compte rendu intégral
Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Nicole Bonnefoy.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
prisonniers arméniens détenus illégalement à bakou
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 351, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le sort des otages arméniens prisonniers à Bakou après que l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont récemment annoncé la signature imminente d’un accord de paix censé mettre fin à trois décennies d’un conflit armé ayant fait des milliers de morts.
En septembre 2023, l’Azerbaïdjan a pris le contrôle du Haut-Karabagh à l’issue d’une attaque fulgurante et extrêmement meurtrière, qui a poussé à l’exode la quasi-totalité de la population, soit plus de 100 000 Arméniens, qui n’avaient le choix qu’entre partir ou mourir.
Ces derniers jours, la communauté internationale, y compris la France, se félicite de l’annonce d’un futur traité de paix. Si nous pouvons nous réjouir des efforts réalisés pour installer une paix juste et durable dans la région, nous ne savons à ce stade que très peu de choses sur le contenu de cet accord. Faute d’alliés puissants, nous imaginons que l’Arménie a dû faire de nombreuses concessions.
Quoi qu’il en soit, les prisonniers de guerre arméniens retenus à Bakou ne sauraient être les oubliés de ces négociations, comme il semble que ce soit le cas. Ils sont vingt-trois prisonnières et prisonniers arméniens du Haut-Karabakh à croupir dans les geôles azerbaïdjanaises. Parmi eux figurent d’anciens dirigeants de l’Artsakh, des journalistes, des militants des droits humains, des hommes et des femmes enfermés sans procès équitable.
En effet, le 14 janvier dernier s’est ouvert à Bakou un simulacre de procès, qui n’avait rien à voir avec la justice. C’était un théâtre de l’horreur : nous avons vu leurs visages émaciés, leurs corps éprouvés par les privations. Tous sont torturés, humiliés. Les femmes sont victimes de violences fondées sur leur genre. L’eau leur est refusée, la lumière ne s’éteint jamais dans leurs cellules, les visites sont interdites, de même que les soins médicaux. Certains sont battus, tandis que d’autres s’apprêtent à disparaître dans l’anonymat des geôles azerbaïdjanaises.
Monsieur le ministre, les droits de ces prisonniers sont bafoués, et leur dignité abandonnée. La France va-t-elle à son tour les abandonner ? Que faisons-nous pour eux ? Que faisons-nous pour les sortir de là ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, la France suit attentivement la situation en Azerbaïdjan.
Les procès des Arméniens du Haut-Karabagh ont débuté le 17 janvier dernier au tribunal militaire de Bakou et nous prêtons une attention toute particulière aux inquiétudes exprimées par les organisations de défense des droits de l’homme quant à l’équité du jugement et au traitement des accusés.
Nous avons rappelé à plusieurs reprises – et nous continuerons de le faire – au gouvernement azerbaïdjanais ses obligations internationales en matière de respect des droits fondamentaux. L’Azerbaïdjan doit tout particulièrement garantir que chaque individu ait droit à une procédure régulière et à un procès équitable, et qu’il soit détenu dans des conditions dignes et sûres. Nous avons également rappelé que les signalements de torture et de mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête rapide et impartiale.
Les procès du tribunal militaire de Bakou touchent toutefois à la question bien plus vaste de l’instauration d’une paix durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. À cet égard, la France a salué l’annonce de l’aboutissement de la négociation d’un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Plus rien ne s’opposant désormais à sa signature, nous avons appelé les parties à fixer une date sans délai.
La normalisation des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des deux États, doit permettre au Sud-Caucase de devenir un espace de paix, d’intégration et de coopération, avec des frontières ouvertes, au bénéfice des populations de la région.
