Table des matières
- Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.
Impôts et taxes - Culture - Mécénat, associations et fondations - Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication
La commission a procédé conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi n° 234 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations dont elle est saisie au fond.
Présentant tout d'abord l'esprit du projet de loi, le ministre a souligné qu'il s'agissait de traduire la confiance que le Gouvernement plaçait dans l'initiative privée et dans la générosité de nos concitoyens et que ce projet avait été défini en pleine concertation avec tous les acteurs concernés, privés et publics, qu'il s'agisse des ministères de la santé, de la recherche ou des sports notamment, sans oublier les ministères de l'intérieur et du budget.
Le ministre a mis l'accent sur le retard que la France accusait en matière de mécénat et, tout particulièrement, en ce qui concernait les fondations :
- à peine 15 % des Français faisaient des dons à des oeuvres d'intérêt général pour un montant d'un peu moins d'un milliard d'euros, tandis que les entreprises étaient peu nombreuses à se lancer dans le mécénat, moins de 2.000 selon l'annuaire de l'ADMICAL, pour un montant de dons de l'ordre de 340 millions d'euros ;
- au total, la France ne comptait que 476 fondations d'utilité publique, 78 fondations d'entreprises et environ 500 fondations sous l'égide de la Fondation de France, ce qui était faible comparé aux 12.000 fondations américaines ou au 3.000 « charity-trusts » britanniques.
Considérant que les apports du mécénat représentaient moins de un pour mille du PIB de la France, contre plus de 2 % aux Etats-Unis, M. Jean-Jacques Aillagon a souligné que la générosité des Français n'était pas en cause et qu'elle ne demandait qu'à être mobilisée.
C'est dans cette perspective que le projet de loi prévoyait un certain nombre de dispositions très incitatives :
- l'augmentation, de 50 % à 60 % du don, de la réduction d'impôt dont bénéficiaient les particuliers en cas de dons à des oeuvres d'intérêt général ;
- le doublement, de 10 % à 20 %, du plafond que pouvaient représenter les dons en pourcentage du revenu imposable ;
- la possibilité, pour des héritiers, d'être exonérés totalement de droits de succession sur les dons aux organismes d'intérêt général.
Pour les entreprises, le projet de loi introduisait également des dispositions tout à fait favorables :
- le don à un organisme d'intérêt général n'était plus simplement déductible du revenu imposable mais ouvrait droit à une réduction d'impôt de 60 % ;
- le plafond du montant des dons en pourcentage du chiffre d'affaires était augmenté pour atteindre 5 %o contre 2,25 %o ou 3,25 %o auparavant.
En ce qui concernait les fondations, le ministre a insisté sur les mesures positives contenues dans le texte : l'abattement d'impôt sur les sociétés, qui passait de 15.000 euros à 40.000 euros, ainsi que le droit des salariés de faire des dons à leurs fondations d'entreprise. Il a ajouté que la possibilité offerte aux particuliers de reporter sur cinq ans l'éventuel excédent d'un don par rapport à la limite de 20 % du revenu imposable était de nature à favoriser la constitution de dotations importantes pour les fondations.
Ensuite, M. Jean-Jacques Aillagon a résumé les apports de l'Assemblée nationale lors de l'examen du texte en première lecture. Il s'agissait :
- de l'extension de certaines mesures d'incitations fiscales initialement réservées aux fondations, aux associations reconnues d'utilité publique, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics ;
- de la possibilité, pour les organismes d'intérêt général, d'interroger préventivement l'administration fiscale afin de savoir s'ils entraient dans le champ d'application de la réduction d'impôt ;
- de l'exonération des droits de donation sur les dons manuels dont bénéficiaient les organismes d'intérêt général ;
- des mesures garantissant la transparence et les contrôles des fonds collectés par les organismes d'intérêt général, étant noté, à cet égard, que le dispositif pouvait en être amélioré ;
- enfin, une extension du dispositif d'incitations fiscales relatif aux trésors nationaux, permettant de favoriser l'entrée ou le retour en France d'oeuvres d'art exceptionnelles présentes sur les marchés internationaux.
