AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mercredi 23 juin 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Sécurité sociale - Création d'une couverture maladie universelle - Examen du rapport en nouvelle lecture

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport en nouvelle lecture de MM. Charles Descours et Claude Huriet sur le projet de loi n° 440 (1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création d'une couverture maladie universelle (CMU).

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle comportait, dans le texte déposé par le Gouvernement, 38 articles et qu'il s'était enrichi de 25 articles additionnels, concernant essentiellement son titre IV, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale.

Il a indiqué que le Sénat avait adopté 21 articles conformes, en avait modifié 30 et en avait supprimé 12. Il a ajouté que le Sénat avait, par ailleurs, introduit 19 articles additionnels.

M. Charles Descours, rapporteur, a regretté que la commission mixte paritaire, réunie le 8 juin, ne soit pas parvenue à un accord, celle-ci ayant en effet constaté, dès l'article premier du projet de loi, que les choix arrêtés par les deux assemblées étaient très différents, s'agissant de la mise en oeuvre d'une couverture maladie complémentaire.

M. Charles Descours a indiqué que le Sénat était saisi, en nouvelle lecture, de 46 articles également répartis entre le volet couverture maladie universelle du projet de loi et son titre IV portant diverses mesures de " modernisation sanitaire et sociale ".

Il a observé que, parmi les modifications apportées par l'Assemblée nationale, la plus importante était la suppression du dispositif des contingents communaux d'aide sociale à l'article 13 du texte.

Il a expliqué qu'il s'agissait de mettre fin au système de financement croisé en respectant le principe de neutralité financière pour les collectivités locales, la suppression des contingents trouvant sa contrepartie dans une réduction de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes. Il a indiqué que, parallèlement, la DGF des départements était abondée à hauteur du montant des contingents communaux versés aux départements, sous réserve de la mise en place d'un dispositif d'abattement forfaitaire en faveur de certaines communes, qui représenterait au total une diminution de l'ordre de 250 millions de francs sur la compensation due aux départements.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que ce dispositif emporterait des effets inattendus : pour un peu moins de 50 communes pour lesquelles le contingent versé était supérieur à la DGF reçue, il serait en effet procédé à un prélèvement sur le produit des quatre taxes directes locales. Ce mécanisme représenterait environ 50 millions de francs de prélèvements.

Evoquant le volet " CMU " du projet de loi, M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que les propositions du Sénat n'avaient nullement été prises en compte par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, alors que, probablement, le rapporteur M. Jean-Claude Boulard partageait le point de vue de la Haute Assemblée.

C'est pourquoi M. Charles Descours, rapporteur, a proposé de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture et a, une nouvelle fois, souligné les effets de seuil massifs qu'allait générer l'application du projet de loi, les menaces qu'il faisait peser sur l'équilibre futur de notre système de protection sociale et les atteintes aux principes d'égalité qu'il entraînerait en mettant en place une concurrence faussée entre organismes de base et organismes de protection sociale complémentaire.

Il a également dénoncé les effets pervers du projet de loi pour les classes moyennes, et notamment pour les personnes titulaires des revenus les plus modestes, qui continueraient à payer de lourdes cotisations en contrepartie de remboursements de plus en plus faibles.

M. Claude Huriet, rapporteur du titre IV du projet de loi, a rappelé que celui-ci comportait 6 articles dans le texte déposé par le Gouvernement et que, comme il était prévisible dès lors que la porte d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) avait été ouverte, l'Assemblée nationale, en première lecture, y avait introduit 23 articles additionnels.

Il a précisé que, saisi en conséquence de 29 articles, le Sénat, en première lecture, en avait adopté 10 conformes, en avait supprimé 7 et avait introduit 15 articles additionnels.

M. Claude Huriet a souligné que la commission n'avait proposé aucun article additionnel, mais qu'elle avait donné un avis favorable à l'adoption de plusieurs amendements.

Il a indiqué que la commission mixte paritaire ayant échoué sur l'article premier du projet de loi traduisant la différence de conception existant entre le Sénat et l'Assemblée nationale quant à la mise en oeuvre d'une couverture maladie complémentaire, le titre IV n'avait été abordé qu'à l'occasion de considérations générales dans les interventions liminaires.

M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé qu'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre sanitaire et social aurait fait l'objet d'un examen approfondi, article par article, et aurait donné ainsi un véritable sens à la procédure de la commission mixte paritaire.

Il a regretté la suppression de nombreux articles additionnels votés par le Sénat, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ayant, semble-t-il, -non sans quelque paradoxe- choisi de ne retenir que " les adjonctions compatibles avec le cadre du titre IV de la CMU ". M. Claude Huriet, rapporteur, a confessé n'avoir pas mesuré, pour sa part, le caractère contraignant du cadre posé par le titre IV.

M. Roland Huguet a rappelé que la volonté exprimée par le rapporteur de rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture ne pouvait concerner l'article 13, la réforme des contingents communaux d'aide sociale ayant été introduite à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Jean Delaneau, président, s'est interrogé sur la réalité de l'adhésion à cette réforme des principaux organismes représentant les collectivités locales.