Madame la sénatrice, je vous sais très engagée sur ce sujet. Nous continuerons de suivre la situation de très près et nous vous ferons parvenir un complément de réponse par écrit si vous le souhaitez.
situation critique en république démocratique du congo
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, auteur de la question n° 384, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, la République démocratique du Congo (RDC) s’enfonce dans une crise aux ramifications régionales et internationales alarmantes. Il ne s’agit pas simplement d’un conflit de plus dans une région instable ; il s’agit d’une guerre hybride, alimentée par des intérêts économiques, miniers et stratégiques, qui échappe aux logiques classiques des affrontements étatiques ou civils.
Il me faut rappeler que le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu de manière attestée par le Rwanda, n’est pas un acteur isolé. Il s’inscrit dans une toile complexe d’ingérences, de prédation des ressources naturelles et de reconfigurations d’alliances régionales. Ce groupe armé, responsable d’exactions massives, avance en territoire congolais avec des moyens militaires incompatibles avec ceux d’une simple rébellion locale.
Nous avons affaire non pas à une guerre civile, mais à une agression dissimulée, aux conséquences humanitaires désastreuses. Les chiffres sont éloquents : plus de 6,9 millions de déplacés internes et des milliers de civils massacrés, sans parler des violences sexuelles systématisées. Les structures de santé sont débordées, notamment à Goma, où plus de 4 500 blessés ont été pris en charge à la fin du mois de février.
S’il se déroule loin de nos frontières, ce drame résonne douloureusement en France. De nombreux Français d’origine congolaise, impuissants face au cauchemar que traversent leurs proches, vivent dans l’angoisse. J’en veux pour preuve cette lettre poignante d’un collégien de Vitry-sur-Seine que j’ai reçue il y a quelques jours : le jeune Joseph, qui est présent dans les tribunes de l’hémicycle, y exprime son désespoir face à la situation de sa famille, restée à l’est du pays.
Monsieur le ministre, alors que d’autres pays ont pris des sanctions claires contre Kigali, la France reste prudente – trop prudente ! Jusqu’à quand ? Quelle ligne rouge faudra-t-il encore franchir pour que notre diplomatie sorte de l’ambiguïté ? Continuerez-vous de parler de médiation tandis que la souveraineté congolaise s’effondre ?
La France est-elle enfin prête à nommer les responsables, à agir et à peser pour mettre fin à ce conflit qui menace tout l’équilibre de l’Afrique centrale ? Envisagez-vous de prendre des sanctions, comme l’ont déjà fait l’Allemagne, le Canada et d’autres nations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Akli Mellouli, je vous remercie de soulever dans cette enceinte la question importante de la crise se déroulant dans l’est de la RDC, qui est actuellement l’une des plus graves au monde.
La diplomatie française est mobilisée sur tous les fronts pour que la paix revienne dans cette région, qui a déjà été trop meurtrie. Notre objectif est clair : obtenir un cessez-le-feu et permettre la reprise du dialogue entre les parties.
Le Président de la République et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sont en contact régulier avec leurs homologues de la région pour les appeler à cesser les hostilités et à reprendre le dialogue. Jean-Noël Barrot s’est ainsi rendu à Kinshasa et à Kigali à la fin du mois de janvier pour porter un message clair aux présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame : le droit international doit être respecté et les armes ne résoudront pas les problèmes complexes de l’est de la RDC. La France continuera de se mobiliser en ce sens.
Au Conseil de sécurité de l’ONU, la diplomatie française est depuis longtemps mobilisée. Elle y a récemment défendu la résolution 2773, qui a été adoptée à l’unanimité le 21 février dernier. Celle-ci condamne pour la première fois en des termes aussi clairs l’offensive du M23 et la présence rwandaise en RDC. Elle appelle le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et à se retirer du territoire de la RDC. Le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi envoyé un message fort, car unanime.
À Bruxelles, nous avons adopté la semaine dernière de nouvelles mesures restrictives contre neuf personnalités du M23 et de l’armée rwandaise, ainsi que contre une entité, et nous sommes ouverts pour discuter d’autres mesures.
