M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir légiféré sur l’interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique, c’est à présent sur un autre fléau de consommation des jeunes que nous nous attardons : les usages détournés du protoxyde d’azote.
Vous le savez, le protoxyde d’azote est à la fois un médicament dont l’utilisation est encadrée et un produit de consommation courante utilisé comme additif alimentaire et comme gaz de compression dans les aérosols, notamment pour préparer notre chère crème chantilly. (Sourires.)
Malheureusement, son usage est de plus en plus détourné par les adolescents et les jeunes adultes, qui l’utilisent à titre récréatif, compte tenu des propriétés hilarantes de ce gaz.
Risquer de mourir de rire à cause de cette pratique, cela n’a rien de drôle : nous devons au contraire nous alarmer des conséquences de cet usage, tant en matière de santé publique qu’eu égard aux nuisances qu’il entraîne dans l’espace public.
La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives avertit que les conséquences sur la santé peuvent être l’asphyxie, la perte de connaissance, des brûlures, mais aussi, en cas d’usage répété et/ou à forte dose, de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques et cardiaques.
Par ailleurs, les collectivités territoriales et nos élus locaux sont de plus en plus confrontés aux conséquences de cette consommation récréative, qui entraîne trop souvent des attroupements sur la voie publique et provoque des comportements agressifs.
L’abandon de bonbonnes et de bouteilles de protoxyde d’azote sur la voie publique pose aussi désormais un problème aigu de gestion des déchets. S’ensuit d’ailleurs un risque d’incendie dans les installations de collecte, de tri et de recyclage – nous en avons discuté plus tôt cet après-midi. Le protoxyde d’azote semble également avoir une responsabilité dans la survenue d’accidents de la route.
Si de nombreuses municipalités et préfectures ont pris des arrêtés pour interdire l’usage et la détention de protoxyde d’azote dans l’espace public, ces arrêtés se révèlent aujourd’hui insuffisants, car leur portée est limitée dans le temps et dans l’espace.
Dans ce contexte, ce texte de notre collègue Ahmed Laouedj, que je salue, et de ses collègues du RDSE vise à compléter la loi de 2021 pour mieux lutter contre le phénomène dont il est question.
La loi actuelle semble bien insuffisante face à la diversification de l’offre hors des circuits traditionnels, qui est assez difficile à contrôler, et à l’apparition de réseaux illicites structurés, qui complexifient le travail des autorités. Il nous faut donc considérablement renforcer l’arsenal des mesures qui sont à la disposition de ces dernières.
Nous soutenons bien sûr l’encadrement et les sanctions proposées à l’article 1er, qui prévoit la pénalisation de la consommation détournée de protoxyde d’azote. L’encadrement de la vente doit être renforcé via une déclaration administrative et une interdiction de vente la nuit, et il faut naturellement rendre plus dissuasives les peines applicables en cas de vente à un mineur.
Il convient évidemment aussi de sanctionner l’abandon des cartouches ou bonbonnes sur la voie publique, comme le demandent nos élus locaux.
Le texte initial prévoyait l’interdiction de la détention par les mineurs, mais une telle mesure risquait de contrevenir à la justice pénale des mineurs. Aussi soutenons-nous la position de la commission sur ce sujet.
L’article 2 prévoit une sensibilisation aux dangers liés aux usages détournés du protoxyde lors des séances de prévention des conduites addictives organisées dans le secondaire. Ce volet préventif est essentiel pour que nos jeunes soient sensibilisés au plus tôt aux risques encourus : amélioration de l’information quant aux effets immédiats et à long terme d’une consommation de ce produit, conseils formulés pour éviter les dangers, mobilisation de ressources pour un accompagnement médical et spécialisé.
Ces évolutions, recommandées par les professionnels de santé et très attendues par les élus locaux, vont dans le bon sens ; elles devraient faire leurs preuves sur le terrain et améliorer l’efficacité des actions engagées. Se pose néanmoins la question des moyens humains : nos forces de l’ordre sont déjà si sollicitées sur des sujets légitimement jugés plus importants !
