Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. En conclusion, cette proposition de loi vise à combler un vide juridique et à apporter une réponse adaptée, sans stigmatiser ni exclure, mais en rappelant, au contraire, que le sport est un espace d’unité et d’universalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, dont je me ferai le porte-parole.

L’été dernier, notre pays a accueilli les trente-troisièmes Jeux de l’ère moderne. Le succès des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris a transcendé tous les courants de pensée, les identités singulières et les particularismes. Nous avons su faire nation.

Pendant un mois, la France a accueilli sur ses terrains et dans ses salles de sport près de 15 000 athlètes venus du monde entier pour faire vivre les valeurs d’effort et de travail, de dépassement de soi et d’abnégation, mais aussi de solidarité, de fraternité et d’entraide.

Le monde entier a pu suivre les exploits des sportifs et vibrer au son des hymnes nationaux. Nous avons partagé la joie des gagnants, mais aussi, car telle est la loi du sport, les larmes des perdants, pris dans l’élan d’une même passion, d’une même émotion, par-delà les différences.

Le sport est beau quand il nous unit, quand il nous réunit. Pendant ces jeux Olympiques et Paralympiques, les drapeaux étaient peut-être différents, mais c’est une même humanité qui a été célébrée. Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris nous ont rappelés à cette vérité.

Au moment d’entamer l’examen de la proposition de loi du sénateur Michel Savin visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, je souhaite que nous gardions cette vérité à l’esprit.

Les salles et les terrains de sport ne peuvent en aucun cas devenir de nouveaux espaces d’expression du séparatisme. Il nous faut réaffirmer notre conviction absolue que le sport doit rester un domaine de partage et de fraternité, et qu’il ne doit en aucun cas devenir le nouveau terrain de conquêtes passant par l’affirmation d’une différence religieuse.

Depuis les conclusions de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre présidée par Nathalie Delattre, qui était alors sénatrice, et rapportée par Jacqueline Eustache-Brinio, nous savons qu’un nombre croissant d’associations et de clubs sportifs sont désormais le lieu d’un prosélytisme islamiste radical et de manifestations identitaires et religieuses.

Entre 2019 et 2024, 761 établissements d’activités physiques et sportives – 228 en 2023 et 183 en 2024 – ont été contrôlés en lien avec des signaux faibles de séparatisme. Ces nombreux contrôles ont abouti à la fermeture d’un peu plus d’une dizaine d’établissements.

En tout état de cause, ce prosélytisme et ce communautarisme sont d’autant plus difficiles à combattre qu’ils sont sournois et se parent parfois d’un discours se réclamant des droits fondamentaux et des libertés individuelles pour faire progresser un agenda séparatiste. Tel était bien l’objectif véritable des « hijabeuses » lorsqu’elles ont brandi le principe de non-discrimination pour s’affranchir des règles communes. C’est d’ailleurs le principe même de l’entrisme : faire reculer, étape par étape, petit à petit, les garde-fous de l’universalisme pour installer peu à peu une société communautarisée et divisée, une société dont nous ne voulons pas.

Ce n’est ni notre tradition ni notre histoire. Nos convictions républicaines sont solides.

L’entrisme menaçant partout notre cohésion nationale, c’est partout qu’il nous faut le combattre. Dans le sport comme dans d’autres domaines, la laïcité est un combat essentiel qui doit être mené partout et tout le temps.

Depuis quelques années, nous avons d’ailleurs renforcé notre arsenal législatif, nous dotant d’instruments utiles pour défendre partout les valeurs de notre République. Le vote de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a constitué un moment important de cette stratégie qui se veut globale.

Ce texte a tout d’abord permis au ministère des sports d’améliorer les capacités de détection par les services déconcentrés de l’État des signaux faibles du séparatisme, grâce notamment au déploiement de ciblages pertinents et d’un outil de contrôle adapté. En deux ans, cinquante-six agents supplémentaires ont été affectés à la lutte contre le séparatisme et contre les violences.

Cette loi a également permis la mise en place d’un réseau opérationnel s’appuyant sur des référents formés. En étroite relation avec les différentes fédérations, ces derniers exercent un rôle pivot dans la lutte contre le séparatisme.