Face aux conséquences humanitaires du conflit, nous avons augmenté, à titre bilatéral, notre appui humanitaire de 3 millions d’euros pour répondre aux besoins élémentaires des populations touchées en RDC.
Vous le voyez, nous sommes mobilisés sur tous les fronts, en soutien des médiations régionales africaines, pour que les conditions d’une paix et d’une prospérité durables dans les Kivu soient enfin réunies.
création d’une « mdph 99 » à destination des français établis hors de france
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 281, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, pour nos compatriotes résidant à l’étranger, la reconnaissance du handicap d’un enfant, puis l’attribution d’aides sociales pour obtenir l’assistance d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) relèvent d’un véritable parcours du combattant.
Cette situation résulte notamment du fait que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont des guichets uniques recueillant toutes les demandes, qu’elles viennent de France ou du reste du monde. Si les Français vivant à l’étranger peuvent choisir n’importe quelle MDPH pour instruire leur demande, celle de Paris est la plus sollicitée : l’année dernière, elle a reçu 119 demandes, tandis que celle du Rhône, par exemple, n’en a reçu que 13.
Cette procédure est longue, complexe et mal adaptée aux spécificités des Français résidant hors de France. Pour remédier aux difficultés rencontrées par ces derniers, je vous ai proposé la création d’une MDPH qui leur serait dédiée, en concertation avec les conseillers des Français de l’étranger, dont je salue le travail et l’engagement sur ce dossier.
Il semblerait que cette piste ait été écartée lors de la dernière réunion de l’observatoire des élèves à besoins éducatifs particuliers de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), faute d’un nombre de demandes jugé suffisant.
Pourtant, les chiffres sont incontestables : le nombre d’élèves accompagnés par un AESH est en augmentation constante ces dernières années, passant de 69 en 2015-2016 à 474 en 2023-2024.
Monsieur le ministre, si la création d’une « MDPH 99 » ne semble pas envisagée, les besoins sont réels et les dysfonctionnements persistent, malgré les efforts des différents groupes de travail mis en place par l’AEFE et la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE).
Dès lors, pourquoi ne pas implanter un guichet au sein d’une MDPH existante, qui centraliserait les demandes de toutes les familles et dont les personnels seraient spécifiquement formés ? Cette solution réduirait les délais de traitement, améliorerait l’accompagnement des familles et garantirait que l’école inclusive soit accessible à tous nos enfants, où qu’ils se trouvent.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Hélène Conway-Mouret, l’accompagnement des familles françaises établies à l’étranger dont un enfant se trouve en situation de handicap constitue une priorité de l’action sociale du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
En 2024, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé a ainsi été versée à 821 familles, et l’aide au financement des accompagnants d’élèves en situation de handicap l’a été à 473 familles, pour un montant total de 4,1 millions d’euros.
Le ministère a par ailleurs engagé un dialogue avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et le ministère de la santé afin de sensibiliser les MDPH à la nécessité d’harmoniser les pratiques au sein de leur réseau et d’accélérer le traitement des dossiers.
De plus, une fiche technique à l’attention des MDPH est en cours d’actualisation, afin de mieux leur faire appréhender les spécificités des demandes et des procédures propres aux Français de l’étranger en situation de handicap.
Pour toute urgence ou lorsque le délai d’instruction se prolonge au-delà de la moyenne, nos services – et plus spécifiquement la DFAE et les postes consulaires – saisissent la MDPH concernée en vue d’inscrire le dossier à la commission pluridisciplinaire.
Pour répondre à votre question, la création d’une MDPH consacrée aux Français de l’étranger a fait l’objet d’une réflexion au sein d’un groupe de travail en lien avec la CNSA. Jusqu’à présent, cette réflexion n’a pas été conclusive, principalement en raison du nombre limité d’allocataires en situation de handicap résidant à l’étranger au regard du nombre moyen d’allocataires gérés par une MDPH en France.
