Travaux de la commission des finances
- Mardi 29 mars 2005
- Délocalisations - Audition de MM. Lionel Fontagné et Jean-Hervé Lorenzi, membres du Conseil d'analyse économique
- Délocalisations - Audition de M. Jean-Louis Levet, chargé de mission auprès du Commissariat général du Plan
- Mission d'information à l'étranger - Inde - Désignation des membres
- Nomination de rapporteurs
- Délocalisations - Audition de MM. Lionel Fontagné et Jean-Hervé Lorenzi, membres du Conseil d'analyse économique
- Mercredi 30 mars 2005
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.
Délocalisations - Audition de MM. Lionel Fontagné et Jean-Hervé Lorenzi, membres du Conseil d'analyse économique
La commission a procédé, tout d'abord, à l'audition de MM. Lionel Fontagné et Jean-Hervé Lorenzi, auteurs d'un rapport, pour le Conseil d'analyse économique intitulé « Désindustrialisation, délocalisations ».
Au préalable, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition intervenait dans le cadre d'un programme de travail de la commission relatif aux délocalisations, après la remise de deux études extérieures, l'une sur les perspectives de délocalisation des emplois de services, l'autre relative à l'impact de l'évolution du mode de consommation des ménages sur la localisation d'activités.
M. Lionel Fontagné a indiqué que le rapport réalisé avec M. Jean-Hervé Lorenzipour le Conseil d'analyse économique mettait en évidence une nouvelle donne en matière de commerce international, datant ce tournant des années 1999-2000. Il a mis en évidence l'émergence de pays dotés d'un très large spectre d'avantages comparatifs, Inde et Chine notamment, dans la division internationale du travail. Il a observé un phénomène « d'aspiration » des emplois vers les pays à bas salaires, citant l'exemple de l'industrie japonaise, qui employait en 1990 15 millions de salariés au Japon et 1,2 million à l'étranger, et qui, dix ans plus tard, avait supprimé deux millions d'emplois au Japon et créé 1,6 million d'emplois à l'étranger. Il a observé que 100.000 emplois industriels étaient supprimés chaque année en France, mais que la part de l'industrie dans la richesse créée restait stable depuis 20 ans, autour de 17 à 18 % de la valeur ajoutée. Il a montré ainsi que l'industrie créait autant de valeur ajoutée avec moins de main-d'oeuvre. Il a souligné les limites des politiques de réindustrialisation menées dans certains bassins d'emplois, qui n'avaient pu empêcher, quelques années après, la fermeture d'usines à haute intensité de main-d'oeuvre attirées dans ces territoires grâce, notamment, à des subventions publiques. Il a rappelé que les délocalisations étaient à l'origine, chaque année, de la perte de 8.000 emplois, ce qui était très inférieur aux chiffres de 100.000 emplois observés au Royaume-Uni, ce pays considérant que les délocalisations étaient, pour son économie, un vecteur de compétitivité accrue. En ce qui concernait les emplois en France, il a jugé que la désindustrialisation n'était pas compensée par une spécialisation dans les services. Il a rappelé, par ailleurs, le lien entre niveau de vie dans les différents pays et productivité des salariés.
Analysant les conséquences de l'émergence des pays du Sud dans le commerce international, bénéficiant à la fois de la « productivité du Nord et des salaires du Sud », il a indiqué que ceci avait pour effet une sélection des produits sur lesquels les entreprises du Nord pouvaient conserver une compétitivité et une spécialisation de plus en plus fine des entreprises, au sein des différents secteurs d'activité. Il a estimé que l'ouverture des marchés conduisait à une réduction de l'importance de la fonction de production au profit de fonctions liées à la gestion de la complexité, complexité qu'il a attribuée au fractionnement des processus de production et aux enjeux importants qui en découlaient en matière de logistique.
Sur un plan macro-économique, il a souligné la difficulté à rendre compte du phénomène des délocalisations, les indicateurs étant vraisemblablement trop pauvres pour évaluer des impacts locaux et pour juger de ce qui se serait passé si l'entreprise n'avait pas délocalisé. Il a montré le décalage entre l'urgence du court terme qui nécessitait, dans les bassins d'emplois touchés par des délocalisations, une implantation de nouvelles activités en phase avec un niveau de qualification des personnes généralement peu élevé, et l'action de long terme qui exigeait d'accroître le niveau de qualification, afin de garder une avance technologique. Il a évoqué le « modèle français » de développement consistant à préférer des secteurs aux investissements cumulatifs, rappelant l'exemple de la part prise par la France dans les activités d'Airbus.
M. Jean Arthuis, président, a fait observer que certaines usines du Pakistan bénéficiaient désormais des mêmes avantages technologiques que celles des pays du Nord et a évoqué le cas d'usines chinoises conçues pour fabriquer des trains d'atterrissage pour Airbus.
M. Jean-Hervé Lorenzi, en réponse, a indiqué que c'était précisément pour cette raison que le rapport remis au Conseil d'analyse économique (CAE) s'intitulait « Désindustrialisation, délocalisations » jugeant que le réel problème était, en définitive, celui de la désindustrialisation, s'inquiétant de la « perte de substance » du tissu industriel français. Il a souligné la fin du paradigme consistant à imaginer une division internationale du travail reposant sur un emploi non qualifié au Sud et un emploi très qualifié, lié notamment à la recherche et au développement, au Nord. Il a néanmoins rappelé que l'adaptation des économies reposait toujours sur le cercle vertueux suivant : investissement dans le savoir, innovation, productivité et croissance. Abordant les propositions du rapport du CAE, il a montré que la France se caractérisait à l'heure actuelle par une grande incertitude devant l'avenir, un diagnostic partagé quant aux principales difficultés, mais une incapacité à mener une politique économique lisible. Il a observé qu'il était indispensable de mieux articuler les rapports entre les universités, les centres de recherche et l'industrie, remarquant tout l'intérêt des pôles de compétitivité tout en s'inquiétant des initiatives parallèles lancées par le gouvernement avec la création d'une agence pour l'innovation industrielle, initiée par le rapport de M. Jean-Louis Beffa et le projet de création de pôles de recherche prévu par le projet de loi d'orientation sur la recherche. S'il s'est félicité du nombre de propositions de création de pôles de compétitivité suscité par l'appel d'offres de la DATAR, il a souligné la nécessité de distinguer ces pôles entre ceux de niveau mondial, ceux de niveau européen et ceux de niveau national.
Il a souhaité, par ailleurs, qu'une plus grande attention soit portée à la nationalité des entreprises, mettant en évidence que celle-ci existait encore bel et bien, rappelant le lien entre la localisation des centres de décision et les activités à plus forte valeur ajoutée, comme celle de la recherche. Il a considéré qu'une politique industrielle restait indispensable, mettant en exergue, par exemple, le retard de l'Europe en matière de biotechnologies, mais que celle-ci devait dorénavant être mise en oeuvre à l'échelle communautaire. Enfin, il a souligné l'aide substantielle apportée par les administrations américaines à leur industrie dans tous les domaines, qu'il s'agisse par exemple, de prêts bonifiés ou d'une politique d'achats adaptée.
En réponse à une question de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'intérêt, pour lutter contre les délocalisations, de l'introduction d'une « TVA sociale » et d'une réforme de la taxe professionnelle, M. Jean-Hervé Lorenzi a indiqué que l'idée de « TVA sociale » méritait d'être analysée plus en détail et que le principe d'une réforme de la taxe professionnelle, dans un sens plus favorable à l'industrie, était nécessaire, puisque le coeur des économies résidait dans l'industrie.
M. Lionel Fontagné a indiqué, en complément, que les économistes considéraient habituellement que la fiscalité avait un impact réel, mais limité, sur les décisions de localisation des activités, jugeant que beaucoup avait déjà était fait pour alléger les charges sociales sur les emplois non qualifiés. En réponse à une intervention de M. Jean Arthuis, président, rappelant que l'industrie avait un fort effet d'entraînement sur le tertiaire, il a montré le flou de la frontière entre industrie et services face aux emplois supprimés dans l'industrie. Il a mis en avant l'important gisement d'emplois non créés en France.
M. Jacques Baudot, évoquant le cas de la région Lorraine et la crise de la sidérurgie, s'est montré inquiet quant à l'évolution de l'emploi, rappelant que beaucoup avait été fait avec des financements publics pour attirer des entreprises étrangères. Il a évoqué, de plus, la crise du textile dans les Vosges.
En réponse, M. Jean-Hervé Lorenzi a cité les efforts entrepris en Lorraine afin de développer les avantages comparatifs, grâce notamment à la création de la technopôle de Metz, soulignant la nécessité d'une élévation de niveau de la qualification des salariés, qui exigeait cependant du temps.
M. Alain Lambert a jugé que le rapport de MM. Fontagné et Lorenzi montrait que les solutions aux problèmes de désindustrialisation et de délocalisation étaient « entre nos mains », mettant en évidence, néanmoins, la difficulté d'une action de moyen et de long termes, les entreprises privées se trouvant, du fait de l'exigence des marchés, dans un horizon de court terme, tout comme les décideurs publics qui étaient, eux, confrontés au cycle électoral.
En réponse, M. Lionel Fontagné a tout d'abord évoqué la très forte inquiétude en France de la population face aux problèmes de délocalisation, sans rapport avec les ordres de grandeur réels du problème. Il a souligné la nécessité d'éviter les discours anxiogènes et rappelé que les causes du haut niveau de chômage étaient à trouver en France même. Il a indiqué que le monde anglo-saxon ne considérait pas la question des délocalisations de la même manière. Revenant sur les solutions mises en place, par exemple, à la suite de la crise de la sidérurgie, il a considéré que la recherche d'industries de remplacement, à haute intensité de main-d'oeuvre, ne constituait qu'une solution palliative de court terme, mais que, sur le long terme, la France ne pourrait conserver le même niveau de vie qu'en préservant une avance technologique. Il a ainsi rappelé que la France avait un niveau de vie qui s'établissait à 75 % de celui des Etats-Unis, car sa productivité représentait également 75 % de la productivité américaine.
En réponse à M. Roger Besse, indiquant que le Cantal n'avait pas de projet de pôle de compétitivité et s'inquiétant des possibilités de développement du tourisme, M. Jean-Hervé Lorenzi a rappelé que les points d'excellence ne pouvaient pas être les mêmes sur tous les territoires, et que l'activité touristique était, selon lui, amenée à progresser en raison du vieillissement de la population.
