la profession d'avocat en passant par l'année de formation théorique) étant trop centrées sur les activités judiciaires au détriment des activités de conseil et le stage étant fondé sur la volonté sans doute illusoire de lier la formation et la collaboration et d'imposer à l'avocat ayant déjà prêté serment des obligations de formation vécues comme une contrainte inutile. Il a souligné les fortes disparités entre les 22 centres régionaux de formation professionnelle implantés sur le territoire.
Evoquant le financement de la formation professionnelle des avocats, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que l'accroissement des effectifs (de 997 en 1989 à 2.536 en 2002) en avait considérablement alourdi le coût, d'un montant de 10,2 millions d'euros en 2002. Il a indiqué que depuis une dizaine d'années, la profession en était devenue le principal contributeur (à hauteur de 60 %), le complément de ressources provenant de l'Etat (à hauteur de 20 %) et de la perception de droits d'inscription (pour les 20 % restants). Face à cette montée en charge financière, il a fait valoir la nécessité de diversifier les sources de financement du système de formation par d'autres circuits.
Abordant les grandes lignes de la réforme proposée par le projet de loi, le rapporteur a indiqué qu'étaient proposés un allongement de 12 à 18 mois de la durée de la formation, la suppression du stage sous sa forme actuelle -qui serait désormais effectué dans le cadre de la formation initiale avant la délivrance du certificat d'aptitude à la profession d'avocat-, l'institution d'un tutorat destiné à encadrer les avocats débutants au cours des dix-huit mois suivant la prestation de serment. Il a précisé que le texte prévoyait également une rationalisation de l'implantation des centres régionaux de formation professionnelle en facilitant les regroupements qui ne seraient plus laissés à l'initiative des centres mais seraient impulsés par le garde des sceaux sur proposition du conseil national des barreaux. Le rapporteur a relevé qu'aux termes du nouveau dispositif, les docteurs en droit seraient seulement dispensés de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle, et donc soumis à l'obligation de suivre la formation initiale.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a également évoqué le renforcement des prérogatives du conseil national des barreaux, qui se traduisait, d'une part, dans le domaine de la formation professionnelle par un nouveau pouvoir de proposition en matière de regroupement des centres régionaux et par un pouvoir décisionnel plus large en matière de formation, étendu à la définition des principes d'organisation de la formation et au contrôle des centres régionaux de formation professionnelle, et d'autre part, par l'attribution d'un véritable pouvoir réglementaire en matière d'harmonisation des règles et usages de la profession d'avocat.
Tout en approuvant la mise en place d'un tutorat pour les jeunes avocats débutant leur vie professionnelle, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a fait observer qu'il appartiendrait au conseil de l'ordre de susciter des candidatures parmi les professionnels expérimentés. Il a fait valoir la nécessité de donner une véritable dimension européenne à la formation initiale, après avoir constaté que l'enseignement du droit communautaire était insuffisant dans certains centres. Il a jugé indispensable la mise en place d'une formation continue obligatoire pour les avocats en exercice, ajoutant que l'ensemble des représentants de la profession d'avocat qu'il avait consulté attendait ce dispositif, présenté comme le prolongement utile de la formation initiale. Il a annoncé son intention de soumettre à la commission un amendement en ce sens tout en précisant que la définition de ses modalités nécessitait de mener une réflexion plus approfondie.
Présentant la troisième partie du volet du projet de loi consacré aux avocats, relatif à la modernisation des règles disciplinaires, il a pleinement souscrit à l'objectif de respecter les exigences d'un procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Il a rappelé qu'actuellement le conseil de l'ordre et le bâtonnier cumulaient les trois fonctions de jugement, d'instruction et de poursuite, ce qui présentait des inconvénients, notamment dans les barreaux de taille moyenne, soit la majorité des barreaux français (83 barreaux regroupant moins de 50 avocats). Il a approuvé la création d'une juridiction nouvelle chargée de statuer sur les affaires disciplinaires, dénommée conseil de discipline, instituée dans le ressort élargi de la cour d'appel et composée de représentants désignés par les conseils de l'ordre établis dans son ressort.
