Les réunions de la délégation du Sénat pour l'Union européenne
28 avril 1999
Politique étrangère et de sécurité commune
Communication de M. Michel Barnier sur la proposition de règlement E 1241 interdisant la vente et la livraison de pétrole et de certains produits pétroliers à la République fédérale de Yougoslavie
Politique agricole et de la pêche
Communication de M. Jacques Oudin sur les textes E 1203 et E 1230 relatifs à la politique commune de la pêche
Communication de M. Simon Sutour sur le projet de décision E 1189 relatif à l'aménagement du temps de travail dans les secteurs exclus du champ d'application de la directive 93/104/CE
Politique étrangère et de sécurité commune
Communication de M. Michel Barnier sur la proposition de règlement E 1241 interdisant la vente et la livraison de pétrole et de certains produits pétroliers à la République fédérale de Yougoslavie
Compte rendu sommaire
Je voudrais évoquer devant vous une procédure d'urgence dont j'ai été saisi par le ministre des Affaires européennes au cours du week-end.
Vendredi dernier, c'est-à-dire le 23 avril, les Etats membres de l'Union ont adopté, sur la base de l'article J.2 du traité sur l'Union européenne, une position commune visant à interdire la fourniture ou la vente de pétrole et de produits pétroliers à la République fédérale de Yougoslavie. Chacun comprendra les motivations de l'adoption de ce texte, qui a été adopté par " procédure écrite accélérée ", sans attendre la réunion ministérielle prévue pour le lundi 26 avril.
Cette position commune, prise dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union, mentionnait qu'une action au niveau communautaire était nécessaire pour sa mise en oeuvre. C'est pourquoi les Etats membres ont été saisis ce même vendredi 23 avril, en fin de matinée, d'un projet de règlement du Conseil qui transposait dans le domaine communautaire cette position commune.
Compte tenu de la situation politique et de l'urgence qu'elle imposait à tous, la présidence allemande a fait savoir qu'elle souhaitait que ce règlement soit adopté par le Conseil Affaires générales le lundi 26 avril en sorte qu'il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.
Ce projet de règlement entrant dans le domaine législatif, c'est-à-dire dans le champ d'application de l'article 88-4, j'ai été contacté par le cabinet du ministre des Affaires européennes, dans la soirée de vendredi, selon une procédure d'urgence qui a déjà été utilisée dans quelques cas comparables par le passé.
Le texte, qui vise à interdire la vente et la livraison de pétrole et de certains produits pétroliers à la République fédérale de Yougoslavie, précise que l'interdiction ne s'applique pas aux ventes et livraisons à des fins humanitaires.
Au cours de l'examen qui s'est engagé au sein du Conseil des ministres sur ce texte, certaines modifications ont été apportées, notamment sur trois points :
- une référence a été ajoutée, dans les considérants, à la violation des résolutions du Conseil de sécurité par la République fédérale de Yougoslavie,
- la procédure relative aux exemptions à des fins humanitaires a été précisée,
- enfin, il a été prévu une autre exemption, pour les ventes, fournitures ou exportations à destination des Forces opérant en République fédérale de Yougoslavie et auxquelles les Etats membres participent.
Compte tenu de l'urgence et du caractère consensuel de ce texte qui répond pleinement à la position défendue par la France, j'ai pris la responsabilité de faire savoir aussitôt au Gouvernement qu'il me paraissait normal que ce texte soit adopté sans plus attendre.
Le règlement a été adopté par le Conseil le lundi 26 avril et devrait entrer en vigueur au plus tard vendredi prochain.
Politique agricole et de la pêche
Communication de M. Jacques Oudin sur les textes E 1203 et E 1230 relatifs à la politique commune de la pêche
Les propositions E 1203 et E 1230 concernent deux aspects distincts mais complémentaires de la politique commune de la pêche. Il est donc apparu souhaitable que la délégation les examine simultanément et que le Sénat puisse, le cas échéant, se prononcer globalement à leur sujet. Avec ces deux textes, la Commission européenne a en effet entrepris une réforme importante du cadre communautaire de la pêche.
