M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je tiens à clarifier mon propos : nous sommes absolument d’accord sur l’objectif de cette stratégie. Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans mon propos liminaire, il est essentiel d’assurer la protection de toutes nos entités et de les accompagner face aux cybermenaces.
La différence entre nous porte simplement sur la rédaction de cet article. Pour notre part, nous proposons un cadre général, qui englobe bien entendu les entreprises et les collectivités territoriales, mais aussi l’ensemble des acteurs concernés, allant ainsi au-delà de la précision que vous souhaitez apporter. Toutefois, l’objectif reste le même, et j’y suis particulièrement attentive.
Vous l’avez souligné, j’ai rencontré de nombreuses personnes ayant subi des cyberattaques, et je suis pleinement consciente du rôle central des collectivités territoriales dans ce domaine. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement a fait le choix de les inclure parmi les entités soumises à la directive NIS 2. Nous avons pleinement conscience de cet enjeu, et il constitue un élément fondamental de notre stratégie nationale en matière de cybersécurité.
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le cadre d’intervention et le rôle des Csirt (Computer Security Incident Response Team) territoriaux dans la politique de cybersécurité, leur financement et leur déploiement sur le territoire en hexagone comme en outre-mer ;
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Par cette série d’amendements, nous cherchons à décliner concrètement ce que pourrait être un véritable plan d’accompagnement local, tel que nous l’avions présenté en commission spéciale et tel que nos collègues écologistes l’ont également repris précédemment dans leur amendement général.
Cet amendement n° 43 porte plus spécifiquement sur les Csirt, les centres de réponse aux incidents cyber (Computer Security Incident Response Teams). En commission, comme sur le terrain, nous avons souligné à plusieurs reprises la nécessité de clarifier leur rôle ainsi que leur financement, qui arrive à échéance avec la fin des fonds européens. Or, jusqu’à présent, nous n’avons eu ni débat ni clarification sur l’avenir de ces structures.
Par cet amendement, nous souhaitons donc ouvrir cette discussion et connaître la position du Gouvernement sur la pérennité des Csirt, qui sont absolument indispensables pour assurer une réponse opérationnelle sur le terrain, pour accompagner les entreprises ou les collectivités territoriales confrontées à des menaces, voire à des attaques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Les Csirt territoriaux relaient dans les territoires l’action de l’Anssi, ce qui est essentiel. Leur importance est consacrée par l’article 24 du projet de loi, qui prévoit leur agrément afin de leur donner plus de poids et d’importance dans la politique de cybersécurité du pays.
Il est dès lors très opportun que la stratégie nationale en matière de cybersécurité précise leur cadre d’intervention et leur déploiement dans tous les territoires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Pour autant, l’ajout de cet alinéa ne me paraît pas indispensable. Cet amendement semble en effet satisfait par les alinéas 2 et 3 de l’article 5 bis. La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Mon avis est le même sur cet amendement que sur le précédent.
Il convient de distinguer ce qui relève de la stratégie de ce qui doit être inscrit dans la loi. Les objectifs figurant dans la stratégie ne sont pas nécessairement identiques aux dispositions que nous avons choisi d’inscrire dans la loi, justement pour préserver un cadre général.
Cela étant, les Csirt font bien sûr partie intégrante de cette stratégie, et je tiens à réaffirmer ici tout mon attachement à ces centres – j’en ai visité dans plusieurs territoires –, qui constituent un accompagnement de proximité. Toutefois, il nous semble que, tel qu’il est rédigé, l’article 5 bis les intègre déjà.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Blatrix Contat et Linkenheld, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les orientations permettant une approche intégrée des enjeux de cybersécurité et de souveraineté numérique ;
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. L’autonomie stratégique de la France et de l’Union européenne impose une protection renforcée face aux menaces posées par les législations extraterritoriales, en particulier celles des États non membres de l’Union européenne.
