Table des matières
- Mercredi 1er octobre 2003
- Contrôle budgétaire - Gestion de la crise sanitaire liée à la canicule - Communication
- Audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'European Aeronautic Defence and Space Company (EADS)
- Télécommunications - Audition de M. Thierry Breton, président-directeur général de France Telecom
- Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis
- Présidence de Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-présidente, puis de M. Jean Arthuis, président.
Contrôle budgétaire - Gestion de la crise sanitaire liée à la canicule - Communication
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur son contrôle sur pièces et sur place relatif à la gestion de la crise sanitaire liée à la canicule.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué qu'il avait souhaité procéder, dès le début du mois de septembre, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité, à des contrôles sur pièces et sur place à la suite de la crise sanitaire liée à la canicule. Il a précisé qu'il s'était rendu aux sièges de l'institut de veille sanitaire (InVS) et de la direction générale de la santé (DGS), sur lesquels l'essentiel de son contrôle avait porté, ainsi qu'à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) et à la direction générale de l'action sociale (DGAS), cette dernière étant placée sous la tutelle conjointe du ministère de la santé et du ministère des affaires sociales.
Il a tout d'abord rappelé certaines données relatives à la canicule de cet été, exceptionnelle tant par son intensité que par sa longueur, en soulignant qu'elle avait entraîné une surmortalité globale de 14.800 personnes entre le 1er et le 20 août, d'après le rapport des experts de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), MM. Denis Hémon et Eric Jougla.
Il a relevé que l'action des différents acteurs, marquée par des dysfonctionnements réels, devait être considérée dans ce cadre et appréciée avec du recul. Il a ainsi indiqué que les défaillances de l'institut de veille sanitaire et de la direction générale de la santé avaient été aggravées par des facteurs externes et qu'elles mettaient en lumière certaines caractéristiques de notre système de sécurité sanitaire.
Il a, en premier lieu, rappelé que l'institut de veille sanitaire était chargé d'effectuer la surveillance et l'observation permanente de l'état de santé de la population, dans le but, notamment, de détecter tout événement modifiant ou susceptible d'altérer l'état de santé de la population ; d'alerter les pouvoirs publics en cas de menace pour la santé publique, quelle qu'en soit l'origine, et de leur recommander toute mesure ou action appropriée ; de mener à bien toute action nécessaire pour identifier les causes d'une modification de l'état de santé de la population, notamment en situation d'urgence. Il a estimé que l'InVS n'avait pas rempli sa mission d'alerte.
Il a précisé que l'InVS disposait d'un budget de 31,874 millions d'euros en 2003, contre 23,96 millions d'euros en 2002 et 18,17 millions d'euros en 2001. Il a relevé que l'InVS était l'établissement national à caractère sanitaire et social recevant du ministère de la santé la dotation la plus importante en 2003, environ 16 millions d'euros, contre 16,5 millions d'euros en 2002 et 15,76 millions d'euros en 2001. Il a indiqué que le fonds de roulement de l'InVS avait déjà été « valorisé » et était désormais « asséché », ce qui laissait entrevoir, selon le contrôleur financier, « une situation de trésorerie très tendue dès la fin de l'exercice 2003 » et avait conduit le conseil d'administration à accepter que « l'établissement puisse négocier l'ouverture d'une ligne de crédit qui lui permette de pallier temporairement une impasse de trésorerie ». Il a fait valoir qu'on pouvait s'attendre à une augmentation significative de la dotation de l'Etat en 2004, la reprise sur fonds de roulement s'élevant en 2003 à 12,68 millions d'euros, après 4,5 millions d'euros en 2002.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a ajouté que les effectifs de l'établissement avaient crû significativement depuis 1999, les emplois budgétaires étant passés de 100 postes en 1999 à 270 postes en 2003. Il a toutefois signalé que les effectifs réels étaient inférieurs aux postes budgétaires et qu'ils s'élevaient à 238,3 équivalents temps plein à la fin août 2003. Il a précisé que le ministre de la santé avait annoncé, dans sa présentation du projet de budget pour 2004, que quatre nouveaux postes devraient être ouverts.
Il a observé que cette croissance des effectifs avait notamment permis de renforcer les services administratifs et, par là même, la gestion de l'établissement, sévèrement jugée lors des inspections menées par l'IGAS, l'IGF et la Cour des comptes en 2001. Il s'est félicité que les dix-huit derniers mois aient été mis à profit pour assainir la situation et normaliser les relations avec le contrôleur financier de l'établissement.
Il a indiqué que, si l'InVS avait accompli des efforts sérieux de gestion, il n'avait toutefois pas rempli la mission d'alerte qui lui incombait lors de cette crise sanitaire. Il a noté que l'InVS avait tardivement réagi, et surtout qu'il avait réagi à la demande de la DGS, alors qu'il lui revenait de donner l'alerte.
Analysant les documents qui lui avaient été remis lors de son contrôle, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué que l'InVS ne se sentait guère concerné par le thème de la vague de chaleur, qui n'apparaissait pas, en tant que tel, comme une priorité dans son contrat d'objectifs et de moyens.
Il a relevé que l'institut n'avait commencé à réagir que le 8 août, lorsque la DGS lui avait demandé de réfléchir à la mise en place d'une surveillance des cas de décès liés à la chaleur ou d'un système de recueil avec analyse des cas sur certains sites et que le dispositif en question n'avait réellement été mis en place que le lundi 11 août, ce qui témoignait du fait que ces acteurs n'avaient pas perçu la gravité de la situation, en dépit d'informations faisant état de décès liés à la chaleur.