M. Alain Vasselle, constatant qu'une disposition de la réforme prévoyait que les communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU) supporteraient une réduction de leur dotation globale de fonctionnement plus faible que celle que subiraient les autres communes, a annoncé son intention de déposer un amendement visant à étendre la portée de ce dispositif aux communes bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale (DSR).

M. Jean Delaneau, président, a souligné que cette réforme était source d'une grande complexité pour les finances locales, dans la mesure où des dotations, voire des impôts directs locaux, seraient utilisés pour procéder aux ajustements nécessaires. Il a observé qu'il deviendrait très difficile de comparer les budgets locaux d'une année sur l'autre et souligné l'importance des difficultés que rencontreraient certaines communes au cours de l'année prochaine, l'année 1999 ayant été celle du recensement de la population. Il s'est également interrogé sur l'incidence de la réforme pour les groupements de communes ayant pris à leur charge le versement des contingents communaux par délibération n'ayant pas fait l'objet d'observation des services du contrôle de la légalité.

A titre personnel, M. Roland Huguet a indiqué qu'il serait favorable à ce que le prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) soit effectué au franc le franc dans toutes les communes, les communes éligibles à la DSU pouvant ensuite bénéficier d'abondements complémentaires.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.

A l'article premier (création d'une couverture maladie universelle et d'une protection complémentaire avec dispense d'avance de frais pour les plus démunis), elle a adopté deux amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture, à l'exception de dispositions consacrées à Saint-Pierre-et-Miquelon qui figurent désormais à l'article 38 du projet de loi.

A l'article 3 (nouveaux critères d'affiliation au nouveau régime et cotisation), elle a adopté deux amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 4 (immédiateté et automaticité du droit à l'accès aux soins), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 6 (accès aux soins sans restriction financière), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture. M. Charles Descours, rapporteur, a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas accepté les dispositions qu'il contenait, la substitution d'une cotisation proportionnelle au revenu à la cotisation forfaitaire en vigueur dans le régime des indépendants étant indispensable pour éviter des situations d'inégalité entre des personnes disposant des mêmes revenus selon qu'elles sont affiliées à ce régime ou au régime général au titre de la résidence.

Elle a adopté un amendement tendant à rétablir l'article 8 bis (gratuité des soins hospitaliers pour les malades en état végétatif), M. Charles Descours, rapporteur, ayant toutefois observé que cet amendement était susceptible de se voir opposer l'article 40 de la Constitution.

A l'article 9 (incidences financières sur le fonds de solidarité vieillesse), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 10 (incidences financières de la mise en place de la couverture obligatoire sur la branche famille), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 11 (énumération des ressources complémentaires des régimes obligatoires de base), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 13 (transferts financiers entre l'Etat et les départements), M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué qu'il ne proposait pas d'amendement et qu'il convenait d'attendre de connaître la position de la commission des finances, saisie pour avis sur le projet de loi et particulièrement compétente en matière de finances locales. Il a rappelé qu'il s'était publiquement désolidarisé du vote de l'amendement déposé par M. Yves Fréville en première lecture. M. Alain Vasselle a estimé qu'il eut été plus sage de conserver les dispositions de l'article 13 bis prévoyant un rapport et des simulations plutôt que de décider une suppression des contingents communaux d'aide sociale réalisée dans la précipitation.

A l'article 14 (exécution des recouvrements forcés de cotisations dues par les non-salariés non agricoles et les agriculteurs), la commission a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 20 (définition de la couverture complémentaire en matière de santé -attribuée aux bénéficiaires de la CMU), elle a adopté dix-neuf amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture, procédant à la création d'une allocation personnalisée à la santé (APS) destinée à solvabiliser les personnes titulaires de revenus modestes afin de leur permettre de souscrire une protection complémentaire en matière de santé définie selon un scénario " partenarial ". Elle a également adopté un amendement modifiant des dispositions introduites par l'Assemblée nationale en vue de réprimer les fraudes et fausses déclarations pour tenir compte de la création de l'allocation personnalisée à la santé.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a observé que la commission, en instituant le principe de la conclusion d'une convention entre les organismes de protection sociale complémentaire et les régimes de base, renonçait à promouvoir le rôle de l'Etat dans la définition de la couverture maladie universelle.

M. Charles Descours, rapporteur, a démenti cette interprétation et a rappelé qu'un arrêté ministériel approuverait la convention ou s'y substituerait en cas de carence. Il a souligné la nécessité d'engager les organismes de protection sociale complémentaire et les régimes de base dans une véritable coopération partenariale, dans l'intérêt des assurés sociaux.

Comme en première lecture, elle a adopté, à l'article 20 bis (obligation de négociation annuelle des modalités d'établissement d'un régime de prévoyance maladie pour les salariés non couverts), un amendement de suppression de cet article.

Elle a procédé de même à l'article 20 ter (modalités d'extension des conventions de branche et régime de prévoyance maladie).

A l'article 20 quater (réduction du taux de la taxe sur les employeurs au profit du fonds de solidarité vieillesse), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 21 (prolongation de la couverture des bénéficiaires de la CMU couverts par un organisme complémentaire), elle a adopté trois amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

Comme en première lecture, elle a adopté trois amendements de suppression des articles 22 (tarifs pratiqués par les médecins conventionnés en faveur des bénéficiaires de la CMU), 23 (accords entre les organismes d'assurance maladie, les organismes complémentaires et les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel) et 24 (tarifs pratiqués par les chirurgiens-dentistes conventionnés en faveur des bénéficiaires de la CMU) en conséquence des amendements adoptés à l'article 20.