Il est impératif de poursuivre les investissements dans des infrastructures, des solutions et des logiciels de cloud localisés en Europe, financés par des capitaux européens et nationaux. Notre collègue Catherine Morin-Desailly a parfaitement souligné nos faiblesses et nos lenteurs en la matière. L’enjeu est donc bien de soutenir les acteurs européens et de défendre nos intérêts numériques et géostratégiques.
Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à inscrire dans la stratégie nationale de cybersécurité des orientations claires en matière de souveraineté numérique. Il s’agit de favoriser le recours à des infrastructures et des solutions françaises ou européennes souveraines.
L’ambition affichée par l’Union européenne de supprimer toute dépendance aux systèmes non européens d’ici à 2030 doit être réaffirmée, dans un contexte où l’alignement des priorités stratégiques des pays européens reste fragile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement.
Dans un contexte géopolitique particulièrement difficile, la souveraineté numérique française et européenne constitue une priorité, ce qui justifie que cette question soit traitée dans la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Je suis donc favorable à l’ajout de cet alinéa, car, tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 5 bis ne couvre pas cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Ces orientations figurent déjà à l’article 1er parmi les objectifs de la Nation. Il ne nous semble donc pas nécessaire de les inclure dans l’article 5 bis, le Gouvernement souhaitant une rédaction ayant une portée générale. Nous sommes néanmoins très attachés à ces orientations.
Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je voterai cet amendement. Florence Blatrix Contat et moi avons mené de nombreux travaux sur ce sujet pour la commission des affaires européennes. Il est important d’énoncer les conditions de la reconquête d’une souveraineté que nous avons laissée s’effilocher au fil du temps. Nous avons plus que jamais besoin d’autonomie stratégique et d’une politique dédiée.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Les modalités de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements ;
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à préciser la stratégie nationale en matière de cybersécurité et à définir les éléments qui, selon nous, doivent y être ajoutés afin de répondre aux préoccupations des entités concernées par ce projet de loi, en particulier les collectivités territoriales.
Il tend donc à indiquer que la stratégie comprend également les modalités de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Je parle ici non pas du principe même de ce soutien, mais de la manière dont il sera mis en place, qui reste à définir concrètement.
Si nous avons déposé cet amendement et les deux suivants, c’est parce que nous avons estimé qu’ils n’étaient pas satisfaits, monsieur le rapporteur, par l’amendement que vous avez vous-même déposé sur la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Après la commission spéciale, nous avons fait l’effort de retravailler ces propositions et avons échangé avec vos collègues en votre absence. Si nous avions estimé que nos préoccupations étaient pleinement prises en compte, nous n’aurions pas déposé ces amendements.
Madame la ministre, lorsque nous posons des questions précises, c’est pour obtenir des réponses précises. Sur les Csirt, la question n’était pas de savoir si le Gouvernement les soutient ou non – j’espère bien qu’il y est attaché, tout comme nous le sommes –, la question posée était claire : comment seront-ils financés lorsque les fonds européens ne seront plus disponibles et alors que les régions rencontrent des difficultés financières ?
Je ne reviendrai pas sur le cas d’Atos, mais alors que nous faisons notre travail, que nous avançons des propositions, nous attendons en retour des réponses concrètes. Nous n’avons pas besoin d’être tous d’accord sur ces réponses, mais essayez au moins de nous en donner !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Les modalités de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements devront, bien sûr, être prévues par la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Il ne me paraît cependant pas nécessaire d’ajouter cet alinéa à l’article 5 bis, son objet étant déjà couvert par les alinéas 2 et 5. Néanmoins, la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Même avis.
Je profite de mon intervention pour revenir sur la question du financement, qui mérite d’être discutée. Je connais les difficultés que rencontrent certains Csirt, mais ces dispositifs en sont pour la plupart à leur première année d’existence. Certains ont déjà trouvé leur modèle économique et fonctionnent de façon stable et fluide. Il convient d’être attentifs à la situation dans toutes les régions. Je renvoie ce sujet aux discussions budgétaires.