S’agissant des aides au financement des AESH, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est associée aux travaux en cours avec la CNSA en vue de faciliter les procédures pour les familles à l’étranger. Ces travaux portent notamment sur la systématisation des notifications pluriannuelles, sur l’instauration d’un calendrier de dépôt et de traitement des dossiers par les MDPH qui soit compatible avec la rentrée scolaire et sur la communication sur le parcours usager afin d’améliorer l’accompagnement des familles dans leurs démarches.
Enfin, des facilités peuvent être mises en place en cas de difficulté de paiement pour les familles en situation précaire. Les échéances des familles boursières sont ainsi assumées à 100 %, par le biais du versement par l’établissement de l’aide directement à l’accompagnant ou d’une avance permettant de rémunérer ce dernier.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, il est indéniable que de gros efforts sont réalisés, mais les difficultés demeurent. Aussi, je vous invite à considérer ma proposition et toutes celles qui sont susceptibles d’aider ces familles en difficulté.
mise en application de la circulaire du 22 novembre 1999 relative aux aspirations endotrachéales
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 321, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et porte sur la circulaire du 22 novembre 1999 relative aux aspirations endotrachéales, qui entraîne des difficultés d’application pour les parents dont les enfants sont atteints de maladies rares les empêchant de s’alimenter par eux-mêmes.
En effet, elle prévoit que le maintien de la liberté des voies respiratoires nécessite chez les personnes trachéotomisées des aspirations endotrachéales périodiques. Ces gestes peuvent être pratiqués par les parents et, en cas d’indisponibilité, par des infirmiers ou des masseurs kinésithérapeutes habilités à les accomplir. En l’absence d’infirmier et sur prescription médicale, ils peuvent également être réalisés par des personnes ayant suivi une formation ad hoc.
Les infirmières libérales sollicitées par les parents refusent très souvent d’intervenir, car elles jugent que la gastrostomie est un acte trop contraignant. Les parents sont alors obligés de s’absenter de leur travail à l’heure du déjeuner pour brancher et débrancher l’alimentation de leur enfant, y compris lorsqu’il est à l’école, car le personnel scolaire n’est pas autorisé à faire ce geste.
À ce jour, de nombreux parents sont concernés par le manque de disponibilité de tiers susceptibles d’assurer périodiquement et très rapidement ces aspirations endotrachéales. Il a même été constaté que, dans certains instituts médico-éducatifs (IME), les infirmières responsables des enfants trachéotomisés sont dans l’impossibilité d’assurer des soins réguliers en raison de leur surcharge de travail.
Madame la ministre, quelles sont les solutions envisagées pour aider les parents lorsque, ne pouvant pas s’absenter de leur travail, ils ne parviennent pas à trouver une personne autorisée par la circulaire pour intervenir rapidement et pratiquer de façon régulière les aspirations endotrachéales dont sont tributaires leurs enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi. Monsieur Pascal Martin, je vous remercie de votre question, qui souligne le stress que vivent certaines familles, dans la mesure où il est question d’une nécessité vitale.
Le maintien de la liberté des voies respiratoires nécessite chez les personnes trachéotomisées des aspirations endotrachéales périodiques qui ne peuvent pas être planifiées et doivent être effectuées très rapidement.
Les patients qui ont l’usage de leurs mains les réalisent eux-mêmes. Lorsque ce n’est pas le cas, ils doivent avoir recours à l’assistance d’un tiers. Jusqu’en 1999, seuls les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes étaient habilités à accomplir ce geste, ce qui compromettait le retour à domicile ou l’accueil en structure d’hébergement de personnes dont l’état ne nécessitait plus une hospitalisation et posait problème aux parents ayant des enfants à la maison.
