Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Quel manque d’arguments !
M. Ronan Dantec. Pour ne pas laisser le pauvre Wauquiez seul face à ses surenchères populistes, il fallait que cet hémicycle lui-même lui redonne une légitimité en soutenant sa position. (Protestations amusées sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Peu importe que presque tous les réseaux de collectivités auditionnés, à savoir Régions de France, Intercommunalités de France ou la Fédération nationale des Scot aient souligné, parfois au vitriol, leur désaccord : il fallait appuyer sur la gâchette, quitte à se prendre une balle dans le pied !
Le Gouvernement et les corapporteurs de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur l’artificialisation des sols ont déjà fait part de leur hostilité à la remise en cause de l’objectif de diminution de 50 %. C’est heureux, mais cela reste encore à confirmer.
Monsieur le ministre, nous espérons que le Gouvernement prendra une position tout aussi claire contre les attaques, peut-être plus graves dans la durée, contre les lois de décentralisation de la gauche, qui ont fait des régions des collectivités de plein exercice, disposant de capacités réelles de planification.
Amoindrir le caractère prescriptif des Sraddet et permettre aux conférences régionales de gouvernance de donner des avis conformes sont des affaiblissements extrêmement préoccupants de la compétence de planification des régions, pourtant si nécessaire.
En définitive, quelles sont les principales mesures de cette proposition de loi de remise en cause de la lutte contre l’artificialisation ? La non-prise en compte de l’importance de la préservation des terres agricoles pour la souveraineté alimentaire, …
Mme Anne-Sophie Romagny. Non !
M. Ronan Dantec. … le refus de l’urgence de l’adaptation au changement climatique, alors que les espaces naturels et agricoles sont au cœur de la lutte contre les inondations.
C’est un cadeau fait aux territoires en développement, notamment aux métropoles, qui pourront continuer de s’étaler au détriment des territoires en difficulté, dont, mes chers collègues, vous vous faites pourtant volontiers les porte-parole. (Protestations sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Ronan Dantec. C’est enfin une remise en cause des régions en tant qu’acteurs de la planification.
La liste n’est pas exhaustive, mais face à un tel bilan, s’opposer à cette proposition de loi me semble aller de soi ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, l’immense majorité des élus locaux sont aujourd’hui engagés dans une démarche de sobriété foncière.
Directement inspirée des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, la loi Climat et Résilience, adoptée en 2021 par la majorité sénatoriale, a fixé deux objectifs pour accélérer cette transition nécessaire : la réduction de moitié de l’artificialisation dans les années 2030 et le zéro artificialisation nette à l’échelle nationale en 2050.
Pour le groupe socialiste, la marche à suivre était claire dès le début et nous n’en avons jamais dévié. Dès 2021, nous soulignions la nécessité de territorialiser la mise en œuvre de ces objectifs et demandions au Gouvernement de la lisibilité, une concertation ascendante, une égalité de traitement entre les territoires et, surtout, des moyens d’accompagnement.
Or, quatre ans et deux propositions de loi plus tard, force est de constater que les blocages demeurent. Il y eut d’abord la loi d’initiative sénatoriale du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
Ce bel exemple de travail transpartisan, voté à l’unanimité par le groupe socialiste, avait déjà apporté des assouplissements : report des dates pour adapter les documents d’urbanisme, précision des critères de territorialisation, mutualisation à l’échelon national de l’enveloppe des Pene, prise en compte des friches.
Il semble que cela n’a pas été suffisant puisque vient aujourd’hui la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace. Même si le point est subtil, on perçoit dès l’intitulé que les auteurs posent de mauvaises questions, ce que vient confirmer la lecture des dispositions de cette proposition de loi, qui n’apporte pas les bonnes réponses.
La plupart des régions ont déjà révisé leurs Sraddet. De nombreuses communes ont consacré du temps et engagé de considérables moyens financiers pour réviser leurs documents d’urbanisme en prenant en compte l’objectif de sobriété foncière. Mes chers collègues, voulez-vous les placer dans une situation d’insécurité juridique en rendant caduc tout leur travail ?
Imaginez les disparités que de telles remises en cause entraîneraient entre les régions qui ont respecté la trajectoire, celles qui devront remettre l’ouvrage sur le métier et celles qui n’ont pas encore avancé, sans jauge permettant de vérifier si l’objectif est bien respecté !
Nous ne pouvons accepter ce texte en l’état. Nos amendements s’emploieront donc à rétablir certaines dispositions que nous estimons indispensables.
Nous souhaitons un objectif intermédiaire commun de 50 % de réduction de terres artificialisées. Nous ferons différentes propositions en termes de jalons, afin de permettre aux territoires d’avancer à leur rythme.
Pour ne pas pénaliser les régions vertueuses ayant déjà fait l’effort d’inscrire dans leur Sraddet cette trajectoire ambitieuse à l’horizon de 2031 et souhaitant la conserver, nous proposons une dérogation. Dans un souci de cohérence, nous avons également déposé un amendement visant à ne pas obliger les régions ayant déjà modifié leur document de planification à faire évoluer celui-ci de nouveau.
Comme en 2023, nous proposons de nouveau d’expérimenter un dispositif de pondération au bénéfice des projets ne conduisant qu’à une faible artificialisation. Suivant l’idée de territorialisation que nous préconisons depuis quatre ans, cette mesure permettrait également de mieux intégrer la préservation des sols dans les politiques d’aménagement.
En outre, l’interprétation de la notion d’« espaces urbanisés en bordure de l’enveloppe urbaine » risque de varier d’une commune à l’autre et d’entraîner des conflits permanents, en sus de favoriser le mitage. Cette notion trop évasive ne peut être conservée.
Nous proposerons également de supprimer le double décompte imposé aux Scot pour le suivi du foncier, ce qui constitue une mesure de simplification cohérente.
Nous proposerons aux collectivités d’expérimenter un outil de diagnostic de la qualité et de la santé des sols, afin de les aider à mieux orienter leurs choix urbanistiques en ciblant l’artificialisation sur des sols aux performances agronomiques moindres, préservant ainsi les sols à fort potentiel.
Toujours dans la perspective d’aider les communes déjà engagées dans une trajectoire de réduction de la consommation foncière, nous souhaitons encourager les projets favorables à la neutralité climatique, afin que la territorialisation des enveloppes foncières n’empêche pas les communes de réaliser des projets favorisant la transition écologique.
Enfin, nous formulerons une proposition concernant la garantie rurale de 1 hectare, qui a rapidement été dévoyée. Nous avions déjà demandé au Gouvernement de l’époque des garanties sur la mise en œuvre de ce dispositif, dont tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître la complexité. Il rend l’application de certains critères de territorialisation difficile et entraîne parfois un gel du foncier, soit l’inverse de l’objectif visé.
Nous proposons donc une clause de revoyure, au plus tard en 2028, pour vérifier sa bonne articulation avec le dispositif de mutualisation et son incidence sur l’enveloppe foncière.
Mes chers collègues, la ligne du groupe socialiste est claire et n’a pas changé depuis 2021 : nous sommes favorables à l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050, mais estimons nécessaire de définir un objectif intermédiaire et surtout de sanctuariser le travail déjà accompli par les collectivités territoriales.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christian Redon-Sarrazy. J’espère que nos débats sauront être sereins, constructifs et intelligents, ce qui est le propre des débats du Sénat. Voilà qui apporterait un salutaire réconfort dans les temps politiques que nous vivons. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur une proposition de loi qui marque une avancée importante pour nos élus locaux.
Trop souvent, ces derniers sont considérés comme de simples exécutants de décisions prises à Paris, sans qu’on leur laisse réellement la possibilité d’adapter les règles aux réalités de leur territoire. Or qui mieux qu’un maire sait comment gérer l’urbanisation de sa commune ? Qui mieux qu’un élu de terrain peut juger des besoins de sa population en matière de logement, de services ou de développement économique ?