Le ministre s'est déclaré ensuite ouvert à la possibilité d'améliorer le texte du projet de loi pour permettre à toutes les institutions du spectacle vivant -festivals, orchestres, ensembles musicaux, compagnies dramatiques- de bénéficier du mécénat, afin que le statut fiscal de ces organismes ne puisse faire obstacle au bénéfice du mécénat pourvu que leur gestion soit désintéressée.
Il a conclu son intervention en réaffirmant que la promotion du mécénat n'était pas le signe d'un désengagement de l'Etat en matière de culture, et que c'était à la collectivité nationale qu'il incombait d'associer tous les acteurs dans le sens de l'intérêt général pour que celui-ci devienne encore plus largement l'affaire de tous.
A l'issue de cette présentation, M. Yann Gaillard, rapporteur pour la commission des finances, saisie au fond, du projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations, est intervenu pour exposer son analyse d'un texte qui lui était apparu caractérisé par sa portée générale et la simplicité des mécanismes fiscaux qu'il comportait.
Il a noté que cette volonté de simplification avait pour contrepartie la fin des régimes de faveur dont bénéficiaient certaines catégories d'organismes d'intérêt général, qu'il s'agisse de ceux qui se consacraient essentiellement à la fourniture de repas gratuits ou des fondations, dont il a regretté que le texte ne reconnaisse pas suffisamment la spécificité. Puis M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, a évoqué la délicate question du contrôle des organismes d'intérêt général recevant des dons ouvrant droit à des réductions d'impôt. A cet égard, il a indiqué qu'il était difficile d'arbitrer entre le souci de suivi de la dépense fiscale et celui, non moins légitime, de ne pas créer un climat de suspicion ou des contraintes inutiles, notamment pour les petites associations.
Après avoir évoqué la question d'éventuelles réductions d'impôt en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, M. Yann Gaillard a interrogé le ministre sur les perspectives ouvertes par le projet de loi en matière de promotion de l'art contemporain, considérant qu'un assouplissement des règles en matière d'exposition des oeuvres d'art achetées par les entreprises viendrait utilement compléter la possibilité pour les fondations d'entreprises de constituer des collections d'art contemporain.
Enfin, il a demandé au ministre des précisions sur les nouveaux statuts-types applicables aux fondations et a conclu son intervention en considérant qu'il y avait un important travail de communication à mener, dans la mesure où, il l'avait lui-même constaté en rencontrant des chefs d'entreprise, l'opinion n'était pas véritablement consciente de la révolution que constituait ce texte en matière de mécénat.
Répondant au rapporteur de la commission des finances, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture, a d'abord rappelé que ce texte était un compromis entre « l'idéal et le possible » et qu'il avait dû tenir compte d'une conjoncture financière difficile, rendant hommage à cette occasion à la compréhension dont avait fait preuve M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Au sujet du contrôle des organismes d'intérêt général, il a fait savoir qu'il fallait trouver un « juste milieu » entre une absence totale de transparence de nature à favoriser des refuges fiscaux injustifiés, et un contrôle tatillon et bureaucratique. Il a également indiqué que la Cour des comptes avait nettement fait savoir qu'elle ne souhaitait pas une extension du champ de ses compétences.
Ensuite, il a reconnu qu'il y avait un problème de promotion du texte, citant l'exemple du nouveau dispositif relatif aux trésors nationaux qui, en dépit de son caractère très avantageux, n'avait connu qu'une seule application. Il fallait donc, selon lui, mener une politique déterminée de communication de nature à diminuer une certaine inertie qui entravait le dynamisme du mécénat.
Après avoir rappelé tout l'intérêt des nouveaux statuts-types applicables aux fondations qui allaient assouplir leur mode d'organisation financière ou institutionnelle, il a souligné que l'essentiel était d'accélérer la procédure et que l'on devrait mettre en place un système d'approbation tacite, dans lequel les ministères chargés de donner leur avis seraient tenus de le faire dans un délai de deux mois, ce qui éviterait l'attente parfois interminable des personnes désireuses de créer une fondation.