Il convient de rappeler que le tonnage de la pêche française représente à peu près 10 % du tonnage communautaire. Dans ce domaine, la France se situe approximativement à égalité avec le Royaume-Uni, mais loin derrière l'Espagne ; il en est de même si l'on considère la puissance de la flotte. La production nationale est de l'ordre de 870.000 tonnes, dont les trois quarts proviennent de la pêche et un quart des cultures marines. La contribution de la pêche au produit intérieur brut est certes modeste ; cependant, on ne doit pas sous-estimer son importance en termes d'aménagement du territoire. Par ailleurs, la pêche emploie 22.000 personnes en métropole (les emplois induits étant estimés à quelque 50 à 60.000) et environ 10.000 personnes dans les différentes collectivités d'outre-mer. La plupart des entreprises de pêche françaises sont de taille réduite et souffrent d'une faiblesse chronique de fonds propres. Dans ce contexte, la production nationale n'a pas suivi la croissance de la demande en produits de la mer, qui a pratiquement doublé en vingt ans. Le déficit de la balance commerciale dans ce domaine est donc aujourd'hui très élevé, de l'ordre de 10,5 milliards de francs. D'une manière générale, la filière " pêche " française se trouve dans une situation fragile. Ces éléments doivent être pris en compte dans l'appréciation des propositions de réforme présentées par la Commission européenne.
I - La proposition E 1203 : actions structurelles dans le secteur de la pêche
La proposition de règlement n° COM (1998) 728 final tend à remplacer le règlement n° 3699/93 qui avait défini les conditions d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP), fonds structurel propre à ce secteur d'activité.
Les objectifs assignés aux actions structurelles dans le domaine de la pêche sont de contribuer à atteindre un équilibre durable entre les ressources halieutiques et leur exploitation, de renforcer la compétitivité des entreprises dans une perspective de filière, d'améliorer l'approvisionnement en produits de la pêche et de l'aquaculture, de valoriser ces produits, et de contribuer à revitaliser les zones dépendantes de la pêche.
Les principales mesures prévues pour réaliser ces objectifs sont :
- un nouveau système de renouvellement de la flotte, comprenant un système permanent de contrôle des entrées et sorties ;
- un renforcement des sanctions à l'encontre des Etats membres en cas de non-respect des obligations communautaires ;
- des mesures relatives aux " sociétés mixtes " (sociétés commerciales constituées avec un ou plusieurs partenaires d'un pays tiers, ayant pour objet une activité commerciale dans le secteur de la pêche dans les eaux relevant de ce pays, le navire étant enregistré dans celui-ci) ;
- des mesures relatives à la petite pêche côtière ;
- des mesures concernant les organisations de producteurs ;
- des mesures d'accompagnement socio-économiques.
Certains points du dispositif proposé ont suscité de sérieuses réserves de la part du Gouvernement français.
Le régime de contrôle permanent des entrées et sorties, tout d'abord, paraît excessivement rigide. Il aboutit à une gestion individuelle des navires, puisque chaque construction ou remotorisation à puissance supérieure devra être accompagnée de la radiation d'un navire de capacité au moins équivalente en puissance et en jauge, le navire radié ne pouvant par ailleurs ni être transféré vers un autre Etat membre, ni vers un pays tiers. Or, la France a toujours plaidé pour une gestion globale des flottes de pêche, qui apporte une souplesse nécessaire à la gestion d'une flotte aussi hétérogène que la flotte française. Une gestion individuelle des navires n'étant pas nécessaire à la réalisation des objectifs des programmes d'orientation pluriannuels (POP), la proposition de la Commission paraît, sur ce point, clairement contraire au principe de subsidiarité.
Par ailleurs, l'insertion, dans un texte concernant les actions structurelles, de dispositions relatives à l'élaboration et au suivi des POP, à l'ajustement des efforts de pêche, et aux sanctions en cas de non-respect des obligations communautaires, paraît difficilement acceptable. Une telle approche revient en effet à vider par avance de leur substance les négociations sur lePOP V, qui ne porteraient plus que sur les taux de réduction des flottes de pêche sans aucune marge d'action sur les conditions dans lesquelles elle s'effectuerait.
