M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, sur l’article.

M. Grégory Blanc. À titre personnel, je ne doute en aucune manière de l’engagement de mon homonyme Jean-Baptiste Blanc et de Guislain Cambier : je suis convaincu que leur volonté est bel et bien que nous trouvions les moyens d’atterrir sur un zéro artificialisation nette à l’horizon de 2050.

En revanche, je ne comprends absolument pas leur proposition de loi. Cela a été dit tout à l’heure, et nous nous devons d’y insister : la mission d’information qui a été lancée sur le financement du ZAN n’a toujours pas rendu les conclusions qu’elle devait remettre. Un groupe de suivi a également été créé ; celui-ci a rendu un rapport d’information dans lequel il pointe une difficulté qui a été évoquée et sur laquelle chacun s’accorde de manière presque œcuménique, à savoir la défaillance de l’État dans ce dossier. Sont en cause notamment les modalités de publication – ou de non-publication – des décrets d’application, l’accompagnement des communes et la façon dont on outille nos territoires. Oui, en effet, changer de modèle nécessite aussi de modifier nos outils ! Or, de ce point de vue, on constate une défaillance.

Avec cette proposition de loi, corrige-t-on ce problème-là ? Non ! Elle n’aboutit, abstraction faite des articles 1er et 6, qu’à assouplir et à revoir les objectifs à la baisse. Le véritable enjeu consiste à pousser pour que l’État nous donne les moyens d’atterrir sur ce dossier du zéro artificialisation nette à l’horizon de 2050.

Je le redis, je ne comprends pas ce texte : il va à rebours des objectifs qui nous rassemblaient tous, du moins je le croyais.

L’article 1er et l’article 6 apportent un certain nombre de réponses aux questions posées. Tous les autres sont à rebours de l’histoire. Je regrette qu’entre les paroles et les actes, entre les objectifs affichés par nos collègues qui ont déposé cette proposition de loi et le contenu du texte même, il y ait un tel écart, une telle distorsion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Blanc. Je vais répondre à mon homonyme Grégory Blanc, que je remercie d’avoir bien voulu recentrer le débat : le sujet se pose dans les termes qu’il a exposés.

Je veux bien répondre aussi à Yannick Jadot, mais c’est l’article 2 qu’il a évoqué ; or nous en sommes à l’article 1er

Mes chers collègues, j’ai beaucoup d’arguments précis, techniques à vous apporter sur la question que vous soulevez, qui est centrale, à savoir celle de la suppression du jalon d’une diminution de 50 % de l’artificialisation à l’horizon de 2031.

Ce qui nous anime, dans cette discussion, c’est la volonté de planifier l’évolution de la consommation d’espaces : nous sommes de ceux qui pensent que, pour y parvenir, il faut contractualiser.

Je remercie Grégory Blanc d’avoir rappelé quelle est notre intention : faire en sorte que l’objectif de réduction de l’artificialisation soit mis en œuvre par contractualisation, étant entendu que cela suppose d’écrire ensemble les contrats – telle est la suite logique de la discussion que nous aurons tous ensemble, avec les rapporteurs et le ministre. Or il n’est pas de contrat qui vaille sans rendez-vous et sans financement.

Nous menons en effet, Hervé Maurey et moi-même, au nom de la commission des finances, une mission d’information sur le financement du ZAN. Et, sur l’initiative du ministre Rebsamen, Matignon a accepté de nous aider à chiffrer les propositions que nous élaborons dans ce cadre – vous le savez parfaitement, mes chers collègues.

Une discussion est ouverte quant à savoir s’il eût fallu des dispositions financières dès le présent texte. Mais tel n’est pas le parti que nous avons pris : nous avons fait le choix d’un texte court, préférant procéder en plusieurs étapes. Réussissons la loi Trace ; ensuite nous parlerons de financement. Il y aura sans doute une proposition de loi sur le financement du ZAN assortie, peut-être, d’amendements budgétaires en projet de loi de finances.

Concomitamment, nous allons muscler les outils – je pense aux établissements publics fonciers (EPF). Mais je ne veux pas devancer tous les débats qui doivent avoir lieu dans l’hémicycle.