En tout état de cause, avec ce texte qui marche sur deux jambes, répression et prévention, les parlementaires que nous sommes jouent leur juste rôle. Nous voterons donc naturellement cette proposition de loi telle qu’elle a été modifiée par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vertiges, chutes, hypoxies, convulsions, brûlures, complications neurologiques et neuromusculaires, complications cardiovasculaires et troubles psychiatriques, voire décès : en sus de sa dangerosité, attestée par la communauté scientifique et que tous les orateurs précédents ont rappelée, le protoxyde d’azote cause de nombreux troubles à l’ordre public, comportements agressifs, accidents, dépôts sauvages ; et c’est sans compter les risques d’explosion dans les usines de traitement ou d’incinération des déchets – nous venons justement d’en débattre.
Toutes ces raisons justifient que le législateur se penche à nouveau sur le sujet, quatre ans après l’adoption de la proposition de loi de Valérie Létard, appliquée tardivement et qui malheureusement ne suffit déjà plus, dans un contexte de forte augmentation de la consommation.
En effet, les centres d’addictovigilance déclarent une multiplication par quatre depuis 2020 des signalements ayant donné lieu à une prise en charge médicale.
Les 18-75 ans étaient 4,3 % à avoir déjà expérimenté ce produit en 2022, l’âge moyen étant de 25 ans, ce qui en dit long sur la jeunesse des consommateurs. La fugacité des effets du protoxyde d’azote, son accessibilité sur internet et son prix modéré en font un produit particulièrement attractif, notamment pour les jeunes. Les vendeurs ne lésinent d’ailleurs pas sur les moyens d’attirer et de fidéliser leurs clients, via de nombreux produits dérivés.
Les contenants jetés sur la voie publique sont également en nette augmentation ; de nombreuses collectivités, d’ailleurs, nous interpellent sur le sujet. Les réseaux d’importation et de revente illicites semblent s’être structurés sur le modèle des trafics de stupéfiants, ce qui laisse entrevoir une progression plus massive encore du phénomène dans les années à venir.
En mars 2023, l’Agence européenne des produits chimiques a classé le protoxyde d’azote comme produit toxique pour le système nerveux et la fertilité. La Commission européenne doit désormais confirmer cet avis et définir de nouvelles restrictions de vente – nous attendons qu’elle se prononce en ce sens.
Notre groupe a jugé nécessaire d’engager dès aujourd’hui la mise en œuvre en France de mesures renforcées : la loi doit devancer et non courir derrière un phénomène déjà difficile à contrôler. Je prends l’exemple de la soumission chimique, que je connais particulièrement bien : il a fallu attendre l’affaire Pelicot pour que les autorités et les laboratoires se mobilisent en vue de limiter le détournement de médicaments à des fins d’agression. N’attendons donc pas une multiplication des drames avant d’agir !
L’Assemblée nationale a fait le même constat d’urgence et adopté au mois de janvier, pour sa part, une proposition de loi visant à interdire totalement la vente aux particuliers ; certains groupes défendront d’ailleurs cette position dans l’hémicycle.
Nous proposons de notre côté des mesures alternatives et de bon sens, à propos desquelles notre rapporteure Maryse Carrère, par ailleurs présidente de notre groupe, a utilement complété le travail de notre collègue Ahmed Laouedj, que je salue pour son initiative.
Sur l’indispensable volet préventif, ce texte renforce la sensibilisation aux usages détournés du protoxyde d’azote dans les collèges et lycées ; c’est un point essentiel.
Pour réduire l’accessibilité à ces produits, nous proposons d’en interdire la vente entre vingt-deux heures et huit heures et d’obliger les commerces et sites de vente en ligne à se déclarer administrativement.
En matière de prévention, enfin, nous renforçons et élargissons les sanctions déjà prévues : création d’une contravention de 450 euros pour usage détourné ; sanction fixée à 7 500 euros d’amende et fermeture administrative du débit de boissons ou de tabac concerné en cas de vente à un mineur ; ajout d’une peine d’un an d’emprisonnement à l’amende de 15 000 euros encourue en cas d’incitation d’un mineur à la consommation ; amende de 100 000 euros pour non-respect des quantités maximales de vente aux particuliers. Les dépôts sauvages ne sont pas oubliés, une amende spécifique de 1 500 euros étant créée en cas de dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d’azote.