De plus, nous aurons plusieurs débats sur le contexte géopolitique international : la cybersécurité sera abordée dans ce cadre. Je n’ai pas de réponse plus précise à vous apporter sur ce dispositif particulier, mais sachez que nous avons bien en tête la nécessité de continuer à renforcer la cybersécurité.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’identification et le renforcement des compétences et formations nécessaires sur l’ensemble du territoire ;
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement porte sur la question, essentielle, de l’identification et du renforcement des compétences et des formations nécessaires pour assurer la cyberrésilience et la cyberprotection. Cette problématique a été largement évoquée dans la discussion générale. Bien sûr, le coût est un facteur majeur, mais la question des moyens humains est tout aussi cruciale, d’autant que toutes les collectivités territoriales ne disposent pas forcément des ressources suffisantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Le renforcement des compétences et des formations nécessaires en matière de cybersécurité sur l’ensemble des territoires est bien sûr une priorité et devra être traité comme tel par la stratégie nationale en matière de cybersécurité. Cet amendement semble donc en grande partie satisfait. Pour autant, la commission spéciale s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Linkenheld et Blatrix Contat, M. Cardon, Mmes Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Ros, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans chaque département, un sous-préfet est identifié en qualité de référent en matière de cybersécurité et résilience pour coordonner l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de cybersécurité et dans l’aide au maintien des services publics essentiels en cas de perturbation des services numériques.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Comme les précédents, cet amendement vise à préciser l’accompagnement apporté, dans les territoires, tant aux collectivités territoriales qu’aux entreprises concernées par ce projet de loi.
Cet amendement vise à ce que soit identifié, dans chaque territoire, un sous-préfet qui pourrait assurer la coordination des questions de cybersécurité. Ce sous-préfet aurait un rôle en amont, pour aider les entités à mieux se protéger, mais aussi en aval, si l’une d’entre elles était malheureusement victime d’une attaque.
De nombreux exemples d’attaques ont été cités au cours de nos débats, et nous savons à quel point un accompagnement, par une personne bien identifiée, est nécessaire. Il s’agit non pas de créer un poste supplémentaire, mais bien de désigner, parmi les sous-préfets déjà en poste, celui ou celle qui pourrait assumer cette mission cyber, en complément de ses autres responsabilités, qu’elles soient thématiques ou territoriales, selon les départements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. L’idée d’identifier un sous-préfet par département comme référent en matière de cybersécurité me paraît intéressante, mais il nous semble que c’est plutôt aux équipes d’intervention d’urgence en informatique, les Cert (Computer Emergency Response Teams) ou aux Csirt régionaux de jouer le rôle d’animation de la cybersécurité à l’échelon local, sous l’égide de l’Anssi.
Sur cet amendement, la commission spéciale souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement ; toutefois, la création d’une mission pour les sous-préfets relève du domaine réglementaire.
Une réflexion est en cours sur le renforcement du rôle des préfets et des sous-préfets dans la coordination de l’action publique à l’échelon local. Mieux vaut ne pas percuter ces travaux et en préserver la logique d’ensemble. L’appui des préfectures dans l’accompagnement des collectivités territoriales est absolument fondamental, comme je l’ai encore vu récemment dans votre département, monsieur Saury, mais le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est à présent l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 38 ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis, modifié.
(L’article 5 bis est adopté.)
Après l’article 5 bis
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Cardon, Mmes Linkenheld, Blatrix Contat, Conway-Mouret et Narassiguin, MM. Vallet, Ros et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 244 quater Y du code général des impôts, il est inséré un article 244 … ainsi rédigé :
« Art. 244 … – Jusqu’au 31 décembre 2027, les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des microentreprises et petites entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 30 % de la somme :
« – des dépenses d’audit de cybersécurité ;
« – des dépenses d’acquisition, de souscription ou de maintenance d’un produit ou service de cybersécurité ;
« – des dépenses de formation en cybersécurité engagées par l’entreprise ;
« Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit.