A l'article 25 (création du fonds de financement de la protection complémentaire), elle a adopté neuf amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 30 (transfert de compétences des départements à l'Etat en matière d'aide médicale), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 31 bis (contrôle et évaluation de la loi), consacré à l'évaluation de l'application de la loi sur la couverture maladie universelle, elle a adopté un amendement opérant une synthèse entre les positions exprimées par le Sénat en première lecture et l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

A l'article 32 A (développement des structures d'hospitalisation à domicile en soins palliatifs), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 33 (définition du volet de santé de la carte d'assurance maladie), elle a adopté six amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 34 bis (certification des compétences des aides opératoires), elle a adopté un amendement rétablissant la date limite du 31 décembre 2000 pour l'organisation des épreuves de vérification des connaissances des aides opératoires recrutés depuis six ans à la date de promulgation de la présente loi. Elle a également adopté un amendement relatif aux conséquences de l'organisation d'un plan de formation au profit de ces personnes, rétablissant également le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 36 bis (contentieux du déconventionnement des médecins), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 37 (traitement des données personnelles de santé à des fins d'évaluation ou d'analyse des activités de soins et de prévention), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 37 ter (objectifs respectifs des schémas d'organisation sanitaire et de la carte sanitaire), elle a adopté deux amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

Comme en première lecture, elle a adopté un amendement de suppression de l'article 37 quater (prise en compte des bassins de santé dans les zones sanitaires).

Elle a procédé de même à l'article 37 sexies (conditions d'autorisation du changement d'implantation d'un établissement sanitaire existant).

A l'article 37 decies (adhésion des établissements sociaux ou médico-sociaux aux syndicats interhospitaliers), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

Elle a adopté un amendement rétablissant l'article 37 quaterdecies A (participation des pharmacies hospitalières aux fédérations médicales interhospitalières) dans une autre rédaction que celle adoptée en première lecture, afin que la participation des pharmacies hospitalières à des fédérations médicales et pharmaceutiques interhospitalières s'organise dans le cadre des dérogations au principe de l'usage intérieur prévues par l'article L. 595-7 du code de la santé publique.

Comme en première lecture, elle a adopté un amendement de suppression de l'article 37 quaterdecies (création des établissements publics de santé interhospitaliers).

A l'article 37 quindecies (honoraires des praticiens exerçant une activité libérale à l'hôpital), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture. M. Claude Huriet, rapporteur, a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas tenu compte de la position exprimée par le Sénat, et qu'elle ait rétabli une nouvelle rédaction de l'article L. 714-31 du code de la santé publique qui supprime l'interdiction de toute activité libérale à l'hôpital en matière de prélèvements et de greffes d'organes et de tissus.

A l'article 37 sexdecies (expérience en matière de tarification par pathologie dans les établissements de santé), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

Comme en première lecture, elle a adopté un amendement de suppression de l'article 37 septdecies (extension du dispositif conventionnel en matière de formation professionnelle).

A l'article 37 unvicies (médecins titulaires de diplômes extra-européens ou de nationalité extra-européenne), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture pour le calcul de la durée des fonctions exigée pour se présenter au concours de praticien adjoint contractuel. Par deux amendements, elle a limité aux médecins de nationalité française ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises deux dispositions dérogatoires au droit commun prévues par cet article. Enfin, elle a adopté un quatrième amendement supprimant le dispositif de " rattrapage " introduit par l'Assemblée nationale au profit des personnes ayant échoué aux épreuves de vérification des connaissances organisées dans le cadre de l'article L. 356 du code de la santé publique ainsi qu'au concours de praticien adjoint contractuel. Enfin, elle a adopté un cinquième amendement disposant que le recrutement des praticiens adjoints contractuels sera effectué dans des conditions permettant une harmonisation des rémunérations de tous les personnels de même qualification ou de qualification reconnue équivalente.

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé qu'il était favorable à l'intégration des médecins de nationalité extra-communautaire qui avaient réussi des épreuves de vérification des connaissances mais qu'il ne pouvait accepter des procédures qui s'apparentent à de simples régularisations.

A l'article 37 duovicies (pharmaciens titulaires de diplômes extra-européens ou de nationalité extra-européenne), la commission a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 37 tervicies (interdiction de prendre en compte des résultats des études génétiques pour la décision d'attribuer une protection complémentaire), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture, sous réserve d'une amélioration rédactionnelle au second alinéa.