M. Alain Lambert a indiqué que l'époque actuelle était marquée par une nouvelle étape de progrès scientifique. Il a regretté que la France, où le nombre d'élèves ingénieurs faiblissait, ait moins qu'au 19e siècle la philosophie du progrès.
En réponse à M. Michel Moreigne, M. Jean-Hervé Lorenzi, rappelant que 70 % de la croissance était liée aux progrès techniques, a jugé que, même si la seule solution ne pouvait consister, pour la France, à imiter le modèle américain, la croissance économique, plus enviable aux Etats-Unis qu'en Europe, amenait à s'intéresser à une économie où le processus de destruction et de création d'emplois, de mobilité des salariés était beaucoup plus prononcé que dans notre pays.
M. Maurice Blin a montré la nécessité d'une réforme profonde en France et la limite d'un modèle qui avait négligé l'importance du travail, celui-ci étant pourtant nécessaire pour maintenir le niveau de vie des salariés.
M. Lionel Fontagné a souligné que l'Union Européenne, à taille constante, reculait dans l'économie mondiale depuis longtemps, à la différence des Etats-Unis qui avaient mis fin à ce recul. Il a montré que les économies des pays européens étaient de moins en moins complémentaires, indiquant que les échanges entre ceux-ci allaient plutôt en diminuant.
Il a mis en évidence, de plus, les différences d'analyses des pays européens en matière de délocalisations, le Royaume-Uni considérant, par exemple, que les délocalisations constituaient un vecteur de compétitivité pour son économie, alors que l'Allemagne était entrée, concernant les salaires, dans un processus de désinflation compétitive dangereux pour la consommation et le dynamisme du pays tout entier.
M. Yves Fréville a observé que les avantages comparatifs nationaux et régionaux avaient tendance à devenir instables. Il a souhaité savoir quelles devaient être les caractéristiques des pôles de compétitivité.
En réponse, M. Lionel Fontagné a montré que sur la centaine de dossiers de pôles de compétitivité déposés jusqu'à présent, seule, une vingtaine avait un niveau international. Il a déploré, par ailleurs, la faiblesse de l'université française tenant, à la fois, à un manque de moyens et à un manque de liberté de gestion.
Il a précisé enfin, à la suite d'une intervention de M. Jean Arthuis, président, jugeant que le système fiscal français encourageait le nomadisme des capitaux, que la distinction entre imposition des entreprises et imposition des ménages était artificielle, que les taux d'imposition sur les sociétés pouvaient être différents de manière temporaire selon les pays européens, si ceux-ci caractérisaient des niveaux de productivité différents. Il a ainsi estimé que s'opérait un transfert de la fiscalité des catégories sociales les plus mobiles vers les catégories les moins mobiles.
Délocalisations - Audition de M. Jean-Louis Levet, chargé de mission auprès du Commissariat général du Plan
La commission a procédé, ensuite, à l'audition de M. Jean-Louis Levet, chargé de mission auprès du Commissariat général du Plan.
Après que M. Jean Arthuis, président, eut présenté ses excuses pour le retard pris par la précédente audition, M. Jean-Louis Levet a déclaré, tout d'abord, avoir été chargé, dans le cadre de ses fonctions de chargé de mission auprès du Commissariat général du Plan, d'une mission portant sur les stratégies de localisation des firmes. Il a estimé que l'enjeu de la délocalisation était appelé à devenir majeur, même s'il ne l'était pas encore aujourd'hui. Il a souligné que l'on évoquait souvent, à propos du contexte actuel, une « nouvelle étape de la mondialisation », mais il a surtout souhaité insister sur les contradictions internes au processus de mondialisation.
En effet, il a estimé que les entreprises se trouvaient dans une « puissante contradiction » : poussées par la concurrence à innover et à adopter des stratégies de long terme, elles étaient également confrontées à la « financiarisation » des comportements qui s'inscrivait, elle, dans une logique de court terme. Il a observé qu'il en résultait une forte accélération des processus de prise de décision, et qu'on assistait à la mise en place d'une logique du « tout délocalisable », notamment lorsque les petites et moyennes entreprises optaient pour des stratégies de développement mondial. Il a insisté sur la responsabilité des grands donneurs d'ordre, qui tout en promouvant un discours sur le développement durable, incitaient leurs sous-traitants, par leurs exigences, à accélérer les pratiques qu'ils condamnaient en leur nom propre. Il a notamment abordé la question des marchés publics, déplorant le succès presque systématique du « moins-disant », au détriment du « mieux-disant ».
Il a rappelé les enjeux liés à la solidité du tissu industriel pour l'économie. Il a estimé qu'au mythe de la société post-industrielle avait succédé le mythe du « tout délocalisable », avec comme conséquence une perte de substance pour l'industrie. Or, il a estimé qu'il n'existait pas de prospérité économique sans une industrie solide, et qu'il y avait là un enjeu politique majeur pour la France. Appelant de ses voeux le développement des politiques structurelles, il a estimé qu'il s'agissait, pour la France, de prendre en main son destin.
M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Jean-Louis Levet pour sa présentation qui « faisait justice » d'un certain nombre d'idées reçues.
Un débat s'est alors instauré.
M. Maurice Blin a estimé que le phénomène de la délocalisation constituait une mode qui, malheureusement, concernait particulièrement la France. Il a estimé que l'appareil productif français ne s'était jamais vraiment remis, en réalité, de la crise pétrolière de 1974, et s'est interrogé sur le succès de l'industrie américaine, qui ne semblait pas freiné par le phénomène des délocalisations. Il a estimé que l'économie américaine palliait celui-ci par des investissements élevés dans les domaines de la recherche et de la technologie, et déclaré que la France devait s'inspirer du modèle américain en matière de recherche. Il s'est insurgé, en effet, contre l'insuffisance de la recherche appliquée en France, où perdurait, selon lui, le « mythe » de la recherche fondamentale.
M. Jean-Louis Levet a estimé, au vu de la fin de la théorie classique de la division du travail, que la recherche constituait un outil indispensable pour progresser et que les efforts de la France devaient lui permettre de passer d'une logique d'adaptation à une logique d'anticipation. Il a également estimé importante la question de la mise en commun des ressources technologiques à l'échelle de l'Union européenne. Enfin, il s'est inquiété de ce qu'une petite et moyenne entreprise sur deux, en France, soit sous le contrôle d'une firme étrangère et a insisté sur l'importance de la maîtrise des centres de décisions économiques.
M. Jean Arthuis, président, a estimé nécessaire la réalisation d'études portant sur l'impact de la législation, rappelant, ainsi, que le Sénat allait bientôt examiner un projet de loi sur l'eau qui fixerait de nouvelles normes, dont il conviendrait d'apprécier tous les effets.
M. Jean-Louis Levet a rappelé l'importance de l'évaluation des politiques publiques et souligné, par ailleurs, l'intérêt d'avoir, notamment pour lutter contre la contrefaçon, des « règles du jeu partagées ».
M. Roland du Luart a interrogé M. Jean-Louis Levet sur l'efficacité des pôles de compétitivité et a rappelé que les décisions managériales dépendaient, de plus en plus, des fonds de pension anglo-saxons.
M. Jean-Louis Levet a déclaré qu'un pôle technologique de compétitivité avait vocation à être au standard mondial, et qu'il serait donc peu utile de multiplier les pôles de compétitivité, afin d'éviter une trop forte mise en concurrence de ces territoires.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'adaptation du modèle français de prélèvements obligatoires aux stratégies de délocalisations et sur son caractère pérenne dans des économies de plus en plus globalisées.
M. Jean-Louis Levet a déclaré qu'un travail sur ce sujet était actuellement mené par le Commissariat général du Plan, dont les résultats seraient remis fin avril.
Mission d'information à l'étranger - Inde - Désignation des membres
La commission a procédé à la désignation des membres de la mission d'information en Inde.
Ont été désignés MM. Jean Arthuis, président (UC-UDF), Philippe Marini, rapporteur général (UMP), Philippe Adnot (NI), Yann Gaillard (UMP), Roland du Luart (UMP), Auguste Cazalet (UMP), Jean-Jacques Jégou (UC-UDF), Aymeri de Montesquiou (RDSE), Michel Moreigne (Soc) et Michel Sergent (Soc), après que Mme Marie-France Beaufils (CRC) eut indiqué qu'aucun commissaire de son groupe ne pourrait, pour des questions de disponibilité, y participer.
Nomination de rapporteurs
La commission a nommé M. Roland du Luart, rapporteur sur la proposition de loi n° 254 (2004-2005) de MM. Henri de Richemont et Alain Fouché, tendant à la création d'un crédit d'impôt équivalent au gain représenté par l'application d'un taux réduit de TVA à 5,5 % aux prestations rendues par les avocats.
Enfin, la commission a nommé M. Michel Mercier, rapporteur sur la proposition de loi n° 258 (2004-2005) de Mme Marie-France Beaufils et plusieurs de ses collègues relative aux finances locales.
Mercredi 30 mars 2005
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.
Délocalisations - Audition de M. Jean-Louis Servent, président-directeur général du groupe Lapeyre
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Servent, président-directeur général du groupe Lapeyre.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre d'un cycle d'auditions consacrées aux délocalisations. De manière liminaire, il a demandé à M. Jean-Louis Servent de rappeler les activités du groupe qu'il présidait ainsi que son positionnement dans la compétition internationale.
M. Jean-Louis Servent a rappelé que le groupe réalisait un chiffre d'affaires de 5,6 milliards d'euros et que son activité principale était basée sur les 130 magasins en France, en Suisse et en Belgique, ainsi que sur la pose de fenêtres et de portes. En outre, il a précisé que le groupe réalisait une activité de chantier : la quinzaine d'usines intégrées au groupe étaient partiellement délocalisées, dont l'une en Pologne et l'autre à Belém, au Brésil. Au total, 4.500 collaborateurs du groupe, soit un tiers de ses effectifs, étaient intégrés dans des activités industrielles.
Au sein de la quinzaine d'usines du groupe, il a dressé le bilan suivant, lors de sa nomination en 2000 : un premier tiers des usines présentait un niveau de rentabilité relativement élevé, un deuxième tiers était dans une situation incertaine et le dernier tiers avait de réelles difficultés économiques.
