Table des matières
Mercredi 19 mars 2003
- Présidence de M. Nicolas About, président -
Réforme des retraites - Audition de Mme Yannick Moreau, présidente du Conseil d'orientation des retraites (COR), et de M. Franck Vanlennep, chargé de mission
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Yannick Moreau, présidente du Conseil d'orientation des retraites (COR), accompagnée de M. Franck Vanlennep, chargé de mission.
M. Nicolas About, président, a accueilli Mme Yannick Moreau en précisant que la commission avait conçu cette audition comme un exercice pédagogique liminaire aux travaux qu'elle aurait à réaliser, dans les mois futurs, dans le cadre de la réforme des retraites.
En préambule, Mme Yannick Moreau a rappelé que le COR, créé par un décret en date de mai 2000, avait pour objectif de constituer une instance pluraliste d'expertise et de concertation placée auprès du Premier ministre, chargée d'analyser et de suivre l'évolution des régimes de retraites, tout en formulant des propositions. Elle a toutefois précisé que ce Conseil n'avait pas vocation à se substituer à la décision politique, mais à l'éclairer au moyen de divers outils, dont un rapport bisannuel et diverses manifestations différenciées en fonction des publics, notamment la tenue de colloques ou la publication de brochures.
Elle a ensuite déclaré que le premier rapport du COR, remis en décembre 2001, traçait une vue d'ensemble du système d'assurance vieillesse, en incluant diverses projections financières, afin d'améliorer les conditions du débat sur les retraites. Elle a rappelé à ce titre que le COR avait produit lui-même un grand nombre de documents et avait en outre examiné plusieurs contributions, sans faire siennes leurs conclusions.
Mme Yannick Moreau a précisé que le deuxième rapport du COR, attendu pour le premier trimestre 2004, serait l'occasion d'approfondir les deux thèmes essentiels que sont le droit à l'information des assurés et l'évolution des systèmes de retraites étrangers.
Présentant la première partie du rapport, elle a rappelé que l'augmentation de la durée de la retraite avait été constatée tout au long du 20e siècle, l'espérance de vie, qui en est le principal moteur, devant d'ailleurs encore augmenter de six ans d'ici 2040. Elle a en outre indiqué qu'un système d'indexation et de décompte de droit généreux avait permis d'augmenter régulièrement le niveau de revenu moyen des retraités, même si les réformes touchant au financement de la protection sociale entamée au début des années 1990 avaient contrarié cette évolution.
Elle a ensuite insisté sur l'enjeu constitué par l'exclusion du marché du travail des salariés âgés, dont les conséquences, pour les régimes de retraite, ont été particulièrement étudiées par le Conseil. Elle a rappelé, à ce titre, que le taux d'emploi en France des personnes âgées de 55 à 64 ans demeure l'un des plus bas d'Europe, de l'ordre de 33 %, et que les dispositifs de cessation anticipée d'activité, soit au titre des préretraites soit au titre du chômage dispensé de recherche d'emploi, contribuaient à accroître l'écart constaté chez les salariés du privé entre cessation d'activité et âge de liquidation de la retraite. Elle a indiqué que cette situation d'exclusion de fait contrastait fortement avec la piste, maintes fois avancée, d'un allongement de la durée d'activité comme remède aux déséquilibres financiers des régimes de retraites.
Elle a souligné que l'écart entre l'âge d'arrêt de l'activité et celui du départ en retraite aboutissait à ce que, tout en ayant des âges moyens de liquidation différents, les salariés du secteur privé et du secteur public présentaient des âges moyens de cessation d'activité proches, autour de 57 ou 58 ans.
Mme Yannick Moreau a ensuite déclaré que les taux de cotisation révélaient des disparités importantes entre ces secteurs, le taux de cotisation salarié s'élevant à 10 % dans le privé, contre 7,85 % dans le public, cet écart étant par ailleurs compensé par un taux de cotisation plus élevé de l'Etat employeur (38 à 41 %) par rapport à l'employeur privé (25 à 27 %).