Les dispositions de l'article 5, prévoyant un large transfert de compétences du Conseil à la Commission pour l'élaboration des POP, paraissent également étrangères à l'objet du texte.
En outre, les mesures relatives aux aides au renouvellement et à la modernisation de la flotte sont exagérément restrictives. En effet, la Commission européenne propose que l'octroi d'aides à la construction de navires, et plus généralement à la création de nouvelles capacités, soit subordonnée à la destruction d'une capacité égale à 130 % de la capacité créée, en jauge et en puissance. Ainsi, seul un renouvellement s'accompagnant d'une diminution de la capacité de pêche du navire pourrait bénéficier d'une aide, ce qui pourrait en pratique freiner voire bloquer la modernisation de la flotte.
Enfin, la proposition prévoit une réduction du barème des interventions communautaires dans les zones " objectif 2 ", ce qui est, là également, de nature à freiner la modernisation de la flotte.
Au total, trois points paraissent particulièrement de nature à justifier une intervention du Sénat pour inviter le Gouvernement à une ferme vigilance :
- le principe de subsidiarité doit être respecté dans la gestion de chaque flotte de pêche, chaque Etat devant pouvoir choisir le moyen le mieux adapté à la réalisation des objectifs du POP ;
- il n'est pas souhaitable d'adopter aujourd'hui des mesures qui prédétermineraient le résultat des négociations sur le POP V ;
- il est nécessaire de s'opposer aux mesures risquant de paralyser le renouvellement de la flotte.
II - La proposition E 1230 : organisation commune des marchés (OCM) des produits de la pêche et de l'aquaculture
La proposition de règlement COM (1999) 55 final tend, quant à elle, à remplacer le règlement 3759/92 traitant du volet " marché " de la politique commune de la pêche. Les objectifs de la réforme proposée sont :
- de contribuer à une " gestion responsable " des ressources halieutiques ;
- de favoriser la transparence des marchés ;
- de donner un rôle accru aux organisations de producteurs (OP) et d'encourager les partenariats entre les acteurs de la filière, afin d'adapter dans la durée l'offre à la demande ;
- de rénover les mécanismes d'intervention, de manière à réduire au minimum les " retraits définitifs " du marché (en clair les destructions) et à privilégier le " retrait report " ;
- de réformer la politique tarifaire de l'Union au nom de la nécessité de " mieux répondre aux besoins de l'industrie de transformation ".
Pour atteindre ces objectifs, la Commission européenne propose un ensemble de mesures :
- des règles plus strictes pour l'information des consommateurs (dénomination du produit, méthode de production, lieu de capture) ;
- l'obligation, pour les OP, de mettre en oeuvre préventivement des mesures de gestion de l'offre ; un soutien financier temporaire est prévu à cet effet ;
- un encouragement financier aux OP pour la recherche de nouveaux débouchés et la conclusion d'accords avec les acheteurs avant les campagnes de pêche ;
- une reconnaissance des organisations interprofessionnelles ;
- une diminution des aides et des quantités éligibles pour le " retrait-destruction " (qui ne pourraient excéder 8 % de la production contre 14 % à l'heure actuelle), et à l'inverse une augmentation des quantités éligibles à l'aide au " retrait-report " (qui passeraient de 6 à 12 % de la production) s'accompagnant d'une amélioration du régime de cette aide (montant, durée du stockage) ;
- des mesures de suspension tarifaires d'une durée indéterminée concernant certaines espèces pour lesquelles l'offre communautaire est jugée insuffisante ou est inexistante.
L'accroissement des dépenses de l'OCM serait de l'ordre de 20 millions d'euros.
Le Gouvernement français a porté un jugement positif sur plusieurs aspects de ces propositions : étiquetage minimal obligatoire des produits jusqu'à la vente au détail, reconnaissance des organisations interprofessionnelles, rôle accru des organisations de producteurs, rénovation du régime des interventions. Il a cependant souhaité que les encouragements financiers aux actions des OP soient d'un niveau plus élevé, et que la réduction des possibilités de " retrait-destruction " soit moins forte.