Au plan conjoncturel, il a mis en exergue deux évolutions majeures depuis les années 90, qui avaient été défavorables aux activités du groupe : d'une part, le PVC avait tendu à remplacer le bois pour la fabrication des volets, portes et fenêtres ; d'autre part, des fabricants spécialisés dans les produits d'entrée de gamme (« hard discounters ») avaient concurrencé de plus en plus fortement son groupe, alors davantage positionné sur des produits situés en milieu de gamme.
M. Jean-Louis Servent a présenté les quatre solutions développées par son groupe pour faire face à ces éléments de conjoncture défavorables : la recherche de gains de productivité, la création d'un pôle de recherche-développement, l'externalisation d'une partie des fabrications, ainsi que la délocalisation au sein du groupe de certaines fonctions, comme la fonction achats. Dans le même temps, son groupe avait fait le choix de maintenir le chiffre d'affaires et les effectifs de ses usines, tout en s'orientant vers des productions à forte valeur ajoutée et non pas banalisées.
Un large débat s'est ensuivi.
M. Maurice Blin s'est demandé si, dans le contexte des délocalisations, une solution pour les entreprises françaises ne consistait pas à conjuguer savoir-faire et développement de nouveaux produits à plus forte valeur ajoutée.
M. Jean-Louis Servent a répondu que trois cas de figure pouvaient être distingués, s'agissant des activités du groupe Lapeyre.
Il a observé, d'abord, qu'il existait des produits pour lesquels il était particulièrement difficile de lutter contre le phénomène de délocalisation, citant le cas d'une cabine de douche qui était produite à un coût quatre fois moindre en Chine qu'en Italie et dont le coût de transport s'avérait relativement faible.
Il a cité, ensuite, l'exemple de produits pour lesquels l'externalisation était partiellement possible, comme pour les activités dites « de pré-débit » délocalisées au Brésil et donnant lieu, à une étape ultérieure de fabrication, à un assemblage sur mesure en France.
Il a souligné, enfin, que le groupe qu'il présidait s'était engagé dans un processus tendant à débanaliser ses produits, citant l'exemple d'une fenêtre en PVC sur mesure réalisée dans un délai de trois semaines et qui devait donc nécessairement être produite en France.
M. Maurice Blin s'est interrogé sur l'adaptation des salariés à ces évolutions majeures du mode de production, ainsi que sur les perspectives de développement effectif de la politique de recherche-développement pour un groupe comme le sien.
M. Jean-Louis Servent a reconnu que les salariés avaient dû accepter l'évolution de leurs métiers, mais que celle-ci était apparue nécessaire au maintien de l'emploi en France.
S'agissant de la politique de recherche-développement, il a cité comme exemple le dépôt de brevets de son groupe pour donner au bois des caractéristiques de plus grande stabilité et résistance aux perturbations atmosphériques. Il a observé que ce choix s'inscrivait dans un processus de création de valeur à long terme, permettant une différenciation majeure par rapport aux « hard discounters ».
MM. Jean Arthuis, président, et Jean-Jacques Jégou ont souhaité savoir comment son groupe faisait face au développement de l'économie parallèle.
M. Jean-Louis Servent a préféré évoquer la notion « d'informabilité ». Il a rappelé que la diminution à 5,5 % du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les travaux à domicile, en 1999, avait entraîné une hausse d'un tiers du chiffre d'affaires d'une des sociétés du groupe dans les deux ans qui avaient suivi, alors qu'a contrario, l'augmentation de 7 % à 24 % du taux de TVA en Pologne s'était traduite par une contraction de ce segment de marché, de l'ordre de 40 %.
Il a mis en exergue deux facteurs, d'une part le poids des charges sociales et, d'autre part, le respect des normes dans un secteur caractérisé par le poids de l'économie informelle.
M. Jean-Jacques Jégou a souligné la pertinence de cette illustration, plus particulièrement en ce qui concernait le contre-exemple d'une hausse ciblée de la TVA.
M. Jean Arthuis, président, a toutefois tenu à rappeler que la TVA ne constituait qu'une part mineure de l'ensemble des charges des entreprises, et qu'il était, pour sa part, favorable à une « TVA sociale », c'est-à-dire à une réduction de la structure des prélèvements consistant à diminuer les cotisations sociales des entreprises en contrepartie d'une adaptation du niveau de l'imposition pesant sur la consommation.
M. Jean-Jacques Jégou a déploré que le groupe Lapeyre, qui se situait à la lisière entre l'industrie et les activités de service, ne fût malheureusement qu'en situation, défensive, de maintien des emplois existants. Il a estimé que le renouvellement des constructions dans les nouveaux Etats membres de l'Union européenne pouvait susciter des perspectives d'essor de ce marché.
Il a également souhaité savoir si son groupe avait procédé à des labellisations pour nouer des contacts privilégiés avec des architectes construisant des logements collectifs, afin d'élever les normes de qualité dans l'ensemble du parc immobilier.
M. Jean-Louis Servent a souligné que la création d'emplois pérennes exigeait la stabilité du cadre législatif, réglementaire et fiscal. Il a aussi estimé que le seul maintien de l'emploi sur les sites industriels du groupe constituait, en soi, une performance, compte tenu du coût inhérent aux reclassements à l'intérieur du groupe.
Il a relevé, enfin, que le marché allemand de la construction était en récession depuis près de dix ans, ce qui incitait à élaborer des prévisions économiques prudentes.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la rigidité du droit social et l'instabilité des règles fiscales constituaient des freins très significatifs au développement économique et à la création d'emplois.
Il s'est également interrogé sur le contrôle ou non, par son groupe, des activités de pose.
M. Jean-Louis Servent a précisé que 14 % du chiffre d'affaires du groupe étaient obtenus grâce à des artisans agréés, ce qui faisait de son groupe le « premier artisan de France », puisqu'il recourait à environ 3.000 emplois équivalent temps plein.
Dans ce cadre, il convenait d'adopter une gestion prudente, afin notamment de s'assurer que n'existaient pas des relations d'employeur de fait, auxquelles s'appliqueraient les règles du code du travail. Le déficit d'artisans en France, par exemple s'agissant des plombiers, rendait la situation particulièrement ardue.
M. Jean Arthuis, président, s'est demandé s'il ne fallait pas que l'apprentissage ne fût plus le seul fait des petites entreprises.
M. Jean-Louis Servent a observé que ce débat sur le champ de l'apprentissage restait ouvert.
En réponse à la question de M. Jean-Jacques Jégou sur les normes de qualité, il a souligné la nécessité pour celles-ci de rester simples et lisibles afin d'être pleinement appliquées, du fait du caractère difficilement réversible des choix industriels. A cet égard, il s'est félicité de la qualité du dialogue social au sein du groupe, même si l'aménagement et la réduction du temps de travail avaient pu être, ponctuellement, un facteur de tensions.
M. Philippe Dallier s'est interrogé sur le choix d'implanter une usine au Brésil, alors qu'il aurait pu être procédé à l'achat direct des productions concernées sans y installer une unité de production. Il s'est également demandé si les « hard discounters » avaient diminué les prix, tout en maintenant la qualité des produits.
M. Jean-Louis Servent a noté qu'il avait choisi de spécialiser l'entreprise brésilienne de Belém, implantée avant qu'il n'accédât à la direction du groupe, sur des produits à moins forte valeur ajoutée, tout en privilégiant des productions haut de gamme dans les entreprises françaises. Il a ajouté que l'usine polonaise se situait à un niveau intermédiaire de qualité de production, entre l'entrée de gamme et le haut de gamme.
En réponse à la seconde question de M. Philippe Dallier sur les prix, il a souligné que son groupe avait relevé le double défi de la qualité et de nombreuses baisses des prix, notamment pour les produits situés en entrée de gamme et plus directement concurrencés par les « hard discounters ».
M. Michel Moreigne a souhaité obtenir des précisions sur la politique de communication du groupe.
M. Jean-Louis Servent a observé que son groupe avait toujours mis l'accent sur une politique de communication ambitieuse soulignant que plus de 10 millions de catalogues étaient distribués chaque année et que le site Internet était consulté par plus de 5 millions de visiteurs.
M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Jean-Louis Servent pour la clarté de son exposé qui illustrait un souci partagé par les élus tendant à garantir l'attractivité des territoires français.
Ecologie - L'eau et les milieux aquatiques - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 240 (2004-2005) sur l'eau et les milieux aquatiques.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques comportait cinquante articles de nature diverse et a précisé que la commission des finances avait choisi de se saisir pour avis de dix articles, répartis en trois catégories :
- un article relatif au fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues urbaines et industrielles ;
- deux articles concernant les collectivités territoriales ;
- sept articles ayant trait à la réforme de l'architecture du financement de la politique de l'eau, et en particulier au dispositif des redevances perçues par les agences de l'eau.
Elle a rappelé que ce projet de loi avait pour principal objectif de permettre à la France de remplir les objectifs fixés par la directive du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et, en particulier, de parvenir, d'ici à 2015 au bon état écologique des eaux. Elle a souligné que la politique de l'eau était de plus en plus encadrée par la législation communautaire.
Concernant l'article 21, Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a précisé que ce projet de loi prévoyait l'institution d'un fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues urbaines et industrielles.
Après avoir décrit le dispositif proposé, elle a noté que la création de ce fonds soulevait quelques questions qui méritaient d'être traitées au cours de l'examen de ce projet de loi en séance publique.
S'agissant de l'opportunité de créer ce fonds, elle a observé que l'étude d'impact du projet de loi indiquait expressément que « la création d'un tel fonds n'était pas indispensable sur un strict plan rationnel ». Elle a toutefois précisé qu'elle souscrivait à la logique développée par le ministère de l'écologie et du développement durable, qui estimait que ce fonds devrait permettre de créer un climat plus serein autour de cette démarche d'épandage, considérée par le ministère comme la moins coûteuse et la plus écologique.
Sur un plan technique, elle s'est interrogée sur la nécessité de prévoir un dispositif complémentaire aux assurances existantes et a relevé que l'articulation avec celles-ci mériterait d'être mieux définie.
Enfin, elle a fait valoir que ce fonds pouvait présenter un risque de dérive budgétaire pour l'Etat, dans la mesure où il pourrait recevoir des avances de ce dernier.
S'agissant des articles relatifs aux collectivités territoriales, Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a relevé que l'article 23 de ce projet de loi visait à permettre, aux communes et à leurs groupements, d'instaurer une taxe sur les volumes d'eaux pluviales et de ruissellement entrant dans les réseaux de collecte pour financer les ouvrages relatifs aux eaux pluviales et de ruissellement.