Ce texte permet enfin de remettre un peu de bon sens dans notre politique d’aménagement du territoire. Il prévoit une trajectoire plus réaliste et concertée de réduction de l’artificialisation des sols, en associant enfin les élus locaux aux décisions. Il clarifie des définitions floues, qui avaient jusqu’ici mené à des blocages injustifiés.
En cela, il répond aux nombreuses inquiétudes soulevées par les maires et les élus municipaux qui, depuis la loi Climat et Résilience, se retrouvent piégés par des règles incohérentes et inapplicables.
Le Rassemblement national soutient donc cette proposition de loi, car elle va dans le bon sens : celui d’un urbanisme équilibré, qui protège nos terres agricoles et naturelles tout en permettant aux communes de se développer harmonieusement.
Depuis longtemps, Marine Le Pen alerte sur les conséquences absurdes des politiques écologistes punitives imposées par la technocratie parisienne. Nous l’avons dit et répété : la loi Climat et Résilience, telle qu’elle a été pensée, est une machine à empêcher, qui bloque la construction de logements, asphyxie les communes rurales et renforce les fractures territoriales.
Cette proposition de loi corrige certaines erreurs et offre une bouffée d’oxygène aux collectivités. Mais nous devons rester lucides : si elle constitue une avancée, elle ne règle pas tout. Nous le savons, derrière sa volonté affichée de concertation, le Gouvernement poursuit sa politique de régionalisation à marche forcée.
Nous devons ici le dire clairement : la logique de transfert de compétences aux régions se fait au détriment des petites communes.
Le risque est évident : la centralisation se déplace non plus vers l’État, mais vers les métropoles, qui concentrent toujours plus de pouvoirs, de ressources et de décisions. À terme, ce sont encore nos villages et nos territoires ruraux qui en paieront le prix fort.
Ce que nous voulons, nous, c’est que les communes, grandes ou petites, aient réellement les moyens de décider de leur avenir tout en gardant un contrôle foncier, afin de protéger les terres agricoles.
Nous serons vigilants, car nous savons que l’avenir de nos territoires ne doit pas être dicté par des logiques bureaucratiques et technocratiques. Nous devons redonner aux maires la liberté d’agir, la liberté de construire et la liberté d’aménager leur territoire en fonction des réalités locales.
Le combat du Rassemblement national est celui de la proximité, de la souveraineté locale et du respect des élus, qui œuvrent au quotidien pour leurs concitoyens.
Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais elle ne suffira pas à inverser la tendance si nous ne remettons pas en cause les grandes orientations imposées par le Gouvernement.
Parce que nous croyons en la France des territoires, nous voterons pour ce texte proposé par les sénateurs Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, mais nous continuerons de défendre une véritable politique d’aménagement du territoire qui ne sacrifie pas nos communes rurales et qui garantisse une réelle équité entre tous les Français, qu’ils vivent en ville ou à la campagne.
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Anne-Sophie Romagny et M. Guislain Cambier applaudissent également.)
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier très sincèrement les auteurs de la proposition de loi, Jean-Baptiste Blanc et – tout particulièrement – Guislain Cambier, lequel s’est rendu disponible à chaque fois que nous l’avons sollicité dans la Marne, pour écouter et échanger avec l’ensemble des élus et mieux leur expliquer ce texte.
Je remercie également les rapporteurs Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer et Daniel Gueret, qui ont organisé des temps d’échange pour construire et partager une vision apaisée sur cette proposition de loi.
Mes chers collègues, quelle que soit la taille de sa commune, il n’est pas un élu local qui ne m’ait exprimé son inquiétude sur la mise en place du ZAN. Il n’est pas non plus une séance de travail sur le Scot ou sur le plan local d’urbanisme intercommunal que je pilote dans le Grand Reims au cours de laquelle ce grand enjeu ne revienne.
Tout de go, je suis convaincu que nous aurons, quoi qu’il arrive, de très grandes difficultés à atteindre cet objectif en 2050, tant le sujet est complexe et tant son application, notamment en matière de compensation, est instable.
