Mme la présidente. L’amendement n° 67 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 68, présenté par MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer les mots :
et peut être renouvelée une fois
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je le retire, pour les mêmes raisons que j’ai retiré l’amendement n° 67.
Mme la présidente. L’amendement n° 68 est retiré.
L’amendement n° 28, présenté par M. Fargeot, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
à la condition que lesdits agents aient engagé des investigations dans le délai initial de trois mois
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Cet amendement vise à limiter les effets pervers que pourrait avoir un allongement de la durée de suspension des aides publiques, en conditionnant la prolongation de ce délai à la réalisation d’investigations dans le délai initial de trois mois.
En effet, l’on constate parfois un recours systématique à des dispositifs de prolongation de délais, ce qui peut causer préjudice aux personnes physiques et morales ayant vu lever les soupçons qui pesaient sur elles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Mon cher collègue, vous connaissez ma lutte acharnée pour la simplification des différents dispositifs et, partant, contre leur complexification. Or j’ai bien peur que ce que vous proposez ne crée de la complexité. Comment vérifier que les agents ont bien engagé les investigations ? C’est quasiment impossible.
En outre, il faut avoir à l’esprit que les investigations sont menées au bénéfice du pétitionnaire. Cela signifie que, si au terme du délai, la fraude ou le manquement ne sont pas constatés par l’organisme chargé du contrôle, celui-ci est obligé de verser l’aide publique. L’administration a donc intérêt à commencer très vite ses investigations si elle veut prouver qu’il y a eu fraude ou volonté de fraude.
Je ne peux donc pas donner suite à votre amendement, dans un souci de simplification, mais soyez assuré que l’administration fera en sorte d’agir au plus vite.
Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Fargeot, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Daniel Fargeot. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 28 est retiré.
L’amendement n° 29, présenté par M. Fargeot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les effets de la durée de la mesure de suspension de l’octroi d’une aide publique sont pris en compte dans le délai de la décision d’octroi. »
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Cet amendement vise à faire en sorte que les demandes d’octroi d’une aide publique ayant fait l’objet d’une mesure de suspension et pour lesquelles la suspicion de fraude a été levée puissent être examinées prioritairement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Mon cher collègue, votre proposition me semble pertinente, même si je ne pense pas que la rédaction proposée susciterait de grands changements. Comme vous, j’estime qu’il serait tout à fait normal qu’un dossier dont l’instruction a été suspendue pour suspicion de fraude, faisant perdre du temps au demandeur ensuite blanchi, soit alors examiné prioritairement.
La commission s’en remet donc, sur cet amendement, à la sagesse de notre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je comprends tout à fait l’intention de l’auteur de cet amendement.
Sur le principe, je pourrais lui être favorable, mais on touche ici aux limites de la loi. Si l’on inscrit dans celle-ci que l’examen de ces dossiers doit être prioritaire, cela donne le droit à la partie concernée de contrôler que tel a bien été le cas. En tant que ministre, je suis forcée de m’intéresser aux aspects opérationnels des dispositions légales ; en l’occurrence, je ne suis pas sûre que nous puissions systématiquement réussir à ainsi reprioriser les demandes d’aides ayant fait l’objet d’une mesure de suspension.
Dès lors, la sagesse consiste à vous dire que nous donnerons bien comme instruction aux administrations d’agir selon le principe que vous demandez d’inscrire dans la loi, mais sous la réserve que nous n’y parvenions pas dans tous les cas. Ainsi, si un contrôle effectif de la mise en œuvre de la mesure devait ensuite être réalisé, des difficultés pourraient surgir en la matière, du fait de l’écart entre les bonnes intentions et la réalité du droit.
C’est au bénéfice de ces observations que le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
L’article L. 115-1 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Au 1°, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;
2° Au 2°, le taux : « 80 % » est remplacé par le taux : « 100 % » – (Adopté.)