Les textes parus en 1999 ont autorisé toute personne ayant suivi une formation ad hoc à pratiquer ces aspirations endotrachéales en l’absence d’un infirmier. Les problèmes que vous mettez en avant ne sont donc pas liés à des limitations imposées par les textes ; ils sont d’ordre organisationnel et découlent de la pénurie de personnel qualifié. Des solutions doivent être trouvées dans le dialogue en fonction de l’environnement de chaque personne.
Par ailleurs, les personnels scolaires sont parfaitement autorisés à faire ce geste dès lors qu’ils ont suivi la courte formation que je viens de mentionner.
Nous avons également ajouté en 2021 la maîtrise de cet acte à la formation des aides-soignants et des ambulanciers pour augmenter le nombre de personnes formées et susceptibles d’intervenir.
Dans le cadre de la refonte de la profession d’infirmier, un grand travail de concertation autour de l’évolution de la profession a été lancé en 2023 et a abouti à l’adoption en première lecture de la proposition de loi sur la profession d’infirmier à l’Assemblée nationale, qui élargit les compétences des infirmiers et infirmières.
Le ministère de la santé anime de nombreux groupes de travail avec la profession. Cette question spécifique sera abordée avec les infirmiers libéraux. Je le répète, le blocage ne provient pas des textes. Il nous faut donc trouver des solutions organisationnelles selon l’environnement des personnes concernées. C’est une nécessité absolue, à la fois pour les personnes concernées et pour leur entourage.
conséquences d’un projet de décret menaçant le secteur de la petite enfance
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 344, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, le décret relatif à la nouvelle procédure d’autorisation des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) et au renforcement de la qualité de l’accueil dans les microcrèches, dont la mise en œuvre est prévue pour le 1er janvier 2026, suscite de nombreuses inquiétudes chez les professionnels de la petite enfance.
Bien sûr, personne n’a rien de plus précieux à confier à la garde d’autrui que ses enfants. Chacun peut donc trouver louable que les normes d’encadrement en vigueur dans les crèches de petite taille s’appliquent également dans les microcrèches.
Néanmoins, force est de constater que l’État se trouve, pour l’heure, dans l’impossibilité de former un nombre suffisant de candidats pour répondre aux besoins, ce qui menace directement l’avenir du secteur de la petite enfance. En effet, les nouvelles normes pourraient entraîner la disparition de 80 000 places d’accueil et la fermeture de plusieurs milliers de microcrèches sur l’ensemble du territoire français, alors même qu’il existe déjà une pénurie de professionnels qualifiés dans ce secteur.
Madame la ministre, ma question s’articule en deux temps.
Pouvez-vous nous confirmer que cette réforme ne s’appliquera pas aux 15 000 professionnels déjà en poste qui sont titulaires d’un CAP petite enfance et que le niveau de qualification exigé ne s’appliquera aux recrutements qu’à compter du 1er septembre 2026 ?
Par ailleurs, vous engagez-vous à entamer un processus de concertation sur le calendrier de déploiement de cette réforme, sur la formation de professionnels en urgence pour répondre aux nouvelles exigences de qualification et sur la mise en œuvre de mesures transitoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, le projet de décret que vous mentionnez est fondamental pour assurer la qualité de l’accueil du jeune enfant. De nombreuses informations erronées ayant circulé à son sujet, je me dois d’être très claire sur ce que prévoit ce projet de décret, qui vient d’être examiné par le Conseil d’État.
Il a pour objet d’aligner les normes d’encadrement des microcrèches sur celles des crèches classiques de taille similaire, les petites crèches. Ainsi, les microcrèches devront compter au moins un professionnel de catégorie 1, c’est-à-dire titulaire d’un diplôme d’État. De même, l’accueil de moins de trois enfants par un professionnel seul ne pourra être assuré qu’à la condition que celui-ci soit titulaire d’un tel diplôme. Par ailleurs, un directeur ne pourra exercer des fonctions de direction que dans deux établissements au maximum.
Toutefois, il convient de rappeler que ce décret n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er septembre 2026. Les auxiliaires de puériculture ou tout autre professionnel occupant le poste de référent technique avant cette date pourront être maintenus à leur poste.