Enfin, M. Jean-Jacques Aillagon a insisté sur le fait que ce texte était de portée générale. Pour cette raison, il avait voulu éviter de l'assortir de mesures sectorielles qui auraient affecté la lisibilité des intentions, très générales, du Gouvernement.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, après avoir excusé M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a noté, à titre liminaire, que le projet de loi visait à diversifier les sources de financement de la politique culturelle et non à substituer les recettes du mécénat aux dépenses publiques. A ce titre, la commission des affaires culturelles ne pouvait qu'y être favorable.
Notant le caractère généraliste du dispositif proposé, il s'est interrogé sur l'opportunité de le compléter par des mesures plus ciblées destinées à encourager le mécénat culturel.
Il s'est demandé si, au-delà des mesures proposées par le projet de loi, il ne serait pas opportun d'assouplir encore le régime fiscal des fondations reconnues d'utilité publique, afin de tenir compte du statut juridique spécifique de ces organismes. Par ailleurs, il a souhaité obtenir des précisions sur les mesures réglementaires prises pour assouplir leur régime juridique.
Après avoir rappelé que le patrimoine était un sujet cher au coeur des Français, il a déploré que le mécénat en faveur des monuments historiques, et en particulier ceux appartenant à des propriétaires privés, soit encore peu développé. Il s'est interrogé sur les moyens de remédier à cette lacune en mettant en place un cadre juridique et fiscal favorable au développement d'actions de mécénat au profit de ces monuments, en usant par exemple de la possibilité de créer des fondations abritées. En outre, il a attiré l'attention du ministre sur le relatif arbitraire qui présidait à l'évaluation de ces biens par les services fiscaux.
Evoquant la question du contrôle des organismes recevant des dons ouvrant droit à un avantage fiscal, M. Jacques Valade a estimé qu'un équilibre pourrait être trouvé entre la volonté de garantir la transparence de leur action et le souci d'alléger les contraintes administratives qui pesaient sur eux, en fixant un seuil au-dessus duquel les obligations comptables devraient s'appliquer.
M. Jean-Jacques Aillagon a estimé nécessaire de mettre enfin un terme au débat largement rhétorique opposant l'action publique aux initiatives privées. Dans le domaine culturel, ces deux formes d'intervention étaient complémentaires. A l'exception du dispositif introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement destiné à encourager l'achat d'oeuvres majeures situées hors du territoire national, qui répondait à une urgence, le projet de loi avait vocation à couvrir l'ensemble des secteurs de l'action du Gouvernement et non pas spécifiquement le champ d'intervention du ministère de la culture.
Le ministre a toutefois rappelé qu'une disposition avait été introduite par le Sénat dans la loi de finances pour 2003 afin d'affecter à la Fondation du patrimoine une part du produit des successions vacantes. Par ailleurs, la loi de programme sur le patrimoine en cours de préparation devrait comporter des mesures destinées à assurer une meilleure protection des monuments historiques en donnant à leurs propriétaires, particuliers ou collectivités publiques, les moyens d'en assurer la charge.
Il a indiqué, en outre, que serait proposée, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, une mesure destinée à éviter la délocalisation à l'étranger des tournages de films. Cette mesure s'inscrira dans un plan destiné à soutenir les industries techniques.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, qui appelait l'attention du ministre de la culture sur l'intérêt qu'il y aurait à encourager la remise de monuments historiques restaurés à une fondation chargée de les animer et de les ouvrir au public, M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué que, s'il partageait, à titre personnel, le souci ainsi exprimé, d'ailleurs non seulement pour les monuments historiques mais également pour les oeuvres d'art, il fallait tenir compte des contraintes budgétaires et donc se rapprocher du ministre délégué au budget.
M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, a signalé, à ce sujet, qu'il comptait soumettre à la commission des finances un amendement élargissant aux dons en nature et donc aux biens immobiliers et aux oeuvres d'art, l'exonération de droits de mutation prévue à l'article 4 du projet.
