M. Franck Montaugé. Pour le moins, il s’agit là d’un véritable déni de démocratie. Comment est-il possible que l’énergie, pourtant au cœur de la transition écologique, facteur clef de notre souveraineté nationale future, soit ainsi soustraite à la discussion des représentants de la Nation ?

Au cours des dernières années, le Sénat a saisi toutes les occasions et tous les moyens à sa disposition pour aborder la révision de la PPE.

La troisième version que vous en proposez et le limogeage du PDG d’EDF nous conduisent à nous interroger sur la faisabilité des objectifs et les trajectoires proposées. Se pose notamment la question des moyens financiers attribués aux investissements nécessaires pour le développement des filières sur notre sol, dans une perspective de souveraineté.

Les difficultés politiques engendrées par la dissolution de l’Assemblée nationale ne doivent pas servir de prétexte au contournement du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Christine Herzog et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la raison d’être et le sujet de cette proposition de loi proviennent du fameux cas d’espèce de la centrale à charbon de Saint-Avold, dignement défendue, avec énergie, par mon collègue député Alexandre Loubet ainsi que par l’ensemble du mouvement auquel j’appartiens.

Saint-Avold, c’est tout un symbole des petits calculs politiciens du Président de la République et de la Macronie. En effet, alors que la centrale est fermée en mars 2022, en pleine campagne présidentielle et à quelques jours du premier tour des élections, elle est finalement rouverte à la fin du mois de juin 2022, soit une semaine après le second tour des législatives.

Cette réouverture, dois-je le rappeler, était devenue nécessaire pour faire face aux pénuries d’électricité causées par l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim et par les atermoiements de la politique énergétique du président Macron, qui, je vous le rappelle, voulait fermer quatorze réacteurs durant son premier mandat.

Au Rassemblement national, face au lobbyisme « décroissantiste » des écologistes, qui souhaitent ramener la France à l’âge de pierre, nous avons toujours maintenu le cap : développer le nucléaire, l’énergie la plus décarbonée qui soit, pour nous permette de conserver un maximum de souveraineté. En complément, nous sommes conscients de la nécessité d’assurer la conversion des centrales à charbon, et ce pour trois raisons : sauver la centaine d’emplois à Saint-Avold et les centaines d’emplois indirects autour de la centrale ; sécuriser l’approvisionnement électrique de notre pays, ce qui est essentiel pour notre souveraineté ; décarboner notre production d’électricité à l’aune d’une vision écologique responsable.

L’adoption de ce texte est également fortement attendue par les salariés, car le site fermera dès cet été si sa conversion n’est pas assurée.

Nous saluons bien naturellement cette initiative législative transpartisane, même si le Rassemblement national a été bien seul pour défendre Saint-Avold.

M. Aymeric Durox. Toutefois, je tiens à alerter sur l’aberration de la version du texte issu des travaux de la commission, qui menace clairement la faisabilité de la conversion du site et l’avenir des emplois.

Tout d’abord, la rédaction adoptée par la commission favorise le développement du fioul, pourtant écologiquement absurde, alors que le texte doit uniquement se consacrer à l’objectif écologique de la conversion des centrales à charbon.

Rendre les centrales à fioul éligibles aux mêmes dispositifs de conversion que les centrales à charbon revient à menacer de fermeture la centrale de Saint-Avold. Il faut donc exclure les centrales au fioul du mécanisme.

En outre, la version issue des travaux de la commission retarde la conversion en reportant le calendrier à cet été et en alourdissant les procédures. Les salariés de Saint-Avold ne peuvent plus attendre, alors que les dispositions du code de l’environnement permettent déjà de traiter les obstacles.

Enfin, l’article 3, inséré en commission, menace d’empêcher la conversion en intégrant à la procédure une décision de la Commission européenne. Nous le refusons, cette dernière n’est pas légitime dans ce dossier : la France n’a pas besoin de notifier la présente proposition de loi à la Commission, cela constituerait une véritable perte de souveraineté.

Si les sénateurs ne reviennent pas sur ces diverses modifications, ils auront trahi la promesse de favoriser la conversion des centrales à charbon françaises.

