- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Projet de loi de finances pour 1999 - Nomination des rapporteurs spéciaux

Au cours d'une première séance, tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord désigné ses rapporteurs spéciaux. M. Alain Lambert, président, a indiqué que la liste proposée par le bureau de la commission ne présente que peu de modifications par rapport aux attributions antérieures des commissaires ; il a ajouté qu'une nouvelle discussion pourrait s'engager, en janvier prochain, afin de procéder à une nouvelle allocation des budgets qui corresponde mieux aux aspirations des commissaires. Cette liste s'établit comme suit :

I. BUDGETS CIVILS

A. BUDGET GENERAL
- Affaires étrangères et coopération

I-. Affaires étrangères M. Jacques Chaumont

II-. Coopération M. Michel Charasse

Affaires européennes M. Denis Badré

- Agriculture et pêche M. Joël Bourdin

- Aménagement du territoire et environnement:

I-. Aménagement du territoire M. Roger Besse

II-.Environnement M. Philippe Adnot

- Anciens combattants M. Jacques Baudot

- Communication audiovisuelle M. Claude Belot

- Culture M. Yann Gaillard

- Economie, finances et industrie :

I-.Charges communes ................................... M. Louis-Ferdinand
de Rocca Serra

II-.Services communs et finances M. Bernard Angels

III-.Industrie M. Jean Clouet

IV-. Petites et moyennes entreprises,

commerce et artisanat M. René Ballayer

. Commerce extérieur M. Marc Massion

- Education nationale, recherche et technologie :

I-. Enseignement scolaire M. Jacques-Richard Delong

II-. Enseignement supérieur M. Jean-Philippe Lachenaud

III-. Recherche et technologie M. René Trégouët

- Emploi et solidarité :

I-. Emploi M. Joseph Ostermann

II-. Santé et solidarité M. Jacques Oudin

III-. Ville M. Alain Joyandet

- Equipement, transports et logement :

( I-. Services communs

( II-. Urbanisme et Logement M. Jacques Pelletier

III-. Transports :

1. Transports terrestres M. Auguste Cazalet

( 2. Routes

( 3. Sécurité routière M. Gérard Miquel

4. Transport aérien et Météorologie M. Yvon Collin

IV-. Mer :

. Marine marchande M. Claude Lise

. Ports maritimes M. Marc Massion

V-. Tourisme Mme Marie-Claude Beaudeau

- Fonction publique et réforme de l'Etat M. Gérard Braun

- Intérieur et décentralisation :

. Sécurité M. André Vallet

. Décentralisation M. Michel Mercier

Jeunesse et sports M. Michel Sergent



- Justice M. Hubert Haenel

- Outre-mer M. Henri Torre

- Presse M. Claude Belot

- Services du Premier Ministre :

I-. Services généraux M. Roland du Luart

II-. Secrétariat général de la défense

nationale M. Michel Moreigne

III-. Conseil économique et social M. Claude Lise

IV-. Plan M. Claude Haut

B. BUDGETS ANNEXES

. Aviation civile M. Yvon Collin

. Journaux officiels M. Thierry Foucaud

. Légion d'honneur, ordre de la Libération M. Jean-Pierre Demerliat

. Monnaies et médailles Mme Maryse Bergé-Lavigne

. Prestations sociales agricoles M. Joël Bourdin

II - DEFENSE

. Exposé d'ensemble et dépenses en capital M. Maurice Blin

. Dépenses ordinaires M. François Trucy

III.- AUTRES DISPOSITIONS

. Comptes spéciaux du Trésor M. Paul Loridant

M. Jacques Oudin a estimé qu'il faudrait, lors de la prochaine attribution des budgets, tenir compte des spécialités des commissaires afin de renforcer l'efficacité du travail des rapporteurs spéciaux.

Après avoir donné l'accord du groupe des Républicains Indépendants à la répartition proposée, M. Jean-Philippe Lachenaud a rappelé que les rapporteurs ont intérêt à changer régulièrement d'attribution afin de conserver un oeil neuf sur le budget qu'ils rapportent, et de ne pas céder à la routine, préjudiciable à la qualité de leur travail et à l'image de la commission des finances.

M. Jacques Pelletier a également souhaité qu'une réallocation s'opère avant le très symbolique budget de l'an 2000.

M. Bernard Angels a donné l'accord du groupe socialiste à la répartition proposée et a également souhaité qu'elle soit revue en janvier prochain.

Après ces interventions, la commission s'est prononcée à main levée sur la liste présentée par le président. Elle a été adoptée à l'unanimité.

Office parlementaire d'évaluation de la législation - Désignation d'un membre de droit



La commission a ensuite procédé à la désignation d'un membre représentant de la commission des finances du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation en remplacement de M. Guy Cabanel.

La candidature de M. Jacques Pelletier a alors été présentée par le groupe RDSE.

M. Bernard Angels a souhaité que, conformément au souhait du président de faire fonctionner la commission des finances de façon pluraliste, la participation de membres du groupe socialiste à la représentation externe du Sénat soit renforcée.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que cette volonté s'était traduite tout récemment, les membres du groupe socialiste s'étant vu proposer de rapporter des budgets non négligeables. Il a par ailleurs rappelé que la désignation de sénateurs comme membres d'organismes externes respectait, au niveau du Sénat, la règle de la représentation proportionnelle.

Prenant l'exemple du Fonds d'aide et de coopération (FAC) au sein duquel siègent trois députés et un seul sénateur, M. Michel Charasse a souhaité que le secrétariat de la commission des finances étudie la question de l'équilibre entre sénateurs et députés dans les organismes bénéficiant d'une représentation parlementaire. Il a souhaité que la démarche entamée auprès du Premier ministre soit poursuivie afin de rétablir un certain équilibre, même sans nécessairement atteindre la parité, entre les représentations du Sénat et de l'Assemblée nationale.

M. Jacques Oudin a estimé que rien ne s'opposait, en la matière, à un principe de parité, comme c'était déjà le cas au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Alain Lambert, président, s'est engagé à poursuivre cette réflexion et à reprendre les démarches entamées.

A la suite de ces interventions, la commission a désigné M. Jacques Pelletier comme représentant de la commission des finances du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.

Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques - Désignation d'un membre de droit

Enfin, la commission a procédé à la désignation d'un représentant de la commission des finances du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, en remplacement de M. Philippe Marini qui, en sa qualité de rapporteur général, en devient membre de droit.