« Le crédit d’impôt est plafonné à 15 000 €.
« Le crédit d’impôt est imputé sur le résultat imposable à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés de l’entreprise. »
II. – Le I s’applique aux dépenses exposées à compter du lendemain de la promulgation de la présente loi.
III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
V. – Un décret en Conseil d’État détermine les critères nécessaires à l’obtention de ce crédit d’impôt.
La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. Poser une règle est une chose – c’est toujours facile – ; se donner les moyens de la faire respecter en est une autre.
Voilà quelques années, au sein de la délégation aux entreprises – je salue d’ailleurs son président, Olivier Rietmann, ici présent –, nous avons adopté à l’unanimité un rapport sur les TPE-PME, grandes oubliées de la cybersécurité. Nous avions notamment recherché des pistes pour leur donner les moyens de se moderniser et de se protéger.
En effet, les opérateurs d’importance vitale, qui sont protégés par l’Anssi, disposent déjà d’un certain nombre de services et d’outils. En général, quand on ne peut pas passer par la porte, on passe par la fenêtre. En l’occurrence, la « fenêtre », ce sont souvent les TPE-PME qui travaillent avec ces grands groupes !
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à instituer un crédit d’impôt en faveur des microentreprises et des petites entreprises. Dans un contexte marqué par la nécessité de faire des économies, j’ai accepté d’abaisser son plafond de 30 000 euros à 15 000 euros. L’idée est d’impulser une dynamique : n’attendons pas NIS 3, NIS 4 ou NIS 5 pour le faire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Dans le cadre de nos travaux, nous avions effectivement envisagé un crédit d’impôt en faveur des PME, conscients des efforts importants qui leur seront réclamés en matière de cybersécurité. Mais, après réflexion, une telle mesure nous est apparue déraisonnable dans le contexte très dégradé de nos finances publiques.
J’attire en outre l’attention de nos collègues sur le fait que le crédit d’impôt proposé par les auteurs de cet amendement créera inévitablement des effets d’aubaine. En effet, des entreprises auxquelles le présent projet de loi n’impose pas de nouvelles obligations dès lors qu’elles se situent sous les seuils prévus par NIS 2 bénéficieront du dispositif.
Au cours de nos échanges, le Gouvernement a indiqué travailler sur une forme de labellisation NIS 2 permettant aux entreprises de valoriser leurs efforts en matière de cybersécurité auprès des banques, des assurances et de leurs clients.
Dans un contexte où l’argent public devient très rare, une telle piste nous semble devoir être explorée en priorité. Je suppose que Mme la ministre déléguée nous apportera des précisions à cet égard.
En attendant, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je partage totalement la volonté qui est la vôtre d’accompagner les entreprises de taille modeste dans leur mise en conformité numérique. Je salue d’ailleurs les travaux que vous avez menés sur le sujet.
Ainsi que j’ai eu l’occasion de le souligner lors de la discussion générale, six attaques sur dix concernent de petites structures. C’est d’ailleurs bien pour cela que nous discutons de NIS 2 aujourd’hui.
Pour autant, le crédit d’impôt nous semble un outil inadapté. Vous connaissez, je pense, le contexte budgétaire ; nous passons beaucoup de temps à rechercher des solutions pour nos finances publiques. Il ne paraît vraiment pas opportun d’introduire une telle mesure aujourd’hui.
Par ailleurs, le crédit d’impôt envisagé par les auteurs de l’amendement pose des difficultés de fond. M. le rapporteur en a mentionné quelques-unes.
D’abord, une dépense fiscale est, par définition, très difficilement pilotable.
Ensuite, comme cela a été souligné, un tel crédit créerait des effets d’aubaine, ce qui est contraire à l’objectif de bonne gestion des finances publiques du Gouvernement.
