M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que j’ai été saisi de deux demandes de scrutin public pour le vote de ces amendements identiques.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, j’écoute attentivement les échanges qui se tiennent dans l’hémicycle, celui-ci étant particulièrement animé, ce qui atteste l’importance de ce sujet pour le Sénat. Cette effervescence rappelle celle qui régnait en 2013, lors de l’extension du scrutin de liste aux communes de plus de 1 000 habitants. À l’époque, nous entendions déjà les mêmes inquiétudes chez les élus. Examinons donc, pour apaiser le débat, ce qui s’est passé ensuite – je rappelle du reste que des élections ont suivi dès mars 2014, alors que le texte avait été adopté en mai 2013.
On redoutait alors une politisation des élections locales. Avec le recul, ces craintes se sont révélées infondées. Nombre d’entre nous ont connu ce changement de mode de scrutin et n’ont pas observé de politisation plus marquée.
Je souhaite également exprimer mon opinion personnelle sur ce texte, dont j’estime qu’il suscite une agitation excessive. Contrairement à ce que son intitulé pourrait suggérer, la parité n’en est pas l’enjeu central. En effet, personne ici, quelle que soit sa place au sein de cet hémicycle, ne doute que les femmes ont toute leur place en politique. Il n’y a pas de difficulté en la matière, et je ne pense pas que ce soit pour faire obstacle à la parité que certains veuillent faire obstacle à ce texte.
À mes yeux, la parité n’est que la conséquence du scrutin de liste que nous pourrions être amenés ou non à instaurer.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. Or il me paraît que ce scrutin de liste présente des avantages. Le panachage peut en effet conduire à faire disparaître des équipes un certain nombre d’éléments clés – le maire, voire parfois l’intégralité de ses adjoints. C’est arrivé dans mon département comme dans les vôtres, mes chers collègues, et cela rend beaucoup plus difficile la gestion des communes.
Nous savons en effet que ce n’est pas parce que tout le monde se connaît que tout le monde s’entend dans une petite commune. À rebours de cette image d’Épinal, c’est parfois tout le contraire, si bien que personne ne s’entend !
Chaque commune, grande ou petite, peut porter des projets. En votant ce texte, nous faciliterons la gestion des communes.
Le sort qui est fait à la demande des associations représentatives d’élus me laisse, moi aussi, quelque peu perplexe, madame la ministre. Dans le département dont je suis élue, cette demande m’a été confirmée par les présidents départementaux des deux associations visées. L’AMF l’a formulée dès 2013. Devons-nous vraiment nous opposer à cette demande parce que notre expérience personnelle nous le suggère ?
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements identiques. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que constatons-nous à la lecture attentive des argumentaires des associations d’élus et des documents que celles-ci nous envoient régulièrement ? Nous lisons le désarroi d’un certain nombre d’élus de petites communes. Combien d’adjoints au maire chargés de l’urbanisme ont-ils été battus aux élections simplement parce qu’ils avaient pris une décision impopulaire, mais nécessaire au regard de l’intérêt général ? Et pourtant, ils avaient raison. Or pourquoi ont-ils été battus ? Telle est la raison d’être de ce texte, mes chers collègues.
Mais enfin, pourquoi le Gouvernement s’attache-t-il aujourd’hui à faire la guerre à la liberté ? Oui, la liberté de choisir librement ceux que l’on veut élire. Oui, la liberté de pouvoir porter un jugement sur les actions et les décisions des élus. Oui, la liberté d’exprimer son opinion, même si elle est parfois influencée par des affaires de voisinage ou de chasse, des querelles locales ou des tensions familiales anciennes. Mais c’est cela, la réalité de la France !
Je vous dis cela en tant que sénateur du Rhône, madame la ministre. Dans ce département dont je suis élu se trouve le petit village nommé Clochemerle, qui tant dans la réalité que dans la littérature, incarne cet esprit d’indépendance et de liberté locale. Il est de notre devoir de protéger le peu de liberté qu’il reste dans ces petites communes. Par ce texte, vous lui faites au contraire la guerre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et protestations sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’avais proposé de passer en revue les propositions des associations d’élus, mais comme tout le monde s’en est emparé, allons-y !