M. Jacques Oudin, a été désigné par la commission comme représentant de la commission des finances du Sénat à l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Contrôle budgétaire - Mission : Mozambique, Zimbabwe, Tanzanie, Malawi, Zambie et Soudan (30 juin au 15 juillet 1998)

Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Alain Lambert, président, puis de M . Philippe Marini, rapporteur général, la commission a entendu une communication de M. Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits de la coopération sur la mission de contrôle sur pièces et sur place des services du ministère de la coopération et de l'Agence française de développement qu'il a effectuée, du 30 juin au 15 juillet dernier, dans les six pays suivants : Mozambique, Zimbabwe, Tanzanie, Malawi, Zambie et Soudan,

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé que son déplacement dans des pays si divers dans leurs besoins et leurs relations avec la France visait à établir un état des lieux préalable à la traduction, sur le terrain, de la réforme de notre dispositif de coopération, adoptée en Conseil des ministres le 4 février 1998.

Evoquant sa première étape, le Mozambique, il a rappelé les troubles qui avaient suivi la proclamation de son indépendance, en 1974, et qui expliquent pour partie l'extrême pauvreté de ce pays (qui occupe la 166e place sur 174 pour le revenu par habitant).

Puis, il a indiqué que, pour consolider ses efforts de reconstruction, menés dans un climat de démocratie reconnu par les institutions internationales, le Mozambique a rejoint le Commonwealth, la Communauté des états lusophones et souhaiterait rejoindre l'ensemble francophone.

Caractérisé par une élite de qualité, mais par la quasi-absence de classes moyennes, ce pays doit, pour se relever, surmonter l'absence totale d'infrastructures reliant la côte à l'intérieur, et les terribles entraves au développement que constitue la dissémination d'innombrables mines antipersonnel.

Selon le rapporteur spécial, les opérateurs économiques français présents sur place, se plaignent des rigidités d'une bureaucratie tatillonne, mais soulignent la qualité de l'appui fourni par nos différentes structures de coopération.

Notre aide financière au Mozambique, pays qui fait partie du "champ", se montait en 1997 à 250 millions de francs, dont 190 transitaient par l'Agence française de développement (AFD). Trois priorités ont été définies : présence culturelle, santé publique, appui aux missions de souveraineté de l'état mozambicain.

Le Fonds d'aide et de coopération (FAC) a retenu quatorze projets pour 20 millions de francs en 1996, puis 18 millions en 1997. Ces actions se déroulent correctement, sous la réserve de trop longs délais de réalisation.

La dernière initiative française, peu coûteuse (3,9 millions de francs budgétés, 2,1 millions consommés) a connu un éclatant succès : il s'agit de la réalisation de l'adressage des rues de Maputo, élément de base de la gestion municipale qui faisait jusque-là défaut.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, s'est ensuite rendu au Zimbabwe, pays dont la relative prospérité est fondée sur la densité des infrastructures héritées de la colonisation, et sur une prudente gestion politique du Président Mugabe depuis l'indépendance intervenue en 1980.

Cependant, les récentes décisions en matière foncière qui pénalisent les citoyens d'origine européenne, moteurs de l'économie, comme l'usure du pouvoir du Président, à la tête du pays depuis 1980, constituent des facteurs d'instabilité potentielle. Les opérateurs économiques français ont évoqué la prééminence des intérêts anglo-saxons et sud-africains dans les circuits économiques.

Les modestes crédits de l'ambassade de France (7,3 millions de francs en 1997) sont, pour l'essentiel, affectés à la coopération scientifique et technique.

La Proparco, filiale de l'Agence française de développement, vient d'ouvrir une agence à Harare, qui aura également compétence pour le Malawi et la Zambie.

Le renforcement de notre présence dans ce pays devrait prioritairement s'appuyer sur le département français de la Réunion, dont la proximité géographique avec le Zimbabwe est aujourd'hui sous-utilisée.

Il faudrait accroître, dans cette optique, les capacités d'intervention de notre préfecture à Saint-Denis.

S'agissant de la Tanzanie, M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a rappelé qu'elle restait pauvre (revenu annuel de 140 dollars par habitant), très dépendante de l'extérieur, et que sa dette se montait à 200 % du PIB en 1997.

Doté de ressources naturelles considérables, ce pays offre à de nombreux opérateurs économiques de vastes possibilités d'action. Notre coopération, l'une des plus modestes d'Afrique, y est en décroissance régulière (4,3 millions de francs en 1991, 3,4 en 1998). Cependant, ce pays est entré en 1997 dans la zone d'intervention de l'AFD, à partir de son bureau de Nairobi, et deux projets (énergie et développement rural) sont à l'étude. Un autre grand projet d'adduction d'eau pourrait conduire à l'octroi de 80 millions de dollars, sous réserve que soient retenues des offres d'entreprises françaises.

La Proparco, qui accompagne les privatisations en cours, a également pris des participations pour 20 millions de francs, et attribué 80 millions de francs de crédits.

Deux sujets d'interrogation ont été évoqués par M. Charasse, rapporteur spécial : d'une part, les conditions de réalisation d'un projet d'adduction d'eau qui était initialement destiné à la localité de Bariadi, dans le nord du pays. Or, sans motifs clairement argumentés, ce projet a finalement été réalisé dans la capitale, Dar-es-Salam. D'autre part, la qualité d'une aide alimentaire de 147.000 francs attribuée en 1997 par la France a été contestée par les autorités locales, qui ont affirmé que les céréales qui la composaient étaient impropres à la consommation, du fait de l'infection par un parasite. Il conviendrait qu'à l'avenir, la qualité des livraisons analogues soit contrôlée dès son débarquement pour éviter d'éventuelles malversations.

Enfin, M. Charasse, rapporteur spécial, a regretté l'insuffisance manifeste des crédits (1,5 million de francs) destinés à la construction d'une nouvelle Alliance française.

Evoquant son bref passage au Malawi, qui figure parmi les pays les plus pauvres du monde avec un PIB de 200 dollars par habitant, M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a fait part des regrets suscités au sein des autorités malawites par la fermeture de notre ambassade en 1996. Il a rappelé que neuf protocoles financiers, pour un montant total de 465 millions de francs avaient été signés depuis 1980, et que l'AFD est autorisée à intervenir au Malawi depuis 1997. Il a concentré ses observations sur l'absence de réalisation d'un projet d'adduction prévu à Limbe, dans la vallée de la Shine  : un protocole financier conclu en 1996 avait affecté 20 millions de francs à cette opération. Or, aucune autorité française ne connaît la destination finale de cet argent, car c'est à l'occasion de la visite du projet par le rapporteur du Sénat qu'a été constaté l'abandon des travaux.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a tenu à alerter la commission sur les suites éventuelles à donner à cette affaire.

Passant à la Zambie, il a rappelé que le FMI l'avait incitée à un plan d'ajustement structurel, aujourd'hui bien avancé, en matière de privatisation.