Ce texte a enfin permis de faire du contrat de délégation un levier de lutte contre le séparatisme. Comme M. Savin l’a rappelé à juste titre, en encourageant les fédérations à se doter d’un référent prévention de la radicalisation, le ministère des sports accompagne et incite les fédérations à s’engager plus activement dans cette lutte.

La présente proposition de loi, que le Gouvernement soutient avec force, est une pierre opportunément ajoutée à l’édifice qu’ensemble nous construisons depuis des années contre toutes les formes de séparatisme.

Le Gouvernement vous propose d’y apporter quelques modifications rédactionnelles afin de rendre les articles 1er et 3 les plus opérationnels possible.

À l’article 1er, l’amendement n° 31 vise à préciser que l’interdiction du port de tout signe religieux ostentatoire s’applique aux compétitions sportives organisées par les fédérations délégataires de service public. C’est en effet au nom du service public que le principe de laïcité s’impose.

À l’article 3, qui codifie la décision du 21 juin 2022 rendue par le Conseil d’État concernant l’autorisation, par la ville de Grenoble, d’autoriser dans ses piscines le port de tenues non près du corps, c’est-à-dire du burkini, le Gouvernement propose, par l’amendement n° 32, une rédaction plus conforme à l’esprit et à la lettre de la décision de cette juridiction, et, partant, à nos principes constitutionnels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le sport est un formidable levier d’émancipation et de développement de chacun. Les valeurs d’émancipation, d’intégration et d’inclusion qu’il porte sont une richesse qu’il nous revient de préserver avec fermeté.

Ces valeurs ne peuvent toutefois être transmises que dans un environnement serein, préservé de tout entrisme religieux et libre de toute barrière communautaire. C’est pour cela que nous devons défendre à tout prix le principe de laïcité, sur lequel se fonde notre fraternité civique.

La proposition de loi de M. Michel Savin répond – je le crois – à cette exigence. Sous réserve de l’adoption des amendements susvisés, le Gouvernement que j’ai l’honneur de représenter est donc tout à fait favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Claude Kern applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. « Les clubs sportifs et les associations peuvent être des endroits de prosélytisme. On a reçu des signalements et, pour moi, c’est une grande inquiétude. » Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en ces termes que, le 26 janvier 2016, notre collègue Patrick Kanner, alors ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, s’exprimait dans une interview accordée au journal Libération. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Belle référence !

M. Jacques Grosperrin. Sa position était du reste identique à celle de tous les ministres chargés des sports depuis plusieurs décennies. Il ajoutait même : « Ma position est très claire, pas de religion dans les clubs et l’État ne reconnaîtra pas et ne versera pas un centime à ceux qui sortent du cadre. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Patrick Kanner secoue la tête.)

Depuis lors, le « en même temps » présidentiel est passé par là. Le 17 juillet 2020, Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, déclarait devant la commission d’enquête menée par nos collègues Nathalie Delattre et Jacqueline Eustache-Brinio, lors d’une audition dont le compte rendu a été annexé au rapport : « Le sport que je défends est un sport inclusif, où tout le monde a sa place, où chacun arrive comme il est. »

Cette vision, inspirée d’un célèbre slogan publicitaire – « Venez comme vous êtes » –, interroge sur l’application du principe de laïcité dans le cadre sportif.

Le premier alinéa de l’article premier de la Constitution de 1958 dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». La laïcité est l’un des principes cardinaux de notre République. Bien qu’inscrit dans le marbre de la Constitution, celui-ci fait l’objet d’attaques incessantes. Il nous faut donc le protéger vigilamment, y compris dans le cadre de la pratique sportive, qui n’échappe pas à ces coups de boutoir.

Face à cette évolution, le groupe Les Républicains a toujours plaidé pour un débat clair sur la place des religions dans le sport. La proposition de loi de notre collègue Michel Savin nous en donne l’occasion, mes chers collègues. Les auditions menées en vue de l’excellent rapport de Stéphane Piednoir ont confirmé la nécessité de donner aux acteurs du sport et aux collectivités locales un cadre juridique précis garantissant la neutralité des compétitions sportives.