Enfin, il s'est opposé au nouveau régime de suspensions tarifaires suggéré par la Commission, en estimant qu'un approvisionnement à bas prix devait certes être assuré chaque fois que cela s'avérait clairement nécessaire à l'approvisionnement de l'industrie de transformation et à la préservation de sa compétitivité, mais que les importations ne devaient venir qu'en complément de la production communautaire disponible, ce qui s'opposait à la mise en place d'un dispositif permanent de suspensions tarifaires.
Le nouveau régime tarifaire proposé par la Commission européenne paraît effectivement le point le plus critiquable du texte E 1230. Il revient à remplacer des contingents tarifaires autonomes -c'est-à-dire des suspensions de droits portant sur des quantités délimitées, pour une durée déterminée- par des suspensions tarifaires, c'est-à-dire des mesures permanentes et sans limite de quantité. Comme les produits de la pêche sont partiellement substituables entre eux, une telle mesure reviendrait en réalité à organiser une concurrence à très bas prix à certains secteurs de la pêche communautaire. La cohérence de la politique communautaire de la pêche disparaîtrait : à quoi bon soutenir la filière pêche et encourager une " gestion responsable " de la ressource, si l'on adopte par ailleurs une politique commerciale compromettant la survie de cette filière en lui faisant subir de plein fouet la concurrence de pays tiers qui sont affranchis, pour leur part, de la plupart des contraintes pesant sur les producteurs européens ? Certes, les intérêts de l'industrie de transformation doivent être pris en compte. Mais la technique des contingents tarifaires, déterminés à partir debilans d'approvisionnement faisant apparaître l'état des besoins et des disponibilités, permet de le faire en assurant un équilibre avec la protection des intérêts des producteurs communautaires.
Par ailleurs, il paraît souhaitable d'insister sur l'importance de l'exigence de qualité des produits, aussi bien pour accroître la satisfaction des consommateurs et développer leur demande que pour assurer la viabilité de l'ensemble de la filière. Cette exigence concerne certes la production, mais aussi la commercialisation qui, à l'heure actuelle, s'effectue trop souvent dans des conditions qui ne mettent pas suffisamment en valeur les produits frais de la pêche communautaire face aux produits concurrents. La proposition E 1230 attribue à cet égard un rôle possible aux organisations interprofessionnelles, habilitées (article 13) à engager des actions pour améliorer la qualité des produits, favoriser leur valorisation, protéger des appellations d'origine, labels de qualité et indications géographiques. Sans doute conviendrait-il de mettre davantage l'accent sur ces orientations -la proposition E 1230 privilégiant trop exclusivement la gestion de la ressource halieutique- et de prévoir des efforts accrus d'incitation dans ce domaine.
Enfin, dès lors qu'est assignée aux organisations de producteurs la mission (article 5) de " promouvoir les modes d'exploitation des pêcheries les plus respectueux de l'équilibre des ressources et de la biodiversité ", il serait utile de préciser que cette mission doit englober la limitation de la pêche minotière, en elle-même dangereuse pour l'équilibre de la ressource halieutique.
*
En conclusion, je voudrais regretter que l'examen de ces deux textes, malgré leur importance, ne donne qu'une vue partielle de la politique commune de la pêche - qui comprend également les problèmes des mesures techniques, des normes de commercialisation, des contrôles, des limitations des captures - alors que la cohérence d'ensemble de cette politique paraît insuffisamment assurée. Une réflexion plus globale serait nécessaire.
Compte rendu sommaire du débat consécutif à la communication
M. Emmanuel Hamel :
Comment ces textes sont-ils perçus par la profession ?
M. Jacques Oudin :
Je crois que les difficultés de gestion des quotas et de renouvellement de la flotte font que les négociations sont suivies avec inquiétude. Une autre préoccupation importante est le suivi de la qualité. Chacun sait que les contrôles sont très variables selon les pays ; nous devons veiller à mieux valoriser la qualité de notre propre production. Enfin, le nouveau régime tarifaire proposé par la Commission européenne apparaît comme une grave menace. On doit se souvenir que la grave crise de 1993-1994 était notamment due à des importations excessives.
M. Emmanuel Hamel :
Pensez-vous que le Gouvernement pourra obtenir les modifications que vous souhaitez ?