Puis M. Michel Charasse est intervenu pour signaler d'abord que, si l'on voulait abréger le « parcours du combattant » que constituait la création d'une fondation, l'on ne pouvait s'en remettre au seul droit prétorien du Conseil d'Etat et qu'il fallait que le législateur retrouve toute sa compétence en la matière. Ensuite, il a évoqué la question de la publicité des comptes et des modalités de contrôle des associations délivrant des certificats fiscaux, que ce soit par la Cour des comptes ou par les inspections générales des ministères. Enfin, il s'est inquiété de la situation des organismes d'assistance aux personnes démunies dans la mesure où la perte de leur traitement fiscal privilégié pouvait leur faire subir une chute de leurs ressources de mécénat.
M. Ivan Renar a regretté que les mesures d'encouragement au mécénat n'aient pas été présentées à l'occasion d'un projet de loi cadre sur la culture, qui aurait permis d'éviter la polémique sur le risque d'un désengagement de l'Etat. Il a souligné la nécessité de passer d'un mécénat de contributions à un mécénat d'initiatives. Les acteurs culturels et les entreprises devaient établir un partenariat dans la perspective de la promotion du développement durable. Les entreprises étaient susceptibles à travers leurs salariés de concourir à la démocratisation de l'accès à la culture.
S'appuyant notamment sur l'exemple du dispositif introduit par la loi relative aux musées de France, afin d'inciter les entreprises à acquérir des trésors nationaux, M. Philippe Richert a souligné les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces mesures. Il a insisté sur la nécessité de promouvoir des mécanismes à la fois incitatifs et lisibles. A cet égard, il s'est félicité des mesures de simplification proposées par le projet de loi qui permettait également un renforcement significatif des avantages fiscaux bénéficiant aux entreprises et aux particuliers. Il a fait observer que, loin de marquer un désengagement de l'Etat, le projet de loi traduisait à travers une augmentation de la dépense fiscale un effort financier important de la part du Gouvernement.
Au sujet des organismes d'aides aux personnes démunies dont la situation avait inquiété M. Michel Charasse, le ministre de la culture a fait savoir qu'il serait toujours possible de réagir au cas où ils auraient effectivement des difficultés à maintenir leurs ressources. Il a également précisé en réponse aux questions de M. Michel Charasse qu'il fallait trouver le bon niveau du seuil au-dessus duquel on pouvait raisonnablement imposer des obligations de publicité ou de certification des comptes des associations.
Répondant à M. Ivan Renar, M. Jean-Jacques Aillagon a souligné l'intérêt d'une approche progressive et pragmatique des réformes législatives dans le domaine culturel. Il a relevé que le mécénat s'orientait de plus en plus vers le soutien à des projets publics, à l'image de la manifestation Lille 2004. Il a souligné toutefois la nécessité de promouvoir des dispositifs souples permettant aux actions de mécénat de s'orienter dans le sens souhaité par ceux qui en prenaient l'initiative.
Prenant acte du souci exprimé par M. Philippe Richert, il a indiqué qu'il conviendrait d'assurer une large promotion des modifications introduites par le projet de loi afin d'en garantir l'efficacité.
Contrôle budgétaire - Aides publiques au cinéma en France - Communication
Présidence de M. Jean Arthuis, président.