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le régime de cotisation des fonctionnaires en position de disponibilité ou de détachement.
M. Yves Krattinger a précisé que, seuls, les fonctionnaires placés en position de détachement conservaient la faculté de cotiser au sein de leur régime d'origine.
Comparant les taux moyens de remplacement des secteurs public et privé, Mme Yannick Moreau a constaté que ceux-ci, situés entre 75 % et 80 %, ne présentaient pas aujourd'hui de grandes disparités. Elle a toutefois affirmé que cette apparente similitude de situation devait être tempérée selon le niveau de salaire et du taux de primes qui, dans la fonction publique d'Etat, n'est pas pris en compte pour le calcul de la retraite. Elle a en outre insisté sur les écarts qui devraient apparaître dans le futur, sous les effets des réformes menées au cours des années 1990 dans le secteur privé, notamment la fixation de règles d'indexation et de calcul moins généreuses pour ces régimes.
Abordant la présentation de la deuxième partie du rapport consacré à l'avenir des retraites, elle a déclaré que les projections financières avaient été réalisées avec le concours de la Direction de la recherche et des études économiques et statistiques (DREES), de la Direction de la prévision et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Elle a indiqué que le scénario de référence reposait à la fois sur des hypothèses démographiques défavorables aux régimes de retraites, notamment une augmentation concomitante du nombre des personnes âgées et de l'espérance de vie, et économiques qui leur seraient plutôt favorables, notamment un retour au plein emploi à l'horizon 2010, ainsi qu'une hausse des taux d'activité et de la productivité.
A la suite d'un débat relatif à la crédibilité de ces hypothèses, au cours duquel sont intervenus notamment MM. Louis Souvet, André Lardeux et Alain Vasselle, Mme Yannick Moreau a précisé que ce scénario ne constituait pas une prévision, mais une piste de travail, que cette piste avait fait l'objet de plusieurs variantes moins volontaristes qui permettaient d'utiles comparaisons sur l'ampleur de l'effort à accomplir afin de financer les retraites dans un contexte macro-économique donné.
Elle a ensuite déclaré que dans l'hypothèse d'une réalisation du scénario optimiste, le besoin de financement en 2040 s'élevait, à réglementation inchangée, à 4 points de produit intérieur brut (PIB) et à 6,5 points de PIB en cas d'adoption de règles d'indexation plus généreuses.
Présentant les variantes, Mme Yannick Moreau a précisé que les variables démographiques, notamment relatives à la fécondité, à l'espérance de vie ou au solde migratoire, pouvaient entraîner une économie ou une dépense supplémentaire de 0,3 point de PIB, et que, pour sa part, un retour moins rapide au plein emploi -soit un taux de chômage de 7 % au lieu de 4,5 %- accroîtrait les dépenses de 0,7 point de PIB en 2040.
Elle a indiqué enfin qu'un taux de croissance plus faible aurait un impact important et immédiat sur les soldes des régimes de retraites.
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la fiabilité des projections consacrées à la fonction publique d'Etat et à la transparence dans laquelle pouvaient être élaborés ces chiffres.
En réponse à M. Alain Vasselle, Mme Yannick Moreau a précisé que la direction du budget avait fourni au COR les estimations qui avaient pu être demandées mais qu'un certain « isolationnisme » du ministère de l'économie et des finances pouvait être perçu.
Elle a ensuite résumé le contenu de la troisième partie du rapport consacrée aux propositions formulées par le Conseil.
Elle a, en premier lieu, présenté les trois priorités identifiées par le COR pour garantir l'avenir des retraites. Elle a précisé que la première de ces priorités devait permettre de renouveler le contrat entre les générations en réaffirmant trois principes, la répartition, le lien travail-retraite et celui entre droit de la retraite et droit du travail, auquel le COR proposait d'ajouter quatre principes nouveaux relatifs à la consolidation des bases financières, à l'égalité de traitement entre les cotisants, à l'ouverture de marges de choix individuels ainsi que l'affirmation du droit à l'information.