Après l’article 1er bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par Mmes Muller-Bronn, Aeschlimann et Evren, M. H. Leroy, Mmes Drexler, Berthet, Richer, Demas et Gosselin, M. Bruyen, Mme Josende, MM. Saury et Naturel, Mmes Deseyne, Lassarade et Joseph, MM. Belin, Reichardt et J.B. Blanc, Mmes P. Martin, Gruny et Ventalon, M. Bouchet, Mme Belrhiti et MM. Sido et P. Vidal.
L’amendement n° 34 rectifié quinquies est présenté par Mmes Jacquemet et N. Goulet, MM. Henno, Bonneau, Longeot et Cambier, Mmes Doineau, de La Provôté et Antoine, MM. Pillefer et Mizzon, Mme Romagny, MM. Haye, J.M. Arnaud, Levi et Duffourg et Mme Perrot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 711-4 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou des collectivités territoriales débitrices de prestations et aides sociales » ;
2° Le sixième alinéa est complété par les mots : « , soit par une sanction prononcée par le président du conseil départemental dans les conditions prévues à l’article L. 262-52 du code de l’action sociale et des familles ».
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. André Reichardt. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié quinquies.
Mme Annick Jacquemet. Par une décision du 12 mai 2023, le Conseil d’État a précisé que les dettes tenant à un versement indu de revenu de solidarité active (RSA), quelle que soit leur origine, même frauduleuse, pouvaient rentrer dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel.
Ainsi, les dettes tenant à un versement indu de RSA pourraient être examinées dans le cadre d’une procédure de surendettement, donc effacées. À l’inverse, les sommes indûment versées par les organismes de protection sociale en sont toujours exclues, et ce au détriment d’une certaine logique.
La précision ainsi opérée par le Conseil d’État crée une insécurité pour les départements, qui pourraient se voir refuser le recouvrement des créances de RSA frauduleuses du fait de leur possible effacement à l’occasion d’une procédure de surendettement.
Bien que cette possibilité d’effacement de dette ne soit pas systématique, les magistrats devant juger de la bonne foi du requérant, il apparaît inéquitable que les dettes de RSA exigibles du fait d’une fraude ne puissent pas bénéficier du même régime de protection que les prestations versées par les organismes de protection sociale à l’égard des procédures de surendettement des particuliers.
Cet amendement vise donc à systématiser, dans le cadre des procédures de rétablissement personnel, la non-recevabilité des dettes relatives au RSA et aux autres prestations relevant du champ de l’aide sociale des départements, quand l’origine frauduleuse de ces versements indus a été établie.
Il me semble que cela relève du bon sens ; il est injustifié de laisser perdurer une telle situation alors que les finances des départements sont déjà exsangues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. L’objectif des auteurs de ces amendements identiques me semble intéressant. Il n’est en effet pas envisageable qu’un département ne puisse pas recouvrer des indus de RSA obtenus en raison de manœuvres frauduleuses.
Toutefois, cette question n’entrant pas dans le champ de compétences habituel de la commission des affaires économiques, je dois m’en remettre à l’avis du Gouvernement sur ces amendements. Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir nous éclairer sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous ne pouvons qu’être favorables à ces amendements identiques, qui visent à remédier à une bizarrerie de notre droit et à garantir un principe de recouvrement par les départements des aides publiques indûment versées.
Nous connaissons tous – certains d’entre vous ont d’ailleurs présidé des départements – la situation difficile des finances de ces collectivités, qui doivent assumer une dépense de RSA en augmentation. Nombre de nos concitoyens ont recours de façon tout à fait légitime à cette aide, mais on connaît aussi des cas de fraude.
Il serait un peu étrange qu’un débiteur connaissant une situation de surendettement soit obligé de rembourser ce qu’il aurait frauduleusement acquis auprès des organismes de protection sociale, mais non ce qu’il aurait acquis de manière tout aussi frauduleuse au titre du RSA, donc au détriment du département.
Je suis favorable à ce que nous rétablissions l’équité en la matière, à ce que nous sécurisions juridiquement la situation et à ce que nous rappelions aux fraudeurs que, très souvent, on les retrouve, auquel cas on leur demande a minima de rembourser les sommes indûment perçues. Ils doivent savoir que, même quand ils organisent – c’est souvent ainsi que cela se passe – leur surendettement personnel, cet argent devra être remboursé.