Quelque chose m’échappe, mes chers collègues : depuis bientôt quinze ans que je siège sur ces travées, c’est la première fois que l’on me dit que les propositions formulées par le bureau de l’AMRF doivent automatiquement être adoptées par notre assemblée. Si tel est le cas, le temps de parole qui m’est imparti ne suffira pas pour énumérer toutes les propositions qui ont été rejetées, que ce soit sur l’intercommunalité, sur les finances locales, sur les compétences ou sur le statut de l’élu.
En tant qu’élus, il nous appartient pourtant d’entendre ce que disent ces associations et ce que défendent les corps intermédiaires – je constate avec un peu d’ironie que dans le même temps, de nombreux collègues revendiquent comme moi leur attachement à la démocratie représentative. Il reste que notre débat est le reflet des enjeux, y compris politiques, qui façonnent nos prises de position, mes chers collègues.
Peut-on par ailleurs rappeler que les difficultés de calendrier rencontrées pour l’examen de ce texte tiennent moins à l’agenda parlementaire qu’à la crise politique majeure que traverse notre pays ? Oui, notre pays va mal. Oui, la crise politique est forte, et elle n’a rien à voir avec celle que nous avons connue lors du passage au scrutin de liste pour les communes comprises entre les seuils de 3 500 habitants et 1 000 habitants.
Mais s’il suffisait d’un changement de mode de scrutin pour résoudre la crise de l’engagement, cela se saurait !
Aujourd’hui, les difficultés à animer une équipe municipale, qui entraînent d’ailleurs des démissions, tiennent d’abord au fait que les communes n’ont plus de compétences, que les élus s’interrogent sur le sens de leur mandat et qu’ils peuvent être traînés en justice.
Par conséquent, la priorité, c’est la mise en place d’un statut de l’élu, avant toute autre mesure. Ce n’est pas une réforme du mode d’élection qui ramènera de la vitalité démocratique dans nos communes ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Je souhaite rappeler que l’AMRF est très partagée – elle a d’ailleurs eu l’honnêteté de le souligner dans son communiqué – sur le sujet : son bureau aura rarement été aussi divisé. Idem s’agissant de l’Assemblée des départements de France (ADF). Il n’est donc pas possible de justifier la réforme proposée en s’appuyant sur la position de l’AMRF.
Au demeurant, lorsque des sondages ont été effectués, il est arrivé qu’une absence de réponse soit interprétée comme une réponse positive, ce qui ne correspond pas nécessairement à la réalité…
Cosignataire de l’amendement de mon collègue Cédric Chevalier, je voterai en faveur de la suppression de l’article.
Au fond, nous ne vivons pas tous, me semble-t-il, dans le même monde, mes chers collègues. Je peux tout à fait concevoir que le dispositif envisagé soit une solution dans certains départements. Mais dans le département dont je suis élue, en Essonne – ma collègue Jocelyne Guidez l’a souligné précédemment –, dans des dizaines de communes, nous ne trouverons pas de candidats pour le scrutin de mars 2026.
Si des personnes de bonne volonté, y compris de sensibilités politiques différentes, souhaitent travailler ensemble et construire une majorité municipale, laissons-les faire !
Vous évoquez le « tir aux pigeons » pour dénoncer le panachage, mes chers collègues ? Mais le problème se poserait exactement dans les mêmes termes si les élections avaient lieu au scrutin de liste : des personnalités de qualité seraient privées de siège au conseil municipal du seul fait de la présence sur la même liste d’un candidat que l’on souhaite éliminer ! Car, dans les petites communes, les gens se connaissent de génération en génération, avec parfois de vieilles rancœurs ou détestations.
Honnêtement, le mode de scrutin que vous souhaitez imposer créera de grandes difficultés.