Il a estimé qu'un système de garde effectif le week-end, alors qu'il n'existait aujourd'hui qu'un système d'astreinte téléphonique, aurait pu modifier le comportement des équipes.
Il a, en outre, souligné les très faibles remontées d'informations dont disposait l'InVS et fait valoir qu'aucune information n'était remontée de ses réseaux propres, les cellules interrégionales d'épidémiologie (CIRE) placées sous la tutelle hiérarchique des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et la tutelle scientifique de l'InVS.
Il a toutefois estimé que le travail de l'InVS s'était révélé être un travail de qualité, une fois l'ampleur de la crise perçue, mais dans une logique d'analyse a posteriori.
Quant à la critique effectuée par l'équipe du docteur Lalande selon laquelle l'institut fonctionnait par pathologie et non par type de population, si elle était exacte, il a estimé qu'elle paraissait devoir être nuancée dans la mesure où l'InVS entendait développer cet axe dans le cadre d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens. Or, selon le directeur général de l'InVS, la DGS n'avait pas souhaité, en début d'année 2003, travailler à une refonte de l'actuel contrat d'objectifs et de moyens.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a ensuite observé que la DGS s'était montrée lente et finalement peu performante au cours de cette crise. Après avoir rappelé les préoccupations de la DGS au début du mois d'août, il a estimé que cette lenteur pouvait provenir d'une confusion sur la notion même d'alerte qui aurait dû être lancée par l'InVS en direction de la DGS.
Il a souligné que le cabinet du ministre, en la personne de M. William Dab, avait, dès le 6 août, attiré l'attention de la DGS sur les risques sanitaires liés à la canicule et demandé que la direction diffusât un communiqué sur le réseau DGS-urgent, ce qui n'avait pas été fait. Il a précisé que deux raisons avaient été invoquées à ce sujet : d'une part, le réseau était en panne le vendredi 8 août ; d'autre part, l'objectif principal était de prévenir la population, et non les médecins.
Il a fait part du constat de M. William Dab, ancien conseiller technique du ministre de la santé, devenu depuis directeur général de la santé, selon lequel la DGS « ne pouvait pas faire grand-chose de plus qu'un communiqué de presse » et la mise en place d'un numéro vert (le 11 août), ne disposant pas de moyens d'action propres. Il a relevé que ce communiqué avait longuement occupé la direction puisque, entamé le 6 août, il n'avait été envoyé que le vendredi 8 août en milieu d'après-midi, en direction des agences sanitaires, de la DHOS, des DDASS et des DRASS, ainsi que des presses nationale, régionale et médicale, après plusieurs échanges entre la DGS, l'InVS et le cabinet du ministre.
Il a indiqué que ce communiqué de presse n'avait reçu que peu d'échos, peut-être en raison de « l'effet week-end », en raison également, sans doute, des termes utilisés, qui n'étaient pas à la hauteur de l'enjeu, alors même que la DGS disposait, à ce moment, de remontées « éparses mais alarmantes » des DDASS, recoupées par les informations transmises par l'InVS.
Il a observé que les directions du ministère et l'institut de veille sanitaire n'avaient reçu que très peu d'informations au cours du week-end des 9 et 10 août et que « le réveil », le lundi 11 août, avait été brutal et trop tardif.
Il a regretté la très faible communication entre les directions du ministère, notamment entre la DHOS et la DGS, et relevé que l'autorégulation des hôpitaux et des cliniques, en soi heureuse, n'avait pas permis de faire remonter clairement à la DHOS la gravité de la situation avant le 11 août, ce qui incitait pour l'avenir les hôpitaux à ne pas attendre le « dernier moment » pour prévenir le ministère de la santé.
Après avoir indiqué que les différents services s'étaient mobilisés au cours de la semaine du 11 août, une fois l'ampleur de la crise perçue, il s'est demandé s'il fallait regretter, comme le faisait M. Lucien Abenhaïm, l'absence de tout spécialiste de santé publique au sein du cabinet du ministre les 11, 12 et 13 août. Il a, en tout cas, observé que le ministre de la santé ne semblait pas être au fait de la gravité de la situation le soir du 11 août lorsqu'il était intervenu à la télévision.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a ensuite estimé que les défaillances imputables à la DGS et à l'InVS avaient été accentuées par des phénomènes extérieurs à ces organismes.
Il a d'abord fait valoir que le système d'information sur les décès n'avait pas été conçu pour fournir des informations rapides et précisé que, dans l'état actuel, ainsi que l'avait relevé le rapport de la mission conduite par le docteur Lalande, il était « avant tout un outil de recherche et d'information épidémiologiques qui recherche trois qualités : la comparabilité avec les systèmes des autres grands pays, l'exhaustivité (comme dans les autres grands pays, d'ailleurs), et la qualité des données ». Il a précisé que l'ensemble du processus de production des données annuelles, comprenant le codage des causes médicales de décès d'environ 550.000 décès chaque année, prenait au total plusieurs mois et ne permettait donc pas de déceler une situation de crise. Il a signalé que le projet de loi relatif à la politique de santé publique entendait améliorer le circuit des certificats de décès.