La coopération française était, en 1997, limitée à 2,5 millions de francs ; l'AFD intervient depuis peu dans ce pays, avec, notamment, un prêt de 48 millions à la compagnie nationale d'électricité. L'opération la plus remarquable, menée conjointement par la Direction des relations économiques extérieures et le Programme des Nations-Unies pour le développement, porte sur la création d'un centre d'aide à l'enfance défavorisée à Lusaka.

Evoquant enfin le Soudan, terme de son périple, M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a rappelé qu'il s'agissait d'un pays en état de guerre civile conduisant à la répression policière et à une crise alimentaire. Malheureusement, la nature durable des antagonismes à l'origine de cet affrontement entre les populations du nord, arabes et islamiques, et celles du sud, dinka et animistes ou chrétiennes, laisse peu d'espoir pour une paix durable.

En dépit de ce contexte difficile, de nombreuses entreprises françaises sont présentes au Soudan, dont Total, qui y dispose d'une immense concession pétrolière (120.000 km²) encore inexploitée.

La coopération française est dirigée, pour l'essentiel, vers l'action culturelle (2 millions de francs en 1998), et scientifique (1,2 million).

Le rapporteur spécial a tenu à saluer le dynamisme du Centre culturel de Khartoum, et le soutien accordé au Muséum archéologique de la capitale.

Au terme de cet exposé, M. Alain Lambert, président, a félicité le rapporteur spécial qui, une fois encore, avait accompli un travail exemplaire par sa continuité dans le temps, et la diversité de ses observations.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que l'approche géographique de M. Michel Charasse, rapporteur spécial, s'était faite dans des pays qui ne relèvent pas tous du champ de compétence du ministère délégué à la coopération, ce qui explique la diversité des sommes qui y sont affectées par la France. Il s'est également interrogé sur l'opportunité d'un redéploiement des postes diplomatiques dans cette zone d'Afrique australe.

En réponse, M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a observé que la fusion en cours du ministère des services des affaires étrangères et des services de la coopération fera disparaître le champ spécifique au ministère délégué. Il a fait part également de sa perplexité devant le caractère apparemment irrationnel des implantations des postes d'expansion économique (PEE).

M. François Trucy a relevé l'intérêt du projet d'adressage des rues de Maputo pour d'autres pays comme la Libye.

M. Jacques Chaumont a interrogé M. Michel Charasse, rapporteur spécial, sur l'importance numérique des citoyens du Zimbabwe d'origine européenne, sur le jugement qu'il portait sur le rôle des Organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que sur les modalités de l'aide alimentaire française au Soudan.

M. Jacques Pelletier a estimé que notre coopération devrait s'attacher à la formation de classes moyennes, dont la présence est nécessaire à l'émergence de la démocratie. Il s'est interrogé sur la bonne cohérence entre les actions de coopération des acteurs les plus impliqués, comme la France, le Japon ou l'Union européenne.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a craint que la Tanzanie et le Malawi, proche du Rwanda, ne soient touchés par l'exode des réfugiés en provenance de ce pays. Elle a interrogé M. Michel Charasse, rapporteur spécial, sur la nature des entreprises françaises opérant dans les pays qu'il avait visités.

M. Yann Gaillard a évoqué une possible influence croissante des Etats-Unis dans cette région, et a interrogé le rapporteur spécial, sur son sentiment à cet égard.

Enfin, M. René Ballayer a souhaité connaître la devise de référence dans cette zone, ainsi que la nature de l'accueil qui avait été réservé au rapporteur spécial.

En réponse, M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a précisé que la France participait, par l'intermédiaire d'entreprises privées, aux actions de déminage au Mozambique, et que l'opération d'adressage des rues de Maputo mériterait de faire l'objet d'un dépôt de brevet.

Il a rappelé que la majorité des terres agricoles du Zimbabwe est toujours détenue par des citoyens d'origine européenne et que le Président Mugabe argue de la non-exploitation de nombre d'entre elles pour légitimer sa réforme foncière.

S'agissant de l'aide alimentaire apportée par la France au Soudan, pays sous embargo de l'ONU, il a confirmé qu'elle se faisait non pas directement, mais par les canaux d'organisations humanitaires internationales. Il a rappelé qu'il était difficile de se prononcer sur l'état réel des populations du sud du Soudan, partie du pays la plus affectée par les hostilités, faute d'informations impartiales et crédibles ; il a déploré que ces populations soient en butte au double harcèlement des troupes gouvernementales et rebelles.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a constaté que les ONG sont parfois devenues des structures professionnelles, fonctionnant grâce aux soutiens financiers des Etats. Si la France y a, comparativement à d'autres pays développés, peu recours, c'est qu'elle dispose à titre principal de fortes structures de coopération pour agir dans les pays considérés.

Il a confirmé que, bien que géographiquement proches du Rwanda, ni le Malawi, ni la Zambie ne semblaient affectés par les tensions propres à ce pays.

Quant aux principales sociétés françaises opérant dans cette zone, il a rappelé qu'elles vont d'Alcatel à Michelin en passant par Elf, Total, sans compter de nombreuses entreprises de grands travaux et de génie civil.

Il a précisé que l'Afrique australe se trouvait en dehors de la zone franc et que la monnaie de référence y est le dollar américain.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a conclu en rappelant l'excellent accueil qui lui avait été partout réservé, expression de l'attente que tous ces pays ont envers la France, et a estimé que cette attente se nourrissait partiellement, d'un rejet du monde anglo-saxon.

La commission, à l'unanimité, a donné acte de sa communication à M. Michel Charasse, rapporteur spécial, après que M. Philippe Marini, Président, en eut souligné l'intérêt et la qualité.

Projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 - Audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité

Puis la commission a entendu Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les crédits de son département ministériel et sur le projet de loi (n° 1106 AN XIe législature) de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Après avoir rappelé que l'emploi constituait la priorité "numéro un" du Gouvernement, Mme Martine Aubry a souligné que la croissance devrait créer en 1999, 275.000 emplois, mais qu'il restait cependant nécessaire de l'accompagner par des réformes structurelles. Elle a précisé que le budget de l'emploi augmenterait de 4 % et celui de la santé de 4,5 % tandis que l'ensemble des dépenses de l'Etat progresseraient en 1999 de 2,3 %. Elle a également souligné que les trois priorités majeures (emplois jeunes, réduction du temps de travail, lutte contre les exclusions) coûtaient, à elles seules, 13 milliards de francs et elle a indiqué qu'elle avait procédé, pour les financer, à une recomposition du budget, qui comporte 17 milliards de francs de mesures positives, compensées partiellement par 10 milliards de francs d'ajustements et d'économies, notamment sur les contrats initiative-emploi (CIE) et les préretraites.