Le Gouvernement est donc très favorable à l’adoption de cette très bonne disposition.
M. André Reichardt. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Cette disposition, à l’évidence, a été soufflée par les départements, dont on sait qu’ils sont à l’os et qu’ils subissent 1 milliard d’euros de fraude au RSA. En votant cette disposition, nous ferons vraiment œuvre utile. Cela permettra aussi de redonner au Sénat son rôle dans la défense des collectivités, qui subissent déjà bien des difficultés en la matière et auront à en subir d’autres encore du fait de la paupérisation de certaines populations. Il faut donc récupérer l’argent des fraudeurs afin de pouvoir le redistribuer de façon équitable aux gens qui en ont besoin.
Je suis donc extrêmement favorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié et 34 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er bis.
Article 2
I. – (Non modifié) Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 561-30-1, il est inséré un article L. 561-30-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-30-1-1. – I. – Lorsque les investigations du service mentionné à l’article L. 561-23 mettent en évidence des faits susceptibles de relever de l’une des infractions mentionnées à l’article 22 du règlement (UE) 2017/1939 du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, ce service saisit le procureur européen délégué par une note d’information. Cette note ne comporte pas la mention de l’origine des informations.
« Dans les affaires ayant fait l’objet d’une note d’information en application du présent article, le procureur européen délégué informe le service de l’engagement d’une procédure judiciaire, du classement sans suite et des décisions prononcées par une juridiction répressive.
« II. – Outre les saisines prévues au I du présent article, le service mentionné à l’article L. 561-23 est autorisé à transmettre des informations au procureur européen délégué, sous réserve qu’elles soient en relation avec les missions de celui-ci. » ;
2° Les troisième à dix-huitième alinéas de l’article L. 561-31 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il peut aussi transmettre des informations à l’administration fiscale, sous réserve que celles-ci soient en relation avec les missions de celle-ci.
« Le service peut également transmettre des informations à des administrations, à des autorités, à des organismes, à des établissements publics ou à des personnes chargées d’une mission de service public, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget, sous réserve que ces informations soient en relation directe avec leurs missions respectives. »
II. – Le code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le chapitre V du titre Ier du livre Ier est complété par un article L. 115-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 115-2. – I. – En l’absence de dispositions spécifiques, en cas d’indices sérieux de manquement délibéré ou de manœuvre frauduleuse en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir indûment l’octroi ou le versement d’une aide publique, les agents désignés et habilités d’une administration ou d’un établissement public industriel et commercial chargés de l’instruction, de l’attribution, de la gestion, du contrôle ou du versement d’aides publiques ou de la lutte contre la fraude ainsi que les officiers et les agents de police judiciaire et les agents habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application des articles 28-1, 28-1-1 et 28-2 du code de procédure pénale peuvent échanger tous les renseignements ou les documents utiles à la recherche et à la constatation des fraudes ainsi qu’au recouvrement des sommes indûment versées.
« II. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. » ;
2° La quinzième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 est ainsi rédigée :
« |
L. 115-1, à L. 115-3 |
Résultant de la loi n° … du … contre toutes les fraudes aux aides publiques |
» |
III. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils sont également habilités à recevoir tous les renseignements et les documents utiles à l’accomplissement de leurs missions de délivrance et de contrôle des titres d’identité, des titres de voyage et des titres de séjour lorsque les agents mentionnés à l’article L. 114-16-3 suspectent ou constatent une fraude en matière sociale mentionnée à l’article L. 114-16-2. »
IV. – (Non modifié) Les organismes de qualification des professionnels réalisant des travaux de rénovation énergétique, des audits énergétiques, l’installation et la maintenance des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques ou l’installation sur des bâtiments de dispositifs de production d’électricité utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, les organismes de contrôle de ces organismes de qualification et les organismes d’instruction des demandes d’agrément et des rapports de contrôle transmettent les informations utiles qu’ils détiennent à l’Agence nationale de l’habitat et au service de l’État chargé de la coordination interministérielle pour la lutte contre la fraude aux finances publiques pour l’exercice de leur mission de répression de la fraude, sous réserve que ces informations soient en relation avec ces missions.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités de transmission de ces informations.