A l'article 37 sexvicies (création, transfert et regroupement d'officines de pharmacie), M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué qu'il ne proposerait pas d'amendement. M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement avait affirmé que l'ensemble des représentants des pharmaciens d'officine souhaitait qu'une réforme de grande ampleur des conditions de création et de transfert d'officine soit accomplie, même dans l'urgence, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi. Il a cependant constaté, compte tenu des réactions qu'elle suscitait, que cette réforme ne semblait pas faire l'unanimité au sein des professionnels. M. Alain Vasselle, dont la position a été soutenue par M. Bernard Seillier, a regretté que le rapporteur ne propose pas d'amendement tendant à rétablir les dispositions du sous-amendement qu'il avait déposé en première lecture et qui avait été adopté par le Sénat. M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé qu'il convenait de bien étudier les conséquences d'amendements susceptibles de freiner les créations d'officine en milieu rural et dans les petites villes. Il a regretté que les responsables des organisations syndicales représentatives des pharmaciens d'officine ne lui aient pas communiqué leur position par écrit. Mme Gisèle Printz et M. Jean-Louis Lorrain se sont déclarés favorables au maintien du régime dérogatoire existant dans les départements d'Alsace-Moselle. M. Dominique Leclerc a rappelé l'importance des enjeux de la répartition des officines sur le territoire et observé que le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), M. Gilles Johannet, proposait de réguler également la répartition des médecins afin d'assurer un égal accès des Français aux professionnels de santé.

A l'article 37 tricies (création de comités d'experts au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments), la commission a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 37 duotricies (rapport au Parlement sur les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale), elle a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 38 (entrée en vigueur de la loi), elle a adopté un amendement de coordination avec les amendements retenus aux articles 9 et 11.

La commission a approuvé le projet de loi ainsi amendé.

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 - Nomination de rapporteurs

La commission a procédé à la reconduction de ses rapporteurs sur les lois de financement de la sécurité sociale et de ses rapporteurs pour avis sur les lois de finances.

Elle a désigné en qualité de rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 :

- M. Charles Descours (équilibres financiers généraux de la sécurité sociale et assurance maladie) ;

- M. Jacques Machet (famille) ;

- M. Alain Vasselle (assurance vieillesse).

Loi de finances pour 2000 - Nomination des rapporteurs pour avis

Elle a désigné en qualité de rapporteurs pour avis de la loi de finances pour 2000 :

- M. Jean Chérioux (solidarité) ;

- M. Louis Boyer (santé) ;

- M. Louis Souvet et Mme Annick Bocandé (travail, emploi et formation professionnelle) ;

- M. Louis Boyer (budget annexe des prestations sociales agricoles) ;

- M. Marcel Lesbros (anciens combattants) ;

- M. Jean-Louis Lorrain (départements et territoires d'outre-mer : aspects sociaux) ;

- M. Jacques Bimbenet (logement social).

Nomination des rapporteurs

Puis la commission a enfin désigné :

- M. Marcel Lesbros, rapporteur de la proposition de loi n° 344 (1998-1999) de M. Guy Fischer relative à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, et de sa proposition de loi n° 403 (1998-1999) tendant à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, et de la proposition de loi n° 418 (1998-1999) relative à la substitution de l'expression " aux opérations effectuées en Afrique du Nord " par l'expression " à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc " ;

- M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur du projet de loi n° 420 (1998-1999) portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement, à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Jeudi 24 juin 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Réforme des retraites - Communication

La commission a entendu une communication de M. Alain Vasselle sur la réforme des retraites.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait auditionné M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, à deux reprises : le 16 décembre 1998, après le début des travaux de la commission de concertation, et le 5 mai 1999, après la remise officielle au Premier ministre du rapport sur " L'avenir de nos retraites ".

Il a précisé que la commission avait confié, le 5 mai 1999, à M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, la mission de présenter un rapport d'information.

M. Alain Vasselle a rappelé que le Premier ministre avait chargé, par lettre en date du 29 mai 1998, M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, d'établir, sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, " un diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes. "

Il a indiqué que le commissaire général du Plan avait pour mission de réunir en temps voulu une commission de concertation qui examinerait les travaux de projection et d'analyse, pourrait commander des variantes et offrir " à chacun des participants la possibilité d'exprimer son appréciation sur les éléments présentés ". Les conclusions de ces travaux, sous la forme d'un rapport final, intitulé " L'avenir de nos retraites ", avaient été remises au Premier ministre le 29 avril 1999.

M. Alain Vasselle a précisé qu'il avait procédé à l'audition de l'ensemble des organisations syndicales et régimes de retraite ayant participé à la commission de concertation de la " mission Charpin ".

Après avoir observé que le rapport Charpin confirmait la nécessité de réformer nos régimes de retraite, il a souligné qu'un panorama de l'ensemble du système de retraite français avait déjà été réalisé à deux reprises, donnant lieu à la publication de deux rapports : le Livre blanc sur les retraites en 1991 et le rapport " Perspectives à long terme des retraites " en 1995. Le rapport " Perspectives à long terme des retraites " montrait notamment que les besoins de financement en 2015 des différents régimes étudiés s'élevaient à un total de 330 milliards de francs.

M. Alain Vasselle a souligné que la prise de conscience de ces déséquilibres futurs, mis en lumière dans le Livre blanc et confirmés par le rapport de 1995, avait conduit aux réformes entreprises en 1993 et en 1995.

Evoquant le nouveau diagnostic demandé à M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, M. Alain Vasselle a remarqué que les gouvernements de gauche semblaient plus à l'aise dans la commande d'études que dans la prise des décisions qui en découlaient et qui s'imposaient. Si le Livre blanc avait été rédigé à la demande de M. Michel Rocard, les décisions avaient été prises par le gouvernement de M. Edouard Balladur, en 1993. En 1995, s'appuyant sur les travaux du commissariat général du Plan réalisés à l'occasion du rapport sur " Les perspectives à long terme des retraites ", le Premier ministre, M. Alain Juppé, lançait pour sa part la courageuse réforme des régimes de retraite spéciaux, réforme qui a dû être interrompue.