Puis, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a détaillé les trois principaux axes de la politique du Gouvernement en ce qui concerne le budget de l'emploi.

Elle a rappelé qu'il s'agissait tout d'abord de financer les programmes que le Gouvernement estime prioritaires : la mise en place de la loi relative à la réduction du temps de travail (35 heures) pour un coût de 3,7 milliards dont 200 millions au titre des aides au conseil, la poursuite du plan emplois-jeunes pour un coût total de 14,3 milliards, dans le cadre duquel 138.000 emplois avaient déjà été créés, de sorte que l'objectif que s'était fixé le Gouvernement (150.000 emplois à la fin 1998) devrait être atteint. A ce titre, elle a tenu à préciser que ces emplois ne devaient pas concurrencer ceux du secteur privé. Enfin, elle a confirmé que la politique d'allégement des charges sur les bas salaires serait poursuivie en 1999 avec une dotation totale de 43 milliards de francs.

Puis elle a détaillé le deuxième axe de la politique du Gouvernement qui consiste à aider les publics les plus éloignés de l'emploi et les plus en difficulté. Ainsi, elle a tenu à indiquer que, dans le cadre des orientations du Conseil de Luxembourg du 21 novembre 1997, la politique du "nouveau départ" se traduirait par un recentrage des contrats emploi-solidarité (CES) au profit des personnes les plus en difficulté et que le nombre des contrats emplois consolidés (CEC) serait porté à 60.000, dont 70 % seront destinés aux personnes en situation d'assistance. Par ailleurs, dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions, elle a précisé que le programme TRACE concernerait 40.000 jeunes en 1999 pour un montant total de crédits de 238 millions de francs, que 10.000 contrats de qualification pour les jeunes adultes sans formation seraient mis en place et que les crédits destinés à l'insertion par l'économique seraient doublés. En contrepartie, un certain nombre de politiques plus classiques seraient recentrées, qu'il s'agisse des contrats emploi-solidarité (CES) dont le nombre total passera de 450.000 à 425.000, des contrats initiative-emploi (CIE) afin d'éviter d'éventuels " effets d'aubaine " ou du système des pré-retraites du Fonds national pour l'emploi. Elle a enfin souligné que les crédits destinés au Fonds de solidarité avaient été accrus en vue de financer la revalorisation de l'Allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'Allocation d'insertion (AI), ainsi que la mise en place de l'Allocation spécifique d'attente (ASA).

Par ailleurs, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité a tenu à rappeler que les moyens consacrés à la formation professionnelle seraient augmentés et que les contrats de formation en alternance seraient recentrés sur les jeunes sans qualification.

Elle a enfin développé le troisième axe de sa politique consistant à accroître les moyens du service public de l'emploi. Elle a indiqué que la subvention de fonctionnement versée à l'ANPE serait augmentée afin de mieux faire face aux demandes venant des publics les moins favorisés, notamment les bénéficiaires du RMI, tout en se félicitant des efforts déjà réalisés par l'Agence en direction des entreprises. Elle a confirmé que les moyens des missions locales seraient accrus et que les services du ministère seront renforcés par la création de 140 contrôleurs et de 10 inspecteurs du travail, ceux-ci ayant en effet, outre leur fonction de contrôle des entreprises, une mission de conseil auprès de celles-ci.

Puis, la ministre a présenté les crédits de la santé et de la solidarité qui, à structure constante, progressent de 4,5 % et représenteront en 1999, 80 milliards de francs, dont 4,2 milliards au titre de l'Allocation pour parent isolé (API), jusqu'alors prise en charge par le régime de sécurité sociale. Elle a fait part de sa volonté de financer l'ensemble des mesures à caractère social contenues dans la loi de lutte contre les exclusions et notamment, le volet social du programme TRACE, de faire face à l'urgence en matière sociale et d'augmenter les moyens des CHRS (Centres d'hébergement et de réadaptation sociale). Dans le prolongement de la loi relative à la lutte contre les exclusions, elle a indiqué que le projet de loi relatif à la couverture médicalisée universelle devrait être déposé dans les prochaines semaines.

S'agissant du RMI, Mme Martine Aubry a constaté que les crédits qui lui sont consacrés (26,4 milliards en 1999) continuaient à augmenter malgré une stabilisation de la progression du nombre des demandeurs et que les crédits destinés à l'Allocation pour adultes handicapés (AAH) progresseraient de 3,7 %. Elle a également souligné que les moyens du ministère seraient renforcés et que le mouvement de résorption des emplois précaires au sein du ministère serait achevé en 1999. Elle a enfin précisé que les crédits spécifiques destinés à la ville et à l'intégration augmenteraient de 32 %, pour s'établir à 1 milliard de francs en 1999.

M. Philippe Marini, rapporteur général, après s'être inquiété des incertitudes sur le niveau de la croissance en 1999 et, partant, de ses effets sur le niveau de l'emploi, a relevé que l'évolution récente des chiffres du chômage faisait apparaître une progression significative du nombre des demandeurs d'emplois au mois d'août.

Mme Martine Aubry a indiqué que, malgré les aléas des marchés asiatiques ou les variations du cours du dollar, les prévisions du Gouvernement correspondaient à celles des principaux instituts de conjoncture et cela en raison tant de la bonne santé des entreprises françaises que du fait que la croissance française était principalement soutenue par la demande intérieure. Elle a par ailleurs souligné qu'avec une croissance estimée à 3 % pour 1998, le nombre des chômeurs avait été réduit de 130.000 et qu'ainsi se trouvait confortée la volonté du Gouvernement de continuer à enrichir "le contenu en emplois" de la croissance. Elle a estimé que l'augmentation du nombre de chômeurs au mois d'août revêtait un caractère conjoncturel, notamment en raison des réinscriptions consécutives à l'interruption en juillet d'un certain nombre de contrats de travail à caractère précaire.

En réponse aux questions de M. Jacques Oudin, rapporteur spécial des crédits de la santé et de la solidarité, Mme Martine Aubry a indiqué que la progression des crédits consacrés au RMI en 1999 s'explique par la prolongation du mouvement antérieur, mais qu'une stabilisation des effectifs est perceptible au cours du premier semestre 1998, attribuable à la croissance économique ainsi qu'à la relance de l'insertion. Elle a jugé inacceptable que certains allocataires perçoivent encore le RMI depuis sa création en 1988.

