Le 12 avril 2023, la commission des affaires sociales a désigné le sénateur Bernard Bonne, déjà spécifiquement chargé du suivi de l’application de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants par le règlement du Sénat (article 19 bis B), rapporteur de la mission d’information relative à l’application des lois réformant la protection de l’enfance.
Le rapport a été adopté le 5 juillet 2023.
Pourquoi ce contrôle ?
Plus d’un an après sa promulgation, la loi du 7 février 2022 pâtit d’une faible application par le Gouvernement : au 31 mars 2023, seuls 37 % des mesures règlementaires attendues avaient été prises. Ce retard normatif freine la mise en œuvre des dispositions par les acteurs de la protection de l’enfance : services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE), services déconcentrés de l’État, professionnels de la protection de l’enfance (éducateurs spécialisés, moniteurs-éducateurs, assistants familiaux…).
En outre, lors des travaux préparatoires à cette loi, la commission avait pu constater que la nouvelle réforme législative intervenait alors que la mise en œuvre des précédentes lois était encore incomplète. Le rapporteur avait ainsi souligné lors de la discussion générale du projet de loi en séance publique que si « d’importants progrès ont été réalisés pour améliorer la protection des enfants en danger, en particulier grâce aux lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 [, ces] avancées connaissent toutefois une application bien trop inégale selon les territoires ». Par exemple, un déploiement insuffisant des projets pour l’enfant, des bilans de santé et de prévention, des entretiens d’accès à l’autonomie avait pu être relevé.
Cette mission d’information a donc pour objectif de dresser un bilan des trois lois principales – de 2007, 2016 et 2022 – ayant réformé la protection de l’enfance depuis une quinzaine d’années. Elle s’attachera à évaluer si un décalage se fait jour entre des lois toujours plus ambitieuses, précises et l’appropriation de leurs dispositions par les professionnels sur le terrain.
Le périmètre de ces trois lois étant très large, le champ de la mission d’information se limite à la protection de l’enfance dont le département est chef de file et comprenant, selon l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, les « actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection ».
Quels constats et recommandations ?
Si quelques avancées législatives se concrétisent,- comme la création des cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) ou l’interdiction de l’hébergement hôtelier des enfants protégés -, il ressort des travaux de la mission d’information que l’écart global se creuse entre l’ambition des lois et la mise en œuvre des dispositions par les professionnels. Le législateur intervient dans un contexte préoccupant pour la protection de l’enfance qui ne favorise pas la bonne application des nouvelles mesures.
Le rapporteur recommande donc de laisser le temps au secteur d’intégrer les différentes innovations législatives et de ne pas envisager de nouvelle réforme d’ampleur à court terme. L’application des lois doit devenir la priorité des départements en protection de l’enfance. Pour faciliter celle-ci :
- l’État doit réinvestir ses compétences qui concourent à la protection de l’enfance ;
- les efforts doivent être concentrés sur la formation initiale comme continue des professionnels ;
- l’évaluation des dispositifs et le recueil de données doivent s’étoffer.