Reconnaissant que la mission Charpin poursuivait incontestablement des objectifs plus ambitieux que les travaux menés précédemment, M. Alain Vasselle s'est cependant demandé s'il était vraiment nécessaire d'établir un nouveau diagnostic sur les retraites, trois ans à peine après la publication du rapport de 1995 sur " Les perpectives à long terme des retraites ". Il a jugé que les enseignements du rapport de 1995 étaient suffisamment explicites pour engager sans tarder les réformes nécessaires.

M. Alain Vasselle a indiqué que le rapport Charpin complétait les analyses antérieures en étendant le champ de la réflexion à d'autres domaines de la protection sociale (politique de l'emploi, politique familiale...), en analysant les réformes introduites dans les pays étrangers, en réalisant une projection réellement multi-régimes et en tentant une comparaison entre les régimes de retraite des salariés du secteur privé et les régimes spéciaux, en allongeant à l'horizon 2040 la projection dans le cadre de trois scénarios macro-économiques différents, en intégrant une étape de concertation avec les principaux régimes de retraite et les partenaires sociaux dans le déroulement de l'élaboration du rapport.

M. Alain Vasselle a cependant souligné les limites de cet exercice. Il a expliqué que les résultats obtenus ne constituaient pas des prévisions mais des projections. Les simulations effectuées s'appuyaient en effet sur des hypothèses dont chacune pouvait être discutée. De nombreuses incertitudes existaient concernant l'évolution des comportements et les perspectives macro-économiques.

M. Alain Vasselle a ajouté que l'horizon très lointain de la projection -2040- incitait en outre à la prudence dans l'interprétation des résultats de ces simulations.

Il a ensuite résumé les principales conclusions du rapport.

Il a indiqué que le chapitre premier du rapport faisait le constat de la parité des revenus des actifs et des retraités, constat qui figurait déjà dans le Livre blanc et le rapport de 1995. La parité des revenus était atteinte grâce aux revenus du patrimoine des retraités qui représentaient un quart de leurs revenus totaux.

M. Alain Vasselle a souligné que le rapport relevait, dans le chapitre II, que la France utilisait massivement les dispositifs de retrait d'activité des salariés âgés comme instruments de la politique de l'emploi. Il a jugé que ce constat n'était pas nouveau : les comparaisons internationales montraient en effet que le taux d'activité des salariés âgés était l'un des plus bas en France.

Evoquant le chapitre III du " rapport Charpin ", M. Alain Vasselle a souligné que ce dernier montrait que le déséquilibre démographique et l'allongement de la durée de la vie conduisaient à un choc financier inéluctable. Il a expliqué que le déséquilibre démographique était en grande partie une donnée du passé, qui correspondait à l'évolution des naissances depuis 1946 : à court terme, c'est-à-dire à l'horizon 2006, la France était confrontée au départ en retraite des générations nombreuses de l'après-guerre. Ce phénomène se conjuguait avec l'allongement de la durée de la vie et se traduisait par un fort vieillissement de la population.

Rappelant les hypothèses retenues par le " rapport Charpin " (taux de fécondité de 1,8 enfant par femme, poursuite de la baisse de la mortalité et stabilisation du solde migratoire), M. Alain Vasselle a précisé que la population totale devrait continuer de croître jusqu'en 2040, pour atteindre 66,2 millions d'habitants ; le nombre de personnes de plus de 60 ans augmenterait de 10 millions à l'horizon 2040 tandis que le nombre d'actifs diminuerait d'un million environ, pour s'établir autour de 26,7 millions ; les plus de 60 ans représenteraient un tiers de la population totale en 2040 (22 millions de personnes) contre un cinquième en 1995 ; le rapport entre les plus de 60 ans et les 20-59 ans passerait de 4 en 1995 à 7 en 2040. Il a observé que seul un déplacement de l'âge de fin d'activité permettrait de freiner la hausse du poids relatif des retraités.

M. Alain Vasselle a souligné que ce déséquilibre avait pour conséquence, qu'à réglementation inchangée, le maintien de la parité de niveau de vie entre retraités et actifs conduirait à multiplier par 1,55 le taux de cotisation d'équilibre à l'horizon 2040.

Indiquant que le chapitre IV du " rapport Charpin " évoquait le cas des pays étrangers qui avaient réformé leur système de retraite, il a remarqué que la plupart des pays confrontés au vieillissement de leur population avaient opté pour le recul progressif de l'âge normal de la retraite : 67 ans aux Etats-Unis, 65 ans dans les autres pays étudiés (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Suède), même si de nombreux pays autorisaient, sous certaines conditions d'âge et de durée d'assurance, des départs anticipés avec pénalité.

M. Alain Vasselle a observé que le chapitre V dressait un constat : à législation inchangée, la part de la richesse nationale consacrée aux retraites s'accroîtrait de 30 % à l'horizon 2040. Dans l'hypothèse où la règle actuelle d'indexation des retraites du régime général sur les prix était maintenue, les charges de retraite des régimes seraient multipliées, en termes réels, par un facteur 2,8 et progresseraient de 12,1 % du produit intérieur brut (PIB) en 1998 à 15,8 % en 2040.

M. Alain Vasselle a souligné que le rapport démographique entre les effectifs des retraités de droit direct et les effectifs de cotisants était, en 1998, supérieur à 1,5 dans la plupart des régimes : 1,7 pour le régime général et l'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO), 1,9 pour la fonction publique d'Etat, 3,3 pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). A l'horizon 2040, quasiment tous les régimes avaient un rapport démographique inférieur à 1.

Il a fait valoir que le besoin de financement du système de retraite par répartition s'élèverait à 390 milliards de francs 1998 en 2020 et 700 milliards de francs 1998 en 2040, soit environ 4 points de PIB.

M. Alain Vasselle a expliqué que les économies envisageables sur l'indemnisation du chômage, la politique de l'emploi et la politique familiale pouvaient, au regard de ces besoins de financement, ne pas être négligeables si la collectivité acceptait de recycler la totalité des financements au profit des retraites. Elles pourraient atteindre alors entre 0,8 et 1,5 point de PIB, ce qui restait cependant insuffisant pour financer l'accroissement des charges des régimes de retraite.

M. Alain Vasselle a estimé que le " rapport Charpin " était plus novateur dans sa comparaison des régimes des salariés du secteur privé et des salariés du secteur public. Le rapport mettait notamment en évidence les principales règles qui différenciaient le régime général et les régimes spéciaux et qui étaient susceptibles de procurer un avantage relatif à ces derniers.

Puis il a examiné les pistes de réforme susceptibles, selon le commissariat général au Plan, d'assurer la viabilité du système de retraite par répartition : l'allongement à 170 trimestres de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein, la constitution de réserves permettant d'amortir le choc démographique, l'élargissement de l'assiette des cotisations et l'aménagement de différents dispositifs susceptible d'avoir un impact sur le besoin de financement des régimes.

Il a constaté que le rapport du commissariat général au Plan recommandait d'engager dès à présent la réforme du système de retraite, avant que le choc démographique ne fasse sentir ses effets, et d'accompagner la mise en place d'un dispositif de pilotage.

M. Alain Vasselle a constaté en second lieu l'échec d'un diagnostic partagé.

Il a souligné que la mission confiée au commissariat général du Plan visait à faire prendre conscience aux partenaires sociaux de l'ampleur des défis et à " tester " quelques voies de réforme.

Rappelant les différentes étapes de cette concertation, il a souhaité rendre hommage au travail accompli sous l'égide de M. Jean-Michel Charpin et à la méthode qui avait présidé à son élaboration. Mais il a constaté que si le diagnostic avait été " concerté ", il n'avait pas été " partagé " comme en convenait le commissaire au Plan lui-même. En réalité, ce diagnostic s'avérait très largement contesté par les partenaires sociaux.

M. Alain Vasselle a ainsi indiqué que le syndicat Force Ouvrière avait précisé, dès le mois d'octobre, qu'il ne pouvait pas s'engager sur un objectif de diagnostic partagé, rappelant notamment qu'un consensus peut se constater a posteriori mais non se décréter a priori.

Il a rappelé que les critiques et remarques des partenaires sociaux portaient autant sur les hypothèses et les résultats des projections que sur les pistes de réforme envisagées par le rapport et que les critiques étaient encore plus vives à l'égard des propositions que contenait le rapport.

Aussi M. Alain Vasselle a-t-il souligné que l'objectif pédagogique de la mission confiée au commissariat général du Plan n'avait, à l'évidence, pas été atteint, le " rapport Charpin " s'avérant en fin de compte un nouveau travail d'experts, réalisé, il est vrai, sous le regard des partenaires sociaux.

Abordant les suites du rapport Charpin, M. Alain Vasselle s'est inquiété que le Gouvernement subordonne toute réforme aux résultats d'une nouvelle concertation.

Il a souligné que le Gouvernement avait pris très tôt ses distances à l'égard des conclusions du rapport. Le dossier de presse du service d'information du Gouvernement, distribué le 29 avril 1999 à l'occasion de la remise du rapport au Premier ministre, précisait ainsi : " Ces propositions du commissariat général du Plan sont versées au débat public. Elles n'engagent pas le Gouvernement. "

Après avoir rappelé le déroulement de la seconde concertation, telle que le Gouvernement l'avait annoncée, M. Alain Vasselle a constaté que selon les déclarations du Premier ministre, cette concertation porterait également " sur les hypothèses du rapport Charpin ".

Il s'est interrogé dans ces conditions sur l'utilité de ce rapport dès lors qu'il était envisagé de revoir l'intégralité de son contenu, y compris les hypothèses sur lesquelles il s'appuie.

Ainsi, rappelant que le Gouvernement avait répété que les réformes étaient conditionnées aux résultats de la mission Charpin, ce qui l'avait conduit, en tant que rapporteur, à intituler " En attendant Charpin... " le titre d'une partie de son rapport sur le volet vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, M. Alain Vasselle s'est étonné que le Gouvernement annonce désormais que les réformes viendraient après une nouvelle concertation.

Il a considéré que le souci de concertation sur un sujet aussi sensible que les retraites n'était pas contestable mais qu'il convenait, toutefois, de rappeler que la concertation ne devait pas constituer un prétexte à l'inaction.