Voilà l’objet de ce texte, étant entendu que l’effort de prévention reste essentiel : il s’agit, sans aller jusqu’à un classement comme stupéfiant et à une interdiction totale, de confirmer la dangerosité du protoxyde d’azote et de donner aux forces de l’ordre les moyens de lutter efficacement contre un phénomène de plus en plus inquiétant.
Nous espérons bien sûr le soutien du Sénat et de l’Assemblée nationale en vue d’une adoption définitive rapide ; ainsi remettrons-nous enfin à sa place, c’est-à-dire en cuisine et dans les hôpitaux, ce gaz qui n’a rien d’hilarant. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le protoxyde d’azote, que certains qualifient encore de « gaz hilarant », a cessé de faire rire. Par-delà son apparente innocuité, il est devenu un poison du quotidien, une menace silencieuse pour notre jeunesse.
En quelques années, ce gaz initialement destiné à un usage médical, industriel et alimentaire est devenu une substance récréative et son usage donne désormais lieu à une crise de santé publique.
Il était donc urgent d’agir. Dans la continuité de la loi dont Valérie Létard avait été à l’initiative en 2021, ce texte constitue une nouvelle avancée nécessaire et bienvenue, après l’adoption, ce jour, de la proposition de loi de nos collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat visant à renforcer la prévention des risques d’accidents liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement de déchets.
Si le cadre actuel protège essentiellement les mineurs, il fallait s’attarder plus particulièrement sur le cas des 18-24 ans, qui, en 2022, représentaient 61 % des consommateurs. Aussi, je tiens à remercier Ahmed Laouedj, qui a déposé cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteure, Maryse Carrère, dont le travail rigoureux a permis d’affiner le dispositif.
En effet, ce gaz n’est pas anodin, la liste des risques sanitaires liés à son usage détourné étant accablante. En quelques secondes, il provoque une euphorie brève, mais intense, une sensation d’ivresse immédiate qui masque des conséquences potentiellement dramatiques. Le rire d’un instant peut être le prélude à un désastre neurologique et cardiovasculaire et se transformer en souffrance de toute une vie.
Le protoxyde d’azote entraîne des carences en vitamine B12, laquelle est essentielle au bon fonctionnement du système nerveux ; il agit directement sur la moelle épinière et provoque des troubles moteurs sévères, des pertes de sensibilité et, dans les cas extrêmes, une paralysie – mes collègues l’ont déjà rappelé, comme M. le ministre. Il perturbe également le système cardiovasculaire, entraînant arythmies et malaises cardiaques.
Les chiffres sont glaçants : en 2023, 314 cas graves ont été enregistrés, contre 84 en 2020, soit une multiplication par près de quatre en trois ans. En 2021, 80 % des cas graves avaient trait à des complications neurologiques, et 47 % des signalements mentionnaient une consommation quotidienne.
Cette crise sanitaire a un coût pour notre système de santé. Derrière une consommation qui peut sembler anodine, les complications liées à l’usage détourné du protoxyde d’azote mobilisent des ressources médicales : consultations neurologiques, examens spécialisés, prises en charge en rééducation. Un patient souffrant de complications sévères peut nécessiter plusieurs mois de suivi. Cette prise en charge pèse sur l’assurance maladie. Or, comme souvent en matière de santé publique, prévenir coûte moins cher que guérir.
Il est donc impératif d’accompagner ce texte d’un renforcement des actions de prévention, notamment auprès des jeunes, car la consommation de protoxyde d’azote s’est largement diffusée via les réseaux sociaux, YouTube, TikTok, Instagram, autant de plateformes sur lesquelles circulent des vidéos banalisant cette pratique, voire la glorifiant. Des défis, des vidéos virales, des influenceurs irresponsables : l’hyperconnexion des jeunes accélère la diffusion de ces comportements à risque.