Elle a ensuite insisté sur la deuxième priorité qui consiste à mettre en place une politique de l'emploi des salariés de plus de 50 ans, à l'instar des campagnes menées en Finlande ou aux Pays-Bas. A ce titre, l'assouplissement des règles d'interdiction de cumul emploi-retraite, l'introduction d'une surcote en faveur des assurés travaillant plus longtemps, le recul de l'âge d'ouverture des droits ou l'allongement de la durée de cotisation, lui ont semblé pouvoir servir de levier.
Elle a enfin rappelé l'importance de la troisième priorité qui est, afin d'améliorer la visibilité, d'afficher des objectifs sur le niveau des pensions, sans que ces objectifs constituent d'ailleurs des niveaux garantis de taux de remplacement.
Revenant sur l'objectif d'assurer l'égalité entre cotisants, elle a précisé que le principe d'une durée d'assurance harmonisée faisait l'objet d'un consensus au sein du COR mais qu'un tel consensus n'était pas réuni sur le niveau de référence, notamment entre 37,5 ans ou 40 ans. Elle a affirmé que l'hypothèse d'un retour à 37,5 années de cotisations pour l'obtention d'une retraite à taux plein engendrait non seulement un surcoût de l'ordre de 0,3 point de PIB mais risquait également de constituer un signal défavorable sur l'évolution future du pilotage financier des régimes de retraites.
Elle a précisé que l'allongement de la durée de cotisations des fonctionnaires pouvait être atteint soit par la diminution du taux de l'annuité de 2 % à 1,875 %, soit par l'introduction, à l'instar du régime général, d'une décote pour les fonctionnaires ne totalisant pas 40 annuités.
Elle a toutefois admis, à ce titre, que l'introduction d'une décote entraînait des difficultés techniques de mise en oeuvre due au nombre important de pluripensionnés au sein de la fonction publique, les régimes de fonctionnaires n'étant ni habitués ni équipés pour procéder à des calculs consolidés.
Elle a enfin préconisé que puissent être étudiées les pistes permettant d'ouvrir des marges de choix aux assurés et de leur fournir une meilleure information, rappelant à ce titre le souhait formulé par les partenaires sociaux que cette information émane principalement des caisses.
M. Alain Gournac s'est interrogé sur la possibilité de mettre au point un système similaire à « l'enveloppe orange » existant en Suède et permettant à tout assuré de connaître annuellement, avec précision, sa situation au regard de ses droits à retraite.
Mme Yannick Moreau a indiqué que la diffusion de l'information était facilitée en Suède par la présence d'une caisse unique et que la multiplicité des régimes français rendrait difficile la consolidation des informations relatives à de nombreux pluripensionnés. Elle a toutefois déclaré que la diffusion d'une information individuelle et de qualité demeurait un des leviers importants de la réussite de la réforme.
M. Nicolas About, président, a remercié Mme Yannick Moreau pour la qualité de l'exposé fait devant la commission et s'est interrogé sur la perspective d'un retour du mouvement des entreprises de France (MEDEF) au sein du COR.
En réponse à M. Nicolas About, président, Mme Yannick Moreau a indiqué que la prolongation de l'absence du MEDEF constituerait une déception tant celui-ci constitue un interlocuteur important du dossier des retraites.
Elle a enfin insisté sur l'impérieuse nécessité que la France soit dotée d'un organisme de suivi et de pilotage de la réforme permettant de dédramatiser ce dossier essentiel.
Nomination d'un rapporteur
Puis la commission a nommé M. Gilbert Chabroux, rapporteur sur la proposition de résolution n° 202 (2002-2003), qu'il a présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement sur le texte E-1902 modifiant les procédures d'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire.