Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs du Rassemblement national accueillent avec bienveillance cette proposition de loi qui permet de mieux s’équiper pour mener la chasse aux fraudeurs. La fraude est un véritable fléau et constitue une trahison du contrat social.
Compte tenu de la situation économique du pays provoquée par huit années de macronisme, la lutte contre les fraudes aux aides publiques et contre toutes sortes de fraudes doit devenir une priorité nationale pour redresser les finances publiques : c’est un enjeu de justice.
Si nous voulons réellement faire des économies et renforcer la confiance des Français dans les politiques publiques, il est impératif de tendre vers la tolérance zéro face aux fraudeurs. Chaque euro fraudé est en effet un euro volé aux honnêtes Français.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres de la Cour des comptes, qui illustrent l’ampleur du problème : la fraude aux aides publiques, c’est environ 1,5 milliard d’euros par an ; la fraude sociale, près de 15 milliards d’euros ; la fraude fiscale, entre 30 milliards et 100 milliards d’euros annuels.
L’Insee, pour sa part, estime que la fraude à la TVA représente un manque à gagner pour l’État de plus de 20 milliards d’euros.
Ces chiffres sont alarmants au vu de notre situation budgétaire. Ces milliards d’euros pourraient profiter aux honnêtes Français, mais, une fois de plus, ce sont les citoyens respectueux des règles qui sont pénalisés ou qui subissent des restrictions injustes.
Il est donc impératif de démanteler les réseaux de la fraude organisée qui détournent les aides publiques destinées aux entreprises françaises. Ces réseaux mafieux fragilisent les dispositifs mis à disposition des entrepreneurs.
Afin de lutter efficacement contre ces pratiques, il est nécessaire de durcir les dispositifs en vigueur.
Cela passe d’abord par un renforcement des contrôles, grâce à des moyens humains et technologiques adaptés, puis par une simplification des procédures pour détecter plus rapidement les anomalies et diminuer les zones d’ombre favorables aux fraudeurs, enfin par des sanctions dissuasives et adaptées à la gravité des infractions.
Seule la création d’un ministère consacré à la lutte contre toutes les formes de fraudes pourra nous permettre de mener la chasse aux fraudeurs de manière efficace, comme le préconisait Marine Le Pen dans son programme présidentiel. (M. Philippe Grosvalet ironise.)
Une structure ministérielle dédiée, avec un parquet unique qui centralise les plaintes de fraudes, serait en mesure de coordonner les efforts entre les différentes administrations, de centraliser les données et de garantir une traque efficace des fraudeurs.
Mes chers collègues, cette proposition de loi marque un premier pas important dans la lutte contre la fraude, la fraude pénalisant toujours les bons élèves.
En s’attaquant aux abus qui coûtent chaque année des milliards d’euros à l’État, le texte traduit la volonté politique de protéger les ressources publiques et de rétablir la justice sociale.
Notre groupe soutient cette initiative, convaincu qu’elle répond aux attentes des citoyens. Cependant, pour qu’elle porte ses fruits, il convient d’intensifier les efforts grâce au renforcement des mécanismes de contrôle, à l’instauration de sanctions véritablement dissuasives et à la mise en place d’une meilleure coordination entre les administrations concernées.
Persévérons dans la traque des tricheurs !
La proposition de loi doit être le point de départ d’une stratégie ambitieuse et cohérente visant à restaurer la confiance dans nos institutions et non un simple coup de com’ destiné à donner l’impression que l’on apporte des solutions au problème majeur que constitue la fraude.
Dans un pays comme le nôtre, où le taux de prélèvements obligatoires avoisine 45 % du PIB, nous avons la responsabilité, en tant que parlementaires, de légiférer pour éradiquer la fraude sous toutes ses formes.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en quittant le ministère des comptes publics, en septembre dernier, Thomas Cazenave a emporté dans ses cartons ses projets pour lutter contre la fraude.
Redevenu parlementaire, trois semaines plus tard, il déposait sur le bureau de l’Assemblée nationale sa proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques. Après son examen par les députés au mois de janvier, le texte nous est présenté aujourd’hui.
Cette proposition de loi est utile et nécessaire.
Je ne reviendrai pas sur les différents montants qui ont été évoqués et sur le coût que représente la fraude pour la société. Il est toujours compliqué d’évaluer des montants qui, par définition, échappent à tout contrôle.
Qu’il s’agisse de la fraude fiscale, sociale ou aux aides publiques, toutes ont les mêmes conséquences : elles dégradent les comptes du pays, entravent ses capacités d’action et provoquent un sentiment d’injustice.
Chaque euro d’aide publique indûment versé est un euro qui manquera à nos écoles, à notre armée, à nos hôpitaux, à notre police, à notre justice – dont on parle tant –, à nos caisses de retraite… Je m’arrête là !
Comme élus, et dans nos permanences, nous avons les uns et les autres constaté les attentes grandissantes en matière de travaux de rénovation et d’isolation thermique. Qui n’a pas été sollicité pour un dossier MaPrimeRénov’ qui prenait trop de temps ?
Mais nous avons aussi été sollicités par des particuliers qui ont été abusés, qui ont réglé des acomptes pour des travaux, mais qui ne reverront jamais l’entreprise – ou plutôt l’escroc – qui leur avait promis des aides de l’État pour les financer.
Les fraudeurs font peser sur les professionnels une suspicion généralisée. Cette proposition de loi vise à permettre aux artisans honnêtes, qui sont l’immense majorité, de s’appuyer sur ces dispositifs publics pour travailler et développer leur entreprise.
Ce texte va également permettre à nos administrations, notamment Tracfin, de mieux détecter les fraudes grâce à un partage d’informations renforcé.
Les moyens d’action de la DGCCRF et de l’inspection générale des finances seront renforcés. Il leur sera désormais permis d’accéder à des documents jusqu’ici couverts par le secret professionnel.
Si la proposition de loi est adoptée, le versement des aides publiques pourra être temporairement suspendu en cas de doutes.
J’en viens à un point qui a déjà été abordé et qui me tient à cœur : le démarchage téléphonique. Si cela ne vous ennuie pas, mes chers collègues, je résumerai ce qui s’est passé ces derniers mois.
Le 30 septembre, je dépose une proposition de loi visant – c’est son intitulé – « à interdire le démarchage téléphonique ». Elle est inscrite dans l’espace réservé du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Un travail de fond est réalisé par la rapporteure Olivia Richard. La commission des lois amende la proposition de loi, dont l’examen – animé d’ailleurs – en séance publique le 14 novembre se conclut par l’adoption à l’unanimité d’un texte comportant neuf articles. L’article 1er, qui est le cœur du réacteur, prévoit la mise en place de l’opt-in, lequel interdit le démarchage sans le consentement préalable et explicite du consommateur.
Le texte Cazenave est débattu en commission à l’Assemblée nationale au mois de janvier et la députée Delphine Batho propose un amendement visant à reprendre – si j’étais moins sympathique, je dirais qu’elle a fait un beau copier-coller, sans prévenir personne évidemment – l’article 1er du texte, lequel a fait ici l’objet d’un travail du rapporteur et de la commission. Cela pose des questions de fond et de forme, mais cet amendement a été voté et fait désormais partie du texte que nous étudions aujourd’hui.
Entre-temps, ma proposition de loi a été examinée à l’Assemblée nationale – je remercie d’ailleurs les députés Louise Morel et Pascal Lecamp. Elle a été adoptée à l’unanimité, avec quelques modifications, ce qui signifie qu’elle va revenir au Sénat avant, éventuellement, de retourner à l’Assemblée nationale.
Tout cela pour vous dire que je préfère que nous utilisions le présent véhicule législatif, en lien et en confiance avec les rapporteurs, et jouer le jeu de l’efficacité. Je proposerai tout à l’heure des amendements visant à reprendre le travail qui a été réalisé dans les deux assemblées.
Les attentes en matière de démarchage téléphonique, sont fortes, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Henri Cabanel et André Reichardt applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte de grande dérive des comptes publics et de lutte contre la fraude, l’examen de cette proposition de loi était attendu.
Depuis longtemps, la commission des finances du Sénat fait des propositions, au fil des textes, de manière découpée, ce qui réduit leur portée. Alors, certes, ce texte n’est pas le Grand Soir, son ambition n’est pas démesurée, mais mieux vaut faire un petit peu et avancer, que de ne rien faire du tout.