En moins de trois ans, le dispositif a fait l’objet de plusieurs retouches, ce qui démontre que, malgré l’objectif vertueux de préserver notre environnement, la biodiversité et nos ressources agricoles, sa rigidité et la complexité de son interprétation ne semblent pas du tout adaptées à la diversité de nos territoires.
La loi Climat et Résilience de 2021 avait posé les bases d’une réflexion indispensable pour améliorer la gestion du foncier, en montrant comment moins et mieux consommer. Toutefois, elle a introduit des mesures dont l’application a pu se révéler injuste. Je pense notamment au mode de calcul retenu, qui favorise les territoires ayant fortement consommé du foncier par le passé et pénalise ceux qui ont eu une politique vertueuse en la matière.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Cédric Chevalier. Des contraintes frappent certains territoires, en particulier en ruralité. Une application uniforme crée des incohérences entre les territoires ruraux et les pôles urbanisés, qui ont la possibilité de reconstruire sur des surfaces déjà artificialisées.
En parallèle, et paradoxalement, notre pays doit répondre à des enjeux cruciaux – réindustrialisation, construction de logements, renforcement de notre souveraineté alimentaire et énergétique – qui peuvent donner lieu à de la consommation foncière.
Or, face à ces nécessités, les rigidités imposées par la loi de 2021 rendent toute évolution extrêmement complexe. Il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’excès inverse et d’être trop permissif : nous devons trouver le juste équilibre.
Cet objectif ne pourra être atteint qu’avec les élus locaux, seuls à même de construire un projet pour leur territoire tout en intégrant les grands enjeux de préservation des ressources naturelles. Ils sont en première ligne et constituent les meilleurs relais vis-à-vis de ceux de nos concitoyens qui seront affectés.
Il faudra de la conviction et du dialogue pour expliquer à une famille ayant payé des droits de succession sur un terrain à bâtir que celui-ci n’est plus constructible à cause du ZAN : bon courage !
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Exactement !
M. Cédric Chevalier. C’est dans cette optique, pour redonner aux maires une véritable marge de manœuvre, que la philosophie de la proposition de loi Trace prend tout son sens. Il s’agit de leur offrir plus d’agilité pour leur permettre de prendre des décisions plus adaptées aux réalités du territoire.
C’est aussi l’occasion de leur redonner du temps, élément essentiel pour faciliter la réflexion, la projection et l’acceptation. Cela passe par des délais adaptés et cohérents pour les territoires ayant déjà engagé l’élaboration de leurs documents d’urbanisme, qu’il s’agisse des Sraddet, des Scot ou des PLUi.
Au cours de nos débats, il nous appartiendra de clarifier un certain nombre de définitions, mais aussi de bien maîtriser les exceptions. En cherchant la simplification et l’agilité, ne tombons pas dans le travers de ne trouver finalement que lourdeur et incompréhension.
Si cette proposition de loi était adoptée, nous devrions être très vigilants sur la mise en cohérence de ses dispositions avec les documents déjà en vigueur ayant intégré ces notions vertueuses de consommation, notamment ceux qui ont entraîné des travaux encore en cours. Il ne faudrait pas, en percutant les documents déjà adoptés, que cette proposition de loi ajoute davantage de confusion. (Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Vraiment ?
M. Cédric Chevalier. Mes chers collègues, quand le ZAN sera effectif, j’aurai 77 ans. Je ne suis pas certain d’être encore dans cet hémicycle à ce moment-là. (Mais si ! amusés sur plusieurs travées.)
Je forme toutefois le vœu que l’esprit de la loi Climat et Résilience, à savoir la préservation de la planète et de ses ressources, demeure.
En attendant, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’adoption de la loi de juillet 2023, nous avions cru refermer le dossier du ZAN. Pourtant, force est de le constater, presque quatre ans après l’adoption de la loi Climat et Résilience, l’inquiétude des élus locaux ne faiblit pas – bien au contraire – et l’application de cette loi est devenue un enjeu central pour la compétitivité et la réindustrialisation de notre pays.
Les assouplissements permis par loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite ZAN 2, dont je salue l’initiateur, Jean-Baptiste Blanc, n’ont pas été suffisants pour assurer une application apaisée de cette politique, dont nous partageons pourtant tous la philosophie générale.
