Dans le cadre d’un contrôle annuel, ce rapport effectue le bilan des actions de contrôle de la commission des affaires européennes du Sénat sur les actions de l’Union européenne pour l’année parlementaire 2022-2023. En effet, cette commission est la « sentinelle » du Sénat chargée d’une mission de veille sur toutes les initiatives européennes. En 2022-2023, elle a ainsi été saisie de 1 077 projets de textes européens et en a traité 283 directement, par une procédure écrite ou par l’adoption d’une position politique (résolution ou avis). Elle a ainsi adopté 18 résolutions européennes, 16 avis politiques et 4 avis motivés qui concernent le respect du principe de subsidiarité, fondateur de la construction européenne, car il permet de faire respecter les compétences des États membres et de mener les politiques européennes au meilleur niveau
Pourquoi ce contrôle ?
La France a accepté de partager un certain nombre de compétences avec l’Union européenne à laquelle elle appartient avec 26 autres États. Cette dernière, sur proposition de la Commission européenne présidée par Mme Ursula von der Leyen, peut donc adopter des « lois européennes » (appelées règlements ou directives) qui vont s’appliquer aux 27 États membres de l’Union européenne, dont la France.
C’est pourquoi la Constitution française prévoit que le Sénat et l’Assemblée nationale sont saisis de tous ces projets de textes européens pour pouvoir les examiner et indiquer, dans des résolutions européennes adressées au Gouvernement et des avis politiques adressés à la Commission européenne, si ces projets leur paraissent ou non, dans l’intérêt des citoyens français. Le Sénat peut ainsi faire valoir les des priorités des Français sur le sujet, proposer des modifications ou des compléments… En 2022-2023, le Sénat a adopté 18 résolutions européennes et 16 avis politiques, par exemple pour rendre plus efficace l’action de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), assurer l’approvisionnement des économies européennes en matières premières critiques, réguler l’intelligence artificielle (IA) ou encore dénoncer les transferts massifs d’enfants ukrainiens organisés par la Russie. 61 % de ces prises de position politiques du Sénat ont été majoritairement reprises dans les règles européennes qui vont s’appliquer à tous les citoyens.
Le Sénat peut aussi adopter des avis motivés, adressés à la Commission européenne, quand il considère que l’Union européenne n’a pas respecté les compétences de la France. En 2022-2023, le Sénat a émis 4 avis motivés, en particulier concernant le futur cadre européen visant à garantir la liberté de la presse et la diversité culturelle de l’Union européenne.
Ce contrôle, qui est la mission première de la commission des affaires européennes du Sénat, est donc une nécessité démocratique. Son but est que l’Union européenne soit plus transparente et que le Gouvernement rende des comptes aux Français sur ses choix européens.
Quels constats et recommandations ?
Quelques exemples de constats et propositions du Sénat et leurs suites :
- Demande d’un meilleur pilotage politique de l’agence Frontex et d’un contrôle de son action associant les parlements nationaux des 27 États membres, et propositions pour une plus grande efficacité dans son action : comme recommandé par le Sénat, l’agence accélère le déploiement de ses agents dans des pays clefs pour les appuyer dans la surveillance des routes migratoires et renforce ses opérations de retour des migrants irréguliers dans leur pays d’origine (résolution européenne n° 55 du 8 février 2023) ;
- Sécurisation juridique et respect des droits des travailleurs des plateformes numériques. Début 2024, l’Union européenne a trouvé un accord définitif sur cette réforme qui limite l’utilisation de l’intelligence artificielle pour encadrer ces travailleurs et institue en leur faveur une « présomption de salariat » lorsqu’ils doivent obéir à un employeur (résolution européenne n° 17 du 14 novembre 2022) ;
- Dénonciation des transferts massifs d’enfants ukrainiens par les autorités russes, renforcement des moyens dédiés aux enquêtes pour poursuivre et juger les responsables de ces crimes de guerre, et soutien aux démarches permettant le retour des enfants dans leurs familles : la position du Sénat marque son soutien politique unanime aux actions européennes et internationales poursuivant judiciairement les auteurs de ces crimes et travaillant au retour des enfants concernés (résolution européenne n° 95 du 17 avril 2023) ;
- Proposition de règles européennes encadrant l’intelligence artificielle par un contrôle humain et par l’interdiction de ses utilisations abusives ou discriminatoires, sans toutefois brider l’innovation : en décembre 2023, l’Union européenne a mis en place cette régulation souple, qui doit favoriser la croissance des entreprises européennes du secteur tout en préservant les droits fondamentaux, ainsi que la sécurité et la défense nationale (résolution européenne n° 100 du 9 mai 2023) ;
- Défense d’une politique européenne de la pêche alliant préservation de la biodiversité littorale et maritime et protection de la pêche artisanale. Le Sénat a exprimé une position ferme demandant aux institutions européennes de ne pas procéder à l‘interdiction totale de la pêche au chalut dans 30% des aires marines protégées au regard des efforts consentis en faveur de la biodiversité et de la nécessité de préserver la pêche artisanale française (résolution européenne n° 125 du 6 juin 2023) ;
- Appui à des normes d’émission de polluants atmosphériques actualisées pour les freins et pneus des véhicules mais refus de nouvelles mesures trop contraignantes pour les véhicules thermiques légers neufs avant 2035 puisqu’à partir de cette date, seuls des véhicules électriques pourront être mis en vente. L’Union européenne a suivi le Sénat en décembre 2023 (résolution européenne n° 149 du 30 juin 2023) ;
- Soutien à la mise en place d’une réindustrialisation de la France et de l’Union européenne sur la base de technologies « décarbonées » et création de vallées industrielles « zéro émission ». Accord européen en ce sens en février 2024.
Suites données aux résolutions européennes en 2023
Une infographie synthétise les suites données aux résolutions européennes en 2023