Voilà les termes du problème. Le financement va suivre. Nous en sommes au chiffrage de nos propositions. Matignon vient d’accepter que Bercy nous aide : nous allons donc reprendre nos travaux, affiner notre rapport et faire des propositions de financement du ZAN, c’est-à-dire de tout ce dont le ZAN est le nom : reconquête des friches, fabrique de la ville dense, renaturation, etc.

Je répondrai à M. Jadot lorsque nous examinerons l’article 2.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. La proposition de loi de nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc ne tombe pas du ciel : elle ne leur est pas venue d’un seul coup.

Depuis quatre ans, j’ai assisté avec eux aux auditions que nous avons menées sur le ZAN : nous avons entendu tout le monde ! Je dis bien : « tout le monde ». Sur la base de ces auditions, ils ont préparé cette proposition de loi visant à tracer un chemin, à instaurer une trajectoire, vers l’objectif de 0 % en 2050. Tout le monde est d’accord sur cet objectif ! (MM. Grégory Blanc et Ronan Dantec hochent la tête en signe de dénégation.)

Si, mes chers collègues ! J’ai assisté aux auditions, vous n’y étiez pas : je peux vous le dire, tout le monde a été d’accord sur cet objectif.

Mais que nous disent les élus sur le terrain ? Vous en avez vu, monsieur Jadot, des élus, sur le terrain ? Vous êtes allés voir des maires pour parler du ZAN ?

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Tous les élus de cette assemblée ont eu des échanges avec des maires à propos du ZAN. Ces maires sont-ils contents ? Non !

M. Yannick Jadot. Beaucoup ont fait le boulot !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Ils ne sont pas contents !

Sur la base de toutes les auditions qui ont été organisées et de toutes les remarques qui y ont été faites, cette proposition de loi a été préparée et des dispositions vous sont soumises, mes chers collègues. S’il faut recommencer, nous le ferons. Mais je doute que nous ayons à examiner un énième texte sur le ZAN, ce serait ridicule !

M. Ronan Dantec. C’est pourtant ce que vient d’annoncer Jean-Baptiste Blanc…

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Aujourd’hui, des élus, sur le terrain, sont dans l’attente. C’est vrai, ils n’habitent pas dans le XVIe arrondissement de Paris : ils sont sur le terrain et ils gèrent, tous les jours, les problèmes d’urbanisme et les demandes de leurs concitoyens.

À leurs administrés qui les sollicitent en leur expliquant qu’ils avaient gardé un bout de terrain à construire pour leur fils ou leur petit-fils, répondront-ils : « Terminé ! Ce terrain n’est plus constructible » ? Vous irez leur expliquer !

Mme Ghislaine Senée. Celui qui porte un PLU doit l’assumer, c’est ainsi !

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, sur l’article.

M. Laurent Somon. J’aimerais que l’on ne caricature pas ce débat en comparant des choux et des carottes ou des pommes de terre. Monsieur Jadot, comparer les discussions budgétaires que nous pouvons avoir en PLF sur la réduction des déficits avec les échanges auxquels donne lieu le ZAN, franchement, ce n’est pas très sérieux !

Vous dites, monsieur Jadot, qu’il faut absolument un jalon intermédiaire.

M. Laurent Somon. Mais il n’en faut pas forcément.

M. Laurent Somon. Vous oubliez une chose : c’est l’esprit de responsabilité dont font preuve, dans les territoires, les élus en général, qui consomment de moins en moins. En la matière, il y a une véritable prise de conscience.

La preuve en chiffres – je n’invente rien, ce n’est pas une vue de l’esprit : entre 2011 et 2022, selon le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), 31 000 hectares avaient été consommés en 2011, contre 20 000 hectares artificialisés en 2022, l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience. La réduction de la consommation et la prise de conscience sont bel et bien là !

MM. Ronan Dantec et Yannick Jadot. Ça ne baisse plus ! Ces chiffres sont faux !

M. Laurent Somon. Laissez-moi terminer et laissez vos collègues s’exprimer ! Nous vous avons écoutés ; nous ne vociférons pas à chaque fois que vous parlez !