Puis la commission a entendu une communication de MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial du budget de la culture, et Paul Loridant, rapporteur spécial des crédits des comptes spéciaux du trésor, sur la mission de contrôle qu'ils ont menée sur le compte de soutien au cinéma français.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial du budget de la culture, a souligné, en introduction, combien l'aide publique au cinéma, financée, pour l'essentiel, à partir de ressources prélevées sur les entrées en salle et sur la publicité télévisée, était emblématique de la fameuse et très française « exception » culturelle. Il a rappelé le contexte dans lequel s'inscrivait la mission de contrôle des aides publiques menée par les deux rapporteurs spéciaux, l'un au titre du budget de la culture, l'autre au titre des comptes spéciaux du trésor, qui s'était appuyée sur l'étude d'un expert extérieur. Il a ensuite souligné le paradoxe d'un cinéma français en bonne santé apparente, avec un nombre de films produits qui n'avait jamais été aussi élevé qu'en 2001, avec 172 films français, contre 120 en 1990, mais subissant, sur le plan économique, les incertitudes qui planaient sur Canal +, dont les apports directs ou indirects à travers les obligations de production avaient été à l'origine d'un certain « âge d'or » du cinéma français.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a observé que, face à ce changement de contexte, l'augmentation de l'assiette de la taxe vidéo voulue par la profession et décidée par le Gouvernement apparaissait comme une condition, peut-être nécessaire, mais certainement pas suffisante, compte tenu des faibles masses budgétaires en jeu pour permettre au compte de soutien d'assurer, comme il l'avait fait par le passé, la promotion du cinéma français face au cinéma américain. Il a jugé que l'essentiel était ailleurs, dans la gestion de la dépense, selon deux axes : la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances avec, notamment, l'application des principes d'évaluation des politiques et de responsabilité des opérateurs, d'une part, la clarification du système de soutien en vue d'une meilleure orientation des aides, d'autre part.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, a ensuite présenté les pistes tracées par les rapporteurs pour apporter de nouvelles ressources au cinéma français. Il a insisté sur la fragilité financière du secteur du cinéma, que l'on se place au niveau des entreprises -notoirement sous-capitalisées ou endettées- ou du compte de soutien, pour lequel il avait fallu diminuer le taux de retour « producteur », qui était revenu de 140 % en 1999 à un barème dégressif allant de 125 % à 50 % en 2002. Tout en soulignant que les ressources alimentant le compte de soutien constituaient des ressources fiscales, contrairement à ce qu'avançaient fréquemment les « gens du cinéma », et que l'aménagement de ces ressources devait entrer dans le cadre de la maîtrise des prélèvements obligatoires, il a appelé de ses voeux une augmentation limitée de la taxe pesant sur les DVD, sans toutefois aller jusqu'à satisfaire les demandes d'une profession, naturellement « gourmande » en argent public et encline à considérer qu'elle pouvait décider de l'importance du prélèvement comme de la répartition du produit. Il a expliqué l'augmentation de la taxe sur la vidéo, qui devrait consister en un changement d'assiette et non une hausse de taux, par le fait que le marché de la vidéo ou du DVD, étant en « plein boum », devait participer davantage au financement du cinéma. Il a indiqué que la réforme proposée, en accord avec les intéressés, consisterait à prélever la taxe, non plus sur le prix éditeur mais au stade du commerce de détail, comme en matière de TVA, et devrait rapporter un supplément de recettes d'environ 6 millions d'euros la première année en année pleine (2003) et, sur la base d'une augmentation du marché de 20 % par an, sans doute plus de 13 millions d'euros en 2006 (55 millions d'euros contre 36,7 millions d'euros à législation constante).
En ce qui concernait les ressources propres de la filière cinéma, il a invité à consolider et développer les financements existants, en aménageant le régime des SOFICA, par un recentrage sur la production indépendante (2/3 des sommes investies contre 1/3 actuellement), en utilisant pleinement tous les mécanismes de droit commun destinés au capital-risque, en tirant parti du projet de loi sur le mécénat, par exemple en permettant aux producteurs d'affecter leurs droits de tirages non utilisés, qui formaient une partie de la « dette flottante » (égale au total à 90 millions d'euros) à des fondations à vocation patrimoniale, et enfin en accompagnant le cas échéant, l'engagement des collectivités locales par la promotion de SOFICA régionales. Il a en revanche souhaité que ne soient pas bouleversées les relations délicates entre le cinéma et la télévision.
