A la demande de la conférence des présidents, la commission des affaires européennes formule des observations sur les projets de loi contenant des dispositions permettant l'intégration en droit national du droit de l'Union européenne, afin d'identifier les éventuelles sur-transpositions.

Ces observations sont publiées sous la forme d'un rapport d'information.


Observations sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : rapport de M. Pierre Médevielle

Rapport n° 682 (2018-2019) du 18 juillet 2019

Dans le cadre de la mission d'alerte sur les sur-transpositions que lui confie le Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes a examiné le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire qui s'inscrit dans un cadre européen renforcé et précisé en 2018, par l'adoption des directives du Paquet économie circulaire, et complété en 2019 par la directive relative à l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement.

Elle constate que le projet de loi procède à la transposition de prescriptions impératives édictées par ces textes, y compris la création de trois nouvelles filières de traitement de déchets, élargit les pouvoirs de l'autorité administrative en matière de contrôle et d'accès aux données pour qu'elle soit en mesure d'assurer un suivi de l'atteinte des objectifs impératifs de recyclage définis au niveau européen, enfin met en conformité l'encadrement des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) avec la directive-cadre-modifiée sur les déchets. Elle relève toutefois que les obligations de reprise des produits usagés vont au-delà de ce qu'impose le droit européen.

elle observe par ailleurs que si plusieurs mesures s'inscrivent dans la logique d'atteinte des objectifs européens en matière d'économie circulaire, elles ne sont pas imposées par le droit européen, même si certaines d'entre elles mettent en oeuvre des recommandations ou suggestions formulées par les directives de 2018. Les conséquences de ces sur-transpositions pour les producteurs et les vendeurs (y compris les effets de distorsion de concurrence et les contraintes d'adaptation des filières de production), les collectivités territoriales et les ménages, dont la portée sera précisée par voie réglementaire ou qui seront éventuellement introduites par des ordonnances, doivent être précisément évaluées, au-delà des éléments fournis par l'étude d'impact, afin de s'assurer qu'elles sont justifiées par l'atteinte des objectifs européens et au regard de priorités nationales, qu'elles ne pénalisent pas excessivement les acteurs concernés au regard des bénéfices attendus et qu'elles font l'objet de délais et d'un accompagnement adaptés.


Observations sur le projet de loi d'orientation des mobilités : rapport de M. Benoît Huré

Rapport n° 350 (2017-2018) du 21 février 2019

Dans le cadre de la mission d'alerte sur les sur-transpositions que lui a confiée la Conférence des présidents, la commission des affaires européennes a examiné le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) qui concerne surtout les transports routiers, domaine fortement marqué par le droit européen, qui a harmonisé les règles afin de favoriser une circulation libre, efficace, sûre et respectueuse de l'environnement au sein du Marché intérieur.

Elle constate que la transposition des obligations de pré-équipement des parcs de stationnement en infrastructures de recharge des véhicules électriques n'excède pas les obligations fixées par la directive de 2010 et exploite les possibilités de dérogation qu'elle ouvre. Certaines obligations particulières d'aménagement sont toutefois ajoutées afin de favoriser la mobilité des personnes handicapées.

Elle observe en revanche que l'ouverture des données pour favoriser les déplacements multimodaux va au-delà des exigences du règlement délégué de 2017 mais s'inscrit dans la logique de celui-ci, en prévoyant l'ouverture non seulement des données statiques de transports mais également des données dynamiques, en avançant la date d'entrée en vigueur de l'obligation de mise à disposition et en incluant les données relatives aux véhicules disponibles sans borne.

S'agissant de la désignation des services chargés de surveiller le respect de plusieurs règlements par les véhicules routiers, non routiers et de transports maritimes, de prendre des mesures conservatoires et d'infliger des sanctions en cas de manquement, elle constate que le projet de loi renvoie à des ordonnances, sans que les habilitations sollicitées n'apportent de précisions quant au dispositif envisagé, les textes européens indiquant simplement que les sanctions doivent être efficaces et proportionnées.

Enfin, elle a souhaité attirer l'attention sur la nécessité impérieuse de veiller au strict respect du RGPD et de la directive ePrivacy lorsqu'il est prévu de donner accès à des données à caractère personnel pour la mise en oeuvre du système eCall ou la vérification du respect des normes d'émission par les véhicules.


Observations sur le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises : rapport de M. Jean-François Rapin

Rapport n° 207 (2018-2019) du 13 décembre 2018

Conformément à la mission d'alerte sur les sur-transpositions que lui a confié la Conférence des présidents, la commission des affaires européennes a examiné le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») qui autorise la transposition de directives européennes dans le domaine économique et financier et la ratification d'ordonnances.

La commission a constaté que la pratique habituelle de transposition du droit européen par voie d'ordonnances ne permettait pas un contrôle effectif du parlement sur les options retenues par le gouvernement, ni sur les raisons pour lesquelles celui-ci a choisi d'en écarter certaines. Il en résulte également une faible visibilité sur l'exploitation qui sera faite des options ouvertes par le texte européen lors de la transposition autorisée par le projet de loi.

La commission a néanmoins pu observer que l'approche restrictive des options ouvertes par les textes européens était souvent justifiée par des priorités nationales comme la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou la protection du consommateur.

L'exploitation de certaines options, fréquemment complétées par une obligation purement nationale, et la suppression de sur transpositions, proposées par le projet de loi, répondent en revanche des objectifs d'allègement des charges pesant sur les PME et de renforcement de l'attractivité de la place financière de Paris.

