Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 7 juin 2005
Justice et affaires intérieures
La politique européenne d'immigration, à la lumière du Livre vert sur une « approche communautaire de la gestion des migrations économiques » (texte E 2813)
Rapport d'information de M. Robert del Picchia
Résumé du rapport
Compte rendu sommaire du débat
M. Hubert Haenel :
Je rappelle que la délégation a déjà abordé le problème de la période transitoire pour les ressortissants des nouveaux États membres, il y a quatre ans, sur le rapport de notre collègue Paul Masson qui n'est jamais passé pour laxiste ; et les conclusions de ce rapport avaient souligné tous les inconvénients de la mise en place d'une période transitoire.
Mme Alima Boumediene-Thiery :
Une politique de l'immigration est indissociable d'un effort d'aide au développement : or, celle-ci ne cesse de diminuer.
Vous avez évoqué le cas du Canada : les conditions de séjour, de travail et d'installation des immigrés n'y sont pas les mêmes qu'en France, où l'intégration reste difficile, les migrants n'ayant pas certains droits. Au Canada, l'immigrant obtient la nationalité au bout de trois ans de résidence.
Je n'approuve pas la formule des quotas, mais quelle est l'alternative ? L'ouverture des frontières, que je souhaiterais, fait peur - à tort - au plus grand nombre. Des quotas par nationalité, qui sont une forme de discrimination, doivent être très clairement exclus, d'autant que, dans la pratique, lors des régularisations, ils ont été parfois une référence implicite dans notre pays. Les quotas par profession ne doivent pas être exclus par principe : mais n'est-ce pas traiter les pays tiers comme un libre-service de main-d'oeuvre ? Et, lors du retour au pays d'origine, quid des droits sociaux acquis dans le pays de destination ? Et quelle mobilité à l'intérieur de l'Europe ? Quel statut pour les travailleurs indépendants, par exemple les infirmières exerçant en libéral ? Enfin, le problème de la « fuite des cerveaux » ne peut être éludé : est-il juste que nous « aspirions » les meilleurs ?
M. Yann Gaillard :
Des quotas par profession, pourquoi pas ? Cette solution me paraissait intéressante. Mais votre exposé suggère que cette solution s'avère peu efficace. Si tel est le cas, inutile de se lancer dans des complications supplémentaires !
M. Aymeri de Montesquiou :
Comment gérer le problème des ateliers clandestins ? Il semble que la lutte soit peu efficace, ou que les sanctions ne soient pas suffisantes.
M. Robert del Picchia :
La question de la lutte à l'échelon national contre le travail clandestin n'est pas dans l'objet de mon rapport, qui concerne seulement la gestion de l'immigration légale. Il faudrait une étude spécifique.
J'ai effectivement souligné le bilan assez peu convaincant des quotas par profession, sans nier certains aspects positifs. Il y a sans doute un moyen terme possible entre ce système et celui que nous appliquons aujourd'hui, préfecture par préfecture, qui laisse un sentiment d'arbitraire. Les quotas par nationalité ne peuvent être qu'une solution ponctuelle pour régler des problèmes bilatéraux, comme l'a fait l'Italie avec la Tunisie et l'Albanie.
Le problème de la « fuite des cerveaux » doit être abordé dans une approche de co-développement. N'oublions pas que les fonds envoyés par les expatriés vers leur pays d'origine représentent parfois plus de 5 % du PIB de celui-ci !