Je conclus sur la parité. Ce n’est pas un problème de « féminisme » ; des femmes maires nous ont fait part, à ma collègue Jocelyne Guidez et à moi-même, des difficultés rencontrées pour trouver des femmes candidates dans leur commune. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote. (Marques d’agacement sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Alain Roiron. Je souhaite insister sur trois points.
Premièrement, la mise en place d’un statut de l’élu s’impose effectivement. Sans doute eût-il été préférable d’inscrire cette question à l’ordre du jour du Parlement beaucoup plus tôt. Mais Mme la ministre nous a indiqué que nous serions saisis d’un texte en la matière dans quelques semaines.
Deuxièmement, la question du scrutin de liste se pose de manière récurrente. Les mêmes débats ont déjà eu lieu voilà un peu plus de dix ans, avant 2014. À l’époque, je n’étais pas parlementaire ; j’étais maire. Dans les territoires, certains étaient pour, d’autres contre. Les associations d’élus ont adopté des positions majoritaires. Si l’on exigeait systématiquement l’unanimité, on ne prendrait pas beaucoup de décisions dans ce pays !
Troisièmement, sur la question de la parité, soyons sérieux ! Cessons de faire comme s’il était impossible de trouver deux femmes qui seraient d’accord pour faire partie des cinq membres du conseil municipal d’une commune de moins de 100 habitants !
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J’entends les arguments de certains de nos collègues. Pendant un temps, je les ai du reste partagés. Je considérais que le dispositif envisagé pouvait effectivement contribuer à rendre le scrutin plus complexe ; je l’avais d’ailleurs souligné au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Puis, j’ai assisté à des auditions. J’ai entendu la souffrance que des maires et d’autres élus – il n’y avait pas que des battus aux élections ! – ont exprimée. Nous avons la responsabilité de leur apporter des réponses, mes chers collègues.
Les considérations relatives à la question des compétences ou au statut de l’élu ont évidemment toute leur légitimité. Mais elles doivent être traitées par ailleurs. Le sujet du jour, c’est de soulager la souffrance causée, notamment, par le panachage et son corollaire, le manque de stabilité des équipes municipales.
J’entends les objections qui nous sont adressées, par exemple sur la vitalité démocratique dans les communes et la difficulté à composer une liste complète.
Dans ce cas, commençons par valider le scrutin de liste tel qu’il nous est proposé, et renforçons les mesures visant à favoriser la complétude des listes aux articles suivants.
Car, à mélanger les débats – celui de la difficulté à boucler une liste, celui du mode de scrutin, etc. –, nous risquons de voir émerger une coalition des oppositions qui nous empêcherait de traiter les problèmes auxquels nous avons, me semble-t-il, l’impérieuse nécessité d’apporter des réponses : les tensions au sein des équipes en milieu rural et la souffrance d’un certain nombre de femmes et d’hommes qui ont envie de s’engager pour leur territoire. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera évidemment contre ces deux amendements de suppression.
Je me méfie particulièrement du simplisme. Ne rien faire, ne pas vouloir se confronter aux difficultés dont nous sommes saisis par les élus et leurs associations, c’est justement ce qui crée de la complexité !
Des questions se posent ; il faut y répondre. Cela ne date d’ailleurs pas d’hier ; elles se posaient déjà voilà plus de quatre ans. Nous avons eu des échanges avec l’AMF et l’AMRF. Des textes ont déjà été votés. Efforçons-nous donc d’avancer, de préférence rapidement, mes chers collègues.
J’en viens à la parité. Sur le papier, tout le monde est pour. Mais, dans les faits, la parité a toujours progressé à coups d’obligations. Songez au mode de scrutin qui s’applique aux élections départementales. Et si notre assemblée, le Sénat, a pu évoluer très positivement et se féminiser ces dernières années, c’est précisément du fait des obligations liées au scrutin de liste.
Attention à ne pas « politiser », nous disent certains. Mais, pour moi, la politique, ce n’est pas un gros mot ! Au contraire, je trouve même intéressant que le scrutin de liste permette aux candidats de défendre un projet et de construire du collectif. Car c’est bien ce dont nous avons besoin dans nos communes ; le collectif a toujours été source de liberté !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. D’ordinaire, je suis catalogué ici comme conservateur et réactionnaire. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Durain. Oh oui ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.)
M. Laurent Duplomb. Eh bien, au risque d’en surprendre certains, je suis plutôt favorable à la présente proposition de loi, et je ne voterai pas les deux amendements de suppression.
Je me pose en effet une question simple. J’ai été maire d’une commune de plus de 1 000 habitants, et j’en suis encore conseiller municipal. J’ai la certitude qu’un texte ayant pour objet de revenir à un système électoral autre que le scrutin de liste dans de telles communes susciterait une levée de boucliers massive. Dès lors, pourquoi une commune de 900 habitants n’aurait-elle pas les mêmes droits qu’une commune de plus de 1 000 habitants ?
M. Didier Marie. Exactement !
M. Laurent Duplomb. À mon sens, l’engagement repose sur deux principes.
Premièrement, il faut avoir un projet pour sa commune. Or une juxtaposition de candidatures individuelles indépendantes au scrutin uninominal ne fait pas un projet. Certes, des candidatures au scrutin uninominal peuvent être présentées en bloc. Mais, dans ce cas, quelle est la différence avec une liste ? Autant opter directement pour le scrutin de liste !
Deuxièmement, l’intérêt général, ce n’est pas la somme des intérêts particuliers. Et, pour un élu, le plus difficile, ce n’est pas de dire « oui » ; c’est de savoir dire « non ». En règle générale – croyez-en mon expérience –, l’élu qui a le courage de dire souvent « non » a beaucoup plus de chances de voir son nom rayé que celui qui dit toujours « oui » ou qui ne fait jamais rien.
C’est pourquoi je suis favorable à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote. (Marques d’agacement sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fialaire. Je suis également sénateur du Rhône, et je réside à proximité de Clochemerle. (Sourires.)
Je souhaite défendre la liberté, dont le corollaire est la responsabilité.
Ce n’est pas moi qui l’apprendrai à un juriste aussi éminent que mon collègue Étienne Blanc : les lois qui régissent le vivre-ensemble ne sont pas attentatoires à la liberté. Au contraire, elles la protègent !
En l’occurrence, le texte dont nous débattons protège non seulement la liberté, mais également l’égalité, entre les sexes et entre les personnes, ainsi que la fraternité. Je le voterai donc avec enthousiasme ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je souhaite vous rendre compte d’une consultation à laquelle j’ai procédé dans mon département, mes chers collègues.
En 2013, j’étais plutôt favorable à la généralisation du scrutin de liste, qui me semblait aller dans le sens de la parité et de l’intercommunalité.
Sur les 591 communes de Meurthe-et-Moselle, 472 comptent moins de 1 000 habitants. J’ai reçu 215 réponses, dont les deux tiers en défaveur du scrutin de liste. Et 80 % des personnes ayant répondu ont souligné la difficulté de respecter les règles applicables en matière de parité, y compris dans des communes ayant une femme comme maire ou 50 % d’élues au conseil municipal.
Enfin, dans 15 % des cas, on m’a aussi demandé si le Parlement n’avait rien de plus urgent à traiter en ce moment. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et exclamations sur les travées du groupe SER.) Je tiens à le souligner, car cela a aussi contribué à forger mon opinion.
Quand les associations d’élus donnent des consignes, elles sont dans leur rôle. Mais même lorsque nous suivons leurs consignes – j’ai des exemples liés au projet de loi de finances en tête –, cela ne les empêche pas de nous égratigner, voire pire. C’est le jeu de la démocratie.