M. Jacques Oudin :
L'affaire des filets maillants dérivants est évidemment un précédent inquiétant. La mesure d'interdiction prise par la Communauté n'avait aucun fondement scientifique : elle a été prise pour des raisons politiques, sous la pression d'écologistes qui en avaient fait un symbole, et la France n'a pu éviter d'être mise en minorité sur ce point.
M. Marcel Deneux :
J'approuve les orientations proposées par le rapporteur, et aussi son souhait de mener, ultérieurement, une réflexion plus globale. Examiner successivement des textes limités à un domaine ne nous permet pas d'aborder les liens entre les différents aspects. Ces liens peuvent également concerner l'agriculture : les évolutions dans le domaine de la pêche et de l'aquaculture ne sont pas sans conséquence sur le marché de la viande et sur les productions oléoprotéagineuses.
M. Jacques Oudin :
Tout à fait. On pourrait mentionner dans le même sens certaines questions agro-environnementales : en Bretagne, des entreprises d'aquaculture ont disparu, victimes des conséquences des rejets de lisier sur la qualité des eaux.
M. Jean Bizet :
Vous avez évoqué la pêche minotière. Comment sont utilisées les protéines animales qui en sont issues ?
M. Jacques Oudin :
A ma connaissance, elles sont employées notamment dans l'aquaculture. Mais en France, l'aquaculture utilise le produit des retraits de poissons du marché.
M. Marcel Deneux :
Les contraintes dont nous entourons la pêche européenne n'ont-elles pas un effet très limité sur la gestion globale de la ressource, compte tenu de l'absence de contrainte qui prévaut dans l'hémisphère Sud ?
M. Jacques Oudin :
Les mesures de gestion de la ressource peuvent être localement efficaces, comme on l'a vu pour le hareng de la Baltique. Mais il est vrai qu'on peut voir en Amérique du Sud des campagnes dix fois plus productives qu'en Europe. Et la pêche en eau profonde, où le renouvellement de la ressource est très lent, tend à se développer. Il faudrait effectivement parvenir à des mécanismes de contrôle international efficaces, mais les difficultés de tous ordres sont considérables.
A l'issue du débat, la délégation s'est prononcée à l'unanimité en faveur du dépôt de la proposition de résolution suivante :
Proposition de résolution
Le Sénat,
Vu les textes E 1203 et E 1230 soumis au Sénat dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution,
Prenant en considération la situation fragile de nombreuses entreprises de la filière pêche, et leur importance dans l'aménagement du territoire,
Invite le Gouvernement :
1/ Au sujet du texte E 1203 :
- à veiller au respect du principe de subsidiarité pour la gestion de chaque flotte ;
- à s'opposer aux mesures portant par anticipation sur un nouveau programme d'orientation pluriannuel ;
- à s'opposer aux conditions trop restrictives posées pour l'octroi d'aides au renouvellement de la flotte ;
2/ Au sujet du texte E 1230 :
- à obtenir que l'organisation des marchés accorde toute sa place à l'exigence de qualité aussi bien au stade de la production qu'à celui de la commercialisation ;
- dans le cadre de l'objectif de gestion responsable de la ressource halieutique, à faire figurer dans les objectifs assignés aux organisations de producteurs la limitation de la pêche minotière ;
- à s'opposer au remplacement des contingents tarifaires autonomes, consentis pour une durée déterminée afin de répondre à des besoins identifiés de l'industrie de transformation, par des mesures permanentes de suspensions tarifaires non limitées en quantité.
La proposition de résolution de M. Jacques Oudin a été publiée sous le n° 327 (1998-1999).