Ce texte est destiné à répondre au sentiment qu’ont les Français qui paient leurs impôts et s’acquittent de leurs cotisations, finançant ainsi notre système de solidarité, d’être parfois des victimes honnêtes quand d’autres fraudent.
C’est la raison pour laquelle nous devons travailler pour un État plus juste, qui protège les plus fragiles, celles et ceux qui en ont besoin. Il s’agit d’un contrat moral : en échange des efforts qu’ils fournissent, les Français attendent que chaque euro dépensé soit utilisé avec rigueur, efficacité et à bon escient. Lorsqu’il y a fraude, le contrat est incontestablement remis en cause. C’est alors la crédibilité de l’action publique qui est en jeu.
Madame la ministre, le texte que nous examinons aujourd’hui permet d’apporter une réponse attendue à un fléau qui mine notre modèle social, érode la confiance des Français et, j’y insiste, fragilise nos finances publiques.
Je remercie tout particulièrement les deux rapporteurs, Olivier Rietmann et Antoine Lefèvre, de leur travail.
Les chiffres sont éloquents. De manière générale, le coût de la fraude est évalué à plusieurs milliards d’euros. La proposition de loi traite surtout des fraudes en matière de rénovation énergétique, notamment des fraudes en lien avec le dispositif MaPrimeRénov’. Tracfin a estimé à plus de 400 millions d’euros le montant des fraudes en 2023. Depuis le début de 2025, plus de 75 millions d’euros de mouvements frauduleux ont déjà été détectés concernant ces aides.
Ces chiffres illustrent une tendance inquiétante : la fraude s’organise et se professionnalise pour détourner l’argent du contribuable. Face à ce phénomène, nous devons agir avec fermeté, porter le fer et offrir aux services de notre administration les capacités de lutter.
Trois mesures de la proposition de loi me semblent essentielles.
En premier lieu, le texte permet d’améliorer la détection des fraudes, en donnant à l’administration la possibilité de suspendre temporairement le versement d’une aide publique en cas de suspicion sérieuse de fraude.
En second lieu, il renforce la coopération entre les services de l’État et facilite le partage d’informations entre les administrations afin de mieux détecter les fraudes. En effet, les fraudeurs profitent trop souvent du cloisonnement des services pour échapper aux contrôles. Ce texte prévoit donc de mettre fin aux angles morts.
En dernier lieu, l’éligibilité aux aides publiques des entreprises de sous-traitance sera davantage encadrée, là encore afin de limiter les risques de fraudes. L’article 3 ter instaure une limite de deux niveaux de sous-traitance pour bénéficier d’aides comme MaPrimeRénov’ ou l’éco-PTZ. Il s’agit de mettre fin aux dérives observées, des chaînes de sous-traitance trop longues et trop lâches facilitant les fraudes.
Lutter contre la fraude n’est pas une question idéologique : c’est une question de bon sens et de justice. Frauder, c’est tout simplement affaiblir le pacte républicain et ses valeurs.
Ce texte permettra non pas de réaliser un pas de géant, mais seulement de faire quelques pas de plus. Certains espèrent parfois associer leur nom à une loi, mais il me semble que nous devons avant tout viser un objectif : traquer la fraude, l’empêcher et la condamner par des sanctions adaptées, en nous dotant de moyens opérationnels.
Mes chers collègues, je vous propose de faire quelques pas supplémentaires dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, déposée par le député Thomas Cazenave, vise à renforcer la lutte contre la fraude aux aides publiques. Il s’agit d’un sujet crucial pour notre pacte social et nos finances publiques.
En mai 2023, le ministre chargé des comptes publics a lancé un plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières, prévoyant de renforcer les moyens d’ici à 2027 : ainsi, 1 500 agents supplémentaires seront assignés à la lutte contre la fraude fiscale, 1 000 agents supplémentaires à la lutte contre les fraudes sociales, avec l’aide de 450 agents spécialisés en cyberenquêtes et disposant de prérogatives judiciaires. En outre, 100 équivalents temps plein seront redéployés pour le contrôle douanier du e-commerce. Enfin, plus de 1 milliard d’euros seront alloués à la modernisation des outils numériques de détection.
Les premiers résultats de ce plan démontrent son efficacité. Selon un bilan réalisé en mars 2024, en matière de fraude fiscale, les mises en recouvrement ont atteint 15,2 milliards d’euros en 2023, soit 600 millions d’euros de plus qu’en 2022. De plus, le nombre de contrôles fiscaux des particuliers ayant les plus hauts revenus a augmenté de 25 %.
En ce qui concerne la fraude aux cotisations sociales, les redressements des entreprises pour fraude sociale par l’Urssaf ont augmenté de 50 %, pour un montant de 1,2 milliard d’euros en 2023, contre 800 millions d’euros en 2022.
Quant aux caisses d’allocations familiales, elles ont détecté près de 400 millions d’euros de fraudes aux prestations sociales. L’assurance vieillesse et l’assurance maladie, pour leur part, ont respectivement détecté 200 millions d’euros et 450 millions d’euros de fraudes.
Le travail doit être néanmoins poursuivi et amplifié. Le contrôle de certaines aides publiques pourrait en effet être amélioré, notamment celui des certificats d’économies d’énergie.
Dans un rapport rendu au mois de septembre dernier, la Cour des comptes estime que le dispositif fait l’objet de « fraudes significatives ». Un tiers des opérations contrôlées sur site à la demande de l’administration révèle en effet des anomalies, les économies d’énergie permises par le dispositif étant surévaluées d’au moins 30 %.
Le texte que nous examinons vise à renforcer la lutte contre les fraudes aux aides publiques, en améliorant les capacités de détection et d’action de l’administration. Il se concentre spécifiquement sur la lutte contre les fraudes relatives aux travaux de rénovation énergétique, à l’adaptation au vieillissement et à la perte d’autonomie, ainsi qu’aux certificats d’économies d’énergie.
Le groupe RDPI soutient les nombreuses avancées de ce texte. En particulier, nous sommes favorables à l’interdiction du démarchage téléphonique, qui constitue une véritable plaie pour nos concitoyens. Nous soutenons également l’augmentation des sanctions pour les entreprises fraudeuses, ainsi que la limitation de la sous-traitance, qui compromet la traçabilité des aides.
Notre groupe défendra toutefois plusieurs amendements pour améliorer ce texte.
En ce qui concerne les certificats d’économies d’énergie, nous souhaitons pouvoir restreindre aux seules opérations standardisées la suspension des délais d’instruction en cas de manquement aux obligations déclaratives. Notre but est d’éviter que des projets industriels spécifiques, déjà soumis à une instruction approfondie, n’accusent des retards excessifs.
Nous proposons également d’accorder aux agents de la DGCCRF un accès automatisé au fichier des comptes bancaires au moyen d’une interface (API).
Pour lutter contre les fraudes dans le domaine de la formation professionnelle, nous suggérons d’empêcher, pendant quatre ans, un organisme de formation de déposer une nouvelle déclaration d’activité si les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle de l’État ont relevé des faits particulièrement graves au moment du dépôt de la déclaration d’activité ou au cours de l’activité dudit organisme. Nous proposons également de permettre l’annulation de la déclaration d’activité d’un organisme ayant eu recours à de faux documents pour obtenir indûment des fonds au titre de la formation professionnelle.
Nous souhaitons ensuite rendre possible la suspension du numéro d’activité d’un organisme de formation si les services de l’État établissent lors d’un contrôle qu’il méconnaît ses obligations ou si ces services disposent d’indices sérieux de manœuvres frauduleuses, par exemple s’ils suspectent l’organisme d’organiser son insolvabilité ou si ce dernier s’oppose à un contrôle.
Enfin, nous proposons de rappeler l’obligation pour les employeurs et les organismes de formation de communiquer aux agents de contrôle les renseignements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, de dresser la liste des parties autorisées à échanger librement les informations utiles à l’accomplissement de leurs missions et de prévoir un système d’information partagé et dématérialisé.
Mes chers collègues, mieux lutter contre la fraude aux aides publiques, c’est préserver la confiance de nos concitoyens dans l’action publique. En effet, les aides publiques sont un pilier de notre pacte social. Elles permettent d’accompagner des initiatives économiques, de soutenir les plus vulnérables et d’encourager la transition écologique.
Parce que nous sommes convaincus que ce texte permettra de renforcer efficacement et sans excès la lutte contre les fraudes aux aides publiques, nous le voterons sans hésitation.
J’aurais toutefois souhaité qu’il soit fait mention des spécificités de l’outre-mer, où le versement des aides publiques se fait dans une certaine opacité et donne lieu à de nombreux abus. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
M. Philippe Grosvalet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma grand-mère, sage paysanne bretonne, me disait souvent : « Qui trop embrasse mal étreint. » (Sourires.) Je me suis donc contenté de déposer un seul amendement sur ce texte, qui vise à modifier l’intitulé de la proposition de loi, pour que celui-ci décrive ce qu’elle est et ne donne surtout pas à penser ce qu’elle n’est pas.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Philippe Grosvalet. Madame la ministre, puisse cette sobriété vous inspirer lorsque vous parlez de lutte contre les fraudes.
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
M. Philippe Grosvalet. Pour garantir un logement décent à chacun et atteindre nos objectifs en matière de transition écologique, 20 millions de résidences doivent être rénovées d’ici à 2050. D’importantes enveloppes publiques ont été créées et allouées pour soutenir cette politique de rénovation énergétique.
Toutefois, pour les organisations criminelles qui détournent les aides publiques en réalisant des montages de sociétés, ces dispositifs constituent une véritable manne financière.
À cet égard, la vigilance et la maîtrise de l’utilisation de ces subventions ne sont pas satisfaisantes. On dénombre ainsi 27 000 signalements pour activité suspecte dans le secteur de la rénovation sur la plateforme SignalConso ; on comptabilise 400 millions d’euros de mouvements financiers suspects relatifs à MaPrimeRénov’. Quant aux fraudes aux certificats d’économies d’énergie, elles représentent, selon la Cour des comptes, 280 millions d’euros.
Ces fraudes sont évidemment inacceptables. Elles constituent un préjudice pour l’État et pour les bénéficiaires légitimes de ces aides. Elles alimentent un sentiment d’incompréhension et d’opacité bureaucratique à l’égard des dispositifs d’aide. Bref, elles attaquent de plein fouet la cohésion sociale et la solidarité nationale.
Ces fraudes sont ensuite insoutenables pour les consommateurs lésés. Ce sont les ménages les plus modestes, qui s’engagent pourtant dans une démarche vertueuse, mais coûteuse, de rénovation qui subissent les conséquences les plus lourdes de ces pratiques frauduleuses.
Ces fraudes sont enfin insupportables dans le contexte de raréfaction des ressources publiques. Alors que chaque euro d’argent public doit compter, chaque comportement frauduleux est une injure lancée à l’ensemble des acteurs, publics ou privés, qui rationalisent au mieux leurs budgets, leurs subventions, qui vont chercher coûte que coûte l’efficience, malgré le contexte économique très difficile.
Il est donc grand temps de mieux contrôler l’utilisation de l’argent du contribuable et de protéger davantage le consommateur. Il est grand temps de rénover nos dispositifs antifraudes afin que le panel des aides à la rénovation ressemble un peu moins au Far West.
Au-delà de son intitulé grandiloquent, la proposition de loi améliore les outils juridiques dont l’État dispose pour faire face aux fraudes, en particulier dans le secteur de la rénovation énergétique. Le groupe du RDSE soutiendra l’ensemble des dispositions qui concourent à cet objectif et votera ce texte.
Certes, la DGCCRF se voit octroyer dans le texte de nouveaux outils bienvenus, mais ses effectifs ont fondu de près d’un quart entre 2017 et 2022.
Le même constat vaut pour le contrôle de l’octroi des certificats d’économies d’énergie. Nous saluons leur renforcement, mais lors de son audition, la direction générale de l’énergie et du climat, à laquelle est rattaché le Pôle national des C2E, nous a indiqué que chaque agent est responsable de plusieurs milliers de dossiers. Comment dès lors s’étonner de l’importance des montants détournés ?
Madame la ministre, si les administrations ne parviennent pas à briser le plafond de verre et à lutter plus efficacement contre les fraudes, c’est aussi en raison de l’insuffisance de leurs effectifs. Il sera donc crucial, en particulier lors des prochaines discussions budgétaires, de prendre davantage la mesure de leurs besoins humains.