Les titulaires d’un CAP présents dans les crèches n’auront pas à acquérir le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture et pourront continuer d’exercer. En effet, de nombreuses crèches disposent déjà d’un directeur ou référent technique pour deux structures et comptent 40 % de personnel dit qualifié, c’est-à-dire de catégorie 1.
Ces mesures sont essentielles pour respecter les besoins des enfants et assurer leur sécurité. En effet, les enfants accueillis dans les microcrèches étant les mêmes que ceux qui sont accueillis dans les petites crèches classiques, il n’y a aucune raison que les conditions d’encadrement diffèrent.
L’État n’abandonne pas les microcrèches. Au contraire, il les finance, notamment par le versement aux parents du complément de libre choix du mode de garde (CMG). En ce qui concerne les microcrèches subventionnées par la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), j’attire votre attention sur le fait que le coût de revient moyen reste à ce jour inférieur au plafond de 10 euros par heure et que je ne dispose à ce jour d’aucun élément financier me démontrant l’inverse.
Enfin, pour reconnaître l’engagement des professionnels et renforcer l’attractivité des métiers, le Gouvernement entend faciliter l’accès au diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture ou tout autre diplôme appartenant à la catégorie 1 par voie de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé pour accompagner ce changement, qui est conduit en faveur de la sécurité et du bien-être de nos enfants.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Une mobilisation importante s’est exprimée en février par l’opération « crèches mortes » et j’estime qu’il est urgent d’ouvrir une phase de concertation avec les professionnels du secteur et les élus locaux pour améliorer la qualité de l’accueil de l’enfant en tenant compte du manque cruel d’effectifs dans le secteur.
création de résidences de répit partagé
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 388, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap.
M. Olivier Rietmann. Madame la ministre, en France, plus de 11 millions de personnes soutiennent un proche en situation de handicap, de perte d’autonomie ou de maladie chronique ou invalidante. Ce nombre va augmenter dans les prochaines années du fait des évolutions démographiques et de la demande accrue pour le maintien à domicile.
En décembre 2022, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) formulait des préconisations pour soutenir les aidants. L’une d’entre elles portait sur le soutien au développement des séjours de vacances aidés-aidants. Cette mesure figure bien dans la stratégie « Agir pour les aidants ».
Toutefois, l’Igas estimait dans ce rapport que cette stratégie était en retrait par rapport aux ambitions initiales, en raison notamment d’une faible consommation des crédits afférents par les agences régionales de santé (ARS). Elle déplorait, d’une part, le peu d’appels à projet ou à manifestation d’intérêt et, d’autre part, la réticence des ARS à financer ce type d’offre, qui tient de l’expérimentation.
Pourtant, la création de résidences de répit partagé aidés-aidants offre une solution innovante, dont les nombreux atouts ont déjà été longuement évoqués dans cet hémicycle. Ce fut le cas encore très récemment, lors de l’examen des textes budgétaires pour 2025, au travers des amendements de nos collègues Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, Patrick Kanner et Monique Lubin.
Nous avons d’ailleurs été entendus, puisque l’annexe du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) indique que 80 millions d’euros concerneront des « mesures domicile », et notamment des solutions de répit pour les familles.
Sur le terrain, cette hausse des moyens est attendue par les ARS et par les porteurs de projet. Je pense en particulier au projet expérimental ciblé sur la commune de Luxeuil-les-Bains, dans mon département, la Haute-Saône, qui présente la particularité médicale de permettre l’accès des aidants aux soins thermaux.
Madame la ministre, confirmez-vous que cette enveloppe de 80 millions d’euros servira – et, le cas échéant, à quelle hauteur – à déployer de nouvelles places en résidence de répit partagé ? Quelles mesures mettez-vous en œuvre pour inciter les ARS à se saisir de cet enjeu de premier ordre ?