Emploi et travail
Communication de M. Simon Sutour sur le projet de décision E 1189 relatif à l'aménagement du temps de travail dans les secteurs exclus du champ d'application de la directive 93/104/CE
Les propositions E 1203 et E 1230 concernent deux aspects distincts mais complémentaires de la politique commune de la pêche. Il est donc apparu souhaitable que la délégation les examine
Avec la directive 93/104 du 23 novembre 1993, l'Union européenne s'était dotée d'un cadre général sur l'aménagement du temps de travail. L'objectif essentiel était de protéger les travailleurs contre les effets néfastes pour leur santé et leur sécurité résultant d'une durée de travail excessive, d'un repos insuffisant ou d'un rythme de travail irrégulier. A cette fin, la directive de 1993 exige notamment, au minimum :
- une période de repos journalier de 11 heures consécutives ;
- un temps de pause lorsque le temps de travail journalier est supérieur à 6 heures ;
- une période de repos d'un jour par semaine ;
- une durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures en moyenne, y compris les heures supplémentaires ;
- 4 semaines par an de congés payés ;
- l'interdiction de faire travailler les travailleurs de nuit plus de 8 heures par période de 24 heures, en moyenne.
Certains secteurs d'activité, jugés trop spécifiques, ont cependant été exclus du champ d'application de cette directive. Il en va notamment ainsi en ce qui concerne :
- les transports (aériens, ferroviaires, routiers, fluviaux et lacustres) ;
- la pêche maritime ;
- les activités des médecins en formation.
Dès 1993, il avait été admis que la Commission présenterait des propositions pour aménager le temps de travail dans ces secteurs en tenant compte de leurs spécificités. Tel est l'objet du texte E 1189. Celui-ci étend aux travailleurs concernés, soit plus de 5 millions de personnes dans l'Union européenne, le bénéfice d'une législation communautaire relative à l'aménagement du temps de travail.
Pour ce faire, outre une communication de portée générale de la Commission sur cette question, le texte E 1189 comprend quatre propositions de directives du Conseil et une recommandation de la Commission.
Cette apparente complexité, qui se traduit par un document de quelque 120 pages, doit cependant être relativisée. En fait, le dispositif tel qu'il résulterait de l'adoption des propositions de la Commission peut se résumer ainsi : un principe général et des adaptations en fonction des spécificités des différents secteurs - ou, pour reprendre la distinction de la Commission, des mesures horizontales et des mesures sectorielles.
Le principe général serait contenu dans la directive de 1993 telle qu'elle résulterait de la première proposition de directive du document E 1189. Selon ce principe, tout travailleur, qu'il relève du secteur public ou du secteur privé, bénéficie des droits prévus par la directive de 1993. Une seule catégorie de travailleurs demeure en dehors du champ d'application de ce texte : les gens de mer ; ceux-ci bénéficient en effet d'un accord européen spécifique (que reprennent d'ailleurs d'autres propositions du texte E 1189).
Sous cette réserve, la directive 93/104 est donc appelée à devenir le dénominateur commun à tous les travailleurs de l'Union européenne en matière d'aménagement du temps de travail.
Cela étant, sur ce socle commun se greffent des exceptions et adaptations que, pour la clarté de mon exposé, je vous présenterai par catégorie de travailleurs.
Ainsi, en ce qui concerne les médecins en formation, la Commission propose d'autoriser, pendant une période transitoire de sept années, des dérogations aux dispositions relatives à la durée hebdomadaire de travail par accord entre l'employeur et les représentants des travailleurs. Toutefois, la moyenne de la durée de travail hebdomadaire, calculée sur une période de référence de quatre mois, ne saurait excéder 54 heures.
En ce qui concerne les pêcheurs, la Commission prévoit que les dispositions relatives au congé annuel ne leur sont pas applicables lorsqu'ils sont payés à la part.
Mais c'est surtout en ce qui concerne les travailleurs mobiles que les exceptions de la Commission sont les plus diverses. Je précise qu'est considéré comme " mobile " tout travailleur à bord d'un navire de pêche ou faisant partie du personnel roulant ou navigant dans le domaine des transports, que ceux-ci s'effectuent par voie ferroviaire, routière, aérienne ou batelière.
La première proposition de directive contenue dans le texte E 1189 prévoit que quatre dispositions de la directive de 1993 ne seront pas applicables aux travailleurs mobiles : celles qui exigent un repos journalier d'au moins 11 heures consécutives, une pause quotidienne, un jour de congé hebdomadaire, et enfin celles qui limitent le travail de nuit à 8 heures par période de 24 heures.
Ces travailleurs mobiles ne sont cependant pas laissés pour compte.