Après avoir entendu les positions des uns et des autres, nous allons pouvoir nous exprimer et avancer. Mais ne perdons pas de vue que les choix en matière de règles démocratiques doivent correspondre au temps politique. Or nous sommes dans un temps d’instabilité et de difficultés.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je voterai les deux amendements identiques de suppression.
Posons-nous les bonnes questions, mes chers collègues. Les dispositions législatives actuelles relatives aux communes de moins de 1 000 habitants sont-elles mauvaises ? Je ne le crois pas.
Empêchent-elles la parité ? Pas du tout ! Dans nos territoires, nous avons tous des communes, y compris de moins de 1 000 habitants, où la parité est respectée. Je connais même des communes où le maire, le premier adjoint, le deuxième adjoint et le troisième adjoint sont des femmes !
Mme Audrey Linkenheld. Et ça va ? Vous ne le vivez pas trop mal ?
M. Olivier Paccaud. Cela ne pose aucun problème.
Imaginons maintenant ce qui se passerait si la présente proposition de loi était votée. Dans un conseil municipal d’amazones,…
Mme Audrey Linkenheld. Non, mais qu’est-ce que c’est que ce vocabulaire ?
M. Patrick Kanner. C’est scandaleux !
M. Olivier Paccaud. … c’est-à-dire composé exclusivement de femmes, il faudrait en renvoyer la moitié ! Tout comme il faudrait renvoyer la moitié des élus d’un conseil municipal composé exclusivement d’hommes, quand bien même ceux-ci seraient-ils de bonne volonté !
Le problème, ce n’est pas la parité ; c’est la parité obligatoire. Pour avoir de bons élus municipaux, il faut non pas une parité obligatoire, mais une motivation obligatoire ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Permettez-moi d’anticiper quelque peu en évoquant un amendement que je présenterai tout à l’heure.
Je peux entendre que, pour nous les femmes, la parité ait parfois été un élément déclencheur de notre motivation.
Mais, en bonne centriste, j’ai déposé un amendement visant à retenir une solution intermédiaire : n’étendre le scrutin de liste qu’aux communes de 500 habitants à 999 habitants. Ce serait à la fois un premier pas et la voix de la sagesse.
Je suis en effet persuadée qu’il sera très compliqué d’appliquer le scrutin de liste dans les communes de moins de 500 habitants.
Tel est le sens de l’amendement n° 4 rectifié, que je défendrai dans quelques instants. (M. Hervé Maurey applaudit.)
M. Pierre Jean Rochette. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. J’estime que la véritable question n’a pas trait à la parité. Nous sommes tous d’accord sur ce sujet ; le débat est désormais derrière nous. J’ai moi-même voté toutes les lois en faveur de la parité, considérant que ce serait peut-être le seul moyen de garder à l’avenir 50 % d’hommes dans les assemblées élues. (Sourires et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
À l’instar de mon collègue Husson, j’ai procédé à une consultation. Le département dont je suis élu, la Haute-Saône, se compose de 539 communes, dont 530 de moins de 1 000 habitants. En l’occurrence, 80 % des personnes ayant répondu sont contre la mise en place du scrutin de liste dans les petites communes.
Vous me parlez de l’AMRF, de l’AMF, etc., mes chers collègues. J’ignore ce que sont les positions de ces associations à l’échelon national. Ce dont je suis en revanche certain, c’est que 70 % à 80 % de nos petits maires ruraux, de droite comme de gauche, sont hostiles au changement envisagé.
Je crains enfin que les élus locaux ne comprennent pas la démarche des auteurs de cette proposition de loi, madame la ministre.
M. Jérôme Durain. Nous allons leur expliquer !
M. Alain Joyandet. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a déjà créé une véritable usine à gaz pour nos collectivités. Voilà huit ans que nous nous battons au Sénat, sur toutes les travées, pour essayer d’y remédier, de simplifier et de redonner de la liberté, par exemple en rendant la compétence eau et assainissement facultative.
Pourquoi dites-vous qu’il faudrait avoir le même mode de scrutin partout en France, madame la ministre ?