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À l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication de ce rapport d'information paru sous le numéro 385 et disponible sur internet à l'adresse suivante :
www.senat.fr/europe/rap.html
Environnement
Changement climatique
(enseignements de la conférence organisée
par l'assemblée de l'OSCE à Tromsö du 11 au 14 mai 2005)
Communication de M. Pierre Fauchon
J'ai participé, à Trömsö (Norvège), ville située au-delà du cercle polaire, les 12 et 13 mai derniers, à la Quatrième Conférence sous-régionale de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE sur « Le Grand Nord : environnement, sécurité et coopération », organisée à l'initiative de la délégation norvégienne auprès de cette assemblée. Plus de 80 parlementaires représentant 27 pays étaient présents. La délégation française était composée de nos collègues députés Michel Voisin, Roland Hillmeyer et Claude Lefort, et de moi-même. Le ministre des affaires étrangères, le ministre du pétrole et de l'énergie de la Norvège, deux secrétaires d'État étaient également présents, ainsi que des scientifiques norvégiens et russes et des représentants d'organisations non-gouvernementales. Les principaux thèmes abordés ont concerné : la politique norvégienne dans le Grand Nord ; les rapports entre la science et la politique dans l'Arctique ; les conséquences globales et politiques du changement climatique dans l'Arctique ; les défis nucléaires dans le Nord-ouest de la Russie et les priorités norvégiennes ; les préoccupations de sécurité et le défi nucléaire dans l'Arctique ; le potentiel des ressources pétrolières dans la mer de Barents ; le développement des ressources pétrolières arctiques en Norvège. * J'ai retenu de cette conférence plusieurs enseignements. Tout d'abord, le phénomène du réchauffement climatique touche beaucoup plus l'Arctique que le reste de la planète : pour un degré supplémentaire de réchauffement à la hauteur de la France, le réchauffement au pôle serait de l'ordre de 12 degrés d'ici 2080. Les images satellites qui nous ont été montrées confirment la fonte d'un tiers de la couronne polaire entre 1979 et 2003, laquelle pourrait totalement disparaître dans les prochaines décennies. Par ailleurs, l'exploitation des hydrocarbures dans le Grand Nord, y compris dans l'Alaska qui est proche, est une menace pour l'ensemble des écosystèmes et des ressources marines, notamment dans la mer de Barents qui est un lieu important de reproduction des poissons de la planète. L'enjeu est de taille puisque 24 % des réserves potentielles mondiales de pétrole se trouvent dans l'Arctique (Norvège et Russie). Déjà, l'Europe dépend très largement de cette région pour son approvisionnement en gaz naturel. Le réchauffement de la planète, dont les mécanismes ne sont pas encore parfaitement compris des scientifiques, mais qui paraît incontestable, aura des conséquences considérables sur la faune, la flore, et les conditions de vie des populations locales qui sont déjà les victimes, pour des raisons géographiques, des concentrations, dans cette partie du monde, des polluants organiques permanents en provenance des régions industrielles. Les conséquences pour l'humanité tout entière ne sont pas encore parfaitement prévisibles, d'autant qu'elles se feront vraisemblablement sentir sur une très longue durée. Le président de la délégation norvégienne auprès de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE a décidé de déposer un projet de point supplémentaire à l'occasion de la session annuelle de cette assemblée qui se tiendra à Washington dans les premiers jours de juillet prochain. Ce texte, qui sera vraisemblablement adopté à Washington, résume parfaitement la situation dans une optique politique : L'Assemblée parlementaire de l'OSCE incite les États membres de l'OSCE : 1. à signer, ratifier et mettre en oeuvre tous les traités et accords internationaux ayant pour objet la réduction des émissions de gaz à effet de serre, y compris le protocole de Kyoto ; 2. à communiquer les résultats du groupe sur l'impact du climat arctique dans le public ainsi que par le moyen de leurs systèmes nationaux d'éducation et scientifique ; 3. à réduire autant que possible la menace potentielle de fragilisation des éco-systèmes par les activités économiques, notamment industrielles et de pêche, dans l'Arctique ; 4. à arrêter la production et l'usage de polluants organiques permanents et autres toxiques persistants, aussi bien à des fins de stockage que d'usage nettoyant, afin de prévenir leur accumulation ultérieure dans l'Arctique ; 5. à intensifier tous les efforts nationaux bilatéraux et multilatéraux pour renforcer la sécurité nucléaire et pour l'élimination de tous les déchets nucléaires subsistant sur et autour de la péninsule de Kola ; 6. à renforcer la coopération scientifique dans l'Arctique dans le cadre de l'année polaire 2007-2008. Compte tenu de la gravité de cette question, j'ai jugé utile de faire cette brève communication devant la délégation. |