D'abord parce qu'ils bénéficieront des autres dispositions de la directive de 1993, telles que celles concernant le congé annuel.
Ensuite parce que la proposition de directive impose tout de même aux Etats membres de garantir à ces travailleurs le " droit à un repos suffisant ".
Enfin, parce que certains de ces travailleurs font l'objet des trois autres propositions de directives contenues dans le texte E 1189 :
La deuxième des quatre propositions de directives est relative à l'aménagement du temps de travail des travailleurs mobiles du transport routier. Elle propose notamment les principes suivants :
- une durée maximale de travail de 48 heures en moyenne par semaine sur une période de référence de 4 mois, la durée de travail sur une même semaine ne pouvant excéder 60 heures ;
- une pause quotidienne d'au moins 30 ou 45 minutes selon la durée de la journée de travail ;
- un repos quotidien d'au moins 11 heures, pouvant être réduit sous certaines conditions à 10 heures ;
- un repos hebdomadaire de 35 heures ;
- l'interdiction aux travailleurs de nuit de travailler plus de 8 heures par jour, pouvant être portées à 10 heures sous certaines conditions.
Certaines dérogations sont autorisées, soit par voie de convention collective soit par voie législative ou réglementaire.
Les troisième et quatrième propositions de la Commission concernent le temps de travail des gens de mer. Elles traduisent en droit communautaire l'accord intervenu dans ce secteur le 30 septembre 1998 et dont la substance consiste à aménager le temps de travail en laissant les intéressés choisir un nombre maximal d'heures de travail ou, inversement, un nombre minimal d'heures de repos (par exemple, sur une période de 7 jours, le choix est ouvert entre une durée maximale de travail qui ne peut excéder 72 heures ou une durée minimale de repos qui ne peut être inférieure à 77 heures).
Après cette rapide description du contenu de la proposition, je voudrais formuler trois observations :
Première observation : la proposition E 1189 fait suite à une procédure de concertation entre employeurs et travailleurs dans les différents secteurs concernés. A l'exception du transport routier, cette procédure a donné lieu à des accords collectifs que la proposition E 1189 se borne à reprendre. Aussi ne suscite-t-elle pas d'opposition de la part des partenaires sociaux, tout du moins au niveau national.
Même en ce qui concerne le cas plus épineux des travailleurs du transport routier, il convient de noter que tant les employeurs que les syndicats approuvent dans leurs grandes lignes les propositions de la Commission.
Ainsi, le Comité des Transports du MEDEF " accueille avec satisfaction la proposition ", même s'il souhaite quelques aménagements, notamment qu'il soit bien précisé que ce texte s'applique à la fois au transport pour compte propre et au transport pour compte d'autrui.
De même, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) est favorable aux propositions de la Commission. Un document m'a été communiqué. Il ne contient pas à proprement parler d'objection concernant ces propositions. Il émet tout d'abord des voeux, réclamant, d'une part, que la question des horaires de travail de certaines catégories de travailleurs, comme les médecins de nuit, fasse l'objet de concertation au niveau national et, d'autre part, que la Commission prenne de nouvelles initiatives, par exemple dans le secteur de l'aviation civile. J'en profite pour indiquer que la Commission a précisément annoncé de prochaines dispositions dans ce secteur. La CES souhaiterait également que l'on restreigne la liste des activités et secteurs pour lesquels les Etats peuvent édicter des dérogations à la directive de 1993. C'est une demande à laquelle je suis personnellement sensible, mais qui porte sur le droit existant plus que sur les propositions de la Commission dont nous sommes présentement saisis.
Ma deuxième observation porte sur les avantages à attendre d'une intervention communautaire. Sur ce point, je partage l'analyse de la Commission, selon laquelle cette intervention présenterait trois séries d'avantages :
- pour les travailleurs concernés, tout d'abord, en particulier par une meilleure protection de leur santé et de leur sécurité ;
- pour les employeurs, ensuite, puisqu'une harmonisation européenne contribue à une concurrence loyale ;
- pour la société dans son ensemble, enfin, par exemple en réduisant les risques d'accident liés à la fatigue des conducteurs.