Par ailleurs, l’amendement vise les TPE, qui ne sont pas concernées par la directive NIS 2, celle-ci s’appliquant seulement aux entreprises d’au moins 50 E. La différence de traitement ainsi créée serait peu justifiable au regard de l’objet du texte.
Enfin, le dispositif envisagé rend éligibles des dépenses ne couvrant qu’une partie de l’exercice de mise en conformité, ce qui créera nécessairement des distorsions préjudiciables à l’atteinte des objectifs.
Je n’en disconviens pas – je l’ai d’ailleurs rappelé dans la discussion générale –, la mise en conformité numérique représente un coût pour les entités concernées. Mais ces dernières doivent inscrire les dépenses en question dans le cadre d’une politique de bonne gestion. D’ailleurs, cette démarche est avant tout dans leur intérêt : encore une fois, le coût d’une cyberattaque est près de dix fois supérieur à celui de la mise en conformité.
C’est pourquoi nous avons réfléchi à une autre solution, à savoir un label qui permettra de valoriser les entités assujetties au texte. J’aurai l’occasion d’en dire un peu plus demain.
Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention.
Le contexte budgétaire, dites-vous, est difficile. Visiblement, il ne l’est pas pour tout le monde ! Le Président de la République vient en effet de nous expliquer que nous allions nous surarmer et, pour cela, adhérer à un plan européen visant à lever jusqu’à 800 milliards d’euros. Comment allons-nous financer tout cela ?
Nous avions bien compris qu’il n’était pas possible de sortir les dépenses sociales ou environnementales des critères de Maastricht ; en revanche, pour les dépenses d’armement, là, cela ne pose aucun problème ! Nous aurons à en débattre.
En vous écoutant, madame la ministre, je buvais du petit-lait. Je suis le rapporteur de la commission d’enquête, présidée par Olivier Rietmann, sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Il existe quelque 2 200 dispositifs, dont un tiers environ sont des crédits d’impôt. Or je viens d’entendre parler d’« effets d’aubaine » et de dispositifs « mal ciblés » ou « difficilement pilotables ». Mais c’est formidable !
Avec M. Rietmann, nous avons prévu d’auditionner quelque vingt-cinq PDG. Lorsque nous recevrons celui de Sanofi, nous pourrons vous citer et lui expliquer que le crédit d’impôt dont son groupe bénéficie est « mal ciblé », qu’il crée des « effets d’aubaine » et qu’il faut peut-être y mettre un terme ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Je vous remercie vraiment de cette belle annonce ; n’hésitez pas à en faire part à M. Lombard, qui sera certainement ravi ! (M. Rémi Cardon rit.)
Pour le reste, je ne suis pas un fanatique des crédits d’impôt en général. Mais, en l’occurrence, celui-ci serait plafonné à 15 000 euros et s’appliquerait aux sous-traitants. Or vous venez de nous indiquer que six cyberattaques sur dix concernaient les petites entreprises.
Après avoir fait adopter un amendement visant à exclure les sous-traitants du dispositif prévu à l’article 1er, arguant qu’il serait trop difficile de les y maintenir, vous refusez maintenant d’armer les petites entreprises, qui sont pourtant les plus ciblées ; c’est par elles que passent les cyberattaques qui frappent ensuite les grands groupes !
Il va falloir nous expliquer quelle est votre stratégie globale, madame la ministre. Votre objectif est-il de protéger l’ensemble de nos entreprises ? Si oui, il faut commencer par aider celles qui sont le plus attaquées et qui ont le moins de moyens pour se défendre. Vous ne voulez pas d’un crédit d’impôt ? Dont acte. Mais que proposez-vous à la place ? Vous ne pouvez pas exclure les petites entreprises du dispositif prévu à l’article 1er et refuser de les armer financièrement à l’article 5 !