Il a précisé que, par dérogation à la nouvelle architecture disciplinaire dessinée par le projet de loi, était proposé le maintien de la compétence du conseil de l'ordre du barreau de Paris pour statuer sur les affaires disciplinaires. Il a justifié cette exception, d'une part, par le poids démographique de ce barreau concentrant 40 % de la profession et favorisant ainsi une certaine distance entre les avocats relevant de son ressort et d'autre part, par les avancées réalisées par ce conseil de l'ordre qui depuis longtemps a consacré la séparation des autorités intervenant dans la procédure disciplinaire. Il a indiqué que le projet de loi, soucieux d'assurer une stricte séparation de chaque fonction, confiait l'engagement des poursuites au bâtonnier et au procureur général reconnus comme les détenteurs exclusifs de cette prérogative.
Evoquant ensuite les dispositions du projet de loi relatives aux experts judiciaires, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné que les conditions dans lesquelles les experts étaient inscrits sur les listes d'experts judiciaires établies par les cours d'appel et le bureau de la Cour de cassation faisaient l'objet de critiques. Il a observé que les experts étaient en principe inscrits pour un an sur les listes mais qu'en réalité, les réinscriptions étaient quasiment automatiques. Il a indiqué que le projet de loi tendait à instaurer un véritable contrôle de la compétence des experts et de leurs connaissances des règles du procès.
Le rapporteur a fait valoir que les experts seraient désormais inscrits sur les listes de cour d'appel pour une période probatoire de deux années, les inscriptions ultérieures étant faites pour une durée de cinq années. Il a précisé que le projet de loi prévoyait en revanche une inscription sur la liste nationale des experts judiciaires pour une durée de dix années. Il a indiqué qu'il proposerait de renforcer ce dispositif, notamment en créant une commission composée de représentants des juridictions et d'experts, chargée de donner un avis motivé sur les candidatures des experts souhaitant être inscrits sur une liste établie par une cour d'appel.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a ensuite souligné que le projet de loi contenait deux dispositions destinées à faciliter l'exercice par les huissiers de leur profession. L'une tendait à permettre aux huissiers, munis d'un titre exécutoire et d'un relevé certifié sincère des recherches infructueuses qu'ils ont accomplies, de consulter le fichier des comptes bancaires sans passer par l'intermédiaire du procureur de la République, afin d'obtenir l'adresse des établissements bancaires dans lesquels le débiteur a un compte.
L'autre tendait également à donner une base légale au système de péréquation des indemnités de transport perçues par les huissiers de justice.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a fait valoir que le projet de loi modifiait les règles disciplinaires applicables aux greffiers des tribunaux de commerce pour élargir l'échelle des peines susceptibles d'être prononcées et créer au sein du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce une formation disciplinaire habilitée à prononcer certaines sanctions concurremment au tribunal de grande instance. Il a indiqué que le projet de loi prévoyait enfin une amélioration des règles déontologiques applicables aux conseils en propriété industrielle, d'une part par la création d'incompatibilités entre cette profession et certaines activités ou professions, d'autre part par l'affirmation dans la loi de l'obligation de respect du secret professionnel à laquelle sont astreints les conseils en propriété industrielle.
Le rapporteur a souligné que le projet de loi, dont l'élaboration avait pour partie été entamée au cours de la précédente législature, pouvait encore être amélioré au cours de son examen parlementaire.
Tout en admettant le caractère largement consensuel de la nouvelle architecture de la discipline des avocats, M. Michel Dreyfus-Schmidt, attaché à la spécificité de l'organisation de la profession d'avocat fondée sur une logique ordinale, s'est déclaré réservé sur les modalités de la réforme. Il a émis des doutes sur les progrès susceptibles d'être attendus de l'institution d'une juridiction disciplinaire au ressort élargi, faisant valoir l'utilité de connaître le contexte local dans certaines affaires disciplinaires, tout en relativisant l'argument selon lequel il existait une trop grande proximité entre les avocats inscrits dans les barreaux de province. Il s'est par ailleurs étonné de ce que le présent projet de loi, en consacrant un pouvoir réglementaire véritable du conseil national des barreaux en matière de règles et usages de la profession, n'ait pas expressément prévu de confier au juge judiciaire compétent, pour statuer en appel sur les décisions des conseils de l'ordre en toutes matières, le soin de connaître des recours formés à l'encontre de ces décisions de caractère général.