En ce qui concernait les dépenses, M. Paul Loridant, rapporteur spécial des crédits des comptes spéciaux du trésor, a indiqué que les propositions soumises à la commission des finances devaient conduire à une refondation des aides publiques au cinéma. Il a déclaré que cet objectif de refondation reposait sur le constat selon lequel les quelque 150 à 170 films français produits chaque année ne bénéficiaient pas tous d'une exposition idéale sur les écrans de cinéma et de télévision. Il s'est alors interrogé sur la question de savoir s'il fallait produire moins de films français, ou du moins diminuer le nombre de films financés par l'argent public, sans y apporter toutefois de réponse définitive. Il a surtout considéré qu'il fallait chercher des moyens diversifiés, de nature à rendre plus visibles tous les films français, et notamment les films à petit budget.
Il a ensuite exprimé les principes selon lesquels opérer la refondation du compte de soutien au cinéma français, prescrivant une évaluation claire de la politique poursuivie et une responsabilisation des acteurs du système. Il a observé que, dans cette perspective, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances devrait offrir un outil précieux, même si le cinéma constituait un domaine éminemment qualitatif. Il a remarqué qu'à certains égards, ce serait un test de l'applicabilité de la loi organique au secteur culturel.
Au regard des principes posés par ladite loi organique, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, s'est interrogé sur la pertinence du mode d'attribution de l'avance sur recettes, qui reposait actuellement sur un président nommé pour un ou parfois deux ans, assisté de trois collèges de neuf membres changeant a priori tous les ans. Il a souligné que cette rotation très rapide, perçue comme une façon d'associer la profession, empêchait en même temps toute évaluation des résultats. Il a noté l'intérêt d'une transposition éventuelle du cas danois, système performant d'aides au cinéma national, dans lequel c'étaient des « consultants », c'est-à-dire des producteurs, qui choisissaient au nom de l'État d'investir dans des films indépendamment de toute considération commerciale. Il a par ailleurs souhaité que la loi organique incite à appréhender la qualité des oeuvres produites, non en notant individuellement les oeuvres, mais en rendant systématique la collecte d'informations, sur les nombres d'entrées, sur les récompenses obtenues dans les festivals, pour se donner la possibilité d'évaluer les échecs et d'améliorer ainsi le processus de sélection des films financés sur fonds publics.
M. Paul Loridant a également proposé, dans un objectif de refondation du système, de clarifier le régime des aides financières en permettant une meilleure orientation et une plus grande lisibilité des aides. Il a considéré que le système d'aide au cinéma français avait, en effet, perdu beaucoup de sa lisibilité initiale par suite de l'accumulation de « guichets » de toute nature et qu'il fallait désormais « repenser la règle du jeu ». Il a imaginé un système limitant l'aide automatique au seul produit de la taxe spéciale sur les places et séparant, dans l'aide sélective, l'aide accordée sur dossier de façon discrétionnaire sur critères artistiques, dont le prototype était l'avance sur recettes, et les aides ciblées en fonction de priorités structurelles et définies sur la base de critères objectifs de nature commerciale ou comptable.
Enfin, M. Paul Loridant a estimé que cette refondation devrait viser à rendre le système français eurocompatible, expliquant que les contacts pris à Bruxelles montraient « deux visages » de la Commission. Celui de la direction des médias très compréhensif vis-à-vis de la politique française et celui de la division de la concurrence très agressif vis-à-vis d'une politique considérée comme perturbatrice pour les échanges intra-européens, en dépit de son importance objectivement limitée. Il a jugé que si la France avait obtenu un sursis jusqu'en 2004 et peut-être un peu plus, compte tenu du renouvellement de la commission, on pouvait se demander si la France pourrait, à long terme, résister à la pression de Bruxelles, soulignant que la position de la France serait plus forte si elle pouvait avoir des intérêts communs avec d'autres pays membres ayant des systèmes analogues, comme l'Italie. Il a indiqué que l'interconnexion avec d'autres systèmes d'aide avait été jusqu'à présent récusée, dans la mesure où l'aide automatique française était plus généreuse, puisqu'elle incluait des ressources en provenance d'une taxe sur la publicité télévisée, ce qui n'existait nulle part ailleurs, mais que la reconfiguration des aides envisagée par les rapporteurs devrait rendre possible l'ouverture réciproque du système français sur les systèmes européens équivalents.