Dans tous les cas, comme depuis 2022, les salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold savent pouvoir compter sur le Rassemblement national, au Sénat et à l’Assemblée nationale, pour les défendre. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, des années d’atermoiement et de renoncement, des erreurs parfois guidées par des opportunités politiques, des crises menaçant la sécurité des approvisionnements et mettant en question nos choix passés : tout cela montre que nous sommes malheureusement incapables d’anticiper.

Une transition efficace prend du temps, mais il est urgent d’agir pour réduire nos émissions de carbone. Ne manquons toutefois ni de réalisme ni de vision : seul un cap sur le long terme nous permettra de rendre attractives nos filières, de laisser la porte ouverte aux innovations futures et d’avoir un mix énergétique décarboné, permettant un approvisionnement stable.

Cette vision équilibrée doit s’accompagner d’actes, comme ceux que permettrait l’adoption du présent texte. Celui-ci vient corriger certaines erreurs passées. Je tiens à saluer le travail effectué par les auteurs de cette proposition de loi, très majoritairement mosellans, ainsi que par le rapporteur.

Certes, le texte présente un ancrage local indéniable : nous devons sécuriser des centaines d’emplois, plongés dans l’incertitude depuis des années. Parfois, à vouloir aller trop vite, nous nous retrouvons à reculer lors des crises, ainsi que certains exemples européens, pas toujours heureux en la matière, en témoignent. Derrière ces tergiversations, des bassins d’emplois et des régions sont affectés.

Ces conversions auront également des effets sur notre approvisionnement énergétique national. Il y va de notre souveraineté.

Le contexte géopolitique l’a montré, nous devons gagner en autonomie. Or ce n’est pas en procédant à des fermetures sèches de centrales que nous parviendrons à atteindre cet objectif. C’est d’ailleurs le sens du plan de conversion des installations demandé à EDF.

Lors des crises passées, il a été prouvé que mobiliser toutes nos centrales était nécessaire pour répondre aux pointes de consommation. Or la conversion des centrales concernées suppose des investissements importants et une mobilisation de tous. Il convient donc de garantir leur viabilité économique.

Considérer ces centrales comme de nouvelles installations et faciliter leur éligibilité au mécanisme de capacité permet d’encourager les conversions, de se projeter et de sécuriser les investissements.

L’objectif est non pas de faire tourner en continu ces centrales ni de pousser à la création de nouvelles installations, mais bien de faciliter l’éligibilité des centrales converties au mécanisme de capacité pour permettre une stabilité du réseau électrique lors des pointes.

Par ailleurs, le regroupement des procédures permettant d’établir que la désignation de ces centrales par RTE emporte l’attribution de l’autorisation d’exploiter est une simplification bienvenue. La précision du rapporteur concernant l’autorisation environnementale y participe également.

Malgré ces avancées notables, le chemin est encore long. Le vrai défi de demain est technologique, industriel, financier et humain.

Nous devons analyser nos échecs et en tirer les enseignements. La consommation croissante d’électricité, le changement climatique et le contexte géopolitique nous obligent à accroître notre production d’énergie décarbonée. Mettons toutes les chances de notre côté.

La transformation de notre mix énergétique impose de disposer d’énergies renouvelables intermittentes et d’énergies bas-carbone pilotables, puissantes et bien implantées. Toutes ces énergies sont complémentaires pour assurer une production d’énergie continue ainsi qu’un approvisionnement suffisant et régulier, sans affecter durablement notre environnement.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est toujours investi quand il s’agit de soutenir la souveraineté énergétique de la France. Nous soutiendrons ce texte qui permet de gagner en efficacité ; nous le voterons à l’unanimité ou à la majorité, en fonction de l’évolution de nos débats. Nous espérons que l’expérimentation permise sur le site de Saint-Avold pourra être étendue à d’autres territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Christine Herzog et M. Khalifé Khalifé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue les auteurs, en particulier Khalifé Khalifé, de cette proposition de loi ô combien importante pour notre pays et notre région.

Je préside le groupe d’études Énergie du Sénat depuis près de dix ans. S’il est un sujet sur lequel l’État a louvoyé, c’est bien celui de la fermeture des centrales à charbon.

Dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-Climat, l’État a souhaité fermer ces centrales d’ici à 2022. Rapporteur de la commission lors de l’examen de ce texte, j’avais à l’époque dénoncé l’absence d’étude d’impact autour de cette fermeture et j’avais voulu protéger les sous-traitants ainsi que les salariés en conditionnant notre vote à l’institution d’un fonds d’accompagnement.

Nous avions obtenu gain de cause, puisque le Gouvernement avait créé un tel fonds par ordonnance. Depuis, monsieur le ministre, je défends chaque année lors de la discussion budgétaire un amendement visant à en revaloriser le montant.

Dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, l’État a voulu modifier le droit social appliqué aux centrales à charbon. Ici encore, nous avons accompagné ce mouvement sous conditions, en consolidant le droit au reclassement.

Dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’État a entendu réautoriser le fonctionnement des centrales à charbon, dont il a compris l’intérêt pour assurer notre approvisionnement face à la crise énergétique. Nous avons soutenu sans réserve cette décision.

La présente proposition de loi vise à accompagner les projets de conversion des centrales fossiles et à favoriser leur éligibilité au mécanisme de capacité. Ce texte technique est crucial pour les projets concernés.

Les travaux réalisés en commission ont permis la consolidation juridique du texte. Ils offrent un cadre robuste pour réaliser de tels projets. La direction générale de l’énergie et du climat, Réseau de transport d’électricité et la Commission de régulation de l’énergie y ont d’ailleurs contribué.

Ces travaux n’ont pas modifié le périmètre initial du texte, qui concerne les énergies fossiles. À ce stade, j’y insiste, seule la centrale de Saint-Avold a fait part à l’État et à RTE de son souhait de bénéficier des mesures prévues : elle en aura la primeur. Le projet de conversion vers les huiles végétales hydrotraitées expérimenté à la centrale de Vaires-sur-Marne n’en sera pas exclu.

Ces projets ne sont pas affectés par les délais d’application du texte, qui doivent être les plus courts possible. La proposition de loi modifie le mécanisme de capacité qui, en application de la dernière loi de finances, fait l’objet de négociations européennes en cours.

De plus, la proposition de loi intervient à droit de l’environnement constant, comme il est précisé dans son exposé des motifs et dans le texte issu des travaux de la commission. Il ne s’agit que de références au droit existant.

J’appuie donc sans réserve la consolidation juridique opérée par la commission, lot de tout examen législatif. Elle sécurise la forme, sans rien changer au fond. Gardons en mémoire que la précédente réautorisation des centrales à charbon, mal calibrée, a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel en 2022.

Pour conclure, l’adoption de ce texte technique serait vaine sans une révision de notre programmation énergétique. L’État ayant trop louvoyé, monsieur le ministre, c’est à la représentation nationale de définir notre cap énergétique. Comme de nombreux collègues, je déplore que le Gouvernement envisage de publier par décret la programmation pluriannuelle de l’énergie, sans passer par la loi de programmation pourtant requise depuis la loi Énergie-Climat.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Gremillet. Le Sénat a pu débattre de notre mix énergétique. Nous souhaitons que le Parlement puisse s’emparer des choix stratégiques pour l’énergie de la France de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, du célèbre Germinal d’Émile Zola à la chanson Les Corons de Pierre Bachelet, l’extraction du charbon semble appartenir à une autre époque.

Pourtant, force est de constater que le charbon est toujours un sujet d’actualité. Après avoir eu un rôle fondamental dans le développement industriel de la France au XIXe siècle, le charbon a été pointé du doigt en raison des conditions de travail délétères des mineurs et des risques sanitaires importants qu’il engendrait.

Le charbon a ensuite été reconnu comme étant l’une des énergies les plus émettrices de dioxyde de carbone.

En toute logique, la France a donc décidé de fermer ses mines de charbon. La dernière mine de notre pays a d’ailleurs cessé d’être exploitée en 2004 à Creutzwald, près de la frontière franco-allemande. La fermeture de ces mines n’était toutefois qu’une première étape, puisque notre pays est encore doté de centrales à charbon.

En 2020, quatre centrales à charbon étaient toujours ouvertes en France. Leur fermeture, annoncée en 2022, a été repoussée à 2027 pour les deux dernières d’entre elles : les centrales de Saint-Avold, en Moselle, et de Cordemais, en Loire-Atlantique.