Le groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols a dressé un constat sans appel de ces blocages persistants dans le rapport qu’il a publié à l’automne dernier. Qu’il s’agisse du secteur du logement ou de celui de l’industrie, de l’aménagement du territoire ou des services publics, chaque audition nous a fourni de nouveaux témoignages sur les difficultés causées par cette politique de réduction de l’artificialisation.
À cette situation, la proposition de loi de nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc apporte deux réponses structurantes : elle fait sauter le verrou de la réduction de 50 % de l’artificialisation des sols à l’horizon de 2031 et elle renforce le rôle des collectivités dans la définition des enveloppes foncières, à rebours de la logique descendante qui prévaut aujourd’hui.
Le groupe Les Républicains est bien sûr favorable à l’esprit et à la lettre de cette proposition de loi.
Nous soutenons d’abord le droit à la différenciation. Faire confiance aux territoires pour déterminer les meilleurs moyens d’atteindre l’objectif de zéro consommation nette d’espace en 2050 constitue bien évidemment la meilleure solution, une solution qui devrait transcender tous les groupes politiques.
C’est aussi dans cet esprit transpartisan que la majorité sénatoriale a constamment refusé depuis 2021 de remettre en cause l’objectif de neutralité foncière en 2050. Cette proposition de loi ne fait pas exception : pas un seul amendement n’a été déposé en ce sens. Toutefois, le ZAN ne saurait signifier « zéro avenir net » pour notre industrie, pour la ruralité et tout simplement pour notre pays. (Marques d’approbation sur les travées du groupe INDEP.)
La deuxième avancée de ce texte réside dans la simplification, d’abord pour les élus, via le maintien de la comptabilisation en espaces naturels, agricoles et forestiers, mais aussi pour les porteurs de projet. En ce qui concerne l’industrie, notamment, tous nous le disent, du patron de PMI au dirigeant de grand groupe : le manque de foncier est un problème majeur pour l’attractivité de notre pays.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. Absolument !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Sortir l’industrie de la comptabilisation ne relève donc pas d’une lubie, c’est la réponse à un problème structurel, qui grève notre compétitivité.
Enfin, nous sommes particulièrement attentifs à ce que la politique de sobriété foncière n’affecte pas de manière disproportionnée nos territoires ruraux, qui ont souvent été vertueux en la matière par le passé.
La garantie de développement communal matérialise un « droit au projet » essentiel pour chaque commune : ses aménagements, qui rendent le dispositif plus opérationnel et permettent d’assurer sa pérennisation, sont tout à fait bienvenus, tout comme le maintien de la comptabilisation en consommation d’Enaf, qui permet de lever la contrainte sur les bâtiments agricoles, conformément à ce que nous avons décidé, cher Laurent Duplomb, dans le cadre du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
Face à ces enjeux et à ces choix stratégiques, il nous fallait trouver une voie de passage. Je veux donc remercier tous ceux – notamment les auteurs de la proposition de loi et les rapporteurs, mais également d’autres collègues – qui ont œuvré pour trouver les compromis exigeants, entre nous et avec le Gouvernement, grâce auxquels, du fait de l’engagement de la procédure accélérée, nous pouvons envisager l’adoption définitive de ce texte avant la fin de la session.
J’y vois la confirmation qu’il est possible, dans le contexte politique que nous connaissons, sur le fondement d’une initiative et d’un travail approfondi du Sénat, de créer une majorité de projet autour d’un texte structurant pour l’avenir de notre pays.
C’est la voie de la responsabilité, celle que le groupe Les Républicains a choisie ; soyons toujours plus nombreux à suivre cette trace-là ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Yves Bleunven. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà de nouveau rassemblés pour aborder un sujet qui n’en finit pas de cristalliser les tensions chez les élus : l’usine à gaz qu’est le ZAN.
La simplification est un thème qui me tient à cœur : simplification des normes pour nos entreprises, mais aussi simplification pour nos élus et nos concitoyens. La proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée – j’insiste sur ce dernier terme – avec les élus locaux s’inscrit totalement dans cette démarche.