V (nouveau). – Le 2° du I entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui de la publication de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, sur l’article.
M. Grégory Blanc. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, cette proposition de loi a pour objet de lutter contre les entreprises criminelles, en particulier celles qui fraudent les aides publiques en matière de rénovation des bâtiments.
Cette lutte nécessite de décloisonner, de travailler davantage de manière interministérielle. C’est pourquoi, de manière générale, nous voterons en faveur des dispositions qui permettront de mieux mener ce combat, notamment contre les entreprises éphémères.
Toutefois, comme je l’ai déjà relevé, utiliser un tel texte pour donner aux préfets la possibilité de refuser des titres de séjour sur le fondement d’une simple suspicion reviendrait à en détourner l’objet. Mes chers collègues, nous pouvons avoir entre nous des désaccords sur la question de l’immigration de travail, mais l’objet de cette proposition de loi est tout autre : il est de lutter contre les entreprises fraudeuses, contre celles qui, justement, abusent du travail clandestin, dissimulé ou illicite. Il faudrait dans cet esprit faire l’inverse de ce que vous proposez, et rendre licite le travail irrégulier.
La disposition qui permet effectivement aux préfets de refuser, sur simple suspicion, la délivrance de titres de séjour est extrêmement problématique ; elle altère le sens de cet article, quels que soient les ajouts qui pourraient y être faits. C’est selon moi un réel problème, d’autant que cette disposition, nous le savons, a de fortes chances d’être retoquée par le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par M. Fargeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Après le mot :
fiscale
insérer les mots :
et aux collectivités territoriales
II. – Alinéa 8
Après le mot :
administrations,
insérer les mots :
aux collectivités territoriales
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis. Il est défavorable, parce que cet amendement, selon nous, est satisfait. Le mot « administrations » figurant dans l’article inclut en effet les administrations territoriales ; la rédaction permet donc aux collectivités aussi d’échanger des informations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par Mme Briquet, MM. Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel, Mérillou, Montaugé, Pla, Raynal, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 69 est présenté par MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Après le mot :
échanger
insérer les mots :
, sous le contrôle du juge,
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° 19.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement vise à assortir la simplification des échanges d’informations entre administrations d’une garantie essentielle : la proportionnalité de ces échanges au regard de l’objectif fixé devra être contrôlée par le juge.
Ce n’est pas un simple détail technique ; c’est une exigence de notre État de droit. La Cour de cassation elle-même, dans un arrêt du 22 septembre 2021, rappelle que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée aux buts poursuivis. Autrement dit, s’il peut y avoir atteinte à la vie privée, cette atteinte doit rester encadrée, justifiée et surtout contrôlée.
Seul le juge est à même d’exercer ce contrôle. Lui seul peut en effet apprécier si l’information sollicitée est véritablement indispensable ou si d’autres voies moins intrusives auraient pu être explorées.
Qu’a répondu le Gouvernement à cet argument lors des débats à l’Assemblée nationale ? « Si l’on attend que le juge autorise les enquêtes, alors beaucoup d’enquêtes n’auront pas lieu. »
Cette phrase à elle seule en dit long ! Elle participe d’un discours ambiant que nous combattons fermement, et selon lequel les garanties démocratiques constitueraient des obstacles et la justice serait un frein à l’action publique. Nous ne pouvons l’accepter.
Notre position est simple : oui, les échanges d’informations entre administrations doivent être facilités lorsque cela est nécessaire à la conduite de l’action publique, mais, non, cette efficacité ne saurait se faire au prix de nos principes fondamentaux.
Garantir le contrôle du juge, ce n’est pas entraver les enquêtes, c’est les légitimer, c’est prévenir les abus, c’est préserver la confiance des citoyens en nos institutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 69.