Mes chers collègues, sauf erreur de ma part, nous-mêmes n’avons pas tous été élus de la même manière. Vous êtes un certain nombre à avoir été élus au scrutin de liste. Et nous sommes quelques-uns à nous être fait élire sur notre nom, lors d’un scrutin dont le premier tour a eu lieu le matin et le second l’après-midi d’un dimanche… Si nous suivons la logique des promoteurs de ce texte, il faudrait que nous soyons tous élus de la même manière ; dans ce cas, je préférerais nettement que ce soit au scrutin uninominal plutôt qu’à la proportionnelle ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je pense que la présente proposition de loi permet d’aller au bout de la logique de la parité. Je salue le consensus qui existe au sein des associations d’élus ; j’en représente moi-même une.
Si ce texte favorise l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’accès aux mandats locaux, ce qui est déjà très important, l’argument en faveur de son adoption qui est à mes yeux le plus fort est qu’il mettra un terme à un mode du scrutin totalement archaïque, celui du « tir aux pigeons » ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
J’entends ce que disent les grands électeurs et les grandes électrices, ainsi que, d’une manière plus générale, tous les élus du département dont je suis élu. À un an des élections municipales, le Sénat enverrait, me semble-t-il, un signal extrêmement fort en supprimant le mode de scrutin actuel, que tant d’élus, y compris dans des communes de près de 1 000 habitants, ressentent comme une punition extrêmement dure !
Il faut laisser à la personne, maire sortant ou tête de liste, qui construit sa liste la possibilité de choisir celles et ceux qui auront ensuite la capacité d’assumer des responsabilités.
Il arrive que le maire et l’adjoint à l’urbanisme soient les seuls sortants à ne pas être réélus.
Mme Cécile Cukierman. Ils le seront au second tour !
M. Loïc Hervé. L’argument de notre collègue Étienne Blanc est donc totalement réversible.
Par conséquent, je ne voterai pas ces deux amendements de suppression, et je soutiens la position du Gouvernement. En adoptant cette proposition de loi à un an des élections municipales, j’estime en effet que nous ferions coup double, mes chers collègues. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je suivais cette discussion depuis mon bureau, mais j’ai souhaité venir répondre à nos collègues de la droite sénatoriale dans l’hémicycle.
Car, au fond, ce sont les mêmes débats depuis quarante ans. Il y a quarante ans, lorsque nous avons institué les conseils régionaux – une grande réforme de la gauche –, nous avons opté pour le scrutin proportionnel, qui a permis la parité. Nous avons ensuite réformé le mode d’élection des conseils municipaux, favorisant, là aussi, une plus juste représentation, ainsi que la parité.
Et j’ai l’impression que vous cherchez aujourd’hui, mes chers collègues, à nous empêcher de parvenir au dernier stade, qui consiste à instaurer la parité comme objectif politique, républicain et juste.
Quand j’étais président du Nord, premier département de France, j’ai eu l’honneur de construire le nouveau mode de scrutin départemental avec Claudy Lebreton, à l’époque président de l’ADF.
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas une réussite !
M. Patrick Kanner. Avant cette réforme, il n’y avait que 13 % d’élues dans les assemblées départementales, et moins d’une dizaine de présidentes de conseil général sur 101 départements, dont Mayotte.
Le changement de système électoral et le redécoupage des cantons nous permettent aujourd’hui d’avoir 50 % de femmes dans les conseils départementaux. (M. Olivier Paccaud s’exclame.) À l’époque, certains nous disaient que nous ne trouverions pas suffisamment de femmes candidates et que les scrutins ne pourraient pas se tenir. Nous avons trouvé des femmes candidates, et nous avons atteint un niveau record de présidentes de département.
M. Alain Joyandet. Ce n’est pas le débat !
M. Patrick Kanner. Chers collègues, cessez d’avoir les yeux dans le rétroviseur et regardez vers l’avenir pour faire face à vos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)