Elle a noté que, dans le droit actuel, ces ouvrages étaient souvent financés par le budget annexe de l'assainissement, en particulier si le réseau était unitaire. Cette pratique étant facteur d'insécurité juridique, elle a précisé que cet article proposait de financer les ouvrages relatifs aux eaux pluviales et de ruissellement à l'aide d'une taxe. Elle a indiqué que le redevable serait le propriétaire du branchement, que la taxe serait assise sur le volume maximal des eaux susceptibles de pénétrer dans les ouvrages concernés, et que le taux serait institué par délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement et compris dans la limite de 0,30 euro par mètre cube.
Puis Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a indiqué que l'article 27 du projet de loi proposait d'améliorer la diffusion du règlement des services de distribution d'eau, de mettre fin, d'ici au 1er janvier 2007, aux livraisons gratuites d'eau, de préciser les modalités d'établissement des redevances de distribution d'eau et d'assainissement, d'interdire la demande, par le service de distribution d'eau, d'une caution solidaire ou d'un dépôt de garantie, de confirmer le principe de la tarification en fonction du volume consommé, enfin, de réduire la possibilité de tarification dégressive en cas de rareté de la ressource en eau.
Elle a ensuite présenté la réforme de la gouvernance et du mode de financement de la politique de l'eau, en précisant que trois axes principaux pouvaient être dégagés : la réforme des comités de bassin et des agences de l'eau, la réforme des redevances affectées aux agences de l'eau et la création d'un Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Elle a souligné que le rôle du Parlement, en ce domaine, était renforcé.
S'agissant des comités de bassin, elle a remarqué que la principale nouveauté résidait dans la modification des règles de composition du comité et, surtout, des règles de désignation du président de celui-ci.
Elle a indiqué que l'article 35 renforçait le poids de l'Etat, d'une part en prévoyant que les trois collèges composant le bassin - élus, usagers et Etat - bénéficiaient d'un nombre égal de sièges et, d'autre part, en permettant que les représentants de l'Etat prennent part à l'élection du président du comité de bassin. Elle a ajouté que retenir le vote des représentants de l'Etat pour l'élection du président du comité reviendrait à confier, à l'Etat, un pouvoir d'arbitrage, ce qui n'était pas souhaitable.
Elle a observé que le rôle du comité de bassin était renforcé, dans la mesure où un avis conforme de sa part était requis pour les délibérations du conseil d'administration de l'agence de l'eau relatives au programme pluriannuel d'intervention des agences et au taux des redevances. Elle a également précisé que le rôle du Parlement était accru, dans la mesure où il serait amené à approuver les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a insisté sur la suppression de la possibilité, actuellement ouverte aux agences de l'eau, de contribuer, par voie de fonds de concours, au budget de l'Etat. Elle a rappelé que le ministère de l'écologie et du développement durable s'était appuyé sur ces dispositions pour justifier, d'un point de vue juridique, le « prélèvement » de 210 millions d'euros opéré en 2004 sur la trésorerie des agences de l'eau. Elle a remarqué que la suppression de ces dispositions était présentée comme une forme de protection des ressources des agences de l'eau, qu'il serait à l'avenir plus difficile de « détourner » au profit du budget de l'Etat, une telle initiative nécessitant une nouvelle disposition législative.
Elle a souligné que les dépenses des agences de l'eau seraient plafonnées à 12 milliards d'euros, hors primes, au cours de la période 2007-2012, et que le suivi de la trésorerie et la tutelle générale des agences devraient être renforcés, dans la mesure où, si l'ensemble des agences retenait les taux plafonds pour chaque redevance, elles disposeraient alors d'une capacité financière de 24 milliards d'euros, soit le double de leurs possibilités de dépenses.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a ensuite exposé les principaux éléments de la réforme des redevances proposée par l'article 37 du projet de loi.
Elle a rappelé que l'objet premier de la réforme menée était d'assurer la stabilité juridique du dispositif des redevances, actuellement inconstitutionnelles depuis que le Conseil constitutionnel les avait qualifiées d'impositions de toutes natures, dans la mesure où les dispositions législatives existantes étaient insuffisantes.
Elle a indiqué que, dans ce cadre, l'article 37 procédait à une réforme nécessaire, qui conduisait à des simplifications, dans la mesure où les assiettes seraient communes, quelle que soit l'agence prise en considération. Elle a relevé, cependant, que le dispositif restait très complexe, puisque les agences percevraient à l'avenir sept catégories de redevances différentes. Elle a ajouté que le dispositif retenu s'appliquerait également aux départements d'outre-mer, sous réserve de certaines adaptations.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a estimé que, de manière schématique, la réforme proposée n'était pas de nature à modifier réellement les grands équilibres actuels entre les différents contributeurs, ni à rendre le dispositif des redevances très incitatif.
Elle a indiqué que l'étude d'impact du présent projet de loi était, au demeurant, assez claire de ce point de vue, puisqu'elle précisait qu'« une différence importante par rapport au texte de 2002 était le choix de solutions pragmatiques et concertées, en abandonnant l'illusion de bâtir, avec une fiscalité compliquée et punitive, un système d'incitation forte pour changer les comportements individuels des redevables ». Elle a observé que l'absence de taxation spécifique des engrais, incitant à une réduction des excédents d'azote, constituait l'élément le plus net de ce changement d'approche.
Elle a relevé que la réforme proposée maintenait la conception selon laquelle les redevances étaient, avant tout, des moyens de financement des agences de l'eau, et non des moyens d'incitation. Elle a toutefois précisé que des transferts de charges entre telle ou telle catégorie d'acteurs seraient observés. Elle a noté que, d'après l'étude d'impact du projet de loi, certaines entreprises connaîtraient des variations extrêmement importantes de leurs redevances, les industries chimiques les plus touchées pouvant, par exemple, voir leurs redevances multipliées par trois, certaines industries de métallurgie par six.
Elle a précisé que, pour cette raison, un dispositif de lissage des effets de la réforme était prévu, afin de ne pas entraîner de conséquences trop brutales pour les différents acteurs. Elle a souligné que les effets de la réforme dépendraient des choix effectués localement par les agences de l'eau, qui fixeraient les taux des redevances sur avis conforme des comités de bassin.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que l'article 41 du projet de loi proposait d'instituer un Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui se substituerait au Conseil supérieur de la pêche et constituerait le « bras armé » du ministère de l'écologie et du développement durable.
Après avoir décrit ses missions, elle a indiqué que les ressources de l'ONEMA comprendraient les contributions des agences de l'eau, dont le montant global annuel serait plafonné à 108 millions d'euros sur la période 2007-2012, ainsi que des subventions versées par des personnes publiques.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a relevé que les 108 millions d'euros versés par les agences de l'eau ne permettraient probablement pas à l'ONEMA de garantir une certaine solidarité financière entre les bassins.
Elle a souligné que la création de cet office requérait une certaine vigilance, dans la mesure où elle pourrait entraîner des doublons avec le ministère de l'écologie et du développement durable et, tout particulièrement, avec sa direction de l'eau, même si des redéploiements de personnel étaient prévus.
Elle s'est interrogée, également, sur les conséquences de la création de cet office sur la structure interne du ministère de l'écologie et du développement durable, à la lumière de l'architecture budgétaire retenue dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui ne prévoyait pas la constitution d'un programme spécifique dédié à la politique de l'eau au sein de la mission « écologie et développement durable ». Elle a ajouté que les relations entre l'Etat, l'ONEMA et les agences de l'eau devraient également être précisées au cours de l'examen du présent projet de loi.
Elle a noté que la création de cet office s'apparentait à une opération de débudgétisation et à un moyen de « sanctuariser » les crédits dévolus à la politique de l'eau, en mettant en avant le principe selon lequel « l'eau devait payer pour l'eau ». Elle a indiqué que, de ce point de vue, l'option retenue était contestable.
Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a ensuite fait le point sur l'impact global de la réforme proposée sur les finances de l'Etat.
Elle a indiqué que l'étude d'impact du ministère de l'écologie et du développement durable estimait, si l'on comparait la situation en 2007 par rapport à la situation en 2005, que l'Etat gagnerait globalement avec cette réforme, puisque le solde serait positif de 26 millions d'euros, tandis que les agences de l'eau supporteraient plus de charges qu'elles ne gagneraient de recettes nouvelles, le solde étant négatif, pour elles, à hauteur de 46 millions d'euros.
Elle a toutefois précisé que cette vision était partielle, s'agissant de l'Etat, dans la mesure où elle faisait l'impasse sur la perte de recettes résultant de la suppression du prélèvement de solidarité pour l'eau. Elle a précisé que, d'après les calculs de la direction du budget, le solde serait au contraire négatif pour l'Etat, à hauteur de 49 millions d'euros.
Elle a remarqué, enfin, que l'avant-projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques transmis au Conseil d'Etat offrait aux conseils généraux la possibilité de mettre en place un fonds départemental de l'alimentation en eau et de l'assainissement pour faire face aux besoins qu'ils rencontraient dans le domaine de la politique de l'eau. Elle a regretté que cette possibilité n'ait pas été retenue dans le texte déposé au Sénat.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Jean Arthuis, président, a remercié le rapporteur pour avis pour la qualité de son intervention et a relevé l'intérêt marqué des membres de la commission pour ce projet de loi.
M. Henri Torre a souligné que ce texte avait pour objectif d'améliorer la gouvernance du système de financement de la politique de l'eau et de rendre constitutionnel le dispositif des redevances.
S'agissant des comités de bassin, il a estimé qu'il ne fallait pas interdire aux représentants des usagers de se présenter à la présidence des comités, et a affirmé que les représentants de l'Etat ne devaient pas prendre part à l'élection du président. Il a regretté l'absence, dans le projet de loi, d'un dispositif spécifique de taxation des nitrates, et a jugé que l'écoconditionnalité des aides accordées aux agriculteurs ne suffirait pas à remplir les objectifs de résorption des excédents d'azote. Il a souligné que les agriculteurs avaient accepté, dans leur majorité, le principe d'une telle taxation, et a invité la commission des finances à présenter un amendement instaurant une redevance spécifique sur les engrais.