La ministre a précisé que la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) prévue par l'article 83 du projet de loi de finances pour 1999, entraînerait une économie budgétaire de 31 millions de francs en première année et de 310 millions de francs sur cinq ans, qui se traduirait par un transfert de charges vers le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Elle a déclaré que la réorganisation hospitalière visait à garantir l'existence dans chaque région d'au moins un plateau technique de haut niveau, coordonné avec des services de proximité parfaitement sûrs, ce qui impliquait certaines fermetures accompagnées de redéploiements vers le long séjour et le médico-social. Elle a fait valoir que 2.900 lits ont été fermés et 330 services hospitaliers restructurés en 1997, avec l'aide conjointe de l'Etat et des caisses d'assurance maladie, tandis que les agences régionales de l'hospitalisation achèvent l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) de la deuxième génération. Elle a souligné que le critère de 300 accouchements minimum par an fixé pour les maternités serait appliqué avec discernement, en fonction du contexte local.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a relevé que la politique conventionnelle avec l'industrie pharmaceutique présente peu de cohérence en termes de santé publique. Elle a indiqué vouloir la réviser par classe médicamenteuse, afin de renégocier les prix et les taux de remboursement en fonction du seul intérêt médical, tout en garantissant l'existence d'au moins un médicament efficace et bien remboursé par classe. Elle a estimé trop nombreux les 330 laboratoires pharmaceutiques existants, dont beaucoup sont maintenus artificiellement en vie par des pratiques de prix inadéquates. Elle s'est déclarée favorable à une recomposition du secteur, qui trouvera ainsi une nouvelle compétitivité et pourra bénéficier des niveaux de prix internationaux pour les médicaments réellement innovants.

La ministre a remarqué que le taux de 2,6 % proposé pour la progression en 1999 de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) était plus rigoureux qu'en apparence, compte tenu du dérapage prévu de l'ONDAM en 1998, et demeurait inférieur au taux de croissance en valeur du PIB.

Elle s'est félicitée d'avoir relancé le processus d'informatisation du système de soins et elle s'est déclarée convaincue que les médecins, dont le taux d'équipement informatique est passé de 30 % à 50 % en un an, finiraient par y adhérer une fois compris qu'il s'agit d'un outil d'aide à la qualité des soins et de réduction des coûts, et non d'un instrument de coercition.

La ministre s'est déclarée d'accord sur la nécessité de rendre plus homogènes les comptes de la sécurité sociale, et elle a annoncé la mise en place d'une commission de transparence sur ce sujet.

M Joseph Ostermann, rapporteur spécial des crédits de l'emploi, a souhaité connaître les modalités de financement de la loi relative à la réduction du temps de travail, et notamment les règles selon lesquelles a été défini le montant pris en charge par les régimes de sécurité sociale. Il a également souhaité obtenir des éclaircissements sur la nature de la contribution de 500 millions de francs que le Gouvernement entend mettre à la charge des organismes paritaires collecteurs agrées, ainsi que des précisions concernant la remise à niveau des crédits consacrés au financement de la ristourne dégressive sur les bas salaires.

M. André Vallet s'est inquiété des modalités concrètes de mise en place des emplois jeunes, ainsi que des risques éventuels de dérive pouvant exister en ce domaine.

Mme Marie-Claude Beaudeau a souhaité savoir comment les missions des nouvelles agences de veille sanitaire s'articuleraient avec celles du nouvel organisme de surveillance des organismes génétiquement modifiés (OGM), dont la création a été récemment annoncée.

M. Yann Gaillard a témoigné de l'exaspération des maires à l'égard des profiteurs du RMI. Considérant que la préférence de certains pour le RMI, éventuellement agrémenté d'un peu de travail au noir, pouvait relever d'un choix rationnel, il s'est déclaré favorable à la possibilité de cumuler temporairement le RMI avec un salaire lors du retour à l'emploi.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité connaître les intentions du Gouvernement en matière de réforme de l'assiette des cotisations sociales, ainsi que d'assurance maladie universelle.

En réponse aux intervenants, Mme Martine Aubry a indiqué que 20 % des entreprises négocient actuellement la réduction du temps de travail et que 20 % s'apprêtent à le faire. Elle a fait valoir que 400 accords ont été signés en deux mois depuis la publication des décrets d'application de la loi, prévoyant une augmentation moyenne des effectifs de 8 %. Considérant que le débat très théorique au sommet ne reflétait pas la réalité des négociations dans les entreprises, elle s'est félicitée que les souhaits des salariés soient conciliés avec les besoins des entreprises et a estimé le mouvement désormais bien engagé. La ministre a précisé que la provision budgétaire de 3,7 milliards de francs prévue à ce titre pour 1999 serait complétée par une fraction encore indéterminée de la provision de 3 milliards de francs inscrite en 1998, ainsi que par le recyclage des économies réalisées par la sécurité sociale grâce aux embauches.

Elle a indiqué que la dotation de 9,25 milliards de francs prévue pour l'apprentissage en 1999 permettrait de financer 20.000 contrats de plus, mais que les primes à l'embauche seraient recentrées sur les plus bas niveaux de qualification. Elle a justifié le nouveau prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de l'alternance par le fait que cette trésorerie demeure sous-utilisée.

La ministre a précisé que la dotation de 43 milliards de francs prévue pour le financement de la ristourne dégressive sur les bas salaires en 1999 était cohérent avec la prévision de dépenses de 41,5 milliards de francs pour 1998.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est déclarée favorable à une réforme des cotisations sociales patronales qui aboutirait à un transfert de charges, favorable à l'emploi, des secteurs de main-d'oeuvre vers les secteurs capitalistiques. Soulignant que cette réforme devrait intervenir sans accroissement des prélèvements sur les ménages, ni des prélèvements globaux sur les entreprises, elle a considéré que la diminution corrélative de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle permettrait qu'aucune entreprise ne voie accroître ses charges au total.

Elle a ajouté que les modalités de la réforme n'étaient pas encore décidées parce que certains des partenaires concernés avaient longtemps cru dans l'intérêt d'un basculement intégral de l'assiette sur la valeur ajoutée, dont le récent rapport de M. Malinvaud a montré les limites, mais que les consultations avançaient désormais.

Mme Martine Aubry s'est déclarée résolument opposée à toute substitution des emplois jeunes à des emplois publics ordinaires, et elle a observé que les élus locaux trouvaient souvent les préfets trop restrictifs en la matière.

Elle a indiqué que les emplois nouveaux prévus pour les missions locales seraient financés à moitié par l'Etat et à moitié par les collectivités locales, mais que celles-ci demeureraient parfaitement libres de leurs engagements.

Mme Martine Aubry s'est félicitée du travail très approfondi mené en commun avec les ministres du travail européens dans le cadre du programme du Luxembourg. Elle a indiqué que la formule des emplois jeunes est appliquée en Autriche et au Royaume-Uni, et est mise à l'étude en Allemagne. Elle a fait valoir que la France demeure l'un des pays européens où la durée du travail est la plus longue, et que certains Etats-membres, tels les Pays-Bas ou l'Allemagne, ont su réduire leur durée du travail par voie conventionnelle, sans recourir à la loi.