Il a ensuite observé que les relations s'étaient parfois révélées difficiles entre l'InVS et ses interlocuteurs, notamment avec les pompiers de Paris et les pompiers de Marseille, qui s'étaient montrés réticents à fournir des données. Il a estimé que ces difficultés témoignaient, d'une part, de l'ampleur des cloisonnements administratifs, d'autre part, de la faible assise dont disposait l'InVS, qui, très clairement, n'avait pas été perçu comme un interlocuteur auquel il était important de communiquer ces informations, ce qui rendait nécessaire, pour l'avenir, de renforcer la visibilité de l'institut.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a ensuite noté que ces dysfonctionnements mettaient en lumière le fait que les problèmes liés aux aléas climatiques étaient jusqu'à présent considérés comme du domaine de la sécurité civile, et non du domaine de la santé. Il a, par ailleurs, relevé que personne n'avait évoqué le risque sanitaire lié à la chaleur lors de la réunion de sécurité sanitaire qui s'était tenue à la direction générale de la santé le 31 juillet 2003.
Il a également observé que le système de sécurité ou de veille sanitaire n'avait, paradoxalement, pas été conçu pour anticiper les risques avérés et massifs comme les vagues de froid ou de chaleur, mais avait été bâti sur le modèle du principe de précaution, en ce sens qu'il visait à fournir un cadre à la prise de décision publique dans un contexte d'incertitude scientifique. Il a donc estimé qu'il convenait de tirer les leçons de cette crise pour l'adapter aux nouveaux enjeux, sans altérer ses qualités actuelles.
Il s'est félicité que des mesures positives aient déjà été annoncées ou soient en passe d'être adoptées. Il a ainsi relevé que la réunion consacrée à la sécurité sanitaire, sous l'égide du directeur général de la santé, était devenue hebdomadaire et associerait désormais la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur, ce qui devrait améliorer la coopération entre ce ministère et celui de la santé. Il a également indiqué que les différents directeurs rencontrés avaient fait part de leur volonté de mettre sur pied des cellules de crise ou d'alerte, afin de permettre aux directions concernées de répondre de manière plus efficace aux situations d'urgence.
Il a ensuite relevé que l'InVS s'était mobilisé rapidement pour pallier ses insuffisances et que son directeur lui avait transmis les premiers axes de réforme de l'institut, notamment :
- la volonté d'actualiser le travail sur les priorités établi en 1999, qui avait conduit à arrêter les thèmes du contrat d'objectifs et de moyens et d'ouvrir la perspective de travail sur les populations les plus vulnérables ;
- la volonté de mettre en place un système de transmission des certificats de décès en temps réel ;
- les objectifs de renforcement des réseaux et de meilleure implication des cellules interrégionales d'épidémiologie.
Il a, en outre, précisé qu'un accord était en passe d'être conclu entre l'InVS et Météo France afin d'établir une coopération, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les épisodes de froid, entre les deux organismes, coopération qui avait fait cruellement défaut.
Il a, toutefois, souligné que, les prévisions de Météo France sur les vagues de chaleur étant justes de façon quasi certaine à trois jours et avec une forte probabilité entre trois et sept jours, une grande réactivité des institutions sanitaires était requise, qui ne serait possible que si des plans d'action étaient déjà définis.
Il a également relevé que la direction de l'InVS avait rencontré les urgentistes pour mettre en place un réseau de remontée d'informations. Il a estimé que ces efforts étaient positifs mais que l'institut devrait repenser son système de permanence pour mettre en place un réel système de garde lui permettant d'être opérationnel en toutes circonstances, ainsi que le prévoit la loi.
Il s'est également félicité de la publication de deux nouveaux décrets le 15 septembre 2003, relatifs à la permanence des soins, dans la mesure où les documents qui lui avaient été remis confirmaient que des défaillances avaient pu être constatées en certains endroits et notamment dans le département des Hauts-de-Seine.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a affirmé que les réponses à apporter lui semblaient davantage devoir porter sur l'organisation et « l'état d'esprit » que sur la question des moyens, du moins dans un premier temps.
Il a rapporté que M. William Dab, qui avait souligné l'insuffisance numérique et qualitative de la DGS, en même temps que les difficultés qu'il rencontrait pour recruter les personnes dont il avait réellement besoin, avait reçu pour mission de réorganiser la direction générale de la santé, ce qui paraissait être une nécessité absolue. Il a ajouté que le but du nouveau directeur général de la santé serait d'adapter les missions aux moyens réels.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a par ailleurs estimé qu'il était impératif d'étudier les rapprochements possibles entre les différentes agences de sécurité sanitaire, qui permettraient d'accroître la capacité d'expertise à coût constant, et relevé que le ministre de la santé plaidait également en faveur d'une rationalisation du dispositif des agences.
Il s'est, en particulier, interrogé sur le découpage actuel des compétences entre l'institut de veille sanitaire et l'agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), en relevant qu'un rapprochement entre ces deux organismes serait bénéfique et permettrait d'éviter le risque d'une « compétition stérile », alors que la coordination globale des activités des agences était insuffisante. Il a estimé que la double tutelle du ministère de la santé et du ministère de l'écologie et du développement durable sur l'AFSSE, si elle constituait une source de complication, ne devait pas entraver les réformes nécessaires.
Pour conclure, il a rappelé les réformes structurelles qui lui semblaient devoir être menées, à savoir :
- une réforme de la structure de la DGS ;
- une meilleure articulation de l'institut de veille sanitaire avec les CIRE, en s'interrogeant sur la répartition des moyens dévolus à l'échelon central et aux cellules interrégionales ;
- la mise en place d'un système de garde permanent à l'InVS pour lui permettre de répondre à ses missions de veille permanente ;
- une rationalisation du dispositif des agences de sécurité sanitaire.
Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-présidente, a relevé la qualité du travail du rapporteur spécial, mais s'est interrogée sur la nature de l'articulation de son contrôle avec la mission d'information sénatoriale.
M. Jean Arthuis, président, a relevé que le travail effectué par M. Adrien Gouteyron permettrait à la mission d'information de « gagner du temps ». Il s'est demandé si le dispositif de veille sanitaire ne devrait pas être développé à l'échelon régional.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a convenu de la pertinence de l'échelon régional en matière de veille, ce qui conduisait à s'interroger sur la répartition des moyens entre l'institut de veille sanitaire et les cellules interrégionales d'épidémiologie, qui mériteraient d'être étoffées.
Il a, d'autre part, indiqué qu'il n'existait pas de contradiction entre le contrôle sur pièces et sur place qu'il avait mené en tant que rapporteur spécial et la mission d'information et expliqué qu'il avait porté une attention particulière à la question des moyens financiers et humains.
M. François Trucy a fait part de son analyse de la crise sanitaire en insistant sur la corrélation entre l'isolement et la surmortalité.
M. Yann Gaillard a relevé que la DGS n'avait pas été conçue pour répondre aux crises et déploré le traitement de l'épisode de la canicule par les médias.
M. Michel Moreigne a rappelé que le Sénat avait déjà débattu de l'incapacité de la France à répondre aux situations de crises. Il a estimé que cette question se reposait et devrait être traitée, en s'interrogeant notamment sur le rôle des préfets.
M. Maurice Blin a noté le lien existant entre l'urbanisation et la surmortalité et s'est interrogé sur la possibilité de supprimer l'institut de veille sanitaire.
M. Bernard Angels, après avoir souligné l'intérêt de la présentation faite par M. Adrien Gouteyron, a estimé que la gestion médiatique de la crise avait été mauvaise. Il s'est interrogé sur le rôle des préfets et a indiqué que le nombre de morts supplémentaires dus à la canicule devrait être apprécié sur une longue période.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la France n'avait jamais connu une telle crise et regretté le caractère blessant du débat médiatique. Il a affirmé qu'une réforme structurelle devrait être menée et que la commission des finances devrait veiller à limiter l'accroissement des dépenses publiques et mettre l'accent sur les réformes structurelles.
En réponse aux différents intervenants, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé que les circulaires prises par M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, qui présentaient les mesures à prendre en cas de forte chaleur, avaient été ignorées, voire stigmatisées.
Il a ensuite indiqué que l'institut de veille sanitaire s'était montré efficace dans d'autres circonstances et, qu'à ce titre, il lui semblait préférable de bien définir sa mission et ses moyens plutôt que de le supprimer.
Audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'European Aeronautic Defence and Space Company (EADS)
La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'European Aeronautic Defence and Space Company (EADS).
M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord précisé le cadre dans lequel se déroulait cette audition, consistant, ainsi que le bureau de la commission des finances en avait émis le souhait, à auditionner des « grands patrons », non seulement sur la situation de leur entreprise, mais également afin de connaître leur appréciation de la conjoncture ou de diagnostiquer les grands problèmes auxquels la France était confrontée.
Il a rappelé que le secteur de l'aéronautique civile présentait un caractère cyclique, et qu'il traversait une période difficile, due, en partie, aux conséquences des attentats du 11 septembre et aux désordres monétaires. Il a également rappelé que l'aéronautique militaire était dépendante de l'état des finances publiques et que le secteur de l'espace connaissait des difficultés. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la tenue de la dernière réunion du comité exécutif de European Aeronautic Defence and Space Company (EADS), aux Etats-Unis, et s'est demandé s'il fallait y voir une volonté de distance vis-à-vis du cadre national.
M. Philippe Camus a rappelé qu'EADS était une entreprise d'abord française devenue franco-allemande et espagnole puis européenne et qu'elle travaillait dans des domaines de « souveraineté », particulièrement sensibles pour les Etats, qui exerçaient un fort effet d'entraînement sur le reste de l'industrie. Il a par ailleurs souligné que les investissements dans ce domaine présentaient un caractère de long terme, de l'ordre de 20 à 25 ans dans l'aviation.
Puis il a présenté les grandes lignes de la stratégie de EADS, société créée il y a trois ans, en juillet 2000, qui était désormais la première entreprise européenne aéronautique et spatiale avec 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires et la numéro deux mondiale derrière Boeing (50 milliards d'euros de chiffre d'affaires). Il a remarqué que le groupe détenait des positions de leader mondial dans plusieurs domaines, notamment l'aviation commerciale, avec Airbus dont il a rappelé que le succès actuel trouvait ses racines dans les décisions prises il y a trente ans, et a estimé que la création de EADS donnait à l'ensemble des projets une structure industrielle forte. Il a souligné que la société était également la première dans le domaine des hélicoptères avec 51 % du marché civil aux Etats-Unis et qu'elle occupait la deuxième place mondiale pour les missiles. Il a par ailleurs évoqué la position de numéro un européen d'Ariane dans le domaine de l'espace. Il a indiqué que le groupe était actuellement engagé dans de grands programmes comme l'A380 ou l'A400M, et mis en lumière la stratégie générale qui visait à rendre le groupe encore plus global et à le développer dans le secteur de la défense où il occupait déjà la deuxième place mondiale derrière Lockheed Martin avec 48 milliards d'euros de carnets de commandes. Puis il a décrit les deux axes de développement prioritaires, l'un à l'ouest, en direction des Etats-Unis, l'autre à l'Est, en direction de la Russie et de l'Asie.