Il a rappelé que les gouvernements de MM. Edouard Balladur et Alain Juppé avaient engagé des réformes courageuses mais il a constaté que M. Lionel Jospin avait décidé d'attendre 2000 pour faire part de ses " orientations ".

Il a observé sur ce point que la nouvelle concertation que devrait piloter Mme Martine Aubry avait déjà pris un certain retard. Aucune rencontre avec les partenaires sociaux n'était encore prévue et il semblait que cette nouvelle concertation, dont on ignorait encore les modalités, ne démarrerait véritablement qu'à l'automne.

Il est donc apparu à M. Alain Vasselle que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne comporterait aucune mesure d'importance relative aux retraites et que l'année 1999 s'achèverait sans qu'aucune décision n'ait été prise sur les retraites.

Témoignant d'une grande prudence, les dernières déclarations du Premier ministre, devant le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, indiquaient " qu'il n'y aurait pas de grand soir des retraites ".

M. Alain Vasselle a alors observé que l'attentisme du Gouvernement constituait déjà une forme de choix.

Rappelant les propos du Président de la République, le 31 mai dernier, estimant que le traitement de la question du financement des retraites ne pouvait plus être différé et jugeant que les réformes destinées à sauvegarder nos régimes de retraite étaient " nécessaires et maintenant urgentes ", il a souligné le contraste entre ces propos et ceux du Premier ministre qui répétait le 29 avril : " la précipitation serait une erreur... nous avons le temps ".

Il a souligné, à cet égard, que dans un entretien accordé au mensuel " Liaisons sociales " de mai 1999, M. Jean-Michel Charpin mettait pourtant lui-même l'accent " sur l'urgence de décisions à prendre ".

Selon M. Jean-Michel Charpin, en effet, " si l'on décide de ponctionner les revenus des actifs pour rééquilibrer financièrement le système, sans faire de capitalisation, il n'y a aucune nécessité de le faire aujourd'hui. En clair, si l'on veut atteindre l'équilibre financier par une hausse des cotisations, il suffit de commencer en 2005 (...). Si l'on décide d'agir autrement, il faut démarrer tout de suite. Si l'on veut constituer un complément au financement du régime par répartition, en accumulant du capital dans un fonds de réserve, il faut prendre de l'avance par rapport à la dégradation des comptes. Et si l'on veut jouer sur l'âge de la retraite, il faut que l'ajustement soit étalé sur une très longue période pour préserver l'équité entre les générations. "

M. Alain Vasselle a estimé que la commission ne pouvait que partager la teneur des propos du commissaire général du Plan. En repoussant des décisions indispensables, le Gouvernement faisait en réalité un choix implicite : celui de la hausse future des cotisations.

Or, certaines réformes devraient pourtant être engagées sans tarder. M. Alain Vasselle a ainsi estimé nécessaire une réforme des régimes spéciaux de retraite dont les durées de cotisation doivent être progressivement alignées sur celles en vigueur dans le régime général, soit 40 années de cotisation.

De même, le recours à la capitalisation, qu'il se fasse sous la forme du fonds de réserve ou sous la forme de fonds d'épargne retraite, exige du temps. M. Alain Vasselle a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, à l'automne dernier, il avait été amené, en tant que rapporteur de la commission, à formuler au sujet du fonds de réserve un certain nombre de remarques et d'interrogations.

Faisant apparaître le paradoxe qu'il y avait à créer un tel fonds sans savoir exactement quelle serait sa mission, M. Alain Vasselle a constaté que huit mois plus tard, le Gouvernement n'avait apporté aucune précision quant à ses intentions réelles et que les interrogations exprimées par la commission avaient été reprises dans le rapport de M. Charpin, qui constatait : " si la création de ce fonds a été décidée, les modalités de son fonctionnement restent à préciser ".

M. Alain Vasselle a observé que le fonds de réserve continuait pourtant de servir en quelque sorte d'alibi : la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoyait de le doter de 2 milliards de francs ; le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière le faisait bénéficier du reversement du produit de la souscription du capital des caisses d'épargne, soit 15 milliards de francs sur quatre ans. Le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, qui tenait pour acquis un excédent du régime général en 2000, prévoyait que cet excédent pourrait " nourrir le fonds de réserve ".

Il a observé que lors de son audition par la commission, le 5 mai dernier, M. Charpin avait en outre considéré qu'il était déjà trop tard pour envisager la création d'un fonds permanent et que seul un fond de lissage apparaissait aujourd'hui réalisable.

S'agissant de l'introduction d'un complément de retraite par capitalisation, sous la forme de fonds d'épargne retraite, M. Alain Vasselle a considéré que le Gouvernement semblait aujourd'hui prendre conscience du caractère indispensable de cet apport.

Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le 28 octobre 1998, Mme Martine Aubry avait ainsi déclaré que le Gouvernement n'était pas opposé " à la constitution d'une épargne à long terme, complétant, et non concurrençant, la retraite par répartition, contrairement à ce que faisait le dispositif prévu par la loi Thomas. ". La ministre avait précisé qu'elle travaillait en collaboration avec le ministre de l'économie et des finances, dans le cadre de la mission confiée à MM. Didier Migaud et Jérôme Cahuzac, sur l'architecture de ce troisième étage qui constituait " un complément de la retraite par répartition ".