En septembre 2023, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé lors de la conclusion du Conseil de planification écologique l’ambition de décarboner notre économie et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Dans son intervention, il avait insisté sur un objectif absolument fondamental pour réussir la décarbonation : la sortie du charbon, au plus tard le 1er janvier 2027.

Il s’agit d’une étape importante pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et assurer notre souveraineté énergétique fondée sur le nucléaire et les énergies renouvelables.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, il a donc été précisé à l’époque que les centrales à charbon de Saint-Avold et Cordemais seraient converties au biogaz et à la biomasse d’ici à 2027. Mais pour qu’une centrale charbon puisse faire l’objet d’une conversion, encore faut-il lui faciliter la tâche.

Cette proposition de loi a ainsi pour objectif de s’assurer que les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles converties à une autre source d’énergie primaire pour émettre moins de 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure puissent être éligibles au futur mécanisme de capacité européen.

Le texte présente selon moi de nombreux avantages, en matière de respect de nos engagements environnementaux, de renforcement de notre souveraineté énergétique ou encore d’emploi.

Tout d’abord, il répond à une exigence essentielle, celle de respecter nos propres engagements environnementaux, en l’occurrence les accords de Paris, par lesquels la France s’est engagée à réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre. Se séparer d’une énergie fossile telle que le charbon s’avère donc inévitable.

Il s’agit également d’une étape importante pour notre transition énergétique. La transformation de ces installations en unités utilisant des combustibles émettant moins de CO2 contribuera à la diminution de notre empreinte carbone.

Par ailleurs, la fermeture de ces centrales entraînera la réduction de nos importations de charbon et nous permettra de ne plus être dépendants de cette source d’énergie fossile. Face aux tensions internationales et à la crise énergétique européenne survenue ces dernières années, réduire notre dépendance en la matière est décisif pour atteindre notre quête de souveraineté énergétique.

En outre, faciliter la conversion d’une centrale à charbon présente des avantages non négligeables par rapport à la fermeture pure et simple d’un site.

Bien évidemment, je me fais l’écho des arguments de l’auteur de la proposition de loi, qui soulignait en commission les conséquences sociales d’une reconversion. Environ 150 familles sont directement concernées, voire 500 familles si l’on prend en compte les emplois indirects. Dans des territoires déjà traumatisés par la désindustrialisation, lever les freins à la reconversion permettrait donc de préserver des centaines d’emplois sur les sites des anciennes centrales.

En attendant la refonte du mécanisme de capacité électrique européen, qui doit intervenir entre fin 2026 et début 2027, ce texte présente des avantages environnementaux, géostratégiques et sociaux.

Mes chers collègues, nos débats en commission ont permis d’enrichir le texte. Nous avons notamment précisé que la proposition de loi ne s’appliquerait qu’aux seules centrales existantes produisant de l’électricité à partir de combustibles fossiles.

Compte tenu des objectifs et des dispositions de cette proposition de loi, le groupe RDPI votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Mizzon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » : que ce trait d’esprit d’Alexis de Tocqueville illumine nos travaux.

Près de cent cinquante ans après l’apparition des premières centrales thermiques françaises et environ vingt ans après la fermeture de la dernière mine de charbon, nous discutons du devenir des deux dernières centrales à charbon françaises : Saint-Avold et Cordemais.

Reconnaissons à la décision d’arrêter la production d’électricité par la combustion de charbon son caractère précurseur, quand cette dernière représentait encore 86 % de l’énergie produite en Pologne en 2012 et 43 % de l’énergie produite aux États-Unis ou en Allemagne.

Aussi faut-il associer à cette démarche exemplaire la réussite de la conversion de nos deux dernières centrales nationales. Cette réussite suppose trois conditions : la progressivité nécessaire à cette transition ; la garantie de notre autonomie énergétique et de nos approvisionnements en cas de pic de consommation, a fortiori en cette période de hautes tensions internationales ; le respect des salariés et le maintien de leurs compétences rares d’énergéticiens.

À ces conditions, nous ne pouvions que saluer la déclaration du Président de la République qui, le 23 septembre 2023, affirmait que Cordemais et Saint-Avold allaient être reconverties en centrales à biomasse.