Cela étant, et c'est ma troisième observation, je ne considère pas le texte E 1189 comme parfait. Les Etats membres eux-mêmes émettent de sérieuses réserves. Certains, Royaume-Uni en tête, estiment que le dispositif va trop loin. D'autres considèrent au contraire que les durées maximales de travail sont encore trop longues. Telle est notamment la position de la France.
Il faut cependant savoir que notre Gouvernement est globalement favorable aux propositions de la Commission et ce, d'autant plus qu'il demande lui-même depuis deux ans que les secteurs concernés soient soumis eux aussi à des dispositions communautaires concernant le temps de travail.
Il souhaite cependant quelques modifications qui me paraîtraient d'ailleurs opportunes, notamment :
- que les transports urbains dont le parcours est inférieur à 50 km fassent l'objet d'une directive spécifique ;
- que la définition du temps de travail intègre le temps passé à accomplir les formalités administratives liées au passage des frontières, ce qui me paraît la moindre des choses ;
- que la période transitoire prévue pour les médecins en formation soit allongée. La Commission propose sept ans en se fondant sur la durée des études de médecine. Cela me paraît trop court car, avant même la formation, il y a le recrutement des étudiants. Pour diminuer le temps de travail des internes, il faut recruter davantage et ce recrutement doit être étalé dans le temps. Voilà pourquoi je souhaiterais une augmentation de quelques années de la période transitoire. Cela pourrait d'ailleurs " calmer le jeu " à un moment où les internes français s'inquiètent du paiement de leurs gardes, qu'ils ne veulent pas voir purement et simplement remplacer par un repos complémentaire.
*
En conclusion, je dirai que, nonobstant ses imperfections, le texte E 1189 va dans le bon sens. Il me paraît réaliser un équilibre satisfaisant entre les préoccupations des uns et des autres, qu'il s'agisse des partenaires sociaux ou des Etats. Les quelques réserves dont je vous ai fait part ne doivent pas nous empêcher de soutenir l'initiative de la Commission.
Compte rendu sommaire du débat consécutif à la communication
M. Jacques Oudin :
Si l'Union européenne veut que ses entreprises soient compétitives à l'échelle mondiale, elle doit s'attacher à mesurer toutes les conséquences de sa réglementation sur ce point. L'idéal serait bien entendu d'éradiquer le dumping social et d'obtenir ainsi les conditions d'une concurrence loyale. A défaut, il est impératif de se pencher sur les conséquences des propositions de la Commission européenne sur la compétitivité de nos entreprises.
En ce qui concerne les transports, l'offre augmente plus vite que la demande : on assiste à une augmentation rapide du nombre de conducteurs, en particulier en provenance des pays d'Europe centrale et orientale. Le résultat c'est que, face à l'encombrement des infrastructures, les transporteurs recourent de plus en plus au travail de nuit. Cela est vrai pour la route mais concerne aussi le ferroviaire. C'est une réalité qu'il faut avoir présente à l'esprit.
M. Simon Sutour :
Vos deux observations plaident en faveur d'une réglementation européenne équilibrée : équilibre entre droits sociaux et compétitivité, d'une part ; prise en compte des spécificités des transports, d'autre part. J'ai dit en quoi le texte qui nous est présentement soumis me paraissait réaliser ces équilibres.
M. Emmanuel Hamel :
Je m'interroge sur les suites qui pourraient être données à votre communication. Ne pensez-vous pas que le sujet mériterait une proposition de résolution ?
M. Simon Sutour :
Je ne le crois pas dans la mesure où ce texte recueille globalement l'aval des partenaires sociaux dans notre pays et où notre Gouvernement l'approuve dans ses grandes lignes. Il y a certes des problèmes dont je vous ai donné des exemples pour votre information. Faut-il pour autant aller jusqu'à une proposition de résolution ?
M. Michel Barnier :
Une voie intermédiaire pourrait être trouvée entre la simple communication et le dépôt d'une proposition de résolution ; elle consisterait à écrire aux ministres responsables pour les informer des points qui nous paraissent poser problème. C'est ce que je vous propose.
*
A l'issue de cette communication, la délégation a décidé de faire part aux ministres concernés de ses observations.