En complément aux interventions de M. Jean Arthuis, président, soulignant notamment le coût très important du régime des intermittents du spectacle et du régime de TVA réduite dont bénéficiaient les professionnels du cinéma, et deM. Yves Fréville, critiquant le régime fiscal des SOFICA et observant que le système d'aides publiques au cinéma fonctionnait, sous couvert d'exception culturelle, « en circuit fermé », MM. Yann Gaillard et Paul Loridant, rapporteur spéciaux, ont, tout en insistant sur l'excellent système que représentait l'aide automatique et le rôle qu'elle jouait en faveur de la persistance du cinéma français face au déclin des autres cinémas européens, jugé que le nombre de films produits était vraisemblablement excessif, entraînant un certain gaspillage de talents puisque plus de la moitié des films n'atteint pas 25.000 entrées et 60 % d'entre eux ne sont jamais diffusés sur des chaînes en clair. Ils ont enfin déploré que le système ait favorisé l'inflation du coût des talents.
A l'issue de cette présentation, la commission a donné acte aux rapporteurs des conclusions de leur communication et a décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Mercredi 30 avril 2003
- Présidence de M. Jean Arthuis, président.
Codification - Habilitation du Gouvernement à simplifier le droit - Examen du rapport pour avis
La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Gérard Braun sur le projet de loi n° 262 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
Après avoir rappelé aux membres de la commission que ce projet de loi avait été annoncé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002, M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a indiqué que la codification constituait un aspect de la simplification, puisqu'elle facilitait l'accès au droit.
M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a également rappelé que le rapport spécial sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003, ainsi qu'une communication de juillet dernier, lui avaient déjà donné l'occasion de dresser un tableau nuancé du chemin accompli en matière de simplifications. Compte tenu du fait que les simplifications opérées par le passé, pour significatives que furent certaines d'entre elles, n'avaient pas été, dans leur ensemble, à la hauteur des ambitions qui les avaient précédées, il a justifié que le Gouvernement procédât par ordonnances, gages de rapidité et d'efficacité.
En effet, M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a souligné que les simplifications requises présentaient généralement un caractère technique marqué, vis-à-vis duquel le Gouvernement était sans doute mieux armé. En effet, les simplifications administratives requerraient l'expertise continue de l'ensemble des administrations concernées. Par ailleurs, il s'est référé aux termes mêmes de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, selon lesquels la codification répondait, en effet, « à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi », pour conclure à l'urgence de toute entreprise de codification. La technique de l'habilitation devait permettre de pallier l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées, sans porter de préjudice notable à la qualité de la codification, compte tenu, notamment, de la valeur du travail de la commission supérieure de codification.
Il s'est ensuite référé aux propos tenus par M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, auditionné au Sénat le 1er avril 2003, qui avait indiqué qu'il souhaitait un véritable débat sur le contenu des ordonnances lors du vote de leur ratification, et qu'il souhaitait, au surplus, une association spécifique des parlementaires à leur élaboration. M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a indiqué que ce dernier voeu était en passe d'être réalisé, puisque l'Assemblée nationale avait adopté, à cet effet, un amendement instituant un Conseil d'orientation de la simplification administrative.
Il en a conclu que les préventions qui subsisteraient avaient donc lieu de s'estomper.
Puis il a précisé le champ de compétence de la commission, qui avait entendu se saisir pour avis de l'article 18, des 4° et 5° de l'article 21, et du 4° de l'article 27 du présent projet de loi d'habilitation, tandis que la commission des lois avait bien voulu déléguer à la commission l'examen de l'article 5 et du 10° de l'article 21, qui avaient, en effet, requis des compétences qui apparaissaient globalement de son ressort.
Il a alors présenté le contenu des différents articles soumis à la commission.