Pour mon territoire et pour les 500 salariés travaillant à la centrale de Cordemais, auxquels il faut ajouter près de 800 emplois indirects, cette déclaration apportait une issue positive à une mobilisation de dix ans, sur l’initiative des représentants syndicaux, soutenus par les collectivités locales et l’ensemble des élus tant locaux que nationaux.

Dix ans de travail pour élaborer un projet de territoire commun, le négocier, le tester et convaincre. Dix ans pour soutenir la conversion de la plus grande centrale à charbon de France encore en activité autour du projet Ecocombust.

Imaginez alors, monsieur le ministre, notre colère et notre révolte contre la direction d’EDF, qui a annoncé l’été dernier, profitant de la vacance gouvernementale, sa décision de ne pas donner suite au projet de Cordemais, comme je l’ai rappelé ici même lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement du 16 octobre dernier. Une entreprise dont l’actionnaire unique est l’État ne peut dicter ainsi sa loi au politique – et je ne ferai évidemment aucun commentaire sur l’actualité concernant la tête du groupe EDF…

Par conséquent, nous ne pouvons que saluer la démarche transpartisane de notre collègue Khalifé Khalifé et des coauteurs de ce texte, ainsi que le travail accompli par le rapporteur pour élargir l’objet initial de la proposition de loi. De même, je ne peux que rendre hommage à l’esprit de sagesse de mes collègues de la commission des affaires économiques et de sa présidente, ayant conduit à l’insertion de l’article 4, rédigé sur l’initiative de notre collègue Karine Daniel.

Cet article est crucial pour conforter la transition énergétique et garantir la sécurité de l’approvisionnement de l’ensemble de nos territoires. Il impose à EDF de présenter un plan de conversion des centrales à charbon en lieux de production d’énergie à bas carbone d’ici à la fin du mois de décembre 2026. Le groupe du RDSE aborde donc très favorablement les débats sur le texte de la commission.

Nous nous inquiétons en revanche de l’amendement gouvernemental portant sur l’article 4, qui tend à vider intégralement cet article de sa substance. Il aurait été plus courageux de votre part, monsieur le ministre, de proposer sa suppression pure et simple…

Au nom de notre souveraineté énergétique, de nos objectifs de transition et de la préservation de l’emploi dans nos territoires, mais aussi parce que l’on ne revient pas sur la parole présidentielle, nous serons particulièrement vigilants à la défense de cet article, lors de nos débats et tout au long du parcours parlementaire de cette proposition de loi.

Je l’ai indiqué le 16 octobre dernier et je le répète aujourd’hui : la transition énergétique ne se fera pas contre les territoires et leurs habitants. Saint-Avold et Cordemais doivent rester des lieux de production d’électricité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Christine Herzog applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi suscite, sur la forme comme sur le fond, la plus grande perplexité au sein du groupe UC, tant elle paraît, à maints égards, contraire à son objectif initial – cela dit, les débats ne font que commencer…

À l’origine, toutes les conditions étaient réunies pour que soit adoptée la proposition de loi déposée le 11 février dernier et rédigée par notre collègue Khalifé Khalifé. Il allait de soi que seule la conversion des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pouvait permettre une transition écologique socialement plus juste.

Autre qualité, et non des moindres – le fait est suffisamment rare pour être souligné –, de cette proposition de loi : elle était cosignée par les cinq sénateurs mosellans. Enfin, transpartisane et consensuelle, elle répondait aux attentes manifestées sur toutes les travées de la Haute Assemblée.

La discussion générale de ce jour s’annonçait donc parfaitement sereine. Mais le sera-t-elle réellement ?

En incluant le fioul dans le périmètre du texte, la commission des affaires économiques fait le choix, que je regrette, de relancer massivement l’utilisation de l’un des pires combustibles fossiles du point de vue des émissions de dioxyde de carbone. Surtout, cette décision, difficilement compréhensible, condamne la conversion de la centrale de Saint-Avold et, avec elle, l’opportunité d’une véritable transition énergétique locale.

Comment, dans ces conditions, comprendre cette proposition de loi, dont la substance a tant changé de nature ? Souvenez-vous, ce texte avait initialement pour objet d’accompagner la conversion des dernières centrales à charbon de France, l’une située en Loire-Atlantique, à Cordemais, l’autre – la centrale Émile-Huchet – à Saint-Avold, en Moselle.