Il a par ailleurs exprimé sa satisfaction de voir que le modèle incarné par EADS était susceptible d'être transposé dans le secteur naval.
Intervenant en outre plus spécifiquement sur la situation économique française, M. Philippe Camus a tenu à évoquer trois thèmes : la croissance, la monnaie et la dynamique européenne.
Sur la croissance, M. Philippe Camus a rappelé que le secteur aérien traversait une crise importante à la suite des attentats du 11 septembre et de la stagnation économique générale. Il a cependant relevé que le groupe, malgré une légère décroissance de ses ventes en volume, continuait à gagner des parts de marché. En ce qui concernait la défense, il a observé que l'engagement de la France, matérialisé par le vote de la loi de programmation militaire, n'était pas partagé par tous les pays européens. Puis il s'est interrogé sur les moyens de retrouver une croissance durable.
Il a, d'une part, insisté sur la nécessité de soutenir l'innovation. Il a relevé qu'en France le niveau de la recherche privée était insuffisant et souligné que son groupe investissait 17 % de son chiffre d'affaires dans la recherche contre 4,5 % en moyenne dans le secteur de l'automobile par exemple. Il a fait valoir la nécessité de renforcer les liens entre recherche publique et recherche privée en montrant, citant l'exemple du Centre national d'études spatiales (CNES) et de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), que les résultats d'une telle collaboration pouvaient être bénéfiques.
Il a comparé, en termes de points de PIB, les efforts de recherche et de développement publics entre l'Europe et les Etats-Unis dans le secteur de la défense et dans le secteur spatial. Il a ainsi relevé que, pour la défense, le rapport était de un sur quatre en faveur des Etats-Unis, et que dans le domaine spatial il se montait à un sur quinze.
D'autre part, il a déploré la faiblesse du taux d'emploi marchand en France : 48 % contre 60 % pour l'Allemagne et 63 % pour les Etats-Unis, ce qui limitait les ressources en personnels. Il a ainsi montré que, pour la durée du travail, l'écart entre la France et les Etats-Unis s'établissait à deux mois par an et il s'est inquiété de la relative pénurie d'emplois scientifiques et techniques en France, en détaillant les chiffres de l'intensité d'emplois scientifiques ou techniques : 4 % en France, 4,8 % en Allemagne, 7 % en Grande-Bretagne et 8 % aux Etats-Unis, EADS comprenant 30.000 ingénieurs dont 11.000 en France. Il a rappelé la formation interne développée par son groupe, mais a jugé que cela ne pouvait suppléer la formation initiale publique. Il a noté que les conséquences des 35 heures avaient été surestimées dans les grandes entreprises, qui avaient pu trouver les ressources pour s'organiser mais que la rigidité du cadre législatif ainsi fixé posait de nombreux problèmes pour les ingénieurs et les cadres, bénéficiant maintenant de cinq à huit semaines de vacances par an contre deux à trois semaines pour les Etats-Unis, dans un environnement concurrentiel connu. Il a considéré dès lors que le niveau de qualification ne permettait pas de combler cet écart et il a regretté que la loi ne permette pas de « racheter » plus de cinq jours de congés au titre du compte épargne temps.
En ce qui concernait la monnaie, M. Philippe Camus a relevé que EADS était particulièrement sensible aux fluctuations du change. Il a indiqué qu'une appréciation de l'euro de 10 % correspondait à un manque à gagner d'un milliard d'euros, c'est-à-dire le coût annuel de développement de l'A380. Il a exprimé l'opinion que cet élément était susceptible d'empêcher EADS de devenir le numéro un mondial. Il a indiqué que la gouvernance économique en Europe lui paraissait insuffisante pour relever ce défi.
En ce qui concernait l'Europe, il a insisté sur le caractère éminemment européen de son groupe et a plaidé pour la création d'une agence européenne de l'armement. Il a estimé que l'ensemble des pays européens avait intérêt à développer de grands programmes à l'échelle du continent, comme l'avait montré le succès de l'hélicoptère NH90. Il a rappelé que l'agence spatiale européenne avait permis de lancer des programmes ambitieux comme Ariane ou plus récemment Galiléo.
Enfin, s'il était tout à fait favorable à l'élargissement de l'Europe à 25 pays, il a exprimé des réserves quant aux perspectives ouvertes, si cet élargissement n'était pas accompagné d'une vraie gouvernance économique, et il a relevé qu'être un industriel européen était difficile tant que l'Europe ne définissait pas suffisamment sa relation avec son industrie ce qui se traduisait par une absence de « patriotisme européen » dans le domaine industriel.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Maurice Blin a d'abord relevé que dans le domaine de l'espace, la société EADS avait connu des années de forte croissance et s'est interrogé sur l'allocation des capitaux ainsi acquis. Puis il a évoqué la soutenabilité financière des investissements engagés par la société dans l'A380 et l'A400M dans une situation de crise. Enfin il s'est inquiété des perspectives de développement sur le marché américain, notamment dans le domaine des avions ravitailleurs.