Il a estimé, ensuite, que les contributions versées par les agences de l'eau au profit de l'ONEMA devraient être clairement codifiées. Il a indiqué, enfin, qu'il serait opportun de rétablir la disposition permettant aux départements d'instituer une taxe pour financer leur politique de l'eau, dans la mesure où ceux-ci devaient faire face à des besoins nouveaux.
Mme Nicole Bricq a regretté la confusion existant entre l'Etat, les agences de l'eau, les collectivités territoriales et l'ONEMA. Elle a indiqué que cet office constituait une opération de débudgétisation et a estimé que, globalement, ce projet de loi marquait un désengagement de l'Etat. Elle a fait valoir que la solidarité vis-à-vis des communes rurales devait relever de ce dernier. Elle a déploré, ensuite, l'absence de caractère incitatif des redevances perçues par les agences de l'eau, telles qu'elles ressortaient du présent projet de loi, et a souligné le caractère complexe du dispositif proposé. Enfin, elle a estimé que le plafonnement à 12 milliards d'euros des dépenses des agences de l'eau, sur la période 2007-2012, risquait de reproduire le mécanisme de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie, constamment dépassé et « rebasé ».
M. Joël Bourdin a noté que l'assiette de la taxe annuelle sur les volumes d'eaux pluviales et de ruissellement, prévue par l'article 23 du projet de loi, posait une réelle difficulté aux collectivités territoriales. Il a indiqué, ensuite, que la péréquation en matière de solidarité rurale ne pouvait se concevoir au seul niveau du département et s'est déclaré peu favorable à l'institution d'une taxe départementale supplémentaire.
M. Jean-Jacques Jégou, après s'être inquiété de la lisibilité de ce projet de loi, a souligné le désengagement de l'Etat du financement de la politique de l'eau et a regretté la débudgétisation opérée par la création de l'ONEMA. Il a estimé que la question de la solidarité entre les zones urbaines et rurales soulevait une difficulté. Globalement, il s'est dit réservé sur ce projet de loi.
M. Henri de Raincourt, après avoir remercié le rapporteur pour la qualité de sa présentation, a indiqué que le projet de loi lui inspirait certaines réserves. S'agissant de la gouvernance du système de financement de la politique de l'eau, il a estimé qu'il mettait en place des mécanismes complexes et a regretté que le pouvoir des agences de l'eau soit renforcé.
Il a noté, ensuite, que les nouveaux pouvoirs de contrôle confiés aux maires soulèveraient des difficultés.
Il a observé que le projet de loi faisait l'impasse sur le rôle des départements et s'est interrogé sur l'opportunité d'instituer un fonds départemental et de prévoir une contractualisation entre les agences de l'eau et les départements.
S'agissant d'une possible redevance sur les engrais, il a estimé que le contexte politique ne se prêtait pas à une telle initiative. Il a mis en garde, ensuite, contre les difficultés soulevées par la redevance pour pollutions diffuses, le mécanisme de collecte prévu risquant d'instaurer une distorsion de concurrence entre les distributeurs de produits phytosanitaires.
M. Jean-Claude Frécon a affirmé que le dispositif retenu pour la taxe sur le volume d'eaux pluviales et de ruissellement était impossible à mettre en oeuvre concrètement et soulevait un problème d'équité. Il a regretté la disparition du Fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE), estimant que la proposition de créer un fonds départemental ne pouvait suffire à instaurer une réelle péréquation. Il s'est interrogé, enfin, sur la clef de répartition des sièges au sein du comité de bassin entre les collèges des élus, des usagers et de l'Etat, en plaidant pour un renforcement du poids des élus au sein de ce comité.
M. Yves Fréville a noté que le département de l'Ille-et-Vilaine avait mis en place un dispositif similaire à celui proposé pour le fonds départemental. Il s'est interrogé sur la coordination des actions menées par les départements, les agences de l'eau et les services d'économie mixte en matière d'adduction d'eau en milieu rural.
Mme Marie-France Beaufils a estimé que le système de redevances proposé s'inspirait plutôt du modèle curatif que du modèle préventif. Elle a regretté la dilution de la responsabilité de l'Etat et a remarqué que la taxe sur les volumes d'eaux pluviales et de ruissellement se révélerait très difficile à mettre en oeuvre et, finalement, peu pertinente. Elle a jugé, enfin, que la suppression du FNDAE avait été une erreur.
M. Michel Charasse, faisant référence aux positions prises, en ce sens, par le bureau de l'Association des maires de France (AMF), a plaidé pour que le président du comité de bassin soit obligatoirement élu parmi les représentants des collectivités territoriales.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la commission devrait obtenir du gouvernement l'engagement d'assurer une bonne transition entre le FNDAE et les agences de l'eau. Il a estimé que le fonds départemental constituait une bonne solution de péréquation à l'échelon infra-départemental et que sa création était opportune.
En réponse aux différents intervenants,Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elle ferait des propositions sur la gouvernance des comités de bassin.
S'agissant du FNDAE, elle a relevé que le transfert de ses missions aux agences de l'eau avait été réalisé par l'article 121 de la loi de finances rectificative pour 2004, et que ces dernières avaient dû prendre leurs dispositions pour assumer cette charge correctement. Elle a indiqué qu'elle demanderait au gouvernement d'assurer le respect des engagements pris antérieurement. Elle a estimé qu'un dispositif de contractualisation entre les agences de l'eau et les départements participant au financement de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales serait opportun.
Concernant la part des usagers domestiques au sein de l'ensemble des contributeurs, elle a proposé d'effectuer un certain rééquilibrage. Compte tenu des remarques des membres de la commission, elle s'est interrogée sur l'opportunité de supprimer l'article instaurant la taxe sur les volumes d'eaux pluviales et de ruissellement.
Elle a fait valoir, ensuite, que le mécanisme général des redevances affectées aux agences de l'eau demeurait complexe, mais qu'il permettait d'harmoniser les assiettes entre les différentes agences.
Elle a indiqué que l'institution d'une redevance spécifique sur les engrais avait retenu son attention. Elle a précisé, toutefois, qu'elle proposerait d'effectuer un suivi des effets de l'écoconditionnalité des aides accordées aux agriculteurs, dans la mesure où le ministre de l'écologie et du développement durable mettait en avant ce mécanisme comme moyen de réduire les excédents d'azote.
La commission a alors procédé à l'examen des amendements présentés par Mme Fabienne Keller, rapporteur pour avis.
A l'article 21, créant un Fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues urbaines et industrielles, elle a adopté, après les interventions de Mme Nicole Bricq et de M. Jean Arthuis, président, deux amendements rédactionnels et un amendement tendant à clarifier les possibilités d'intervention du fonds.
Après les interventions de MM. Joël Bourdin et Jean-Claude Frécon, la commission a ensuite adopté à l'unanimité un amendement de suppression de l'article 23, instaurant une taxe sur les volumes d'eaux pluviales et de ruissellement entrant dans les réseaux de collecte, afin d'obtenir, en séance publique, des éclaircissements de la part du gouvernement.
Puis elle adopté un amendement à l'article 27, relatif au règlement et à la tarification des services de distribution d'eau, tendant à rendre opposable à l'usager le règlement du service de distribution d'eau.
La commission a ensuite adopté, après les interventions de MM. Jean Arthuis, président, Joël Bourdin, Jean-Claude Frécon et Michel Charasse, un amendement portant article additionnel après l'article 28, tendant à permettre aux conseils généraux de mettre en place un Fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement.
Elle a ensuite adopté, après les interventions de MM. Yves Fréville, Michel Charasse et Henri de Raincourt, cinq amendements à l'article 35 relatif aux comités de bassin et aux agences de l'eau, tendant à :
- prévoir que les représentants des collectivités territoriales et les représentants du collège des usagers détenaient respectivement 40 % des sièges au comité de bassin ;
- supprimer la possibilité offerte par le présent projet de loi aux représentants de l'Etat de prendre part à l'élection du président du comité de bassin ;
- codifier le principe selon lequel le Parlement définissait les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau, ainsi que le plafond de leurs dépenses ;
- codifier la disposition de l'article 36 relative à l'arrêté des ministres chargés de l'environnement et des finances, en prévoyant que celui-ci ne « fixait » pas, mais « encadrait », le montant pluriannuel global des dépenses de chaque agence et leur répartition par grands domaines d'intervention ;
- prévoir un dispositif de contractualisation entre les agences de l'eau et les départements participant au financement de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales.
La commission a ensuite adopté deux amendements à l'article 36, relatif aux programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau pour les années 2007-2012, tendant à :
- supprimer, par mesure de cohérence, une disposition codifiée dans le cadre de l'article 35 ;
- supprimer la possibilité de reconduire les orientations prioritaires des programmes pluriannuels d'intervention en l'absence de disposition législative nouvelle.
Puis après l'intervention de M. Éric Doligé, elle adopté cinq amendements à l'article 37 relatif aux redevances affectées aux agences de l'eau :
- un amendement tendant à renforcer le caractère incitatif de la redevance pour pollutions diffuses, en prévoyant une différenciation des substances toxiques et écotoxiques, permettant de fixer un taux plus élevé pour les substances les plus dangereuses ;
- un amendement visant à réduire la différence de traitement prévue, pour la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau, entre les différents usages, en rabaissant le taux plafond fixé pour l'usage « alimentation en eau potable » ;
- trois amendements de nature rédactionnelle.
Après les interventions de M. Henri Torre et de Mme Nicole Bricq, la commission n'a pas estimé nécessaire de prévoir le dépôt, par le gouvernement, d'un rapport au Parlement sur l'impact de l'écoconditionnalité des aides sur la qualité de l'eau.
Puis la commission a adopté un amendement à l'article 38, relatif aux modalités de recouvrement des redevances, tendant à prévoir que les personnes intervenant dans l'établissement de l'assiette des redevances, dans leur contrôle, leur recouvrement ou leur contentieux étaient tenues de respecter l'obligation de secret professionnel.
Elle a ensuite adopté deux amendements de nature rédactionnelle à l'article 39, relatif à l'adaptation des dispositions relatives aux comités de bassins et aux redevances aux départements d'outre-mer.
Puis la commission a adopté un amendement à l'article 41, relatif à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, tendant à préciser que cet office avait un statut d'établissement public à caractère administratif.
Enfin, la commission, après l'intervention de M. Jean-Claude Frécon, a donné mandat au rapporteur pour avis pour présenter, le cas échéant, un amendement tendant à prévoir un dispositif de taxation des personnes disposant d'un forage direct pour leur alimentation en eau.
