M. le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.

L’amendement n° 27, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’il a été fait l’usage abusif de dispositifs ou d’institutions, tels que des actions en justice, des lieux de soins, des dispositifs administratifs ou des mesures de protection de l’enfance.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Avec cet amendement, nous proposons de compléter la définition du contrôle coercitif en considérant que « l’usage abusif de dispositifs ou d’institutions tels que des actions en justice, des lieux de soins, des dispositifs administratifs ou des mesures de protection de l’enfance » sont des circonstances aggravantes.

De nombreux auteurs de violences utilisent, par exemple, le système judiciaire comme un levier pour prolonger leur contrôle coercitif après la séparation, souvent sous couvert de l’exercice de leurs droits parentaux. Ces stratégies incluent la multiplication des procédures judiciaires, des incidents procéduraux, ainsi que des actions visant à déstabiliser émotionnellement et financièrement les victimes.

Je veux également insister sur l’aspect financier de telles pratiques. Les auteurs exploitent le système judiciaire, ils multiplient les recours pour imposer des coûts prohibitifs et contester systématiquement la crédibilité des victimes qui, elles, continuent de se mettre à nu et de raconter leur vie. Ces tactiques servent non seulement à prolonger le conflit, mais aussi à maintenir un contrôle sur les victimes, avec des répercussions sur la santé de ces dernières, leurs ressources, leur activité professionnelle et leur liberté.

Cet amendement a donc pour vocation d’aggraver la sanction lorsque ces procédures sont utilisées par les auteurs du contrôle coercitif, afin de mieux protéger les victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Les auditions nous ont bien montré que cet amendement était une fausse bonne idée, pour plusieurs motifs.

D’une part, le fait d’intégrer l’usage abusif de dispositifs ou d’institutions n’est pas une notion qui est définie dans le droit. Comme je l’ai expliqué à propos d’autres amendements, cela soulèverait un risque de censure constitutionnelle si l’amendement était adopté.

D’autre part, il existe un risque non négligeable de détournement de la procédure au détriment des victimes elles-mêmes. On pourrait très bien imaginer que l’auteur du contrôle coercitif porte plainte sur le fondement d’une telle disposition dès lors que sa conjointe exerce un certain nombre de procédures, par exemple en demandant une ordonnance de protection ou la garde des enfants. J’y insiste, cette mesure ferait courir un risque encore plus important pour les victimes.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous soulevez une question importante à mes yeux, celle des procédures dites bâillons, intentées à l’encontre des victimes et qui les empêchent d’ester en justice.

Il est indispensable que, dans le cadre de nos travaux sur la loi-cadre, nous abordions précisément ce sujet afin de déterminer la qualification juridique adéquate. En l’état actuel de sa rédaction, le dispositif proposé me paraît trop insécurisant.

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Je souhaite néanmoins que ce problème soit au cœur de nos débats sur la loi-cadre, car il s’agit d’un véritable enjeu : celui des procédures abusives, des procédures bâillons, qui entravent l’accès des victimes à la justice.

M. le président. Madame Corbière Naminzo, l’amendement n° 27 est-il maintenu ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la ministre, vous venez de nous assurer que ce sujet serait abordé. J’en prends acte et j’attends avec impatience que nous examinions cet aspect central des violences subies par les victimes.

Il est impossible de s’extraire d’une situation de violence lorsque l’on est accablé de procédures et contraint de démontrer sans cesse que l’on n’a pas perdu la raison, que l’on demeure un parent bienveillant, capable de prendre soin de sa famille, voire le seul parent disposant de ressources et d’une véritable connaissance de la parentalité.

En conséquence, je vais retirer cet amendement. Je forme le vœu que nous ayons l’occasion d’approfondir ce sujet, car c’est impératif.

M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.