Vous voulez absolument imposer la réduction de l’artificialisation, dans les territoires, par la réglementation et par la contrainte ; nous arrivons au même résultat en optant pour la confiance et, comme l’a dit Jean-Baptiste Blanc, pour la contractualisation : il faut que les choses remontent des territoires, que des discussions aient lieu à chaque étape avec les services de l’État et qu’ainsi nous trouvions un chemin qui nous conduise aux objectifs fixés non pas en 2030, échéance extrêmement proche, mais en 2050.

Voici ce que nous disons aux élus locaux : il faut absolument arriver à consommer zéro en 2050, débrouillez-vous, par la révision régulière des contrats, pour trouver le chemin !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. Je vais tâcher, tout de même, d’objectiver le débat.

Depuis le milieu des années 2010, le rythme de l’artificialisation ne baisse plus : on est toujours entre 20 000 et 24 000 hectares consommés chaque année. La loi ZAN n’est pas venue de rien : la consommation des espaces ne baisse pas. La main sur le cœur, les élus disent faire de la sobriété, mais les contraintes sont telles, sur l’ensemble du territoire, qu’au bout du compte on retrouve toujours, chaque année depuis bientôt dix ans, ce chiffre de 20 000 ou 25 000 hectares consommés.

Voilà les données chiffrées ! Il ne faut pas prendre 2011 comme année de référence : c’est depuis le milieu des années 2010 que ce chiffre ne bouge plus.

M. Laurent Somon. Ça a baissé en dix ans !

M. Ronan Dantec. Il faut débattre sur des bases objectives.

Laurent Duplomb a suggéré qu’il avait réussi à convaincre, difficilement, les Jeunes Agriculteurs, mais il n’a pas réussi à convaincre Arnaud Rousseau, qui construit de gros bâtiments ! Et cela n’a pas l’air de le gêner beaucoup d’écrire à la droite sénatoriale qu’elle fait une connerie ! C’est ce qu’a écrit Arnaud Rousseau ! Et je vous épargne le récit de l’audition que nous avons faite, pour notre part, de la Fédération nationale des Safer, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui est tenue elle aussi par des adhérents de la FNSEA. C’était du vitriol condensé contre votre loi ZAN !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Nous avons auditionné la FNSEA !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Et ce n’est pas ce qu’elle dit !

M. Ronan Dantec. Voilà le message envoyé par le monde agricole, que vous êtes censés défendre ! Voilà la réalité du débat !

Nous ne connaîtrions pas les élus locaux, dites-vous – une fois de plus, vous nous faites le coup ! La semaine dernière, j’ai rencontré les élus de l’intercommunalité du Pays de Redon, territoire touché par les inondations du mois de janvier. Ils jouent le jeu du ZAN, qu’ils mettent en œuvre via le PLUi : ce faisant, ils se « pouillent », ici et là, pour 2 000 ou 3 000 mètres carrés. Et que nous disent-ils tous ? Je les cite : « Vous n’allez quand même pas revenir en arrière sur le ZAN et sur l’objectif intermédiaire de réduction de l’artificialisation ! »

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous ne revenons pas en arrière !

M. Ronan Dantec. Voilà ce qu’ils nous disent, et ce même s’ils ont un débat entre eux, entre maires, sur la répartition de l’effort.

Norbert Samama, par exemple, maire du Pouliguen, qui, vu le prix du mètre carré dans sa commune, n’est pas un maire LFI (Sourires.), est intervenu publiquement plusieurs fois pour tenir les propos que je viens de citer : « Vous n’allez quand même pas revenir en arrière sur le ZAN ! »

Le législateur ne peut pas travailler de manière sérieuse en revenant en arrière et en détricotant une fois sur deux l’ouvrage qu’il vient de construire. Voilà ce que nous disent aujourd’hui, sur le territoire, les maires de droite. Ce n’est pas du tout ce que vous dites ! Ils ont intégré le ZAN. Quelques difficultés demeurent, et la proposition de loi ZAN 3 aurait pu contribuer à les régler, mais telle n’est pas du tout la voie que nous empruntons, pour des raisons purement dogmatiques !

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, sur l’article.