En ce qui concernait le secteur de l'espace, M. Philippe Camus a noté que pendant des années la concurrence n'avait pas été très forte. Il a toutefois invoqué la complexité de l'organisation industrielle antérieure due à la multiplication des intervenants et aux demandes des pays, qui souhaitaient tous obtenir un « retour géographique », c'est-à-dire une implantation sur leur territoire, ce qui entraînait une dispersion de l'outil industriel. Il a estimé que le cas d'Airbus constituait à ce titre une exception, les différents pays s'étant spécialisés très en amont. Il a affirmé que la création de EADS entraînerait à terme une simplification des structures industrielles et que les différents pays avaient reconnu la nécessité de supprimer des échelons dans l'organisation du processus de production. Il a ainsi montré que l'émiettement des compétences, qui se traduisait par un grand nombre de centres de décision et de production, pouvait expliquer les résultats négatifs actuels de EADS dans la fabrication des satellites.
En ce qui concernait la soutenabilité financière des investissements engagés dans le développement des grands projets, il a rappelé que la politique financière de EADS avait été volontairement prudente et que, lors de la création de la société, une augmentation de capital avait doté EADS des moyens suffisants pour faire face à une éventuelle crise et avoir la possibilité de financer en même temps un nouveau programme. Il a souligné que les agences de notation attribuaient aux obligations de la société une note « A » et que les dernières émissions avaient montré que le « spread » de la société, c'est-à-dire l'écart entre le taux des obligations émises par la société et celles émises par l'Etat, était meilleur que celui de son concurrent Boeing. Il a relevé que, dans un secteur où les investissements présentaient un caractère de long terme, la crédibilité financière était un élément crucial et il s'est félicité du fait que la trésorerie nette de EADS dégageait un excédent.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître le montant des sommes engagées pour le développement de l'A380 et de l'A400M.
M. Philippe Camus a estimé ce coût à 11 milliards de dollars dont un tiers sous forme d'avances remboursables et deux tiers à la charge de la société. Il a par ailleurs indiqué que certains grands fournisseurs avaient financé une partie des investissements pour un montant de deux milliards de dollars. Il a tenu à souligner le succès commercial déjà remporté par l'A380.
En ce qui concernait le marché américain, il a relevé que, s'il était nécessaire d'y assurer une présence industrielle, il n'envisageait pas de s'affranchir du cadre national. Il a souligné que le groupe employait 2.000 personnes aux Etats-Unis et, via les fournisseurs, y faisait vivre 100.000 personnes. Il a toutefois fait part de son scepticisme quant à une politique de croissance externe dans ce pays sous forme de rachat d'entreprises en raison des difficultés posées par le transfert de technologie et il a estimé que la qualité des produits, jointe à une solide implantation industrielle devait être suffisante pour gagner des parts de marché. Il a estimé que la société pourrait pénétrer le marché américain de l'aviation notamment en ce qui concernait les avions ravitailleurs.
M. Auguste Cazalet s'est interrogé sur les chances de EADS de renforcer ses positions sur le marché des avions ravitailleurs, notamment sur un marché américain peu ouvert à la concurrence européenne.
M. Philippe Camus lui a confirmé les efforts d'EADS pour accéder au marché des ravitailleurs, aux Etats-Unis, mais également au Royaume-Uni, en France, et plus généralement en Europe, à l'instar de l'A400M
M. François Marc a abordé la question de la motivation des jeunes ingénieurs et cadres et il a relevé l'écart existant avec les conditions de travail dans les pays concurrents en termes de temps de travail ce qui impliquait de nombreux problèmes d'organisation. Évoquant les résultats des enquêtes, souvent divergents, qui s'efforçaient d'établir un palmarès de « l'attractivité des pays », il a souhaité entendre l'opinion de M. Philippe Camus sur ce point.
En ce qui concernait la motivation des cadres, M. Philippe Camus a noté que la politique de réduction du temps de travail avait modifié les comportements de certains jeunes ingénieurs et qu'il était difficile de rattraper les seize jours de travail en moins par an induits par l'application de ces mesures. Il a indiqué qu'il était favorable à un système plus flexible permettant de racheter les jours pris au titre de la réduction du temps de travail.
En ce qui concernait l'attractivité, il a affirmé que, globalement, un ingénieur français coûtait plus cher que ses homologues européens en raison des charges sociales et que cela pouvait constituer un frein à l'embauche. Il a, à ce titre, observé qu'elles étaient plafonnées en Allemagne (pour une protection égale), ce qui constituait un avantage comparatif indéniable.
M. Denis Badré s'est demandé quelle forme pourrait prendre une entreprise européenne qui chercherait à tirer au mieux parti des différents avantages de chaque pays, notamment dans une perspective d'élargissement. Il s'est interrogé sur les formes que pourrait prendre une politique européenne de recherche et de développement, tout en soulignant qu'elle constituerait indéniablement une chance pour la France et pour l'Europe.
M. Claude Belot a évoqué la question du devenir du secteur de l'aviation légère, notamment de la société SOCATA, et de l'éventuel abandon de la filière du moteur diesel au profit de productions jugées « plus nobles ».
M. Jean Arthuis, président, a demandé des éclaircissements sur les relations entre EADS et la société THALES, et s'est également interrogé sur l'éventuelle création d'un « EADS naval ».
M. Philippe Camus a indiqué que la mobilité des cadres en Europe se heurtait à de nombreuses barrières aussi bien culturelles que linguistiques ou fiscales, estimant qu'il s'agissait là d'une différence majeure avec les Etats-Unis.
En ce qui concernait la recherche et le développement, il a indiqué qu'il s'agissait d'une question politique et qu'un accord de partage des centres de recherche et des compétences entre les pays lui paraissait nécessaire afin de concilier les différents intérêts nationaux.