L’amendement n° 28, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Le code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article 373-2-1 est complété par les mots : « , parmi lesquels les propos ou les comportements tels que définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal » ;

2° Aux deuxième et dernier alinéas de l’article 373-2-10, après les mots : « emprise manifeste de l’un des parents sur l’autre parent » sont insérés les mots : « ou propos ou les comportements tels que définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal » ;

3° Au 6° de l’article 373-2-11, après le mot : « psychologique » sont insérés les mots : « ou propos ou comportements tels que définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal » ;

4° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 373-2-12 est complétée par les mots : « ainsi que sur un éventuel contrôle coercitif et les psychotraumatismes associés » ;

5° Le troisième alinéa de l’article 378 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Néanmoins, s’il s’agit d’une condamnation sur le fondement de l’infraction définie à l’article 222-33-2-1 du code pénal, la juridiction ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l’autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. » ;

6° Au premier alinéa de l’article 378-1, après le mot : « l’autre », sont insérés les mots : « , ou propos ou les comportements tels que définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal, » ;

7° À l’article 378-2, après les deux occurrences du mot : « crime », sont insérés les mots : « ou un délit tel qu’il est défini à l’article 222-33-2-1 du code pénal ».

8° Le 5° de l’article 515-11 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’ordonnance de protection est prise en raison de propos ou de comportements tels que définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal, l’absence de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement fait l’objet d’une décision spécialement motivée. » ;

9° L’article 1140 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une telle contrainte peut résulter de propos ou de comportements tels que définis à l’article 222-33-2-1 du code pénal. »

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à réintroduire dans la proposition de loi les dispositions relatives au contrôle coercitif, qui ont un double objectif.

Il s’agit de protéger, d’une part, l’enfant qui grandit auprès d’un parent agresseur et, d’autre part, les victimes de violences sexistes et sexuelles au sein du couple, afin que l’autorité parentale ne puisse être instrumentalisée par le parent exerçant un contrôle coercitif sur sa conjointe. En effet, l’omission du volet civil du contrôle coercitif provoquerait une faille dans les dispositions pénales, au point de les rendre inopérantes.

Nous souhaitons donc intégrer le contrôle coercitif dans les dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, à l’ordonnance de protection et au consentement contractuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous avons décidé de supprimer les nombreuses modifications du code civil qui risquent de compromettre la protection des enfants et, plus largement, des familles et qui sont, en outre, contraires à l’office du juge aux affaires familiales comme à la jurisprudence de la CEDH.

Presque toutes les personnes que nous avons auditionnées l’ont affirmé : le juge aux affaires familiales dispose d’ores et déjà d’une liberté d’appréciation lui permettant de prendre en considération les comportements s’apparentant au contrôle coercitif.

Le code civil mentionne explicitement les violences psychologiques parmi les éléments au regard desquels le juge se détermine. La magistrate Gwenola Joly-Coz elle-même, que l’on ne saurait soupçonner d’être opposée à la reconnaissance du phénomène – si nous sommes réunis aujourd’hui, en effet, c’est bien en raison de la jurisprudence de la cour d’appel de Poitiers –, nous a indiqué qu’il ne fallait pas modifier les dispositions civiles, mais au contraire laisser la plus grande liberté possible au JAF.

Pire, les précisions que vous proposez d’apporter, en particulier celles qui renvoient au code pénal, risquent de priver les juges de cette souplesse, ce qui pourrait in fine se retourner contre les enfants.

Enfin, ces modifications comportent une forme d’automaticité méconnaissant l’office du juge aux affaires familiales, qui doit se prononcer au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est là le prisme principal de son intervention.

Par conséquent, nous sommes défavorables à cet amendement, d’autant que l’automaticité ainsi créée pourrait s’avérer disproportionnée. En effet, vous qualifiez les comportements de contrôle coercitif de motifs graves par nature, justifiant le retrait du droit de visite et d’hébergement.

Il est terrible de le dire, mais tous les contrôles coercitifs ne se valent pas. Or instaurer la suppression automatique de l’autorité parentale ou du droit de visite et d’hébergement, sans que le JAF puisse se prononcer lui-même, dans la mesure où on lui imposerait de le faire, serait contraire à notre droit.

Comme nous l’ont demandé toutes les personnes auditionnées, il nous faut ménager la liberté au juge aux affaires familiales et laisser le droit s’appliquer en intégrant dès à présent le contrôle coercitif, comme nous l’avons fait en commission.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Les deux derniers amendements de notre collègue et la réponse de Mme la ministre sur l’amendement précédent mettent en lumière l’immense problème que pose l’exercice de la justice aux affaires familiales dans les situations de contrôle coercitif.