M. Gérard Lahellec. Comme cela vient d’être rappelé, la protection des données à caractère personnel et de la vie privée constitue un droit fondamental garanti constitutionnellement. Aussi la simplification et l’extension des échanges d’informations doivent-elles s’effectuer sous le contrôle du juge, conformément à la jurisprudence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis. Le débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, et je rejoins la position que le rapporteur Cazenave et le Gouvernement ont exprimée à cette occasion.
D’une part, vous l’avez mentionné en présentant l’amendement n° 19, ma chère collègue, placer ces échanges d’informations sous le contrôle d’un juge réduirait fortement la réactivité dont les services doivent faire preuve. C’est d’ailleurs le principal argument contre ces amendements identiques.
D’autre part, une garantie a été ajoutée au texte lors de son passage en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Ainsi, l’échange d’informations ne peut avoir lieu que sur le fondement d’indices sérieux, ce qui n’était pas le cas dans la proposition de loi initiale.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il n’y a pas qu’un enjeu de moyens, de fluidité ou de lourdeur : il y a d’abord un enjeu juridique.
Tout d’abord, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’échange de données personnelles est soumis à un cadre très strict, le règlement général sur la protection des données (RGPD), dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), autorité indépendante, s’assure de la bonne application.
Par ailleurs, énormément de données qui sont échangées entre les administrations ne sont pas toutes des données personnelles. C’est par exemple le cas des numéros Siret (Système d’identification du répertoire des établissements). Cela relève donc non pas de la Cnil, mais de la libre administration et de la libre efficacité d’un État.
Enfin, heureusement que le juge n’est pas sollicité à chaque fois que l’on échange des données et que l’on se demande, par exemple, si le RIB que l’on vient de recevoir a déjà été frauduleusement utilisé !
Dans la situation actuelle, le juge intervient quand il s’agit de saisir des biens – quelquefois même pour les revendre et en faire un gain pour l’État –, de poursuivre, de condamner. Le juge n’intervient dans aucune procédure d’échange de données.
Je le répète, la plupart des données qui seront échangées sont économiques. De facto, ce ne sont pas des données personnelles. C’est pourquoi le RGPD ne s’applique pas. En revanche, mesdames, messieurs les parlementaires, sur les procédures, sur la sollicitation de la Cnil le cas échéant, sur la modération ou la sobriété, vous pouvez pleinement jouer votre rôle de contrôle.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, il émettra un avis défavorable. Les exemples qui ont été pris pour illustrer ces amendements ne correspondent pas à la réalité du travail administratif et de contrôle que nous réalisons.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 69.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par Mmes N. Goulet et Vermeillet, MM. Laugier et Longeot, Mme Billon, M. Delahaye, Mmes Jacquemet, Romagny et Sollogoub, MM. Canévet et Delcros, Mme Perrot et MM. Kern, Pillefer et Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. - L’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission de contrôle des conditions de résidence, un agent chargé du contrôle peut être habilité par le directeur de son organisme à effectuer, dans des conditions précisées par décret une consultation du fichier relatif aux données de réservation des passagers aériens. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. J’ai déjà déposé cet amendement à plusieurs reprises. Il s’agit d’autoriser la consultation du système API-PNR (Advanced Passenger Informations, ou renseignements préalables sur les voyageurs – Passenger Name Record, ou dossier passager) pour l’accomplissement des missions de contrôle prévues à l’alinéa 15 de l’article 2, qui vient compléter le deuxième alinéa de l’article L. 114-16-1 du code de la sécurité sociale.
Comment contrôler les titres de voyage ?
Je propose une solution assez simple, issue d’un certain nombre de discussions avec le service chargé des fraudes du ministère des affaires étrangères, parce que j’ai l’honneur et le privilège d’être l’un des deux rapporteurs spéciaux de la mission « Action extérieure de l’État ». Il s’agit de pouvoir consulter le PNR afin de s’assurer que les conditions de résidence sont bien remplies et de bénéficier d’un certain nombre de prestations.
À partir du moment où l’on s’intéressait au contrôle des titres de voyage, je trouvais opportun de prévoir une consultation du PNR par les personnes dûment habilitées.