M. Guislain Cambier. Mes chers collègues, en ouverture de ce débat, lors de la discussion générale, chacun a pu s’exprimer et dire tout ce qu’il pensait. Cela étant posé, il ne faut pas jouer le match après le match : nous sommes là, tout simplement, pour réussir à livrer ensemble un texte pragmatique et utile aux élus locaux, quelle que soit leur volonté et quel que soit le rythme auquel ils artificialisent ou, au contraire, limitent l’artificialisation.

Nous sommes là aussi pour faire en sorte que les besoins des habitants soient satisfaits sur la base de documents d’urbanisme clairs, tenant la route sur le long terme.

En attendant, les propos que nous entendons depuis quelques minutes sont parfois caricaturaux ;…

M. François Rebsamen, ministre. C’est vrai…

M. Guislain Cambier. … des chiffres sont cités que nos collègues qui les brandissent sont les seuls à pouvoir vérifier… Or nous sommes en train d’examiner l’article 1er, qui a trait à la mesure de l’artificialisation par le décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. La question est la suivante : sommes-nous d’accord pour pérenniser ce compteur ? C’est tout !

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, sur l’article.

M. Cédric Chevalier. Pour participer en ce moment même à la révision du Scot et à l’élaboration du PLUi-H (plan local d’urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l’habitat) d’une communauté urbaine qui compte 143 communes, dont la plupart ont moins de 100 habitants, je peux vous dire que la majorité des maires ont déjà pris en compte la notion de non-consommation foncière.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Exactement !

M. Cédric Chevalier. Elle a été consacrée il y a bien longtemps, au moment où l’on a « grenellisé » les PLU. Le principe d’une réduction de la consommation foncière ne date donc pas d’hier et s’est progressivement imposé.

Pour ce que j’en perçois, le problème auquel sont confrontés les maires, aujourd’hui, c’est plutôt celui du flou artistique qui entoure les règles. Ils ne sont pas rassurés. Certains nous disent qu’ils ne consommeront pas d’espaces ; d’autres, qui souhaitent au contraire en consommer, se demandent comment faire. On est dans le flou artistique.

Des exemples ont été donnés tout à l’heure à propos de terrains à bâtir. On rencontre tous les jours de tels cas, qui nous obligent à expliquer aux maires ce qu’ils peuvent et ce qu’ils ne peuvent pas faire.

Les élus locaux veulent que des règles précises soient édictées et que les décisions dont ils assument la responsabilité devant le conseil municipal soient sécurisées. C’est tout !

Nous demandons, à cet égard, que soient clarifiés un certain nombre d’articles et de dispositifs, car, précisément – pardonnez-moi, mes chers collègues –, le texte qui nous est soumis n’est pas toujours clair.

Faisons œuvre de clarté : alors, les élus locaux pourront prendre leurs responsabilités, faire avancer leurs projets et mettre en application les objectifs que nous fixons en matière de consommation foncière. Rien de plus simple…

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11, présenté par M. Pla, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 7

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Les neuvième et dixième alinéas de l’article L. 101-2-1 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’artificialisation est définie comme la transformation d’un sol à caractère agricole, naturel ou forestier par des actions d’aménagement, pouvant entraîner l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage et son imperméabilisation totale ou partielle.

« La renaturation, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, comme la transformation effective d’espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers, aux fins de réduction de la fragmentation et de la vulnérabilité des habitats naturels et habitats d’espèces et de prise en compte leur déplacement dans le contexte du changement climatique, et, d’amélioration de la qualité et la diversité des paysages et productions agricoles. Elle conduit à identifier, préserver et relier les espaces importants pour la préservation de la biodiversité par des corridors écologiques définis à l’article L. 371-1 du code de l’environnement. » ;

La parole est à M. Sebastien Pla.

M. Sebastien Pla. Par cet amendement, je souhaite rétablir la définition de l’artificialisation posée à l’article 192 de la loi Climat et Résilience, en précisant qu’un sol a différentes fonctions – biologiques, hydriques et climatiques – ainsi qu’un éventuel potentiel agronomique.

L’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction actuelle, dispose que la lutte contre l’artificialisation des sols « résulte de l’équilibre » entre la nécessaire sobriété foncière et le tout aussi nécessaire renouvellement urbain.