Nous serons confrontés à des situations dans lesquelles le contrôle coercitif, ou le harcèlement, tel qu’il est défini, ne sera ni jugé par le juge pénal ni même identifié, alors que le juge aux affaires familiales continuera d’agir comme s’il n’en avait pas connaissance.

J’ai compris voilà déjà quelques années que « le juge » était un concept pour étudiants en deuxième année de droit. Dans la vraie vie, il y a « des » juges. Et pour les femmes, avoir affaire aux juges, c’est une loterie. Cela vaut pour les juges aux affaires familiales comme pour les autres – je connais mieux les décisions des JAF que celles des juges des baux ruraux, sur lesquelles je me penche moins souvent…

Nous ne savons pas comment protéger les femmes et les enfants de nombreuses décisions prises par les JAF, soit parce que ceux-ci ignorent les violences, soit parce qu’ils souhaitent attendre le jugement correctionnel.

J’ai en mémoire le cas d’une femme convaincue que son enfant subissait des violences sexuelles pendant l’exercice du droit de visite et d’hébergement. Le juge pénal lui a dit : « Madame, vous avez raison, j’en suis convaincu, mais je n’ai pas d’autre choix que de renvoyer l’enfant chez son père, faute d’éléments de preuve suffisants. » La mère était effondrée ; il me semble qu’elle est partie à l’étranger. Faut-il s’étonner, après cela, que des femmes s’enfuient ainsi avec leur enfant sous le bras ?

C’est un immense défi dans la lutte contre les violences. Il faudrait également évoquer le délit de non-représentation d’enfant et la manière dont il est utilisé par des pères qui, bien souvent, auront exercé un contrôle coercitif avant la séparation, puis mobiliseront les procédures judiciaires.

Ayant épuisé mon temps de parole, je poursuivrai en expliquant mon vote sur l’article !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. J’ai bien entendu les arguments de Mme la rapporteure.

Si j’ai décidé de défendre cet amendement, c’est précisément parce que la loi du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales n’est pas appliquée sur le terrain ; elle n’est connue ni des professionnels chargés de s’occuper des enfants ni des forces de l’ordre.

En la votant voilà un an, nous avions rappelé qu’une femme mourrait tous les trois jours et qu’un enfant était violé toutes les trois minutes. En un an, le texte a été voté, promulgué, et le décret d’application a même été publié. Tout est en place pour que les enfants soient protégés. De nombreuses familles, de nombreux enfants et de nombreuses femmes auraient pu l’être grâce à ce texte, mais cela n’a pas été le cas. Et ce n’est toujours pas le cas !

Cet amendement vise à nous faire réfléchir à la façon dont nous rédigeons les lois, afin qu’elles soient réellement appliquées, opérationnelles, et qu’elles protègent efficacement les familles.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je comprends votre préoccupation et nous devons effectivement nous battre pour que la loi soit appliquée. En réalité, elle l’est, mais de manière très inégale sur l’ensemble du territoire.

Mme Laurence Rossignol. C’est une loterie !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Pour autant, nous avons besoin non pas de changer la loi, mais de l’appliquer, ce qui est différent. Ce n’est pas en créant une automaticité, que le juge méconnaîtra peut-être autant qu’il ignore déjà la loi adoptée il y a un an, que nous changerons les choses.

En revanche, nous devons former davantage les magistrats et développer les pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales (VIF) afin d’améliorer le dialogue entre la justice pénale et la justice civile. C’est la voie à suivre.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Exactement.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cette action progresse : les magistrats bénéficient sur ce sujet d’une formation, initiale et continue. C’est aussi le cas des policiers et des gendarmes – en particulier de ces derniers, qui se forment beaucoup mieux. La situation n’est pas encore totalement homogène sur l’ensemble du territoire, et de très nombreuses personnes doivent encore être formées.

J’irai plus loin : au-delà des forces de sécurité intérieure et des magistrats, formons également l’ensemble des services sociaux, dont le travail, par méconnaissance, est parfois véritablement délétère. Formons, donc, mais ce n’est pas en modifiant la loi, qui plus est en instaurant une automaticité, que nous y parviendrons.

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement, même si je partage totalement votre souhait de voir s’appliquer, sur l’ensemble du territoire, les lois que nous avons votées.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article.