La ministre a indiqué que le projet de couverture maladie universelle vise à fournir une assurance de base aux quelques 150.000  personnes qui n'en disposent pas, ainsi qu'une couverture complémentaire au million de personnes qui en sont démunies.

Elle a ajouté que le rapport de M. Boulard proposait la gratuité effective pour les personnes disposant de revenus inférieurs au RMI, et une contribution symbolique pour les personnes disposant de revenus compris entre le RMI et le minimum vieillesse. Elle a précisé que le financement du dispositif serait assuré par le transfert de l'aide médicale gratuite des départements, ainsi que par l'apport financier des mutuelles et de l'Etat, cette dernière contribution budgétaire n'étant pour l'instant pas inscrite.

Mme Martine Aubry a indiqué que l'enquête comparative du mensuel Sciences et Avenir sur les établissements hospitaliers se fonde sur des chiffres fournis par la direction des hôpitaux, en application de la loi sur la transparence administrative. Tout en regrettant le côté parfois abrupt des comparaisons effectuées par les journalistes, elle s'est déclarée favorable à une transparence accrue en matière de qualité des services hospitaliers.

Elle a objecté que la mission de réflexion voulue par le Premier ministre sur les relations entre santé et environnement ne déboucherait pas forcément sur un organisme de surveillance des OGM, qui viendrait s'ajouter aux trois organismes prévus par la loi de sécurité sanitaire.

Mme Martine Aubry s'est déclarée favorable à une réorganisation des services d'aide à domicile, qui résultent de la stratification de régimes multiples, en fonction de la dépendance physique et de la dépendance financière des personnes. Elle a affirmé que le simple fait d'être âgé ne donne pas droit à être pris en charge par l'Etat ou par la sécurité sociale. Elle a estimé également important d'inciter à la professionnalisation des métiers de l'aide à la dépendance, ainsi qu'à la transparence tarifaire des établissements d'accueil des personnes âgées.

Tout en admettant qu'il existe marginalement des profiteurs du RMI, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que les allocataires du RMI sont dans leur grande majorité disposés à faire des efforts d'insertion mais restent freinés par la peur de l'échec, ce qui justifie le mécanisme de cumul temporaire avec des revenus d'activité voté dans le cadre de la loi d'orientation de lutte contre les exclusions. Elle a précisé qu'en 1997, 30.000 "Rmistes" ont été radiés pour refus d'insertion, tandis que 36 % sont sortis du dispositif.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité connaître les ressources et les modalités de gestion du fonds de sauvegarde des régimes de retraite par répartition proposé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Mme Martine Aubry a reconnu que les 2 milliards de francs prévus pour abonder ce fonds sont symboliques. Elle a indiqué que les excédents ultérieurs de la sécurité sociale lui seraient affectés, ainsi que le produit de la cession des caisses d'épargne. Elle a ajouté que les modalités de gestion seraient fixés à l'issue de la vaste concertation sur l'avenir des retraites engagée par le commissaire au Plan, à la demande du Premier ministre. Soulignant qu'une modification des paramètres de fonctionnement des régimes de retraite est inéluctable, la ministre a affirmé que le fonds permettrait d'accompagner le passage d'un système à un autre. Elle a enfin estimé éminemment souhaitable que l'ensemble de la représentation nationale puisse se mettre d'accord sur le sujet des retraites.

JEUDI 15 OCTOBRE 1998

- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Economie - Situation conjoncturelle en 1998 et prévisions économiques pour 1999 : auditions de , M. Eric Chaney de Morgan Stanley, M. Michel Didier de Rexecode, et M. Philippe Sigogne de l'Observatoire Français de Conjoncture Economique(OFCE)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de trois économistes sur la situation conjoncturelle en 1998 et les prévisions économiques pour 1999.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que les trois économistes présents, M. Eric Chaney de Morgan Stanley, M. Michel Didier de Rexecode, et M. Philippe Sigogne de l'Observatoire Français de Conjoncture Economique (OFCE), participent aux travaux de la commission des comptes de la Nation où les prévisions du Gouvernement sont confrontées avec celles des organismes indépendants de prévision économique.

Ayant évoqué les incertitudes du climat économique, il a appelé chacun des intervenants à s'exprimer avec une totale liberté afin d'éclairer au mieux la commission à la veille du débat budgétaire.

M. Eric Chaney a souligné le caractère exceptionnel de la situation économique, marquée par l'entrée en récession, à des degrés divers, de l'ensemble des pays en voie de développement. Il a insisté sur le fait que, malgré des statistiques favorables, la Chine, souvent considérée comme en mesure de résister à la crise, connaissait, en réalité, de graves problèmes. Afin d'illustrer l'importance pour les pays industrialisés des pays en développement, il a indiqué que ceux-ci absorbent respectivement 50 % et 55 % des exportations de la zone euro et de l'Amérique du Nord. Complétant le panorama de l'économie mondiale, il a souligné que deux pôles de croissance demeuraient, l'Amérique du Nord et l'Europe continentale, où la demande intérieure soutenait l'activité.

Il a alors fait deux observations :

- au-delà de la situation financière, l'élément essentiel à surveiller était la poursuite du ralentissement mondial du fait de l'approfondissement de la crise en Asie et de l'entrée prochaine en récession des pays d'Amérique latine ;

- l'appréciation des taux de change des monnaies de référence, le dollar, l'euro et le yen, aurait pour effet une exportation de la croissance des pays industrialisés vers les pays en développement, toute la question étant de savoir qui de l'Europe ou des Etats-Unis perdrait le plus de croissance du fait des mouvements du chômage.

Dans ces conditions, il a considéré que le commerce mondial devrait en 1999 connaître une croissance particulièrement peu dynamique, de l'ordre de 3 %. Il a indiqué que, dans un contexte où l'activité aux Etats-Unis se situerait autour de 2 % en 1999, scénario jugé par lui optimiste, la zone euro devrait, elle, enregistrer une croissance de 2 % également, après 2,7 % en 1998. Il a précisé que l'Allemagne, dont l'économie est particulièrement sensible au commerce mondial, pourrait ne croître que de 1,5 %, tandis que la France connaîtrait une croissance de 2 %.