S’interroger sur l’artificialisation des sols, c’est donc bien s’interroger sur l’équilibre à tenir entre la poursuite du projet urbain, la recherche de la sobriété foncière et la capacité à préserver les paysages, les habitats naturels et les fonctions productives des sols.

Réduire l’artificialisation des sols à la seule consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers conduirait ainsi à méconnaître les dynamiques urbaines et de résidentialisation.

L’article L. 371-1 du code de l’environnement précise d’ailleurs que les trames verte et bleue « ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ».

Ces corridors de conservation contribuent de manière significative à la résilience des paysages en favorisant la croissance de la végétation, la biodiversité et la présence les pollinisateurs naturels, qui profitent aussi à l’agriculture.

À mesure que ces corridors s’étendent, ils deviennent de puissants puits de carbone, contribuant à atténuer les effets du changement climatique.

Tel devrait être l’objectif, afin de ne pas faire de la désartificialisation des sols un totem, mais bien d’encourager la renaturation, lorsque cela est possible, en optimisant la recherche de corridors écologiques.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 72 est présenté par MM. Dantec, Jadot et G. Blanc, Mme Senée, M. Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 174 est présenté par M. Uzenat, Mmes S. Robert et Bonnefoy, M. M. Weber, Mme Briquet, MM. Raynal, Fagnen et Redon-Sarrazy, Mme Espagnac, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Canalès, MM. Cardon, Chaillou, Cozic, Devinaz, Gillé et P. Joly, Mme Le Houerou, MM. Mérillou, Michau, Montaugé, Omar Oili, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 72.

M. Ronan Dantec. Il y a ce que les auteurs et rapporteurs de la proposition de loi nous en disent et il y a ce qui est écrit. Or, ligne par ligne, ce qui est écrit signifie l’inverse de ce que disent nos collègues auteurs et rapporteurs.

Il faut simplifier ? Soit. On utilise donc la notion de consommation d’Enaf pour mesurer l’artificialisation. Je soutiens depuis longtemps cette mesure : je l’avais défendue au moment de l’examen de la proposition de loi ZAN 2.

Mais on a l’impression que les auteurs de la présente proposition de loi sont en définitive un peu épouvantés par la mesure qu’ils proposent eux-mêmes, en guise de simplification, à l’article 1er. Ils y ajoutent donc des alinéas, qui sont de surcroît assez étonnants. Avez-vous lu l’alinéa 5, mes chers collègues ? J’en rappelle les termes : « N’est […] plus considérée comme consommation d’Enaf la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés en bordure de l’enveloppe urbaine. »

Nous avons eu un débat sur la notion d’enveloppe urbaine, dont on ne sait pas très bien ce qu’elle veut dire. Mais, au surplus, on retire de la comptabilisation « Enaf » les espaces situés en bordure de cette enveloppe urbaine, qui reste par ailleurs non définie. Et, comme si cela ne suffisait pas, il est prévu – c’est la dernière phrase du même alinéa – qu’« une commune peut comporter plusieurs enveloppes urbaines ».

À ce stade, les choses deviennent carrément psychédéliques !

Comment pouvez-vous prétendre que vous faites une loi de simplification avec de tels alinéas, qui mènent tout droit, par quelque bout qu’on les prenne, au contentieux ?

Que vont se dire les maires ? S’ils veulent se soustraire à la comptabilisation Enaf, ils privilégieront les espaces situés « en bordure de l’enveloppe urbaine ». Aussi demanderont-ils à la direction départementale des territoires et de la mer et à l’État ce qu’est la définition de l’enveloppe urbaine. Et le législateur n’ayant pas défini cette notion, ils entreront, ce faisant, dans un gouffre d’incertitudes…

Voilà la réalité du texte que vous nous proposez, mes chers collègues ! Il s’agit bien, nous le savons tous, d’une loi de pur détricotage de l’idée même de ZAN. C’est clair et vous feriez mieux de l’assumer.

En tout état de cause, vous ne pouvez pas dire, la main sur le cœur, que vous voulez simplifier le dispositif pour les maires tout en écrivant cet alinéa 5, que je propose donc de supprimer, de même que les alinéas 4 et 6, qui lui sont connexes.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour présenter l’amendement n° 174.