A l'article 5, l'habilitation concernait la simplification des relations entre usagers et administration fiscale, et la rationalisation des modalités d'option pour certains régimes fiscaux. M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a indiqué que cet article, qui visait des difficultés bien répertoriées, méritait un accueil favorable, à condition d'être mieux circonscrit par deux amendements : d'une part, un premier amendement supprimait un complément d'habilitation destiné à assurer le respect de la présomption d'innocence en matière fiscale, principe auquel la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales avait déjà donné une consistance suffisante. Il a souligné que ce complément d'habilitation avait été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. D'autre part, un second amendement précisait utilement que l'habilitation de l'article 5 ne pouvait donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles, ce qui correspondait d'ailleurs aux intentions précédemment formulées par le Gouvernement.
Puis M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a présenté l'article 18, par lequel le Gouvernement était habilité à prendre diverses mesures relatives à la réalisation et à l'utilisation des enquêtes statistiques obligatoires concernant les professionnels. Il devait en résulter, selon lui, un accès facilité et des économies d'échelle particulièrement bienvenues.
Abordant les 4° et 5° de l'article 21, prévoyant d'habiliter le Gouvernement à prendre diverses mesures de rationalisation du droit des valeurs mobilières et du régime des SARL, il a précisé que le contenu de ces mesures, très attendues, était susceptible de s'inspirer largement de propositions déjà formulées par la commission.
Ensuite, M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a souligné l'opportunité du 10° du même article, permettant l'instauration d'un seuil de sensibilité concernant les affaires du ressort du Conseil de la concurrence, et le relèvement du seuil de contrôle des concentrations, et constaté son adéquation à des souhaits déjà exprimés par la commission.
Enfin, il a abordé le 4° de l'article 27, habilitant le Gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter le code monétaire et financier. Il a salué la reprise du processus de codification dans les matières bancaires et financières, tout en soulignant la nécessité d'un amendement précisant qu'une table de concordance devrait être publiée au Journal officiel, ce qui aurait pour effet de faciliter et fiabiliser le travail des praticiens du droit.
Il a alors indiqué que, si les durées de l'habilitation, fixées à 18 mois pour le 4° de l'article 27 et à 12 mois pour les autres articles, pouvaient apparaître relativement longues au regard de la pratique habituelle, elles apparaissaient finalement raisonnables compte tenu des ambitions du texte.
Un large débat s'est alors instauré. M. Yves Fréville s'est interrogé sur l'étendue des modifications devant être apportées au code général des impôts dans le cadre de la présente habilitation. M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de loi d'habilitation ne visait pas à la « recodification » du code général des impôts, dont il comptait invoquer par ailleurs l'utilité dans son rapport, mais visait, dans son article 5, essentiellement à la simplification des rapports entre les usagers et l'administration, et, accessoirement, à remédier à l'obsolescence de certaines dispositions du code général des impôts.
M. Yves Fréville a indiqué que, selon lui, le Parlement avait également contribué à la complexité du code général des impôts.
Mme Marie-Claude Beaudeau a ensuite manifesté son hostilité au principe même d'une telle habilitation, qui dessaisit le Parlement. M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, lui a précisé, d'une part, que la loi d'habilitation n'engendrait qu'une extension provisoire du domaine réglementaire, d'autre part, que le Gouvernement s'était engagé à demander une ratification explicite des ordonnances, sur lesquelles un débat pourrait ainsi s'engager, débat qui serait suivi d'un vote à l'issue duquel elles acquerraient pleine et entière valeur législative.
Au terme de cet examen, la commission a émis, sous réserve de l'adoption de ses trois amendements, un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi soumises à son examen.
M. Jean Arthuis, président, a ensuite évoqué le problème général posé par les centrales d'achat, regrettant qu'il n'en ait pas été prévu le règlement dans le cadre de l'article 18 du présent projet de loi d'habilitation.
Puis M. Philippe Marini, rapporteur général, est revenu sur l'article 21 du présent projet pour s'interroger sur les conséquences d'une succession trop rapide de textes concernant le droit des sociétés, qu'il s'agisse de la loi sur l'initiative économique, du présent projet de loi, ou d'un texte à venir, concernant, à nouveau, l'initiative économique, susceptible d'engendrer une instabilité du droit préjudiciable aux acteurs économiques.