Le sport est un moyen et une voie d’émancipation et de partage. Il remplit une fonction sociale forte. Notre responsabilité collective est de sécuriser le sport, cet espace partagé de dépassement et d’éducation aux valeurs de la République, en appliquant des règles communes de pratique.

Nous ne pouvons pas accepter que s’immisçant dans des lieux de pratique sportive, le fait religieux fragilise nos principes républicains.

Est-il acceptable que de jeunes filles portent des signes religieux dans des compétitions sportives organisées par les fédérations de lutte ou de handball, par exemple, alors qu’elles pratiquent la même activité au collège ou au lycée sans signe religieux ? J’estime que non.

Peut-on se contenter de constater que les infrastructures sportives mises à la disposition des clubs par les collectivités locales soient transformées en lieux de prière ? La réponse est encore non.

Pouvons-nous accepter que, durant certaines plages horaires, nos piscines municipales soient privatisées pour répondre à des exigences religieuses ? Non !

Pouvons-nous, enfin, imaginer un seul instant une rencontre sportive entre deux équipes dont chaque joueur arborerait son propre signe idéologique, politique ou religieux ? Non, et encore non !

Lorsqu’on pratique une discipline sportive, les convictions religieuses ou politiques individuelles doivent s’effacer au profit de la neutralité. Tel est le point fondamental de cette proposition de loi, qui vise à rappeler le sens du sport en France.

Certaines fédérations françaises – de football, de basketball ou plus récemment de rugby – ont réaffirmé l’importance du respect d’une neutralité religieuse et politique lors des événements sportifs.

L’absence d’une réglementation uniforme s’appliquant à toutes les fédérations agréées par le ministère des sports emporte toutefois des incohérences.

M. Thomas Dossus. C’est faux !

M. Jacques Grosperrin. Cette proposition de loi harmonise donc les règles s’appliquant à la pratique sportive, dans le respect des principes de la République.

En élargissant l’interdiction du port de signes ostentatoires à caractère religieux ou politique lors de toutes les compétitions organisées sous l’égide des fédérations agréées, l’article 1er de cette proposition de loi contribuera au bon fonctionnement du service public tout en prévenant les atteintes à l’ordre public.

Les collectivités territoriales étant parfois soumises aux pressions religieuses, elles doivent également être protégées. L’article 2 sanctuarise donc les équipements sportifs publics, qui devront être exclusivement réservés à la pratique du sport, sans que ce principe puisse faire l’objet d’interprétations susceptibles de fragiliser les règles de la République.

En tant que sénateur, mais aussi en tant que professeur de judo, je me réjouis que cette proposition de loi permette la mise en place d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des éducateurs sportifs n’est pas incompatible avec l’exercice de leurs fonctions. Il est essentiel d’empêcher ces professionnels, dont certains font l’objet d’un suivi par les services de renseignement, d’utiliser le sport comme un vecteur de prosélytisme auprès de nos enfants et de nos jeunes.

Enfin, l’article 3 apporte une réponse législative à la compromission, ou peut-être seulement à la faiblesse de certains élus face à l’islamisme radical, en imposant l’inscription, dans les règlements intérieurs des espaces de baignade, de l’interdiction de tenues aquatiques à caractère religieux. Le fait qu’un maire autorise le port d’une tenue à caractère religieux dans une piscine municipale constitue une rupture manifeste de l’égalité de traitement des usagers, susceptible de provoquer des troubles à l’ordre public et, par l’attribution d’horaires réservés aux pratiquants concernés, de nuire au bon fonctionnement du service public.

La proposition de loi de notre excellent collègue Michel Savin est indispensable pour garantir une neutralité du sport et pour préserver nos valeurs républicaines. Elle protège les sportifs, les collectivités territoriales, les élus, les fédérations, les associations de toute forme de prosélytisme idéologique ou religieux.