Après avoir répété que le Gouvernement allait abroger la loi Thomas, le Premier ministre avait souligné pour sa part, le 29 avril dernier : " Toutes les options peuvent être discutées y compris une forme d'épargne collective consacrée au financement des retraites. Mais à deux conditions, d'abord que l'avenir des régimes des retraites par répartition soit au préalable garanti (...). Ensuite que syndicats et organisations professionnelles soient associés à la direction de ces fonds d'épargne ".

M. Alain Vasselle a souligné en conséquence les hésitations et volte-face du Gouvernement et déploré le temps ainsi perdu. L'année 1999 s'achèvera ainsi sans décision importante sur les retraites par répartition, mais il est désormais également acquis qu'il n'y aura pas davantage de projet de loi relatif à l'épargne retraite.

M. Alain Vasselle a déploré qu'en affirmant que rien ne pressait, en privilégiant l'attentisme et l'inaction, le Gouvernement prenne implicitement des décisions graves pour l'avenir de notre pays et reporte sur les générations futures le poids des ajustements nécessaires.

En conclusion, M. Alain Vasselle s'est interrogé sur l'utilité du rapport Charpin.

Il lui est apparu en effet que ce travail, pour remarquable qu'il soit, n'avait fait que confirmer ce que l'on savait déjà : l'impérieuse nécessité de réformer nos régimes de retraite par répartition.

Il a estimé que ce rapport aurait pu remplir une fonction pédagogique et faciliter la prise de conscience, par les partenaires sociaux et l'opinion publique, de l'ampleur des défis qui menacent notre système de retraite. Il a constaté un échec dans ce domaine.

Il a souligné que ce rapport aurait également pu constituer une aide utile à la décision pour le Gouvernement mais qu'il n'en avait rien été. Invoquant la nécessité d'une nouvelle concertation, ce dernier se réfugiait dans l'attentisme et reportait encore toute réforme d'ampleur.

M. Jean Delaneau, président, a remercié le rapporteur pour la qualité et la pertinence de ses analyses. Il a considéré que cette communication, venant après l'adoption du rapport d'information de M. Charles Descours sur les lois de financement de la sécurité sociale, traduisait le souci de la commission et de ses rapporteurs d'un travail permanent sur les finances sociales. Il s'est déclaré frappé par l'observation du rapporteur selon laquelle une réforme maîtrisée des retraites nécessitait une initiative immédiate car plus le temps passait plus l'éventail des choix se refermait.

M. Dominique Leclerc a indiqué qu'il partageait les conclusions du rapporteur et notamment le caractère urgent des réformes à engager. Il a estimé que le rapport Charpin avait eu au moins le mérite d'initier un débat public sur la question des retraites. Après s'être interrogé sur la représentativité des organisations syndicales qui contestaient les conclusions du rapport Charpin, il a considéré que les Français étaient, pour leur part, de plus en plus conscients de la nécessité d'une réforme des retraites.

M. Dominique Leclerc a souligné les inégalités grandissantes entre les personnes au regard de la retraite ; il a jugé que la réforme des régimes spéciaux ne pouvait plus être différée et qu'il était indispensable d'instituer un troisième étage de retraite par capitalisation. Il a considéré que le fonds de réserve créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 n'apparaissait pas comme une solution crédible eu égard aux enjeux.

Après avoir souligné la qualité du rapport de M. Charpin, M. Bernard Seillier s'est inquiété des développements de ce rapport consacrés aux avantages familiaux en matière de retraite. Il a jugé qu'il convenait d'être très vigilant pour éviter une remise en question de ces avantages qui témoignaient de la solidarité nationale à l'égard des familles.

M. Jean-Louis Lorrain a considéré qu'il convenait d'élargir la réflexion sur le vieillissement et d'examiner cette problématique de manière globale en s'intéressant également à la question de la grande dépendance. Il a souligné que les retraités jouaient un rôle essentiel en matière de solidarité intergénérationnelle. Il a souhaité savoir quelles réformes avaient été entreprises, en matière de retraite, par nos principaux partenaires européens.

Mme Gisèle Printz a considéré qu'il y avait urgence à réformer les retraites. Elle a souligné que le Gouvernement avait précisément conscience de cette urgence et qu'il avait fait du dossier des retraites l'une de ses priorités. Elle a jugé que les jeunes générations paraissaient moins inquiètes de l'avenir des retraites que les générations plus âgées.

En réponse aux intervenants, M. Alain Vasselle a observé qu'il y avait un paradoxe entre la volonté du Gouvernement de combattre les inégalités et le maintien, parallèlement, de disparités croissantes entre les régimes de retraites. Il a partagé le souci exprimé par M. Bernard Seillier de ne pas remettre en cause les avantages familiaux tout en soulignant qu'il était cependant possible de réexaminer certains dispositifs.

M. Alain Vasselle a précisé que plusieurs pays européens avaient déjà engagé des réformes importantes de leurs systèmes de retraites. Il a cité le cas de la Norvège et de la Suède qui constituaient actuellement des fonds de réserve grâce à la situation favorable de leurs finances publiques.

A l'issue de ce débat, la commission a approuvé la communication de M. Alain Vasselle et a décidé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.