A l'issue de cet examen, la commission a émisun avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques ainsi amendé.
Audition de M. Louis Gallois, président de la SNCF
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Louis Gallois, président de la SNCF.
M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord indiqué que cette audition intervenait dans le contexte de la présentation par le groupe SNCF de ses comptes pour 2004, qui avait eu lieu lors du conseil d'administration du 23 mars 2005. Il a précisé que le groupe enregistrait une amélioration de son résultat net par rapport à 2003.
M. Louis Gallois a détaillé, en premier lieu, le niveau des performances commerciales de la SNCF en 2004. Il a indiqué que ces performances étaient d'autant plus encourageantes qu'elles intervenaient au cours d'une année marquée par une conjoncture de croissance moyenne. Précisant que le chiffre d'affaires du groupe avait augmenté de 5,8 %, tandis que le chiffre d'affaires de l'établissement public industriel et commercial (EPIC) augmentait de 5,7 %, ce qui était conforme aux prévisions, il a expliqué que le principal moteur de cette évolution était l'augmentation des trafics voyageurs, s'agissant des TER (+ 4,6 %), du Transilien (+ 4,3 %), du TGV (+ 4,6 %) et de l'Eurostar (+ 9,7 %). Il a indiqué que les filiales connaissaient la même évolution, à l'exception du secteur des transports combinés rail-route, qui rencontrait des difficultés importantes.
En deuxième lieu, il a souligné que la SNCF avait mené une politique active de réduction de ses coûts, la progression de la masse salariale ayant notamment été limitée à + 0,8 %, compte tenu d'une réduction du nombre d'emplois équilibrant l'effet de la progression des salaires. Il a indiqué que le plan « Talents » avait permis de maîtriser les achats, ce qui avait conduit à économiser 75 millions d'euros en 2004. Il a précisé que la facture électrique avait été maîtrisée, malgré l'augmentation du prix de l'énergie, et que le montant des péages avait été réduit par rapport aux prévisions, grâce à une optimisation de la gestion des sillons, c'est-à-dire des temps d'utilisation d'une section de voie ferrée par un train. Il a ajouté que la démarche intitulée « Battre le budget » avait également engendré des économies, grâce à des mesures contre l'absentéisme et à une meilleure programmation des embauches, dont le nombre s'était élevé à 3.900.
En troisième lieu, M. Louis Gallois a fait état d'un résultat courant de l'EPIC SNCF s'élevant à 128 millions d'euros, précisant que cette performance était supérieure aux prévisions. Il a ajouté que le résultat net de l'établissement public était de 290 millions d'euros, tandis que le résultat net part du groupe s'élevait à 323 millions d'euros. Il a jugé légitime, pour une entreprise de service public telle que la SNCF, de réaliser des bénéfices : en effet, ces résultats positifs tendaient, d'une part, à montrer que l'entreprise était convenablement gérée, et, d'autre part, à assurer pour l'avenir une marge de sécurité par rapport aux évolutions de la conjoncture et à l'accroissement de la concurrence. Il a souligné, ensuite, que ces bénéfices permettaient d'améliorer la capacité d'autofinancement de l'entreprise, qui ne suffisait toutefois pas encore à financer la totalité de ses investissements sur ressources propres. Précisant que la capacité d'autofinancement était de 945 millions d'euros en 2004, tandis que les investissements sur ressources propres étaient estimés à environ 1,2 milliard d'euros en 2005, il s'est donné pour objectif de parvenir à un équilibre entre ces deux montants d'ici à 2006. Enfin, il a jugé qu'il serait légitime d'étudier avec les syndicats la possibilité pour les salariés d'accéder aux primes d'intéressement.
M. Jean Arthuis, président, a félicité M. Louis Gallois pour des résultats qu'il a jugés prometteurs.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial des crédits des transports terrestres et de l'intermodalité, a exprimé sa grande satisfaction eu égard aux performances de la SNCF en 2004. Jugeant qu'il était nécessaire que les entreprises publiques réalisent des bénéfices, il a ajouté que ces entreprises ne devraient pas avoir à craindre une confiscation de leurs résultats.
En revanche, il a déploré le retard pris dans la clarification des relations entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), jugeant qu'il était regrettable que le partage des actifs ne soit pas encore réalisé, alors que les deux entreprises avaient été mises en demeure, par le gouvernement, d'y procéder avant le 31 octobre 2004.
Il s'est demandé, ensuite, si les bons résultats obtenus par la SNCF n'étaient pas de nature à favoriser l'émergence d'une nouvelle culture d'entreprise, propre à « réenchanter » les cheminots.
Il a interrogé, par ailleurs, M. Louis Gallois sur l'impact prévisible de l'introduction des nouvelles normes comptables internationales IFRS (International financial reporting standards) dans l'entreprise.
Il s'est ensuite demandé, s'agissant du régime de retraite de la SNCF, si un adossement sur le régime général était envisageable, à l'instar de ce qui avait été mis en oeuvre pour EDF.
Enfin, il s'est interrogé sur les incidences concrètes de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), quant à la gestion d'un établissement public, tel que l'EPIC SNCF.
En réponse, M. Louis Gallois a tout d'abord indiqué, s'agissant de la clarification des relations avec RFF, que les litiges portaient sur un milliard d'euros d'actifs, à partager dans un contexte législatif et réglementaire flou. Il a précisé que trois arbitres avaient été désignés, ainsi qu'un cabinet spécialisé, et que les deux entreprises s'étaient engagées à ne remettre en cause aucun des arbitrages qui seraient rendus.
Au sujet de l'introduction dans l'entreprise d'une culture de résultat, évoquée par M. Alain Lambert, il a relevé qu'une telle évolution impliquerait, en premier lieu, la mise en place d'instruments de mesure de la performance, ainsi qu'une « rénovation managériale », ce qui était d'ailleurs actuellement l'un des principaux chantiers de l'entreprise.
Concernant l'introduction des normes IFRS, M. Jean-Pierre Menanteau, directeur des finances, des achats, des systèmes d'information et de télécommunications, a indiqué que leur impact serait significatif, en raison notamment de la réintégration dans le bilan des engagements sociaux figurant actuellement dans le « hors-bilan » de l'entreprise. Il a évalué le montant de ce « hors-bilan » social à environ 7 milliards d'euros, précisant, toutefois, qu'aucun accord définitif à ce sujet n'avait été conclu avec le ministère en charge de l'économie. Il a précisé que le régime de retraite de la SNCF comportait deux spécificités : d'une part, une directive européenne imposait la compensation par l'Etat du déséquilibre démographique de ce régime ; d'autre part, les cotisations faisaient l'objet d'un calcul à deux niveaux, seuls les avantages spécifiques au régime devant être provisionnés dans le bilan selon les normes IFRS. En tout état de cause, il a jugé que le montant du provisionnement supplémentaire requis par les nouvelles normes comptables ferait apparaître un montant de capitaux propres négatif.
S'agissant du service annexe d'amortissement de la dette (SAAD), qui ne figurait pas non plus dans les comptes de l'entreprise, il a indiqué qu'un travail était en cours au niveau ministériel, puisque le ministre en charge de l'équipement s'était engagé récemment, devant le Sénat, à régler cette question.
Par ailleurs, il a regretté l'absence de position, au niveau européen, s'agissant du traitement comptable des concessions de service public. Il a également précisé que les nouvelles normes comptables impliquaient un travail important de ventilation des immobilisations en « composantes », et qu'elles nécessitaient, par ailleurs, de passer des dépréciations dans les comptes, pour les activités dont on ne pouvait pas prouver qu'elles reviendraient à l'équilibre.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, concernant la diminution de la dotation aux amortissements en 2004, M. Jean-Pierre Menanteau a expliqué que cette évolution résultait de dépréciations d'actifs auxquelles il avait été procédé en 2003, notamment dans le domaine du fret. Il a ajouté que cette diminution résultait aussi d'un allongement de la durée d'amortissement du matériel de fret. Indiquant que les comptes pour 2004 avaient été affectés au total par six changements de méthode, il a précisé que l'impact global de ces modifications sur les comptes était neutre.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Louis Gallois a observé que l'impact global du passage aux normes IFRS sur les comptes de la SNCF ne pouvait être évalué à ce stade, dans la mesure où tous les arbitrages de méthode n'avaient pas encore été rendus.
Répondant à la question de M. Alain Lambert, concernant un éventuel adossement du régime de retraite de la SNCF au régime général, il a indiqué que l'entreprise était, sur ce sujet, dans une situation à bien des égards différente de celle de la RATP ou d'EDF et que la question de l'adossement ne s'était pas posée, jusqu'à présent, pour la SNCF .
Enfin, s'agissant de la LOLF, il a observé que son impact était moindre pour la SNCF que pour RFF, même si une coopération était nécessaire à tous les niveaux pour la mise en place des indicateurs de performance. De façon plus générale, il a jugé très favorablement la LOLF, comme instrument de réforme de l'Etat.
M. Éric Doligé a estimé que les résultats de la SNCF étaient très satisfaisants et s'est demandé quelle était la part des filiales dans cette performance globale. Il s'est demandé, par ailleurs, si la SNCF n'était pas devenue le premier transporteur routier français. Enfin, il s'est interrogé sur l'avenir du transport combiné.
En réponse, M. Louis Gallois a indiqué que la contribution des filiales aux résultats du groupe était importante, grâce notamment aux bonnes performances de GEODIS, de la SERNAM, ainsi que de KEOLIS. Cependant, il a jugé que le début de l'année 2005 avait été difficile pour le groupe. Il a réfuté que la SNCF soit le premier transporteur routier français. S'agissant du transport combiné, il a rappelé que celui-ci subissait deux handicaps majeurs par rapport à la route, en raison, d'une part, des deux ruptures de charge qu'il impliquait, et, d'autre part, de charges sociales plus élevées que dans le transport routier. Il a indiqué que le transport combiné était subventionné dans toute l'Europe et a fait état de la réforme actuellement mise en oeuvre en France, qui consistait à limiter le trafic, à réorganiser les liaisons et à restructurer le capital des deux sociétés intervenant dans ce domaine.
M. Yann Gaillard a regretté la diminution du confort et de l'agrément de la vie dans les gares. Evoquant une expérience personnelle concernant la suppression de trafics de bois, il a jugé que la communication de la SNCF, à l'égard de ses clients, n'était pas toujours adéquate.