Économie, finances et fiscalité
Réforme du pacte de stabilité et de croissance
(textes E 2872 et E 2873)
Communication de M. Denis Badré
I - LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE SUR LA SELLETTE ? Au lendemain du référendum sur la Constitution européenne, le pacte de stabilité et de croissance semble plus fragilisé que jamais. Il a été accusé de tous les maux par les partisans du non, et d'être un carcan qui briderait l'énergie et les initiatives de la France. Ce dispositif est devenu l'image même de la « technocratie bruxelloise », selon l'expression reçue, et des transferts de souveraineté prétendument illégitimes des États membres vers l'Union européenne. Pourtant, on ne dira jamais assez que ce pacte ne fait que formaliser des règles de bonne gestion des finances publiques qui doivent assurer la force de l'euro et conforter la croissance économique. Cette vérité d'évidence est bien rappelée dans le récent rapport d'information de la commission des Finances (n°277, 2004-2005), fait par son rapporteur général, Philippe Marini, et intitulé « Sans vertu des États, il n'est point de pacte de stabilité ». En fait, la remise en cause du pacte de stabilité et de croissance remonte à la crise de novembre 2003, quand les deux principales économies de la zone euro, l'Allemagne et la France, se sont retrouvées dans le rouge et que la Commission a voulu leur adresser des mises en demeure. Le Conseil des ministres a alors décidé de suspendre toutes les procédures à l'encontre de ces deux pays. Cette décision contraire à l'esprit du traité, sinon au texte, a déclenché une polémique entre la Commission et le Conseil, qui a été tranchée par un arrêt mi-chèvre mi-chou de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 juillet 2004. Il n'y a pas vraiment eu d'amélioration depuis. La moitié des États membres de l'Union européenne ont fait ou font l'objet d'une procédure pour déficit excessif ; et tant la France que l'Allemagne peinent à tenir leur promesse de revenir sous la barre des 3% de déficit pour 2005. Le récent changement de gouvernement en France a fait naître de nouvelles craintes. Le président de la commission des Finances et le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale se sont inquiétés la semaine dernière d'éventuels dérapages budgétaires à venir. Dans un communiqué commun, ils indiquent « qu'après le rejet du projet de Constitution européenne par les Français, il ne saurait être question que notre pays s'exonère de ses engagements internationaux, parmi lesquels figure le pacte de stabilité et de croissance (...) Bruxelles et les critères de Maastricht ne sauraient en aucun cas être invoqués pour nous dispenser des efforts nécessaires et le temps d'une Europe alibi de nos difficultés est révolu. » Mais depuis, le ministre français de l'économie et des finances, Thierry Breton, est déjà allé à Bruxelles rassurer ses partenaires européens sur la fermeté des engagements de la France au regard du pacte de stabilité et de croissance. II - LA RÉFORME DU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE Les débuts quelque peu chaotiques de l'Union économique et monétaire ont rapidement fait apparaître la nécessité d'un « assouplissement » du pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne a fait des propositions en ce sens le 3 septembre 2004. Je vous en ai rendu compte dans une précédente communication en date du 15 janvier 2005, je ne reviendrai donc pas dessus. Sur la base des propositions de la Commission, après une longue négociation, le Conseil européen du 22 mars 2005 a entériné l'accord du Conseil Finances du 20 mars, qui « assouplit » le pacte de stabilité et de croissance. Les deux textes qui nous sont soumis aujourd'hui adaptent en conséquence les règlements d'application du pacte de stabilité. Le premier (E 2872) porte sur le volet « préventif » du pacte : la surveillance multilatérale des positions budgétaires. Le second (E 2873) porte sur son volet « correctif » : la procédure concernant les déficits excessifs. Dès le départ, les États membres se sont interdits de toucher au coeur des dispositions relatives au pacte de stabilité et de croissance, inscrites à l'article 104 du traité instituant la Communauté européenne. La règle d'or demeure un déficit budgétaire inférieur à 3 % et une dette inférieure à 60 %. C'est pourquoi les modifications proposées ne concernent que les règlements d'application. En ce qui concerne la « gouvernance », l'accord prévoit le principe d'échanges d'informations préalables entre le Conseil, la Commission et les États membres sur leurs intentions à toutes les étapes de la surveillance budgétaire, afin de favoriser des échanges de vues francs et confidentiels. Une fois par an avant l'été, l'Eurogroupe procédera à une évaluation des évolutions budgétaires au niveau national et de leurs conséquences pour l'ensemble de la zone euro. L'association des parlements nationaux devrait