En réponse à la question de M. Claude Belot, il a indiqué que EADS n'envisageait pas de se séparer de la SOCATA qui possédait au demeurant une excellente technologie même si la conjoncture s'était récemment dégradée.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que EADS n'avait pas de projet de rachat ou de fusion vis-à-vis de THALES, mais que des partenariats importants avaient été noués avec la société.
En ce qui concernait le « EADS naval », il a indiqué que la société était intéressée par l'activité « systèmes » (intégration des fonctions communication-commandement). Il a souligné pour s'en féliciter que EADS équipait déjà les systèmes de combat des frégates en France et qu'elle avait été retenue avec Lockeed Martin par le gouvernement anglais afin de mettre en place un système intégré pour les systèmes de défense antiaérienne.
Télécommunications - Audition de M. Thierry Breton, président-directeur général de France Telecom
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Thierry Breton, président-directeur général de France Telecom.
M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord rappelé que la commission avait décidé d'entendre des dirigeants de grandes entreprises françaises, afin d'être éclairée sur le réalisme des prévisions économiques qui accompagnaient le projet de loi de finances pour 2004, ainsi que sur les forces et faiblesses de l'Europe par rapport aux Etats-Unis et à l'Asie.
Il a demandé à M. Thierry Breton de lui préciser, en premier lieu, où en étaient, d'une part, le redressement de son entreprise et, d'autre part, son appréciation sur le prochain examen, par le Parlement, d'un projet de loi modifiant le statut de celle-ci.
En réponse, M. Thierry Breton lui a indiqué que le projet qui devrait être soumis au Sénat, en première lecture, avant la fin du mois d'octobre, après avoir été examiné par le Conseil d'Etat, et adopté, fin juillet, par le Conseil des ministres, confortait l'appartenance à la fonction publique d'une partie du personnel de l'entreprise.
M. Thierry Breton a ensuite rappelé le caractère ambitieux du plan de redressement qu'il avait mis en place, il y a dix mois, très peu de temps après son accession, il y a très exactement un an, à la présidence de France Telecom.
Ce plan avait prévu un redressement par étapes de l'entreprise, qui ne la dispensait pas d'assumer sa part de responsabilité quant à la situation dans laquelle elle se trouvait, tout en la conduisant à se remettre en cause très profondément.
Il a évoqué l'importance de la dette de France Telecom, de l'ordre de 70 milliards d'euros, à son entrée en fonction, et les trois volets du plan d'urgence consistant à se procurer trois fois la somme de 15 milliards d'euros, sous forme de liquidités tout d'abord, et aussi, ensuite, grâce d'une part à une augmentation de capital et, d'autre part, à une renégociation de la dette obligataire du groupe. Une centaine de chantiers concernant d'autres réformes avaient été ouverts simultanément.
Il a souligné que les réactions du marché obligataire à ce plan, ainsi qu'aux efforts de transparence et de mobilisation de l'équipe dirigeante du groupe qui l'accompagnaient avaient été positives et avaient permis un desserrement des taux des nouvelles émissions.
Ainsi, l'augmentation du capital qui avait eu lieu en mai dernier, quelques jours après le début de la guerre en Irak, avait été couronnée de succès, le montant prévu ayant été souscrit trois ou quatre fois. En outre, le cours de l'action France Telecom, était resté stable aux alentours de 21-22 euros alors qu'il était descendu à 6 euros au plus bas et qu'il était encore à 14 euros au début de l'année 2003.
M. Thierry Breton a souligné les contraintes de la gestion d'une entreprise de haute technologie, en profonde mutation, cotée à la fois à New-York et à Paris.
Il a souligné l'importance des évolutions qui résultaient, pour l'opérateur historique, des dernières directives européennes, notamment en ce qui concernait ses missions de service public, dont l'attribution était appelée à s'ouvrir à la concurrence.
Il a évoqué la récente offre publique d'échange (OPE) amicale, de la fin du mois d'août, adressée aux actionnaires minoritaires de la filiale britannique Orange de France Telecom (acquisition des 13,7 % du capital non encore détenus par l'opérateur français pour un montant de 7 milliards d'euros).
Il a précisé que la gestion de la nouvelle entité, au sein de laquelle Itinéris, cédée pour un franc symbolique, avait été intégrée, avait été parfois délicate. A l'issue de cette OPE, les actionnaires d'Orange posséderaient, de leur côté, 12 % du capital de France Telecom et la complémentarité entre réseau fixe et mobile devrait être développée.
Cependant, les difficultés de l'opération étaient maîtrisées : son coût serait réglé en totalité en actions et la part de l'Etat a été maintenue au-dessus de 50 % du capital.
Il a estimé que les avantages étaient nombreux et évidents : France Telecom bénéficierait de la rentabilité, en « cash flow », d'une filiale qui comptait 52 millions de clients, et ses fonds propres, actuellement très faibles, de l'ordre de 5 milliards d'euros, seraient renforcés, passant à près de 12 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, président, faisant référence au « bleu recettes » du projet de loi de finances pour 2004, a alors interrogé M. Thierry Breton au sujet du versement, par son entreprise, à l'Etat actionnaire, d'un éventuel dividende en 2004.
M. Thierry Breton lui a répondu que la bonne santé des secteurs des mobiles et, en France, de l'accès à Internet ainsi que l'avance prise dans le redressement du groupe, par rapport aux prévisions du plan qu'il avait déjà mentionné, permettraient d'envisager une telle éventualité, sans qu'il soit aucunement en mesure, pour le moment, de chiffrer pour autant les montants correspondants.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a alors demandé des précisions sur l'amélioration, par rapport aux prévisions, de la situation de France Telecom.