Je salue les campagnes de sensibilisation déployées sur les réseaux sociaux, sur le même modèle que celles qui ont été menées contre le tabac ou les drogues dures. L’éducation est notre première arme face à ce fléau.
Mais, au-delà des questions de santé publique, il importe aussi d’observer que ce phénomène a envahi l’espace public. Il suffit de se promener dans certaines grandes villes pour le constater : capsules abandonnées sur les trottoirs, bouteilles entassées dans les parcs, nuisances sonores liées aux attroupements nocturnes. Nous faisons face non seulement à un problème sanitaire, mais aussi à un problème de vivre-ensemble.
Comme souvent, les collectivités sont en première ligne face à cette dérive. En 2023, Saint-Ouen a ramassé plus de 2 000 bouteilles, tandis que la ville de Lyon a collecté 7 tonnes de bonbonnes de gaz. Les maires multiplient les arrêtés pour tenter d’endiguer le phénomène, mais ces mesures restent limitées dans le temps et dans l’espace.
Les collectivités, la police et la justice ont besoin d’un cadre juridique renforcé, car elles peinent aujourd’hui à matérialiser les infractions ; du reste, certaines infractions ne sont sanctionnées d’aucune peine. Le présent texte mettra à leur disposition des outils renforcés pour sanctionner, d’une part, les usages détournés du protoxyde d’azote et, d’autre part, le dépôt ou l’abandon sur la voie publique des contenants.
Ces mesures sont d’autant plus indispensables qu’autour de ces ballons de gaz prospère un véritable marché parallèle. Des réseaux organisés se structurent, orchestrant une distribution de plus en plus massive et lucrative. Il est possible aujourd’hui de commander des bonbonnes de plusieurs litres en quelques clics, sans aucun contrôle. Les importations massives de contenants non réglementaires se font en particulier en provenance des Pays-Bas, de Belgique et de Pologne.
En 2024, 30 tonnes ont été saisies en Île-de-France ; en 2023, 21 tonnes à Vénissieux ; en 2022, 14 tonnes en Seine-et-Marne. Cette proposition de loi vise justement à mettre un coup d’arrêt à cette économie souterraine en renforçant les sanctions encourues en cas de vente illicite et en limitant l’accès à ces produits. Nous ne saurions laisser la santé publique être sacrifiée sur l’autel du profit facile.
Toutefois, nous devons garder à l’esprit un équilibre fondamental : protéger sans interdire abusivement. En effet, si l’interdiction totale peut sembler séduisante, elle a son lot d’effets pervers : je ne citerai que le secteur médical, qui utilise ce gaz pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques.
Doit-on priver de liberté une majorité pour protéger une minorité de ses propres excès ? Doit-on interdire la vente de crème chantilly sous prétexte que certains détournent les recharges de gaz ? Ceux qui prônent une interdiction totale sont les mêmes qui, le mythe d’Icare leur étant conté, voudraient interdire à tous la cire et les plumes pour éviter qu’un seul ne se brûle les ailes !
Aussi ce texte repose-t-il sur une régulation intelligente plutôt que sur une interdiction aveugle et inefficace.
Mes chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion de voter un texte équilibré, pragmatique et indispensable : un texte, j’y insiste, qui protège sans interdire aveuglément, un texte qui permet d’anticiper au lieu de subir.
C’est pourquoi notre groupe votera cette proposition de loi ; nous le devons à nos jeunes, à nos collectivités, à notre système de santé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’usage récréatif du protoxyde d’azote remonte au XVIIIe siècle et s’est déployé dans les soirées étudiantes avant de toucher l’espace public, en particulier dans l’agglomération de Lille ; depuis trois ans, il s’est généralisé à l’ensemble du territoire.
Loin de sa réputation inoffensive, le protoxyde d’azote est pour l’organisme humain un gaz toxique, dont nous ne mesurons pas encore l’ensemble des conséquences sur le long terme. Selon l’enquête publiée par Santé publique France au mois d’octobre 2023, plus de 10 % des jeunes de 18 à 24 ans ont déjà consommé du protoxyde d’azote. De plus, la consommation progresse dans notre pays et touche un public parfois très jeune.