En réponse aux interrogations de M. Michel Dreyfus-Schmidt sur l'opportunité de créer une juridiction disciplinaire nouvelle, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a fait observer que le lien avec les conseils de l'ordre n'était pas rompu, les conseils de discipline institués dans chaque ressort de cour d'appel étant une émanation de ceux-ci. Il a également souligné qu'il ne lui paraissait pas choquant d'attribuer au Conseil d'Etat le soin de connaître des recours formés à l'encontre des décisions réglementaires du conseil national des barreaux, dès lors qu'il s'agissait d'un pouvoir de caractère général intégré au bloc de légalité.
Après avoir salué les travaux de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, M. Jean-Pierre Sueur s'est étonné que les recommandations formulées par cette dernière n'aient pas plus largement été mises en oeuvre dans le présent texte. Le rapporteur lui a répondu qu'à l'exception de la formation commune aux magistrats et aux avocats, le présent texte reprenait bon nombre des préconisations de cette mission.
Souscrivant aux propos du rapporteur, M. Pierre Fauchon s'est déclaré convaincu de l'opportunité de la modernisation de la procédure disciplinaire et tout particulièrement de l'extension du ressort de la juridiction disciplinaire au niveau de la cour d'appel, faisant valoir qu'elle permettrait de conférer aux juges disciplinaires l'éloignement et la distance nécessaires pour statuer sereinement. Il a considéré que les réseaux et les liens étroits susceptibles d'être tissés dans les barreaux de petite taille ne permettaient pas de rendre une justice équitable.
M. Pierre Fauchon s'est associé aux observations du rapporteur sur l'obligation d'assurance imposée aux avocats exerçant sous le titre d'origine dans l'Etat d'accueil par la directive 98/5 du 16 février 1998. Il a confirmé qu'il était très difficile pour un avocat français de s'installer au Royaume-Uni eu égard aux montants élevés des primes d'assurance britanniques. Il a jugé important de rappeler aux Etats membres de la Communauté que la réciprocité était nécessaire.
Tout en faisant part de ses réserves quant aux modalités de la réforme de la formation initiale retenues par le projet de loi, M. Patrice Gélard a prôné un système radicalement différent, expliquant qu'il eut été préférable de mettre en place un tronc de formation commun aux magistrats et aux avocats, à l'instar de l'Allemagne et du Japon. Il a relativisé l'argument selon lequel le niveau des docteurs en droit était très disparate. Il a considéré que le maintien des compétences actuelles des centres régionaux de formation professionnelle n'était pas opportun et laisserait subsister de fortes disparités dans la qualité de l'enseignement dispensé sur le territoire. Il s'est insurgé contre le trop grand nombre de dispenses partielles de certaines épreuves de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle nuisibles à la cohérence des épreuves à « géométrie variable ». Il a préconisé une réforme de son contenu après avoir mis en lumière qu'il était inutile de réinterroger des candidats déjà diplômés en droit sur des matières juridiques et suggéré une adaptation de cet examen en vue de s'assurer des aptitudes des candidats pour l'exercice concret de la profession. Il a annoncé son intention d'interroger le ministère sur ce point.
Souscrivant au point de vue du rapporteur, MM. Patrice Gélard et Robert Badinter ont regretté que le projet de loi ne propose aucune avancée significative en faveur de la modernisation des structures d'exercice en groupe. Ils ont constaté les insuffisances de la réglementation française en la matière, qui n'avait pas réussi à inventer un modèle aussi performant et souple que les « partnerships » anglaises. Ils ont souhaité qu'une réforme soit rapidement engagée en ce sens en vue de donner toutes les chances aux avocats exerçant sous un titre français d'affronter la concurrence internationale. M. Pierre Fauchon s'est associé à ce point de vue.
Sans contester l'intérêt d'une formation commune aux magistrats et aux avocats, M. Robert Badinter a mis en exergue les difficultés de sa mise en oeuvre, notamment en raison de la réussite de l'Ecole nationale de la magistrature, citée en modèle à l'étranger mais difficile à élargir à l'échelle de plusieurs milliers d'élèves avocats. Il a expliqué qu'il n'entrait pas dans la culture française de créer une voie d'accès unique aux professions d'avocat et de magistrats, en particulier de recruter des juges parmi les avocats.