être renforcée à tous les stades de la surveillance. Le volet « préventif » est renforcé sur plusieurs points. L'objectif à moyen terme d'une position budgétaire sera défini de manière différente selon les États, afin de prendre en compte la diversité des situations économiques. Les objectifs à moyen terme des pays de la zone euro se situeraient entre moins de 1 % du PIB, pour les pays à faible dette et à potentiel de croissance élevée, et l'équilibre ou l'excédent budgétaire pour les pays à forte dette et à potentiel de croissance réduit. L'objectif sera révisé tous les quatre ans, afin de tenir compte de l'évolution de la dette, du potentiel de croissance et de la viabilité budgétaire. En période de conjoncture favorable, c'est-à-dire quand la croissance réelle dépasse la croissance potentielle, les États s'engagent à assainir activement leurs finances publiques. Pour les États de la zone euro, la référence en matière d'ajustement annuel, déduction faite des mesures ponctuelles et provisoires, est de moins 0,5 % du PIB. Afin d'orienter davantage le pacte vers la croissance, les réformes structurelles seront prises en compte au moment de la définition de la trajectoire d'ajustement conduisant à la réalisation de l'objectif de moyen terme ou si un pays souhaite s'en écarter provisoirement. Le volet « correctif » est assoupli sur les points suivants. Un dépassement temporaire et limité des 3 % peut être admis en cas de taux de croissance négatif ou de baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance très faible par rapport au potentiel de croissance. La définition des « circonstances exceptionnelles et temporaires » est maintenant moins restrictive et plus économique. Un dépassement temporaire, en restant proche des 3 %, peut aussi être admis après prise en compte du niveau des investissements, des réformes structurelles et des efforts en matière de recherche et développement, et après évaluation de la qualité de la dépense publique : les États membres pourront faire valoir les efforts budgétaires visant à « accroître ou maintenir un niveau élevé de contribution financière destinée à encourager la solidarité internationale et à réaliser les objectifs de la politique européenne, notamment l'unification de l'Europe si elle a un effet négatif sur la croissance et la charge budgétaire d'un État membre ». C'est bien sûr l'Allemagne, et la charge des länder de l'Est, qui est ici visée. Tous ces facteurs pourront être pris en compte tout au long de la procédure de surveillance multilatérale. Enfin, et c'est l'essentiel, les délais prévus pour prendre une action et des mesures suivies d'effet ainsi que les délais pour corriger le déficit sont allongés. L'enchaînement de la procédure de déficit excessif est également révisé. La mise en oeuvre de la procédure pour déficit public excessif devrait être à l'avenir moins mécanique et systématique. III - DES TEXTES PROCHAINEMENT ADOPTÉS Dans la mesure où les deux textes qui nous sont soumis aujourd'hui ne font que mettre en musique l'accord du Conseil du 22 mars 2005, leur adoption ne devrait pas poser de problème. La révision du volet préventif s'effectue à la majorité qualifiée et nécessite la mise en oeuvre d'une procédure de coopération avec le Parlement européen, moins contraignante que la procédure de codécision. Le volet correctif doit être adopté à l'unanimité, après avis de la Banque centrale européenne et du Parlement européen. La Commission espère donc que les changements proposés aux deux règlements d'application seront approuvés avant la fin du mois de juin. Je propose que nous suggérions à notre Gouvernement de soutenir leur adoption rapide. |
Compte rendu sommaire du débat
M. Roland Ries :
Vous avez dit que le déficit d'un pays de la zone euro est supporté par les autres. J'aimerais avoir des précisions sur ce point.
Je voudrais faire aussi une observation : l'assouplissement du pacte de stabilité qui est proposé peut être la meilleure ou la pire des choses. Si c'est la suppression d'un effet de seuil mécanique, c'est plutôt une bonne chose. Mais il ne faudrait pas qu'à partir de là, on laisse s'ouvrir une brèche.
M. Denis Badré :
Je suis d'accord avec votre observation. Pour répondre à votre question, il est clair qu'un déficit budgétaire est d'abord supporté par les générations futures. En deuxième lieu, ce sont les pays en voie de développement qui en pâtissent, du fait de l'assèchement des ressources des marchés financiers internationaux par les pays riches en situation de déficit budgétaire. Enfin, si l'on n'avait pas l'euro, la France aurait vraisemblablement dû dévaluer. C'est en cela qu'il existe une solidarité entre les douze pays membres de la zone euro.
M. Roland Ries :
En supposant que ces douze pays connaissent tous un déficit supérieur à 3 %, quelle serait l'autorité qui pourrait décider d'une dévaluation de l'euro ?
M. Denis Badré :
Précisément, il n'y a pas d'autorité économique dans la zone euro. C'est un vrai problème.