M. Louis Gallois a indiqué que des problèmes d'insécurité avaient effectivement conduit à raccourcir les horaires d'ouverture de nombreuses gares. S'agissant du transport de bois, il a souligné que les discussions avaient été rendues difficiles par une certaine dispersion des interlocuteurs représentatifs de la profession et par l'hétérogénéité des volumes de trafics, ces derniers n'étant pas suffisamment massifs pour être rentables, ce qu'il a regretté.
M. Maurice Blin s'est demandé à quelles conditions il avait été décidé de conserver l'activité de fret de la SNCF. Se félicitant du grand succès du TGV, il s'est demandé combien celui-ci rapportait à l'entreprise. Enfin, il a jugé que la SNCF devait se défaire d'une certaine « culture de grève », qui était préjudiciable à tous les Français.
M. Louis Gallois s'est déclaré convaincu qu'il fallait maintenir le fret ferroviaire en raison de la saturation des routes, et des coûts indirects du transport routier. Il a ajouté que le fret ferroviaire s'inscrivait dans une logique de massification des trafics qui était tout à fait pertinente d'un point de vue économique. Indiquant que le plan de restructuration du fret était actuellement son principal chantier, il a souligné que cette activité souffrait d'une concurrence très vive, liée à la baisse des coûts du transport routier. Il a estimé, toutefois, que des problèmes de saturation et de développement durable poseraient inévitablement, tôt ou tard, la question de l'augmentation des coûts de transport au niveau européen.
S'agissant du TGV, il a rappelé que celui-ci avait été financé essentiellement par l'emprunt, ce dont témoignait l'ampleur de la dette de RFF. Il a ajouté que le poids des péages dans le prix du billet de TGV était significatif, puisqu'il atteignait en moyenne 30 % de ce prix. Il a jugé, néanmoins, que le TGV constituait aujourd'hui l'activité la plus rentable de l'entreprise. Pour l'avenir, il s'est inquiété de la concurrence croissante des compagnies aériennes à bas coûts. Il a également observé que les lignes à grande vitesse qui seraient prochainement ouvertes (notamment le TGV Est) seraient, par nature, moins rentables que les lignes existantes.
Enfin, s'agissant des grèves, il a regretté que le premier trimestre 2005 vienne en contrepoint d'une année 2004 satisfaisante. Il a estimé que le niveau actuel de conflictualité était excessif au regard des motifs invoqués par les grévistes.
Mme Marie-France Beaufils s'est interrogée sur les conséquences de la maîtrise des dépenses, à laquelle M. Louis Gallois avait fait allusion. Elle s'est demandé si l'utilisation en flux tendus du matériel ne risquait pas d'avoir des effets négatifs sur la qualité du service rendu par la SNCF. Par ailleurs, elle a regretté l'ampleur des abandons de dessertes dans le domaine du fret, se demandant si l'Etat ne devrait pas recourir à des mesures susceptibles de réduire la circulation des camions, à l'instar de ce qui avait été réalisé en Suisse ou en Autriche.
En réponse, M. Louis Gallois a indiqué que des opérations de régénération des voies étaient programmées, mais que ce processus était, par nature, très lent, puisque l'entretien des voies ne pouvait avoir lieu que durant quelques heures par nuit. Il a estimé que l'augmentation de la disponibilité des rames était une nécessité, sans que cela doive influer sur la qualité du service rendu. Enfin, s'agissant du fret, il a rappelé que l'Etat avait pris des mesures volontaristes, puisqu'il s'était engagé à fournir un apport de 800 millions d'euros, en vertu du plan de restructuration, approuvé récemment par la Commission européenne, ce qui avait permis le versement d'une première tranche de 250 millions d'euros. Il a ajouté que cet apport avait favorisé l'achat récent de 1.000 locomotives nouvelles pour le fret. Toutefois, il a observé que le début de l'année 2005 n'était pas très satisfaisant, notamment en raison des grèves qui affectaient la qualité du service de fret.
M. Roger Karoutchi a regretté cette résurgence des grèves, dans la mesure où la SNCF s'était engagée, au cours de l'année passée, à assurer un service garanti. Jugeant que cet engagement n'avait pas été respecté, puisque des lignes avaient été fermées à l'est de Paris, il s'est demandé s'il ne faudrait pas recourir à la voie législative pour parvenir à instaurer un service minimum. Par ailleurs, relevant que la SNCF n'avait pas réalisé d'investissements lourds en Île-de-France depuis quinze ans, il a craint que cela n'entraîne une charge financière accrue pour les collectivités territoriales à l'avenir.
S'agissant des grèves, M. Louis Gallois a jugé que l'accord intervenu le 28 octobre 2004 au sein de l'entreprise, concernant la prévention des conflits, avait eu des effets positifs, même si l'évolution observée au cours des dernières semaines était, effectivement, inquiétante. S'agissant du transport collectif francilien, il a indiqué que cette activité connaissait une situation financière équilibrée, mais que des montants très élevés de péages défavorisaient l'investissement. En ce qui concernait le matériel roulant, il a précisé que des discussions avaient actuellement lieu entre l'Etat et la région, ajoutant que c'était encore la SNCF qui investissait aujourd'hui à un rythme effectivement lent, comparé aux investissements réalisés en faveur du TER dans les autres régions. S'agissant du « train du futur », il a indiqué qu'un appel d'offres était en cours.
Renouvelant ses félicitations pour les bons résultats enregistrés par la SNCF en 2004, M. Jean Arthuis, président, a remercié MM. Louis Gallois et Jean-Pierre Menanteau pour l'intérêt de leurs propos et la richesse du débat qui s'en était suivi.
Economie - Pacte de stabilité et de croissance - Communication
Enfin, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le pacte de stabilité et de croissance.
Après avoir indiqué qu'il s'était entretenu à Bruxelles les 24 et 25 janvier 2005 de la réforme du pacte de stabilité avec plusieurs personnalités, dont M. Joaquín Almunia, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que le pacte de stabilité, prévu par le Traité de Maastricht et mis en oeuvre par le Conseil européen d'Amsterdam le 17 juin 1997, comportait un volet « préventif » et un volet « répressif ».
Il a considéré que le pacte de stabilité était difficilement applicable, la moitié des Etats membres ayant fait l'objet, d'ores et déjà, de la procédure relative aux déficits excessifs, ce qui montrait l'absence d'effet dissuasif du dispositif. Il a rappelé que, parmi les 12 Etats membres appartenant à la zone euro, 5 avaient fait l'objet d'une telle procédure (Allemagne, France, Grèce, Pays-Bas, Portugal), dont 2 avaient été suspendues d'une manière non prévue par les textes (France, Allemagne) et 2 étaient encore en cours (Grèce, Pays-Bas). Il a souligné que, parmi les 13 Etats membres n'appartenant pas à la zone euro, 7 faisaient l'objet d'une procédure pour déficit excessif (Chypre, Hongrie, Malte, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie). Il a ajouté qu'en 2004, selon les données encore provisoires transmises à la Commission européenne, 9 Etats auraient été en situation de déficit public excessif, dont 3 appartenant à la zone euro (Allemagne, France, Grèce), et 6 n'appartenant pas à la zone euro (Royaume-Uni, Malte, Pologne, Hongrie, Chypre, Slovaquie).
M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que cette situation s'expliquait, en particulier, par le fait qu'il était quasiment impossible de sanctionner un Etat membre. Il a souligné que le Conseil n'avait jamais décidé de sanction, et qu'il avait décidé une mise en demeure, dans un seul cas, celui de la Grèce, le 17 février 2005. Il a rappelé que, quand la Commission européenne avait recommandé au Conseil de décider d'une mise en demeure à l'encontre de la France et de l'Allemagne, celui-ci avait décidé, le 25 novembre 2003, d'adopter des « conclusions » non prévues par les textes.
Il a considéré que la violation du pacte de stabilité par de nombreux Etats membres venait essentiellement du fait que celui-ci ne les incitait pas véritablement à mener une politique budgétaire appropriée lorsque la croissance économique était forte et « masquait » une situation budgétaire dégradée. Il a indiqué que les textes prévoyaient seulement une procédure d'« alerte précoce », selon laquelle, quand la situation budgétaire d'un Etat s'écartait de ce que prévoyait son programme de stabilité, la Commission européenne pouvait recommander au Conseil de lui adresser un tel avertissement. Il a précisé, qu'en pratique, le Conseil n'avait appliqué cette procédure qu'à une seule occasion, au sujet de la France, le 21 janvier 2003. Il a estimé que l'absence d'incitation véritable des Etats membres à mener une politique budgétaire adaptée en période de croissance forte était d'autant plus préoccupante qu'il s'agissait d'une politique budgétaire inappropriée avant le ralentissement de la croissance en 2002, qui expliquait le déficit excessif observé en France et en Allemagne.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a également considéré que le pacte de stabilité était, sous sa forme actuelle, économiquement susceptible de contestations. Il a estimé que le respect d'une cible de solde public n'était pas une fin en soi, mais avait pour objet de maîtriser le taux d'endettement. Il a rappelé que la limite de 3 % du PIB pour le déficit public autorisé avait été calculée pour permettre, selon les hypothèses d'une croissance annuelle en valeur de 5 % et d'un endettement initial de 60 % du PIB, la stabilisation du taux d'endettement. Il a évoqué la proposition, faite en mai 2002 par M. Jean Pisani-Ferry, de donner aux Etats membres la possibilité d'opter pour un « Pacte de soutenabilité de la dette », les Etats respectant leurs engagements en matière de dette publique étant automatiquement considérés comme ne se trouvant pas en situation de déficit excessif. Il a souligné que, selon les estimations du gouvernement, le solde public permettant d'avoir dans 20 ans une dette publique de 40 % du PIB sans prise en compte de la dette implicite, ou de 60 % du PIB avec prise en compte de la dette implicite, était compris entre environ 3 % pour l'Irlande et l'équilibre pour la Belgique. Il a considéré, en conséquence, que la limite actuelle de 3 % du PIB, applicable à tous les Etats, ne semblait guère justifiée. Il a précisé que la situation de la France ne serait cependant guère modifiée par une telle réforme, dont résulterait, dans son cas, une cible de déficit structurel de l'ordre de 1 % du PIB, soit un niveau identique à celui lui permettant, en principe, de ne pas avoir de déficit effectif supérieur à 3 % du PIB.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que, dans ces conditions, la réforme décidée par le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 pouvait sembler encore inaboutie.