En réponse aux intervenants, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a complété les propos de M. Robert Badinter en précisant que les avocats eux-mêmes étaient peu enclins à mettre en place une formation initiale commune aux magistrats et aux avocats, tout en précisant qu'en revanche ils étaient prêts à favoriser un rapprochement de ces deux acteurs de la communauté judiciaire par le biais de formations croisées au stade de la formation continue.
Revenant sur l'obligation nouvelle imposée aux docteurs en droit de suivre la formation initiale, le rapporteur a indiqué que cette disposition visait à remédier à certains effets pervers observés chez certains étudiants, soucieux d'obtenir leur thèse dans le seul but de bénéficier d'une dérogation pour accéder directement au certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Il a d'ailleurs ajouté que certains représentants de la profession préconisaient une solution encore plus radicale, tendant également à supprimer la dispense actuelle d'examen d'entrée accordée aux docteurs en droit maintenue par le projet de loi.
Tout en souscrivant aux observations formulées sur la réglementation des structures d'exercice en groupe, le rapporteur a néanmoins fait observer qu'à l'exception d'un interlocuteur entendu au cours des auditions, la profession n'avait pas formulé de demande concrète en ce sens et qu'à ce stade, le ministère de la justice avait préféré proposer une avancée modeste en permettant la création de sociétés entre avocats français et avocats communautaires migrants plutôt qu'une réforme ambitieuse nécessitant de longues concertations susceptibles de retarder encore la transposition de la directive 98/5 du 16 février 1998.
La commission a ensuite examiné les amendements présentés par le rapporteur.
Avant l'article premier et aux articles premier (définition du champ des bénéficiaires du droit d'exercice permanent de la profession d'avocat en France sous un titre professionnel obtenu dans un autre Etat membre de la Communauté européenne - soumission aux règles professionnelles et déontologiques régissant la profession d'avocat) et 2 (inscription au barreau - droit de participer aux élections des membres du Conseil de l'ordre, du bâtonnier et des membres du Conseil national des barreaux), la commission a adopté des amendements de forme visant à regrouper les mesures de transposition de la directive 98/5 du 16 février 1998 dans la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires.
Toujours à l'article 2, la commission a adopté deux amendements, l'un rédactionnel et l'autre pour confier au conseil de l'ordre le soin de prendre la décision d'interdiction définitive ou temporaire ayant résulté d'une interdiction similaire prononcée par l'autorité compétente de l'Etat d'origine du migrant.
A l'article 3 (mention du titre d'origine), la commission a adopté un amendement de forme tendant à faire figurer dans la loi de 1971 le contenu de cet article.
A l'article 4 (obligation d'assurance), elle a adopté deux amendements, l'un de forme ayant le même objet que l'amendement adopté précédemment, l'autre de cohérence rédactionnelle.
A l'article 5 (modalités d'exercice en groupe), outre un amendement de forme destiné à insérer le contenu de cet article dans la loi de 1971, la commission a adopté deux amendements, l'un visant à harmoniser la terminologie employée pour désigner toutes les modalités sous lesquelles un avocat communautaire migrant était susceptible d'exercer ses activités en France par l'intermédiaire d'un groupement régi par le droit d'un autre Etat membre de la communauté, l'autre tendant à corriger une erreur matérielle.
A l'article 6 (information de l'Etat d'origine relative à l'engagement des poursuites disciplinaires en France), la commission a adopté un amendement de forme tendant à inscrire dans la loi de 1971 le contenu de cet article.
A l'article 7 (rattachement des avocats exerçant sous le titre d'origine à la caisse nationale des barreaux français pour les risques vieillesse, invalidité, décès), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article après avoir jugé inutile et contraire aux principes du droit communautaire de mentionner dans la loi qu'un règlement communautaire s'applique.
Avant l'article 8, la commission a adopté un amendement visant à insérer un article additionnel afin d'inscrire dans la loi de 1971 les mesures de transposition de la directive 98/5 du 16 février 1998.
A l'article 8 (conditions d'intégration à la profession d'avocat en France de l'avocat ayant exercé sous le titre d'origine), outre un amendement de forme en vue d'insérer le contenu de cet article dans la loi de 1971, la commission a adopté un amendement tendant à assouplir les conditions permettant aux avocats ayant exercé sous un titre d'origine d'obtenir le titre d'avocat français à l'issue de trois années d'activité effective et régulière en France afin d'assurer une transposition fidèle de l'esprit de la directive.