M. Simon Uzenat. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté : il s’agit de supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article 1er, qui définissent la notion d’espace urbanisé. Nous avons bien vu, lors du débat sur l’amendement portant article additionnel avant l’article 1er, qu’en la matière régnait le flou intégral.

Nous pourrons bien chausser les lunettes de vue les plus correctrices, jamais nos efforts ne suffiront à rendre nette cette notion.

J’entends les auteurs et défenseurs de cette proposition de loi nous expliquer que leur objectif est de simplifier et de clarifier, mais c’est bien tout l’inverse qui ressort. Moi aussi, comme vous, j’ai rencontré beaucoup d’élus. Ce qu’ils attendent, c’est de la clarté et de la sécurité juridique. Or c’est tout l’inverse que nous produisons, j’y insiste, avec ces trois alinéas comme avec bien d’autres dispositions de ce texte. Au-delà même de l’insécurité juridique, des coûts supplémentaires seraient ainsi engendrés pour les collectivités, pour les élus.

Or ces derniers nous ont adjurés – c’est particulièrement vrai en Bretagne, où le travail a été très largement engagé –…

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Ah, les Bretons… (Sourires.)

M. Simon Uzenat. … de ne pas les conduire à défaire ce qu’ils ont fait : des dizaines, sinon des centaines de milliers d’euros mobilisés, un travail de fond accompli, des engagements pris, une dynamique créée… En l’espèce, le travail du Sénat va à l’encontre de ce que les élus appellent de leurs vœux – et je parle d’élus qui ne sont pas nécessairement de notre sensibilité.

Soyons clairs, soyons simples, soyons efficaces. Cela passe, à l’article 1er, par la suppression de ces trois alinéas.

M. le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« La notion d’espace urbanisé s’apprécie à l’aide d’un faisceau d’indices, au regard des caractéristiques du territoire, telles que le type d’urbanisation, sa continuité, la quantité et la densité des constructions, la structuration par des voies de circulation ou des réseaux, la présence d’équipements.

La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Tâchant de répondre aux questions soulevées, je propose, par cet amendement, d’inscrire parmi les principes généraux du code de l’urbanisme une définition juridique souple, mais sécurisante, des espaces urbanisés.

La jurisprudence donne une idée à la fois précise et souple de cette notion. Toutefois, au vu de nos échanges et eu égard aux travaux de la commission, j’ai compris tout l’intérêt qu’il y avait à la consolider. Il est essentiel – je l’ai dit tout à l’heure – d’en fonder la définition sur un faisceau d’indices, afin d’en permettre l’appréciation à une échelle très fine. Ainsi offrons-nous aux collectivités – c’est ce que vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs – une souplesse d’appropriation et, j’y insiste, une définition juridiquement sécurisante.

En effet, la mesure des espaces urbanisés se fait dans la maille de la subdivision fiscale, qui est plus petite, je le précise, que celle de la parcelle cadastrale. Or, bien que j’en comprenne l’intention, l’écriture proposée par la commission pose plusieurs difficultés.

La définition retenue à ce stade est trop rigide et trop proche de celle d’une autre notion, celle de « secteurs déjà urbanisés », propre à la loi Littoral et qui s’applique à une échelle plus large. Il est évidemment préférable de densifier au sein de l’enveloppe urbaine et d’éviter l’étalement urbain, tout le monde en convient. Mais cela ne veut pas dire qu’une telle densification se fera sans poser de conditions sur la nature des dents creuses, qui s’apprécie au cas par cas.

Par ailleurs, je ne peux soutenir la disparition complète de la notion d’artificialisation fondée sur les fonctions et la qualité des sols, sujet très important qui a été évoqué. Cette notion doit être maintenue : elle joue un rôle essentiel dans l’étude d’impact des projets. En la conservant, nous permettons aux collectivités qui le souhaitent de mener un travail qualitatif sur la préservation de leur potentiel agroéconomique et écologique – je pense à la gestion de l’eau par exemple.

Je propose donc une définition plus souple des espaces urbanisés visant à sécuriser les collectivités sans rigidifier l’appréciation d’un phénomène qui varie selon les territoires.