Il a conclu son propos en estimant peu réalistes les hypothèses économiques associées au projet de loi de finances pour 1999, comparant la prévision du Gouvernement de 4 % de croissance nominale avec sa propre prévision de 2,8 %. Il a ajouté qu'un même problème concernait le financement de la sécurité sociale, dans la mesure où l'estimation de croissance de 4,3 % de la masse salariale lui paraissait surévaluée d'au moins un point. Il a alors souhaité que soit provisionné l'excédent probable de recettes de 1998, et jugé inévitable que les dépenses de l'Etat soient, en 1999, partiellement, réduites, afin que le déficit public ne dépasse pas en France le niveau des 3 % du PIB.

M. Michel Didier, après avoir rappelé que la prévision de croissance de Rexecode pour 1999 s'élevait à 2,3 %, a abordé successivement les cinq questions qui conditionnent, selon son institut, les prévisions économiques pour l'an prochain.

Evoquant la crise russe, mélange de dépréciation du rouble, de choc inflationniste massif, de perte de pouvoir d'achat et donc de récession, il a estimé que son impact mécanique pouvait être jugé assez faible, les importations russes ne représentant que 0,2 % du PIB mondial.

S'agissant de l'Amérique latine, il a souligné l'aggravation des menaces pesant sur cette zone du fait de la perte de valeur des matières premières et de taux d'intérêt manifestement exagérés. Mais il a indiqué que ces risques n'étant encore que latents, son institut ne considérait pas, pour le moment, comme inévitable l'apparition en Amérique latine d'une récession généralisée.

Pour l'Asie, où coexistent trois crises, celles de la Chine, de l'Asie du Sud-Est et du Japon, il a mentionné l'hypothèse selon laquelle, malgré une baisse considérable (- 14 %) de la production industrielle nipponne, les plans de relance japonais commenceraient à produire leurs effets en 1999.

Au sujet de la situation économique aux Etats-Unis, qu'il a qualifiée de point d'incertitude majeur, il a souligné les problèmes tenant à la situation d'endettement des ménages, à la correction boursière et à l'essoufflement des profits des entreprises pour indiquer que, selon lui, la croissance pour 1999 pourrait ne pas y dépasser 1,5 %.

Pour l'Europe, il a insisté sur le fait que, si la perspective de l'euro et le bas niveau des taux d'intérêt l'avaient jusqu'à présent protégée de la crise, le ressort de la croissance y était, en fait, détendu depuis le début de l'année.

Il a alors souligné le hiatus entre les résultats obtenus par les analyses macroéconomiques traditionnelles et le sentiment conjoncturel diffus, dominé par les effets de l'effondrement des bourses, par des enquêtes faisant apparaître une conjoncture en voie de retournement, ainsi que par les dépréciations du dollar, de la livre et de la couronne suédoise, responsables d'une appréciation de 10 % des monnaies appelées à disparaître au profit de l'euro.

Il a conclu son propos en s'inquiétant du risque résultant de la combinaison de politiques économiques nocives à la croissance en Europe, évoquant les dangers d'un creusement des déficits des comptes publics avec, dans le même temps, un resserrement de la politique monétaire. Il a alors appelé à une réforme en profondeur de nos méthodes budgétaires.

M. Philippe Sigogne a déclaré que, malgré une crise financière plus grave qu'on ne l'estime habituellement, la vigueur de la reprise économique observée en Europe depuis 1996 était telle qu'une prévision de croissance de l'ordre de 2,7 % en 1999 devait être considérée comme raisonnable.

Ayant rappelé que, selon les estimations du modèle Mimosa, l'effet dépressif de la crise asiatique était de l'ordre de 0,75 % du PIB en 1998 et en 1999, et que de nouveaux éléments de risques comme la récession américaine devaient être ajoutés au tableau de l'environnement international, il a estimé à un peu plus d'un point du PIB, le manque à gagner pour la croissance française consécutif à l'environnement international.

Il a souligné que, devant les crises financières actuellement en cours, un phénomène de déconnexion des climats économiques en Europe et aux Etats-Unis était probable. Il a justifié cette observation par les différences de situations économiques entre ces deux zones, insistant sur le fait que l'économie américaine se trouvait en situation de fin de cycle haussier et d'endettement excessif des agents économiques, alors qu'en Europe, l'absence de pressions salariales et des gains de productivité importants se combinaient pour déboucher sur des perspectives de profits soutenues pour les entreprises. Il a toutefois mis en évidence la dispersion des conjonctures économiques en Europe avec une certaine faiblesse du redémarrage des économies allemande et italienne, les autres économies continentales se portant mieux. Il a insisté sur le fait qu'en Allemagne, les perspectives de maintien de taux d'intérêt issues des déclarations du président de la Bundesbank, devraient favoriser une reprise économique soutenue.

S'agissant de la France, il a mis en lumière le retour, semble-t-il pérenne, d'un climat de confiance chez tous les agents économiques, ménages, mais aussi entreprises.

Il a cependant attiré l'attention sur la nécessité de mieux maîtriser les mouvements internationaux de capitaux et d'apporter des réformes à l'organisation du système monétaire et commercial international faute de quoi la croissance en France et en Europe, pourrait, à court terme, se trouver sévèrement entamée.

Il a, en particulier, mis en garde contre le phénomène des surcapacités, apparues depuis la fin des années 1980, d'abord au Japon, puis dans l'ensemble de l'Asie, du fait de la stratégie japonaise de recherche de gains de parts de marché, et, enfin, aux Etats-Unis. Les crises financières auxquelles on a assisté au Japon, en Asie et aux Etats-Unis, doivent être, selon lui, l'occasion de procéder aux indispensables restructurations. Actuellement, l'Europe ne semble pas connaître de problème de surcapacités, toutefois le risque existe : les entreprises européennes sont actuellement en très bonne situation de profitabilité (les taux d'intérêt réels sont inférieurs au taux de rendement de leur capital) mais cette situation, si elle constitue un moteur autonome de croissance, peut aussi déboucher sur une crise de surcapacités, dont les exemples asiatiques et américains démontrent qu'elle est difficile à gérer.

Après avoir souligné la difficulté de l'exercice auquel s'étaient soumis les trois intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a identifié dans leurs analyses, trois séries de facteurs : les structures financières (avec la crise sur les marchés financiers), les aspects monétaires (avec, en particulier, l'arrivée imminente de l'euro), et les fondamentaux de l'économie (investissement et emploi). Il a souhaité avoir quelques éléments d'information sur la dépendance commerciale de l'Europe et en particulier de la France vis-à-vis de l'extérieur. Concernant la zone euro, il s'est interrogé sur les conséquences, en termes de compétitivité des territoires, des décalages conjoncturels et structurels existant en Europe. Enfin, il a voulu connaître les estimations des experts quant à la parité du dollar en francs pour la fin de l'année 1999.