Mes chers collègues, il serait particulièrement bienvenu de réaliser un inventaire complet des aides publiques et de leur coût pour l’État. Notre collègue Fabien Gay l’a indiqué, il existe pléthore de dispositifs, à tel point qu’on ne parvient même plus à les compter. L’incapacité de l’administration à mesurer précisément leur coût pour les finances publiques et à assurer un suivi précis de leur utilisation devrait davantage nous interpeller. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER – Mme Annick Jacquemet et M. Fabien Gay applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fargeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les finances publiques sont exsangues, la fraude aux aides publiques représente une véritable saignée. Chaque euro détourné réduit davantage la confiance de nos concitoyens dans l’État.
En 2024, les administrations ont détecté près de 20 milliards d’euros de fraudes sur un montant total estimé à 100 milliards d’euros, soit presque deux fois le budget de la justice.
Parmi ces fraudes, 229 millions d’euros étaient liés spécifiquement au dispositif MaPrimeRénov’, 236 millions d’euros aux certificats d’économies d’énergie, 45 millions d’euros au compte personnel de formation (CPF) et plusieurs dizaines de millions d’euros aux aides personnelles au logement (APL), au revenu de solidarité active (RSA) ou à la prime d’activité. Sans compter les millions d’euros qui nous échappent…
Cette fraude silencieuse et insidieuse, qui infiltre nos dispositifs comme un poison lent, poursuit son œuvre à l’ombre des radars.
La présente proposition de loi constitue une avancée, mais elle demeure insuffisante face à l’ampleur du problème. Nous ne pouvons plus nous contenter de pansements pour stopper l’hémorragie financière causée par une fraude systémique et organisée.
Nous avons industrialisé la dépense ; il est vital d’industrialiser le contrôle, en le dotant d’une colonne vertébrale robuste et agile.
En premier lieu, avant de multiplier les dispositifs d’aides et autres chèques, encore faudrait-il s’assurer que les conditions de contrôle et d’évaluation soient réunies et opérationnelles. Trop souvent, des aides sont créées sans que les risques de fraudes soient anticipés. La porte est ainsi ouverte à des abus « quasi industrialisés », comme l’a souligné l’inspection générale des finances dans un rapport concernant MaPrimeRénov’. Il nous faut appliquer partout ce principe de bonne gestion : évaluer, tracer, contrôler. Sans cela, nous ne faisons que perfuser un corps aux veines perforées.
En second lieu, nous devons œuvrer à briser les silos administratifs qui entravent l’efficacité de notre action.
La création en 2020 de la mission interministérielle de coordination anti-fraude a été un premier pas, mais Tracfin ne peut toujours pas alerter l’Anah. Que cela soit l’ASP, l’Ademe, l’Urssaf ou la DGFiP, chacun reste dans son couloir.
Il est nécessaire de renforcer la coordination entre les différentes administrations et de favoriser le plus largement possible le partage des informations. Croisons les différents fichiers, décloisonnons ! Saluons les avancées de la proposition de loi en ce sens, ainsi que le travail pragmatique des rapporteurs.
Par ailleurs, la traque contre la fraude passe par le renforcement des sanctions, l’alourdissement des peines et la garantie de leur application.
Je ne peux que saluer le travail des commissions du Sénat sur ce sujet. Entre autres avancées, elles ont permis de renforcer les pouvoirs d’investigation de la DGCCRF et de contrôle de l’IGF. En effet, face à un écoulement chronique, qui teinte nos comptes d’un rouge alarmant, il faut des outils adaptés et non des pincettes.
Enfin, la transparence doit être au cœur de notre démarche. Les citoyens doivent retrouver la confiance. S’ils acceptent l’effort fiscal, ils doivent être assurés que celui-ci ne sert à nourrit ni les parasites ni les fantômes administratifs. À cet égard, la création d’un fichier national des fraudeurs contribuerait à atteindre cet objectif.
Mes chers collègues, agissons avec courage, volonté politique et détermination pour plus de justice sociale, en envoyant d’urgence un signal fort à ceux qui fraudent, mais aussi à ceux qui payent : les contribuables, les collectivités, les entreprises honnêtes.
Cette proposition de loi est la bienvenue et notre groupe la soutiendra. Elle prévoit quelques outils, mais reste en deçà des enjeux.
Mes chers collègues, faisons de ce texte un levier pour restaurer la crédibilité de l’action publique, allouer plus de moyens aux contrôles, augmenter leur nombre et obtenir plus de résultats afin de protéger durablement nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)