La fermeture de ces centrales était prévue à l’origine pour 2026, puis elle a été repoussée à 2027, afin de servir d’appoint à la production d’électricité en raison de la guerre d’Ukraine et de la faible production nucléaire.

C’est en 2023 que le Président de la République a annoncé la conversion de la centrale de Saint-Avold en une centrale de biomasse, pour un coût relativement modeste : entre 500 millions et 600 millions d’euros pour une centrale biomasse à 100 % et quelque 100 millions d’euros pour une centrale biomasse à 50 %. Cette annonce présidentielle avait suscité beaucoup d’espoirs en Moselle.

Je tiens à dire, pour la parfaite information de tous et sans vouloir être trop technique, que les centrales thermiques classiques fonctionnent avec l’énergie produite par une chaudière à vapeur alimentée indifféremment par du charbon, du gaz naturel, du fioul, ou encore de la biomasse, combustible peu coûteux et disponible en grande quantité puisqu’il valorise des déchets végétaux, essentiellement du bois ou des produits issus du bois, mais aussi des végétaux agricoles.

In fine, alors que le scénario d’un passage à une centrale au gaz, estimé à 110 millions d’euros en 2024, s’est révélé peu rentable, c’est lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement du Sénat, le 12 février 2025, que le ministre de l’économie, répondant à ma collègue Catherine Belrhiti, qui l’interrogeait sur l’avenir du site de Saint-Avold, a confirmé que la conversion de la centrale Émile-Huchet en centrale à biomasse, trop complexe, serait remplacée par une conversion vers le gaz naturel ou le biogaz. Et le ministre d’expliquer que les « textes en vigueur ne permett[ai]ent pas d’opérer cette transformation à droit constant », ce qui impliquait la nécessité de légiférer.

D’où le dépôt, par mon excellent collègue Khalifé Khalifé, de cette proposition de loi, comprenant initialement deux articles, visant à reconnaître les centrales à charbon converties parmi les nouvelles installations de production d’électricité et à s’assurer de l’éligibilité de celles-ci au mécanisme de capacité de production d’électricité, prévu par le code de l’énergie.

Or la décision de la commission des affaires économiques, qui dénature la proposition initiale de Khalifé Khalifé, condamne irrémédiablement la conversion de la centrale de Saint-Avold. En effet, les financements censés aider cette centrale, qui pourrait devenir un modèle d’innovation et de décarbonation, à sortir du charbon seront captés par des infrastructures au fioul, qui ne fonctionnent presque plus, ne nécessitent aucun investissement et ne menacent aucun emploi ou presque.

Cette proposition de loi, telle qu’elle avait été rédigée par Khalifé Khalifé, était nécessaire, parce qu’elle répondait pleinement aux attentes actuelles des différentes parties prenantes, lesquelles se sont senties rassurées quant au maintien d’une activité créant de nombreux emplois, et qu’elle préservait le tissu économique des territoires concernés, comme le bassin de l’est mosellan.

Mes chers collègues, le maintien en activité d’une centrale permet de conserver le personnel sur place, de conforter le réseau des sous-traitants et de ne pas engendrer de séisme socio-économique sur le territoire. C’est un important facteur de stabilité, apprécié des élus, des décideurs et, surtout, de la population locale.

Saborder la conversion de la centrale de Saint-Avold et son modèle résilient constituerait une faute politique. Priver des travailleurs d’un avenir durable dans une filière énergétique d’avenir serait une erreur, non seulement économique, mais également écologique, dont nous serions tous comptables et que les générations futures ne nous pardonneraient pas. Enfin, sur le plan humain, quel gâchis ! quelle faillite !

Ainsi, vous l’aurez compris, je ne voterai pas ce texte si nos amendements ne sont pas adoptés. Mais j’y crois…

Enfin, je tiens à saluer la présence, en tribune, du président du conseil départemental, Patrick Weiten, accompagné de plusieurs maires et de presque tous les salariés du secteur, afin de vous faire comprendre, mes chers collègues, l’insigne importance du sujet. Ils comptent sur votre appui ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Michaël Weber applaudissent également.)