Mme Laurence Rossignol. Notre groupe votera bien entendu l’article 3, mais je souhaite néanmoins formuler une remarque qui a été en partie abordée lors de l’examen des amendements.

J’éprouve une certaine perplexité en examinant cet article, et je me demande comment il pourrait être utilisé contre les femmes. Les hommes prédateurs ont d’excellents avocats – eux-mêmes prédateurs à l’égard des femmes –, qui savent parfaitement utiliser le code pénal ou le code civil pour les retourner contre elles. J’ai évoqué à ce titre le délit de non-représentation d’enfant.

Je n’ai pas eu le réflexe de déposer un amendement, mais je suis gênée par l’alinéa 9, qui vise le cas où le contrôle coercitif a été commis sur un mineur. Je ne voudrais pas que cette disposition conduise les pères, et les juges, à faire ressurgir le syndrome d’aliénation parentale (SAP).

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous avons pris garde de préciser qu’il s’agissait de faits « commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté », pour cette raison !

Mme Laurence Rossignol. Non, l’alinéa 9 concerne bien les faits « commis sur un mineur ».

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Pardon, cet alinéa ne s’applique que lorsque les faits ont été commis au sein d’un couple de mineurs.

Mme Laurence Rossignol. Très bien, si vous considérez que c’est assez clair… Je tenais à ce que cette précision figure au Journal officiel : tel que l’article 3 est rédigé, la définition du contrôle coercitif ne peut en aucun cas être invoquée à l’encontre d’un mineur et servir ainsi à justifier quoi que ce soit qui s’apparenterait au syndrome d’aliénation parentale.

M. le président. Pourriez-vous éviter de dialoguer directement, mes chères collègues ?…

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je tiens à préciser qu’un contrôle coercitif peut être exercé dans le cas de figure d’un couple de jeunes dont l’un des membres est mineur.

En revanche, il est parfaitement clair que cela ne concerne en aucun cas les relations entre un parent et son enfant. Nous avons totalement exclu cette hypothèse afin, précisément, d’écarter le risque de voir ressurgir la notion d’aliénation parentale.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 5

Article 4

(Supprimé)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 6

Article 5

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 222-24 est ainsi modifié :

a) Le 9° est ainsi rétabli :

« 9° Avec préméditation ou avec guet-apens ; »

b) Le 10° est ainsi rédigé :

« 10° Lorsqu’il est commis dans un local d’habitation en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade ; »

2° Après le même article 222-24, il est inséré un article 222-24-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-24-1. – Le viol défini aux articles 222-23, 222-23-1 et 222-23-2 est puni de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il est commis en concours avec un ou plusieurs viols commis sur d’autres victimes.

« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue au présent article. »

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Billon, Aeschlimann et Antoine, M. Capo-Canellas, Mmes de La Provôté et Jacquemet, MM. Lafon, Laugier et Levi, Mmes Patru et Perrot, M. Pillefer et Mmes Saint-Pé et Sollogoub, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le 3° est complété par les mots : « , ou lorsqu’il est commis sur un patient d’un établissement de santé » ;

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à intégrer dans les circonstances aggravantes en matière de viol celui commis à l’encontre d’un patient dans un établissement de santé.

Le code pénal prévoit d’ores et déjà des circonstances aggravantes pour le crime de viol, notamment lorsque la victime présente une vulnérabilité particulière. Toutefois, cette disposition ne couvre pas spécifiquement les agressions commises dans un établissement de santé.

Pourtant, plusieurs faits viennent étayer la réalité de ce type de situations, notamment les cas survenus à l’hôpital Cochin en 2022, à l’hôpital Sainte-Anne en 2024 et, plus récemment, à l’hôpital du Mans en 2025. Plusieurs dépôts de plainte ont été enregistrés au cours des dernières années, et ces affaires ne sont pas isolées.

Les victimes peuvent être agressées par d’autres patients, par des personnes extérieures, voire, parfois, par le personnel soignant, comme l’a tragiquement illustré l’affaire Le Scouarnec.

Dans les établissements de santé mentale, la vulnérabilité est extrême. Certains patients sont attachés à leur lit dans une chambre dont la porte reste ouverte ; ils sont sans défense, livrés à d’éventuels agresseurs. Dans ces conditions, la violence sexuelle prend une dimension encore plus perverse.