A l'article 9 (modalités d'inscription sous le titre d'origine d'avocat), la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à inscrire le contenu de cet article dans la loi de 1971, l'autre destiné à supprimer une mention inutile relative à la soumission à la réglementation de droit commun des avocats communautaires migrants établis en France ayant obtenu le titre d'avocat français.
Avant l'article 10, à l'article 10 (interdiction de participer à une activité juridictionnelle) et à l'article 11 (collaboration entre les Etats membres de l'Union européenne et les barreaux français), la commission a adopté trois amendements tendant à inscrire les dispositions de transposition de la directive dans la loi de 1971.
A l'article 12 (tutorat des jeunes avocats en exercice), la commission a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 13 (refonte de la formation initiale), la commission a adopté un amendement de précision tendant à faire référence à l'ensemble des dispositions du code du travail régissant le régime de l'apprentissage plutôt qu'à deux articles seulement.
A l'article 16 (statut, fonctionnement et missions des centres régionaux de formation professionnelle des avocats), la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à corriger un oubli du projet de loi relatif au maintien de la compétence actuelle des centres régionaux de formation professionnelle pour statuer sur les demandes de dispenses à l'examen d'entrée au centre régional, l'autre tendant à viser une référence plus ciblée du code du travail.
A l'article 17 (regroupement des centres régionaux de formation professionnelle), la commission a adopté un amendement tendant à faciliter la rationalisation de l'implantation sur le territoire des centres régionaux de formation professionnelle des avocats en assurant la neutralité fiscale des regroupements, en particulier s'agissant de la dévolution de leur patrimoine.
A l'article 18 (appel des décisions des centres régionaux de formation professionnelle), la commission a adopté un amendement rédactionnel.
Après l'article 18, la commission a adopté un amendement visant à insérer un article additionnel afin d'instituer une formation obligatoire pour les avocats inscrits au tableau de l'ordre après avoir pris en compte les améliorations rédactionnelles suggérées par MM. Robert Badinter et Pierre Fauchon.
A l'article 20 (coordinations - attributions du conseil de l'ordre), la commission a adopté trois amendements, deux de cohérence rédactionnelle, le troisième ayant pour objet de déplacer le contenu de l'article 26 du projet de loi pour le faire figurer sous cet article en vue de regrouper l'ensemble des dispositions tendant à modifier l'article 17 de la loi de 1971.
A l'article 23 (coordination - discipline), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article devenu inutile compte tenu des modifications proposées à l'article 27 du projet de loi.
A l'article 24 (coordinations - décrets d'application), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer une disposition redondante.
A l'article 26 (coordination avec la création d'un conseil de discipline chargé de statuer en matière disciplinaire - attribution du conseil de l'ordre), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article tirant les conséquences de l'insertion de son contenu à l'article 20 du projet de loi.
A l'article 27 (compétence du conseil de discipline institué dans le ressort de la cour d'appel pour statuer en matière disciplinaire - compétence dérogatoire du conseil de l'ordre de Paris, siégeant comme conseil de discipline), la commission a adopté un amendement de précision mentionnant que la compétence territoriale de l'instance disciplinaire à l'égard des anciens avocats et des avocats honoraires se limitait aux seuls barreaux situés dans son ressort.
A l'article 28 (composition et fonctionnement du conseil de discipline), outre un amendement tendant à supprimer une disposition redondante, la commission a adopté un amendement en vue d'indiquer clairement que la juridiction compétente à l'égard des recours formés à l'encontre des délibérations du conseil de l'ordre relatives à la désignation des membres du conseil de discipline régional était la cour d'appel.
A l'article 30 (mise en oeuvre de l'action disciplinaire - séparation des autorités de poursuite et de jugement), outre un amendement tendant à faire référence à la formation « de jugement », la commission a adopté un amendement pour compléter la nouvelle architecture disciplinaire proposée par le projet de loi et mentionner dans la loi le maintien de la compétence actuelle du conseil de l'ordre en matière d'instruction des affaires.