La commission a constaté par ailleurs que les dispositions tendant à appuyer la modernisation des activités économiques en France respectent les principes fondamentaux du marché intérieur, qu'il s'agisse des aides d'État, de la libre circulation des capitaux et des travailleurs, de la liberté d'établissement ou encore du droit de la concurrence.


Observations sur la proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protectiondes savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites : rapport de M. Philippe Bonnecarrère

Rapport n° 406 (2017-2018) du 6 avril 2018

La commission des affaires européennes a suivi attentivement l'élaboration de la directive sur les secrets d'affaires. Sur sa proposition, le Sénat a adopté en 2014 une résolution soutenant le principe d'une harmonisation européenne minimale qui renvoie autant que possible au droit commun des régimes de responsabilité civile nationaux. Si elle approuvait la reprise de la définition des secrets d'affaires figurant dans l'accord ADPIC conclu sous l'égide de l'OMC et les dérogations et exonérations au bénéfice de la liberté d'information, elle attirait toutefois l'attention sur la nécessité d'articuler la protection de ces secrets avec le principe du contradictoire, les droits de la défense et la publicité des débats. Le suivi ultérieur, en particulier avec la direction des affaires civiles et la rapporteure de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, lui a permis de constater que ces orientations étaient traduites dans le texte finalement adopté.

Dans le cadre de la mission de veille sur l'intégration des textes européens en droit interne que lui a confiée la Conférence des présidents, la commission a examiné le texte adopté par l'Assemblée nationale dont l'objet exclusif est de transposer la directive. Il introduit dans le code de commerce un titre nouveau consacré à la protection des secrets d'affaires qui conforte en particulier les exceptions au titre de la liberté d'information et du droit d'alerte et introduit une amende civile en cas d'abus de procédure.

La commission a toutefois constaté que certaines des formulations retenues pouvaient être considérées comme restrictives, en particulier la définition incomplète des modes d'acquisition licites d'un secret d'affaires, l'obligation de mentionner explicitement le caractère confidentiel d'une information relevant d'un tel secret et l'exigence d'une violation des mesures de protection mises en place par le détenteur licite d'un tel secret.


Observations sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur : rapport de M. Jean-François Rapin

Rapport n° 345 (2017-2018) du 8 mars 2018

La nouvelle directive sur les services de paiement (DSP2), adoptée en 2005, entend favoriser l'innovation, la concurrence, l'efficience et la sécurité des services de paiement fournis au sein de l'Union européenne afin d'élargir et d'améliorer les choix des consommateurs. Elle a été transposée dans le code monétaire et financier par une ordonnance du 9 août 2017 que le Sénat est appelé à ratifier.

Conformément à la mission de veille sur l'intégration des textes européens en droit interne que lui a confiée la conférence des présidents lors de sa réunion du 21 février 2018, la commission des affaires européennes a examiné l'ordonnance et constaté que la Gouvernement avait procédé à une transposition rigoureuse de la directive. Elle a relevé que quelques-unes des facultés ouvertes par la directive étaient exploitées, en particulier l'allégement des procédures et des exigences prudentielles applicables aux petits établissements de paiement dont le risque est réduit, ainsi que l'obligation, pour les établissements de paiement ayant recours en France à des succursales ou à des agents en libre établissement, de désigner un point de contact national, obligation qui est de nature à faciliter la supervision prudentielle et la sécurité des opérations de paiement exécutées sur le territoire national.

Elle a enfin soulevé la question de l'opportunité d'un encadrement, au niveau européen, de l'agrégation des comptes d'épargne, au-delà donc des seuls comptes de paiements traités par la directive. Cette prestation répond en effet à une attente des clients mais elle n'est pas réglementée. Elle est aujourd'hui pratiquée dans des conditions d'insécurité technique et juridique préoccupantes.


Observations sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles : rapport de M. Simon Sutour

Rapport n° 344 (2017-2018) du 8 mars 2018

La commission des affaires européennes a suivi avec une attention particulière le long processus d'élaboration du règlement général sur la protection des données à caractère personnel. Sur sa proposition et celle de la commission des lois, le Sénat avait adopté plusieurs résolutions et un avis motivé insistant sur la nécessité de pouvoir maintenir des règles nationales plus protectrices et de permettre aux citoyens et résidents français de s'adresser à la CNIL en cas de difficulté plutôt qu'à l'autorité de contrôle du pays d'établissement de l'entreprise qui traitent leurs données.

Conformément à la mission de veille sur l`intégration des textes européens en droit interne que lui a confiée la conférence des présidents, la commission des affaires européennes a examiné sous cet angle le projet de loi sur la protection des données personnelles. Ce texte, qui modifie la loi emblématique de 1978, précise certaines modalités de mise en oeuvre du règlement et, comme celui-ci l'y autorise, revoit les règles nationales applicables aux traitements de données sensibles. Il transpose en outre la directive sur les traitements de données en matière pénale.

Après avoir relevé l'exploitation mesurée que le projet de loi fait des marges de manoeuvre prévues par le règlement, les observations de la Commission mettent plus particulièrement l'accent sur les obligations très exigeantes de mise en conformité qui pèsent sur les collectivités territoriales, sur la question de l'âge du consentement des enfants à la collecte et au traitement de leurs données personnelles ainsi que sur l'introduction d'un droit à réparation dans le cadre de l'action de groupe.