L’objet de cet amendement est donc de reconnaître la gravité particulière de ces comportements en les ajoutant aux circonstances aggravantes du crime de viol.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Nous entendons et partageons bien évidemment l’ensemble des motifs qui sous-tendent cet amendement, et il est vrai que les établissements de santé sont mentionnés dans un certain nombre de codes. Pour autant, nous nourrissons des doutes quant à l’efficacité opérationnelle d’une telle disposition.

L’article 222-24 du code pénal prévoit des circonstances aggravantes pour le crime de viol, notamment lorsque l’acte est commis sur une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique, ou d’un état de grossesse. Toutefois, cette disposition ne couvre pas spécifiquement les situations où l’agression est perpétrée sur un patient dans un établissement médico-social, par exemple un Ehpad. Si cet amendement était adopté, il pourrait y avoir d’autres trous dans la raquette…

Cependant, parce que nous comprenons et partageons la philosophie de cet amendement, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je redoute l’écueil des listes en matière de circonstances aggravantes.

Dès lors qu’un lieu précis figure sur une liste, on peut s’interroger : pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Je crains qu’au terme de l’examen du texte et de la navette parlementaire, nous nous retrouvions avec une multitude de circonstances aggravantes supplémentaires, ce qui, à mon sens, ne contribuerait pas à la clarification et à la lisibilité du droit.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je comprends la préoccupation des auteurs de cet amendement, mais celui-ci pose un problème : nous ne saurions traiter de la même manière un auteur de viol qui est lui-même patient dans un établissement médico-social et un professionnel travaillant dans ce type d’établissement.

Dans certaines structures, des personnes souffrant de troubles cognitifs peuvent commettre une agression sexuelle ou un viol sur un autre patient. Dans ce cas, on ne peut considérer qu’il s’agit d’une circonstance aggravante. C’est pourquoi j’émets des réserves sur cet amendement.

M. le président. Madame Aeschlimann, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Do Aeschlimann. J’entends les réserves exprimées sur cet amendement porté par notre collègue Annick Billon, que nous sommes nombreux à avoir cosigné.

Je remercie Mmes les rapporteures d’y avoir prêté une oreille bienveillante. Pour autant, j’entends également les arguments avancés par Mme la ministre, notamment la volonté d’éviter une liste à la Prévert.

Nous voulions poser le sujet et souligner que la notion de gravité particulière méritait d’être prise en considération. Pour autant, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Billon, Aeschlimann, Antoine, L. Darcos, Guillotin, Joseph, M. Mercier, O. Richard et Valente Le Hir, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le 8°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsque l’auteur enregistre sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images de la commission de l’infraction ; »

La parole est à Mme Olivia Richard.

Mme Olivia Richard. Cet amendement, également déposé par Annick Billon, procède du constat qu’un nombre croissant de viols sont filmés par leurs auteurs, puis diffusés, notamment en ligne, sans que notre droit permette de sanctionner pleinement ces agissements.

Notre collègue relève l’impossibilité de cumuler les peines pour viol et celles pour enregistrement des faits par l’agresseur lui-même. Certes, si l’auteur diffuse ces images, il encourt cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Cependant, dans les faits, ces poursuites demeurent exceptionnelles : moins de cinq cas par an ont été recensés, ce qui est sans commune mesure avec la réalité du phénomène des viols filmés.

Cet amendement tend donc à ajouter aux circonstances aggravantes du viol le fait que son auteur filme les faits. La peine encourue serait ainsi portée à vingt ans de réclusion criminelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Comme le rappelle notre collègue, le droit en vigueur permet d’aggraver la répression par le jeu du cumul des peines lorsque l’auteur diffuse les images du viol qu’il a commis.

À l’inverse, et paradoxalement, rien n’est prévu lorsque le violeur filme son crime, mais n’en diffuse pas les images. Cette hypothèse n’est prise en compte qu’au titre de la complicité ; or, comme vous le savez, on ne saurait être à la fois auteur et complice.

Il s’agit là d’une lacune regrettable que nous avons aujourd’hui l’occasion de combler. Nous remercions donc Mme Billon et l’ensemble des cosignataires d’avoir déposé cet excellent amendement sur lequel nous émettons un avis très favorable.