De nombreux élus, et en particulier des maires, se sont tournés vers nous et se disent désemparés face à ce véritable fléau. Il importe de les accompagner dans la lutte contre l’usage dangereux du protoxyde d’azote.
La loi de 2021 a été une première étape, mais force est de constater qu’elle n’a pas suffi. Si elle a contribué à la prévention en obligeant les industriels à mentionner les dangers d’un usage détourné du produit, des sites internet continuent de vendre librement des bonbonnes toujours plus grandes et à faire légalement, sur les réseaux sociaux, de la publicité à l’intention des plus jeunes.
La proposition de loi présentée par nos collègues du groupe du RDSE vise donc à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote. Nous saluons cette initiative, mais nous avons des remarques à formuler sur ce texte.
Pour ce qui concerne le choix du véhicule législatif, nos collègues auraient pu utiliser la proposition de loi transpartisane cosignée par une centaine de députés et adoptée le 29 janvier dernier sur le même sujet. Nous aurions ainsi pu prolonger la navette parlementaire et espérer une issue rapide, au lieu de quoi le présent texte ajoute une étape au long parcours des initiatives parlementaires et se révèle peu compatible, de surcroît, avec le texte voté à l’Assemblée nationale.
Sur le fond, je tiens à saluer les modifications apportées par notre collègue rapporteure : elle a en particulier supprimé des dispositions répressives qui n’étaient pas adaptées à l’usage détourné du protoxyde d’azote, ce produit n’étant pas assimilé à un stupéfiant.
Nous regrettons toutefois que le texte maintienne la sanction de l’usage détourné de protoxyde d’azote, qui était puni, dans le texte initial, d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Une telle sanction nous paraît disproportionnée, mais surtout inefficace, pour endiguer un problème dont la résolution passe, selon nous, par une véritable politique de prévention en santé publique et de réduction des risques auprès des jeunes.
L’article 2 y pourvoit, mais trop partiellement. Le Gouvernement devrait s’engager à conduire auprès des jeunes une campagne de prévention nationale sur les risques du protoxyde d’azote, sur le modèle de ce qu’ont fait – vous l’avez noté, monsieur le ministre – les agences régionales de santé des Hauts-de-France et d’Île-de-France en 2023.
Ce gaz hilarant est dangereux et nous devons aller plus loin en interdisant sa vente en ligne aux particuliers.
La lutte contre l’usage détourné du protoxyde d’azote nécessite, je le redis, que soit menée auprès des jeunes une véritable politique de prévention. C’est là l’élément primordial qui manque dans ce texte, ses auteurs ayant choisi de renforcer l’arsenal répressif sans s’attaquer véritablement à la circulation du produit chez les jeunes.
Pour ces raisons, et en l’état du texte, le groupe CRCE-K s’abstiendra sur cette proposition de loi.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote
Article 1er
I. – La troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3611-1 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’usage détourné de protoxyde d’azote pour en obtenir des effets psychoactifs est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;
b) Après le mot : « puni », sont insérés les mots : « d’un an d’emprisonnement et » ;
2° L’article L. 3611-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de chaque produit mentionné à l’article L. 3611-1 » sont remplacés par les mots : « de produits pouvant faire l’objet d’un usage détourné pour en obtenir des effets psychoactifs » et les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
b) (Supprimé)
c) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le non-respect des dispositions prises en application du premier alinéa du présent article est puni de 100 000 euros d’amende. » ;
3° L’article L. 3611-3 est ainsi modifié :
a à d) (Supprimés)
e) Au dernier alinéa, le montant : « 3 750 € » est remplacé par le montant : « 7 500 euros » ;
f) (nouveau) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de violation de l’interdiction mentionnée au deuxième alinéa du présent article, le débit de boissons ou de tabac peut faire l’objet d’un arrêté de fermeture administrative d’une durée n’excédant pas six mois pris par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police.