M. Thierry Breton lui a indiqué que la dette du groupe avait représenté, dès la fin du premier semestre 2003, avec six mois d'avance sur l'objectif fixé, moins de trois fois le montant du résultat d'exploitation avant amortissement (EBITDA). D'autre part, à l'issue de la même période, il a indiqué que les deux tiers, soit 2 milliards d'euros sur 3, de l'amélioration visée du « cash flow » disponible, hors cessions, du groupe, pour l'ensemble de l'exercice 2003, avaient déjà été obtenus. Enfin, l'augmentation de capital réalisée cette année n'avait pas entraîné de minoration du cours de l'action France Telecom.
M. Jean Arthuis, président, a alors souhaité que M. Thierry Breton livre à la commission les réflexions personnelles que lui inspiraient les perspectives de croissance et d'emploi en France.
M. Thierry Breton a tout d'abord noté une accélération, plus forte qu'en France mais partant d'un niveau plus dégradé, des performances de notre partenaire allemand ainsi qu'un décalage, aux Etats-Unis, entre la consommation qui s'accroissait et l'investissement qui ne connaissait pas de reprise.
Les résultats américains pourraient s'expliquer, selon lui, tout à la fois par la proximité des élections, des gains de productivité, une pause consécutive à un excès passé d'investissement dans les technologies de l'information et, enfin, un déplacement des « bases manufacturières arrière » des Etats-Unis, du Mexique vers la Chine.
M. Thierry Breton a estimé qu'il y avait lieu de s'interroger sur le point de savoir si une éventuelle reprise américaine ne franchirait pas plutôt l'Océan Pacifique que l'Océan Atlantique, s'étendant ainsi d'abord à l'Asie, avant l'Europe. Il s'est notamment déclaré optimiste quant aux perspectives économiques japonaises.
Il a cité les performances de la Chine, en ce qui concernait l'industrie, et de l'Inde dans le domaine de l'immatériel.
Il a rappelé l'importance cruciale de la valeur des ressources humaines, pour toute économie, et celles, plus particulièrement, de la recherche et de l'innovation, moteurs de croissance. Il a regretté que les écoles d'ingénieurs françaises soient trop repliées sur elles-mêmes et pas assez internationalisées. Il a estimé qu'un des points forts des Etats-Unis résidait dans leur capacité à attirer et à intégrer les meilleurs étudiants asiatiques, qu'ils soient chinois ou indiens.
A M. Philippe Marini, rapporteur général, qui l'interrogeait sur les relations entre France Telecom et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), M. Thierry Breton a fait valoir qu'elles étaient constructives, mais qu'il importait :
- de ne pas brider l'innovation dans les services, essentiels pour la clientèle, par une approche trop technique et trop cloisonnée selon les types de réseaux ;
- que l'accès au haut débit sur tout le territoire national ne devait pas être effectué d'une façon qui pénalisait l'opérateur historique par rapport à ses concurrents.
M. René Trégouët a fait observer, alors, que l'émigration, vers les Etats-Unis, d'étudiants chinois et indiens représentait, pour leur pays d'origine, une stérilisation de leurs investissements éducatifs et était heureusement suivie, depuis quelque temps, d'un mouvement de retour vers ces pays qui tendait à s'accentuer.
Il a estimé que la France et l'Europe devaient donc développer leurs ressources intrinsèques en matière grise.
M. Claude Belot l'a interrogé sur la persistance en France d'une « fracture numérique » et les moyens, le cas échéant, d'y remédier.
M. Thierry Breton a évoqué, en réponse, les problèmes que soulève en Europe l'homologation des technologies de « courants porteurs » développées aux Etats-Unis, du fait, notamment, des rayonnements de ces courants qui pouvaient interférer avec d'autres émissions, par exemple pour les besoins de la radioastronomie. Il a également mentionné les expériences de diffusion de vidéo sur les réseaux téléphoniques, au moyen de la technologie haut débit dite « ADSL », qui illustraient la tendance à la diversification des contenus distribués par les différents opérateurs des divers types de réseaux.
M. Yves Fréville a alors fait observer que la priorité à accorder à l'accueil d'étrangers de haut niveau intellectuel dans notre pays ne devait pas concerner seulement les étudiants, mais aussi les enseignants.
M. Jacques Chaumont s'est inquiété des raisons qui poussaient, de façon prioritaire, la diaspora indienne à émigrer vers des pays anglo-saxons et non vers la France, par exemple.
M. Thierry Breton a souligné, en parallèle, que de plus en plus de dirigeants d'usines dans le monde étaient, non plus allemands ou français, mais polonais, tchèques ou chinois. Il a également tenu à rappeler qu'attirer les industries consistait souvent, d'abord, à attirer les hommes.
En écho à une remarque de M. Paul Girod sur le degré de sophistication atteint par les attaques virales sur les réseaux informatiques, M. Thierry Breton, admettant qu'il s'agissait d'une question importante, a insisté sur les obligations particulières des opérateurs de télécommunications, qui exerçaient un métier de souveraineté, au regard de la sûreté nationale.
En réponse à une observation de M. Eric Doligé sur la complexité et les difficultés qui caractérisaient parfois, en partie, les relations entre France Telecom et les collectivités publiques, il a souhaité, enfin, une simplification et une efficacité renforcée des partenariats et a évoqué les déconvenues rencontrées par certaines administrations ayant suivi les conseils de cabinets leur préconisant d'opter pour des opérateurs alternatifs.
Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales, et a nommé M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de ce projet de loi.