Il a jugé que l'interdiction d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB n'était assouplie qu'à la marge, et restait le critère essentiel en fonction duquel était appréciée la situation budgétaire des Etats. Il a souligné l'écart entre la complexité des réformes décidées et l'impact a priori limité que, selon lui, elles auraient en pratique. Il a rappelé que le Conseil européen avait décidé de rendre moins restrictive la définition des « circonstances exceptionnelles », qui permettait à un Etat d'avoir un déficit supérieur à 3 % du PIB, et qu'en particulier, seraient pris en compte une multitude de facteurs, parmi lesquels les politiques visant à encourager la R&D et l'innovation, la viabilité de la dette, et « tout autre facteur qui, de l'avis de l'Etat membre concerné, est pertinent pour pouvoir évaluer globalement, en termes qualitatifs, le dépassement de la valeur de référence ». Il a précisé que seraient également prises en considération les réformes des systèmes de retraite se traduisant par l'introduction de la capitalisation, qui avait un coût budgétaire à court terme. Il a cependant souligné que le dépassement de la valeur de référence devrait être temporaire et de faible ampleur, et qu'en conséquence, un déficit public de 4 % du PIB serait, vraisemblablement, toujours considéré comme trop élevé, de sorte que la règle des 3 % n'était guère modifiée en pratique.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré, pourtant, qu'il aurait peut-être été possible de faire de la dette publique un critère essentiel de la mise en oeuvre de la procédure relative aux déficits excessifs, sans modifier ni le traité CE, ni le protocole sur la procédure relative aux déficits excessifs, en contournant partiellement l'interdiction d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB, par une modulation du rythme de l'ajustement favorable aux Etats peu endettés. Il a jugé que les propositions faites par la Commission européenne en septembre 2004 ne semblaient pas écarter une réforme de cette nature.
Il a estimé que les Etats membres ne seraient pas plus incités qu'aujourd'hui à mener une politique budgétaire appropriée en période de croissance économique forte. Il a indiqué que le projet de « traité établissant une Constitution pour l'Europe » prévoyait que la Commission européenne pourrait adresser une recommandation directement à l'Etat membre concerné, et que la réforme du pacte de stabilité décidée par le Conseil européen prévoyait seulement d'anticiper la mise en oeuvre de cette mesure, avec la diffusion, par la Commission, de « conseils stratégiques visant à encourager les Etats membres à ne pas s'écarter de leur trajectoire d'ajustement ». Il a considéré que, du fait, notamment, de l'absence de possibilité de sanction, cette procédure semblait devoir rester peu efficace.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est alors interrogé sur la manière de rendre plus effectives les règles du pacte de stabilité.
Il a jugé nécessaire de réaliser une véritable réforme d'Eurostat, et en particulier d'en renforcer la légitimité, estimant que celle des statistiques communautaires en matière de finances publiques était importante, non seulement pour le bon fonctionnement du pacte de stabilité, mais aussi pour celui des marchés financiers, qui devaient pouvoir convenablement évaluer la solvabilité des différents Etats membres, afin de signaler les erreurs de stratégie. Il a rappelé que la réforme d'Eurostat était à l'ordre du jour, depuis le Conseil du 2 juin 2004, qui avait invité la Commission européenne à faire des propositions de réforme à cet égard, et la notification de la situation budgétaire grecque, datant de septembre 2004, et qui avait fait apparaître d'importantes révisions des chiffres du déficit et de la dette pour les années 2000 à 2003. Il a indiqué que la Commission européenne avait, au sujet de la réforme d'Eurostat, présenté le 22 décembre 2004 une communication, et adopté le 2 mars 2005 un projet de règlement, prévoyant, notamment, de donner à Eurostat un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place. Il a précisé que les capacités opérationnelles d'Eurostat devaient être augmentées, que la Commission européenne devait faire, avant la fin du premier semestre 2005, des propositions afin d'améliorer les normes européennes minimales concernant les instituts nationaux de statistique et Eurostat, et que les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 prévoyaient que « l'imposition de sanctions à l'encontre d'un Etat membre devrait être envisagée lorsqu'il y a violation de l'obligation de transmettre dûment les données gouvernementales ». Il a jugé que si ces réformes allaient dans le bon sens, elles ne renforçaient pas suffisamment la légitimité d'Eurostat, indispensable à un bon fonctionnement du pacte de stabilité. Il a considéré que, s'il n'était pas souhaitable de rendre Eurostat, qui était un « office » soumis à la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne, indépendant de cette dernière, il serait, en revanche, utile de renforcer la légitimité d'Eurostat par la mise en place d'un « comité des sages », moins suspect de dépendance vis-à-vis des intérêts nationaux, que l'actuel « comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements ». Il a précisé que cette instance de régulation devrait être constituée de personnalités incontestables au vu de leur expérience professionnelle et de leur réputation dans des milieux académiques, qui seraient désignées par le président du Conseil, celui de la Cour de Justice et celui de la Commission européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé essentiel que chaque Etat membre réalise des réformes internes afin de se conformer au pacte de stabilité, et en particulier de mener une politique budgétaire adaptée en période de croissance économique forte. Il a rappelé que le Conseil européen, conscient des limites de la réforme qu'il avait décidée, invitait, à cet égard, les Etats membres à instaurer des règles nationales destinées à permettre une meilleure application du pacte, à faire du premier programme de stabilité de chaque nouvelle législature un véritable engagement pluriannuel, et à mieux associer les Parlements nationaux. Sur ce dernier point, il a jugé souhaitable de profiter du débat d'orientation budgétaire (DOB) pour procéder, chaque année, à un examen approfondi de la mise en oeuvre des engagements européens de la France. Il a rappelé que l'article 48 de la LOLF disposait que le rapport présenté « au cours du dernier trimestre de la session ordinaire » par le gouvernement dans la perspective du DOB devait comporter « une description des grandes orientations de [la] politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France ». Il a considéré que le rôle du DOB serait renforcé si, comme la Commission européenne l'avait proposé dans un rapport de juin 2004, les programmes de stabilité lui étaient présentés fin mai, et non début décembre comme tel était le cas aujourd'hui. Il a également jugé indispensable d'organiser des débats sur les projets ou propositions d'actes communautaires adoptés par les institutions, concernant la mise en oeuvre par la France du pacte de stabilité, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution. Après avoir rappelé que l'article 73 bis du règlement du Sénat prévoyait déjà que les résolutions adoptées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution pouvaient l'être avec ou sans débat en séance publique, il a jugé cette dernière solution préférable. Il a indiqué à cet égard que le Conseil européen suggérait que les Parlements nationaux tiennent « un débat sur le suivi à donner aux recommandations formulées dans le cadre de la procédure d'alerte rapide et de la procédure concernant les déficits excessifs ».
Un large débat s'est ouvert.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que les recommandations faites par le rapporteur général étaient équilibrées. Il a estimé que le pacte de stabilité était devenu un « pacte de tolérance », chaque Etat étant libre, en pratique, de mener la politique budgétaire qu'il souhaitait.
M. Maurice Blin s'est interrogé, au vu de la situation économique actuelle, sur les raisons de l'appréciation de l'euro. En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné la convergence d'intérêt des Etats-Unis et de la Chine en faveur d'une valeur élevée de l'euro, ainsi que les insuffisances institutionnelles de l'Union européenne en matière de politique de change. M. Jean Arthuis, président, a considéré que l'appréciation de l'euro s'expliquait en partie par la politique de la Banque centrale européenne en matière de taux d'intérêt.
M. Yves Fréville a considéré qu'il était indispensable, pour que les Etats membres mènent une politique adaptée en période de croissance forte, que le déficit structurel soit défini de manière incontestable. Il a estimé, en outre, que la commission des finances devait donner son avis sur la prise en compte par le gouvernement de certaines mesures budgétaires, telles que les « soultes ». Il a souligné la nécessité qu'Eurostat se voie reconnaître la possibilité d'un contrôle sur pièces et sur place, et s'est interrogé sur la possibilité concrète de prendre des sanctions à l'égard d'un Etat.
En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que l'estimation du déficit structurel de la France pour l'année 2004 était de 2,4 % selon le gouvernement, et de 3,5 % selon la Commission européenne. Il a souligné la nécessité d'une harmonisation des concepts utilisés au sein de l'Union européenne en matière de finances publiques, et que la réforme du pacte de stabilité décidée par le Conseil européen ne prévoyait pas de faciliter l'imposition de sanctions aux Etats en situation de déficit excessif.
MM. Jean Arthuis, président, Yves Fréville et Maurice Blin, ont considéré qu'un Etat ne pouvait, en pratique, se voir imposer de sanction. M. Jean Arthuis, président, a rappelé que, quand il était ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et, à ce titre, chargé de la négociation du traité sur l'Union européenne, il avait oeuvré pour obtenir que celui-ci ne prévoie pas d'automaticité de sanctions en cas de déficit excessif. Il a considéré, de même que M. Philippe Marini, que, seuls, les marchés financiers étaient susceptibles de sanctionner un Etat menant une politique budgétaire non soutenable. M. Yves Fréville a déclaré ne pas partager cette analyse, alors que les emprunts de chaque Etat membre de la zone euro étaient libellés dans la même monnaie, et considéré que la seule sanction possible était celle de la publication du solde structurel des Etats membres.
MM. Jean Arthuis, président, et Maurice Blin, ont considéré que la monnaie unique incitait à l'indiscipline budgétaire.
M. Jean Arthuis, président, a déploré le manque de sincérité du mode de comptabilisation de certaines opérations budgétaires. Il a considéré que la proposition faite par le rapporteur général d'organiser des débats en séance publique, sur la mise en oeuvre du pacte de stabilité, était pertinente. Il a jugé que la commission des finances devait renforcer encore sa capacité d'expertise des projets et propositions d'actes communautaires transmis en application de l'article 88-4 de la Constitution et qui relevaient de son domaine de compétence.
M. Yann Gaillard s'est interrogé sur les interférences éventuelles pouvant exister entre les réformes actuellement en cours du pacte de stabilité et l'actualité européenne, marquée par le prochain référendum sur le « traité établissant une Constitution pour l'Europe ».
Un débat s'est alors ouvert au sujet de la proposition de directive tendant à libéraliser les services, auquel ont participé MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, Maurice Blin, et Yves Fréville.
Puis la commission des finances a donné acte au rapporteur général de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.