« Le fait de ne pas se conformer à une mesure de fermeture ordonnée ou prononcée en application de l’avant-dernier alinéa est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. » ;
3° bis (nouveau) Le chapitre unique du titre Ier du livre VI est complété par un article L. 3611-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3611-3-1. – Tout commerce souhaitant vendre du protoxyde d’azote aux particuliers est tenu de réaliser, quinze jours au moins à l’avance et par écrit, une déclaration administrative auprès de la mairie ou, à Paris, auprès de la préfecture de police. Il en est donné immédiatement récépissé. Dans les trois jours suivant la déclaration, le maire de la commune où elle a été faite en transmet copie intégrale au représentant de l’État dans le département.
« Pour les sites de commerce électronique, la déclaration est réalisée auprès de la préfecture de police de Paris.
« Les mentions figurant sur la déclaration mentionnée au premier alinéa sont définies par décret.
« La déclaration est valable dix ans.
« La vente aux particuliers de protoxyde d’azote est interdite entre 22 heures et 8 heures.
« La vente aux particuliers de protoxyde d’azote sans avoir réalisé la déclaration mentionnée au premier alinéa ou pendant les heures où cette vente est interdite est punie de 3 750 euros d’amende.
« L’article ne s’applique pas à la vente de protoxyde d’azote en tant que médicament. » ;
4° Le même chapitre unique est complété par un article L. 3611-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 3611-4. – Le dépôt ou l’abandon sur la voie publique de cartouches d’aluminium, bonbonnes et bouteilles contenant ou ayant contenu du protoxyde d’azote ou de tout autre récipient sous pression contenant ou ayant contenu du protoxyde d’azote est puni de 1 500 euros d’amende. » ;
5° (nouveau) Le chapitre unique du titre II du livre VI est complété par un article L. 3621-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3621-2. – Les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance, qui participent à l’accomplissement des missions mentionnées au 2° de l’article L. 5311-2, contribuent à l’information et à la formation des professionnels de santé concernant les usages détournés et dangereux du protoxyde d’azote. » ;
6° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 3631-1, les deux occurrences de la référence : « L. 3611-3 » sont remplacées par la référence : « L. 3611-4 » ;
7° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 3631-2, les mots : « aux articles L. 3611-2 et L. 3611-3 » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article L. 3611-1 et aux articles L. 3611-2 à L. 3611-4 » ;
8° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 3823-6, la référence : « L. 3611-3 » est remplacée par la référence : « L. 3611-4 ».
II (nouveau). – Pour l’application du premier alinéa de l’article L. 3611-3-1 du code de la santé publique, les commerces réalisant des ventes de protoxyde d’azote aux particuliers à la date de publication du décret mentionné au troisième alinéa du même article L. 3611-3-1 sont tenus de réaliser la déclaration dans les six mois suivant la publication de ce décret.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Je serai claire et concise : nous demandons, par cet amendement, que l’usage du protoxyde d’azote ne soit pas pénalisé.
Pourquoi ?
Premièrement, l’approche répressive ne fonctionne pas. Nous sommes à la fois, en matière d’usage de drogue, le pays le plus répressif d’Europe et le premier consommateur.
Deuxièmement, une telle pénalisation détournerait les forces de police de missions plus cruciales. On l’a vu dans les villes où, parce que des arrêtés ont été pris, les policiers agissent en ce domaine : non seulement ils n’arrivent pas, les pauvres, à endiguer ce phénomène, mais, de surcroît, les actions qu’ils mènent dans ce cadre les empêchent d’être sur d’autres terrains, en particulier celui du trafic.
Troisièmement, la priorité donnée à la prévention et à la réduction des risques produit toujours des réussites de santé publique. On le voit au Portugal ; on le mesure aussi en France, par contraste.
Ce texte relève enfin, à notre sens, d’une approche contradictoire. En 2021, plus de 100 millions de cartouches de protoxyde d’azote ont été vendues en France. Si le danger est avéré, pourquoi maintenir une vente partielle et encadrée plutôt que réserver une telle vente aux professionnels ?
Au total, le dispositif proposé est complexe et inefficace, étant entendu que la loi de 2021 n’a pas fonctionné. C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer la pénalisation de l’usage détourné de protoxyde d’azote, mesure inefficace – j’y insiste – en termes de santé publique.