Un aménagement durable plus économe en foncier est bien évidemment capital, mais nous ne devons pas pour autant altérer les dynamiques de nos territoires, que celles-ci soient liées à l’habitat ou au développement économique.
Le foncier économique est le parent pauvre du ZAN. En effet, d’un point de vue financier, la construction de logements est plus intéressante pour les communes – du reste, elles en ont besoin – et le développement d’entreprises et d’industries sur nos territoires est coûteux en foncier, surtout si l’on est contraint de choisir. Je salue donc les exceptions retenues à ce sujet par la commission à l’article 4 de la proposition de loi.
Je m’appuie également – pardonnez mon chauvinisme – sur un constat très breton : nos paysages sont amochés par de nombreuses friches de bâtiments agricoles amiantés et en ruine. Aujourd’hui, personne ne souhaite les récupérer et les renaturer. Les retraités agricoles ne peuvent financer la renaturation avec leurs petites pensions et est-ce vraiment rendre service à un jeune agriculteur que de lui transmettre un bâtiment amianté à réhabiliter ?
Devant cette situation, des élus locaux souhaitent mener, au sein de leur territoire, une expérimentation qui nous montrera, encore une fois, que l’intelligence collective peut nous permettre d’innover dans l’intérêt de tous. C’est d’ailleurs le sujet d’un amendement que j’ai déposé et qui vise à inciter à la renaturation de friches agricoles amiantées en échange de droits à construire dans les zones d’activité économique (ZAE). D’abord, cela permettra de rendre des terres renaturées aux agriculteurs ; ensuite, cela supprimera des verrues qui polluent visuellement nos paysages ; enfin, grâce à l’obtention d’un droit à construire octroyé en contrepartie, cette opération sera autofinancée, ce qui est précieux dans le contexte financier que nous connaissons.
Je souhaite étendre notre réflexion à la nécessité absolue de trouver des modèles économiques durables permettant de financer la réduction de l’artificialisation des sols tout en continuant d’investir pour nos territoires et pour notre souveraineté ; mon collègue Hervé Maurey pourrait vous en parler longuement…
Je souhaite également parler de l’attention que nous devons porter aux spécificités locales.
Prenons l’exemple de la configuration des communes bretonnes, qui sont constituées pour la plupart d’un centre-bourg et de petits hameaux, historiquement agricoles, dispersés dans la campagne alentour. À l’heure actuelle, un très grand nombre de ces hameaux ne sont pas considérés comme des secteurs déjà urbanisés, ce qui obère la possibilité de construire dans les dents creuses qui s’y trouvent. Or, vous en conviendrez, il serait bien plus logique de densifier l’existant que d’étendre les limites de l’urbanisation.
Pour ce faire, il nous faut prendre en compte les particularités de chaque territoire. Or la présente proposition de loi s’inscrit dans cette dynamique, en permettant la territorialisation des décisions plus importantes.
Pour ces raisons et pour celles qu’a évoquées mon collègue Franck Menonville, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Sébastien Fagnen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’automne dernier, trois de nos commissions permanentes étaient réunies pour adopter, dans un élan quasi œcuménique, le rapport d’information issu des travaux du groupe de suivi transpartisan sur la mise en œuvre du ZAN. Je salue d’ailleurs l’esprit de dialogue, entretenu par le président Guislain Cambier et le rapporteur Jean-Baptiste Blanc, qui a guidé les réflexions de ce groupe.
Aujourd’hui, la situation s’avère quelque peu différente et les raisons à cela ne manquent pas.
En effet, à l’aube de l’examen de cette proposition de loi dite Trace, nos sentiments oscillent entre une déception latente, des regrets face à des manques criants et une inquiétude majeure.
Une déception, disais-je, car, en dépit de l’étendue et de la richesse des auditions menées par le groupe de suivi, nous ne retrouvons pas dans cette proposition de loi l’exhaustivité des constats réalisés et surtout des préconisations émises en conclusion de nos travaux.