A l'article 31 (régime de la suspension provisoire d'un avocat faisant l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire), la commission a adopté un amendement créant une incompatibilité nouvelle entre les membres appelés à prononcer une mesure de suspension provisoire et les membres composant la formation de jugement afin d'éviter toute suspicion quant à un éventuel « pré-jugement » de l'affaire.
Après l'article 32, outre un amendement de forme tendant à insérer une nouvelle division pour regrouper des dispositions diverses relatives aux avocats dans le présent projet de loi, la commission a adopté un amendement visant à insérer un article additionnel afin d'écarter du champ d'application du secret professionnel les correspondances entre confrères établies sur la base d'une non-confidentialité et portant la mention « officielle ». Les membres de la commission sont unanimement convenus de la nécessité de remédier à une difficulté pratique ayant résulté d'un arrêt récent de la Cour de cassation selon lequel le secret aurait une portée générale et absolue.
A l'article 36 (conséquences d'une suspension, d'une interdiction ou d'une destitution), la commission a adopté un amendement pour supprimer une disposition tendant à opérer à tort une correction de référence dans l'article L. 822-6 du code de l'organisation judiciaire.
A l'article 40 (établissement des listes d'experts), la commission a adopté un amendement modifiant le texte proposé pour l'article 2 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires afin de :
- créer une commission, composée de représentants des juridictions et d'experts, chargée de donner un avis motivé sur les candidatures des experts souhaitant être inscrits sur une liste de cour d'appel ;
- prévoir qu'à l'issue de la période probatoire puis à l'issue de chaque période de cinq ans, les experts devront présenter une nouvelle candidature en vue de leur inscription sur une liste.
La commission a également adopté un amendement pour :
- préciser que l'inscription sur la liste nationale des experts judiciaires ne sera possible qu'aux experts ayant figuré pendant trois années consécutives sur une liste de cour d'appel ;
- prévoir que l'inscription sur la liste nationale des experts judiciaires sera faite pour une période de sept ans, et non de dix ans, comme le prévoit le projet de loi.
La commission a adopté un amendement corrigeant une erreur matérielle ainsi qu'un amendement complétant le texte proposé pour l'article 2 de la loi du 29 juin 1971, afin de prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat détermine la composition et les règles de fonctionnement de la commission dont un précédent amendement a prévu la création.
Après l'article 40, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour modifier l'article 3 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, afin de supprimer la référence aux listes instituées par l'article 157 du code de procédure pénale pour tenir compte du fait que la seule base légale des listes d'experts est désormais la loi du 29 juin 1971.
A l'article 41 (radiation des experts), la commission a adopté un amendement modifiant le texte proposé pour l'article 5 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires afin de :
- distinguer la radiation d'une liste d'experts, susceptible d'être prononcée en cas d'incapacité légale ou de faute disciplinaire, du retrait, pouvant être décidé à la demande de l'expert ou pour des raisons de santé ;
- prévoir qu'un expert radié d'une liste de cours d'appel est de plein droit radié de la liste nationale des experts judiciaires.
A l'article 42 (serment des experts), la commission adopté un amendement complétant le texte proposé pour l'article 6 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, afin de prévoir que les experts renouvellent leur serment en cas de nouvelle inscription après radiation.
A l'article 52 (habilitation du Gouvernement au titre de l'article 38 de la Constitution pour l'application de la loi outre-mer), outre un amendement de suppression d'une mention inutile, la commission a adopté un amendement tendant à modifier le point de départ du délai durant lequel le Gouvernement est tenu de déposer les projets de loi de ratification en prenant comme référence la date de promulgation de la présente loi plutôt que la date de publication des ordonnances.
A l'article 54 (dispositions transitoires relatives aux avocats), outre un amendement tendant à corriger une erreur matérielle, la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à supprimer un dispositif transitoire devenu sans objet, l'autre destiné à compléter le dispositif transitoire destiné à régler la situation des avocats en cours de formation au centre régional de formation professionnelle ou en stage à la date de promulgation de la présente loi, en vue d'éviter le maintien durable d'une telle situation.
A l'article 57 (dispositions transitoires applicables aux incompatibilités des conseils en propriété industrielle), la commission a adopté un amendement portant de deux à cinq ans la période transitoire au cours de laquelle les conseils en propriété industrielle devront se mettre en conformité avec les règles d'incompatibilités prévues par le projet de loi.
La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.