En réponse aux questions du rapporteur général, M. Eric Chaney a indiqué que le poids des exportations de biens et de services de la zone euro vers l'extérieur s'établissait à 11 % du PIB, un pourcentage semblable à celui des Etats-Unis mais sensiblement inférieur à celui du commerce international des pays européens. Il a alors présenté différents scénarios de parité du dollar : un scénario avec un dollar à 5,5 FF et une croissance de la zone euro à 2 %, et un second scénario avec un dollar à 4,9 FF et une croissance de la zone euro aux alentours de 0,7 %.

Au sujet de la parité du dollar, M. Philippe Sigogne a indiqué que la prévision de l'OFCE retenait une valeur de 5,15 FF, compatible avec un taux de croissance en France de 2,7 % PIB. En matière de convergence intra-européenne, il a insisté sur la nécessité, dans tous les pays de la zone euro, d'agir avec doigté en matière budgétaire, lorsque la croissance passait en dessous de 2 %.

M. Michel Didier a indiqué que, dans les perspectives de Rexecode, la parité retenue pour le dollar s'établissait à 5,65 FF, mais il a rappelé qu'il était préférable de raisonner sur des moyennes annuelles et non sur les points hauts ou bas atteints par une monnaie, estimant, en outre, qu'il ne fallait pas négliger les effets favorables indirects liés à la baisse de la devise américaine. Il a considéré qu'en dépit des convergences, il demeurerait toujours un certain décalage entre les territoires de la zone euro. Il a souligné que la contrainte de compétitivité pesant sur les entreprises françaises, serait renforcée en Union économique et monétaire, puisqu'un territoire en perte de compétitivité ne pourrait désormais s'ajuster qu'à travers l'emploi ou les capacités de production.

Rappelant que les conclusions des trois exposés avaient souligné le climat actuel de grande incertitude quant au taux de croissance prévisible pour 1999, il a préconisé un changement dans la méthode de préparation du budget. Il a souhaité que le budget soit désormais calé sur une hypothèse de croissance modérée (par exemple, pour le budget 1999, une croissance du PIB de 2 % et des prix de 1 %), afin de réduire le risque de voir dériver le déficit.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souligné que la prévision économique ne semblait pas être une science exacte. Elle s'est en outre interrogée sur la possible remise en cause du modèle libéral, modèle économique dominant, au regard de la récession mondiale à laquelle on assiste actuellement.

M. René Ballayer a considéré que les événements de politique intérieure aux Etats-Unis pouvaient être tenus pour partiellement responsables de la crise de la bourse américaine, transmise ensuite aux bourses européennes.

M. François Trucy a constaté qu'il existait un décalage d'environ six mois entre les réalités économiques et la réaction des agents économiques, telle que la traduisent les enquêtes de conjoncture.

Après avoir obtenu quelques précisions sur les chiffres annoncés par les intervenants, M. Roland du Luart s'est inquiété de savoir si les ponctions fiscales opérées en France pouvaient avoir le même effet négatif qu'en Italie.

M. Michel Charasse a souligné que les prévisions sur le niveau du dollar étaient souvent hasardeuses, celui-ci pouvant connaître rapidement des fluctuations très accentuées. Il a ensuite souhaité connaître avec précision l'impact, positif et négatif, d'une baisse du dollar sur l'économie française. Enfin, il s'est étonné de n'avoir entendu aucun des intervenants évoquer le sujet des 35 heures.

M. Alain Lambert, président, a souhaité savoir si des comparaisons pouvaient être faites avec la crise de 1992 et connaître l'appréciation des intervenants sur la vulnérabilité du système bancaire français face à la crise financière et à la récession économique.

En réponse aux questions du président et des commissaires, M. Michel Didier a indiqué que la question des 35 heures ne jouait pas un rôle fondamental dans les prévisions pour 1999, mais qu'il pourrait en aller différemment pour l'an 2000. Il a rappelé que la prévision économique n'avait pas la prétention d'être une science exacte, mais qu'elle n'en était pas pour autant inutile ou systématiquement fausse.

M. Philippe Sigogne s'est alarmé de la trop grande confiance des agents économiques dans la situation économique européenne, qui présente certes beaucoup d'atouts mais qui pourrait attirer, justement parce qu'elle semble encore préservée de la crise mondiale, un excès de capitaux extérieurs ; il a comparé, à cet égard, la situation actuelle avec celle de l'année 1992 où un ralentissement affectait l'Europe, alors que la France semblait immunisée. Concernant les 35 heures, il présenté des prévisions chiffrant leur effet à 20.000 emplois supplémentaires en 1998 et 50.000 pour 1999, en rappelant que les incertitudes sur les modalités concrètes de cette mesure en réduiraient vraisemblablement l'efficacité. Au sujet de la vulnérabilité du système bancaire évoquée par le président, il a souhaité que des réserves soient constituées pour couvrir des pertes probablement très importantes.

En ce qui concerne la situation des banques européennes et françaises, M. Eric Chaney a mis en lumière un risque de contraction du crédit en Europe. Il a rappelé, que selon les statistiques de la Banque des règlements internationaux, les engagements internationaux des banques de la zone euro s'élevaient à 7,2 % du PIB européen, un ratio 2,5 fois plus élevé que celui que connaissent les banques américaines. Il n'a pas exclu des risques de faillites, par exemple pour les banques fortement exposées au risque russe. Il a toutefois jugé que, dans l'ensemble, les ratios de solvabilité des banques demeuraient bons, et qu'en conséquence des pertes importantes ne devraient pas les conduire à réduire leur offre de crédit, même si l'on pouvait s'inquiéter des engagements " hors-bilan " des établissements bancaires. Il a alors estimé qu'il ressortait de la responsabilité du pouvoir politique d'exiger des banques plus de transparence dans la présentation de tous leurs engagements, en bilan comme en " hors-bilan ".

A propos des effets des fluctuations du dollar sur la croissance, et, après avoir mis en garde contre l'utilisation des modèles, qui ne prennent pas en compte la disparition, avec l'arrivée de l'euro, des conséquences nocives des fluctuations de parités entre les monnaies européennes, M. Eric Chaney a situé l'impact d'une baisse de 10 % de la valeur du dollar dans une fourchette allant de - 0,2 à - 0,8 point de croissance.

Au sujet de l'indice de confiance des industriels et des ménages, il a tenu à préciser que des circonstances exceptionnelles pouvaient parfois biaiser les résultats de telles enquêtes.

Il a conclu son propos en affirmant qu'aujourd'hui, le débat entre économistes ne se situait pas entre tenants et opposants du modèle libéral mais sur le choix des bons modes de régulation de l'économie de marché et sur la façon de réduire la brutalité des inévitables ajustements économiques.