Je vous invite donc à soutenir ce texte, afin de préserver l’esprit du sport dans notre pays et de réaffirmer son rôle dans l’éducation aux valeurs de la République, mes chers collègues. Faisons des terrains de sport des terrains non pas de division, mais de partage, où l’on se fait remarquer, non pas par ses différences vestimentaires, mais par son talent et par ses performances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Claude Kern applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le domaine du sport.

Notre groupe se satisfait de la tenue de ce débat. Nous sommes en effet conscients des dérives existant actuellement dans le monde du sport. Si nous sommes donc favorables à une évolution législative en la matière, nous émettons quelques réserves sur la rédaction actuelle de ce texte.

Notre système républicain repose sur un principe de laïcité qui garantit à chacun la liberté de conscience, dont découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public. En tant qu’espaces d’expression collective, les lieux de pratique sportive doivent respecter ces principes et se soumettre aux règles qui assurent une certaine neutralité, en particulier lorsque des mineurs – nos enfants – sont concernés.

Si je souscris à la nécessaire et stricte application de ce principe, j’estime que le respect de la laïcité doit être, non pas une source d’exclusion, mais au contraire la garantie de l’épanouissement collectif de chacun dans une pratique sportive.

Cela étant dit, je tiens à souligner que, dans sa rédaction actuelle, l’article 1er présente un risque d’inconstitutionnalité du fait de la portée générale de l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires, sans démonstration du risque d’un trouble à l’ordre public.

Le principe de neutralité ne s’appliquant qu’aux activités sportives organisées par les collectivités publiques ou les fédérations sportives agréées chargées d’une mission de service public, le champ du dispositif paraît de plus trop vaste.

Je proposerai donc, au nom du groupe RDPI, un amendement tendant à rédiger l’article 1er de manière à éviter ce risque d’inconstitutionnalité. La rédaction proposée reprend la jurisprudence établie par le Conseil d’État dans sa décision du 29 juin 2023, confirmant la possibilité, pour la Fédération française de football, de prévoir dans ses statuts, dans le cadre de sa délégation de service public et pour le bon déroulement des compétitions et manifestations qu’elle organise ou autorise, l’interdiction du port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans l’enceinte des matchs et pour leur seule durée.

Le cadre s’appliquant aux mineurs diffère toutefois. Au même titre que l’école, le sport initie en effet nos enfants à la coopération et au respect des règles communes. Il est un facteur d’intégration, de mixité sociale et de renforcement de la cohésion nationale.

Au nom de mon groupe, je proposerai donc de circonscrire l’application du dispositif proposé par cette proposition de loi en son article 1er aux seuls mineurs.

Que ce soit dans le cadre de la pratique d’un sport ou au sein de notre école républicaine, nos enfants ne doivent pas être influencés avant leur majorité. Le respect de la laïcité dans le sport doit permettre aux enfants mineurs de grandir, d’évoluer et de s’épanouir dans un environnement neutre. Il paraît difficilement concevable que la pratique d’un même sport soit encadrée par des règles différentes selon qu’elle s’effectue dans le cadre des cours d’éducation physique et sportive (EPS) dispensés par l’école ou dans un club sportif, d’autant que le complexe sportif, l’encadrant et les élèves peuvent être les mêmes.

Par notre proposition, nous vous invitons à retenir une position équilibrée permettant de protéger les mineurs et d’harmoniser les règles. La codification de la jurisprudence existante écarte par ailleurs tout risque d’inconstitutionnalité.

Mon groupe défendra également des amendements de suppression des articles 2, 2 bis et 3, ces derniers étant satisfaits par le droit actuel.

Une fois amendé comme nous l’espérons, ce texte constituera un levier de protection des droits de chacun dans le respect d’un cadre républicain, mes chers collègues. Il permettra aux jeunes de grandir et d’évoluer dans un environnement sportif respectueux et libre de toute pression religieuse.

Étant favorable à une évolution de la loi qui encadre le champ d’application de l’interdiction du port de signes religieux, le groupe RDPI soutiendra ce texte, sous réserve de l’adoption des amendements susvisés. À défaut, une large majorité des membres de notre groupe s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE, par son histoire et sa philosophie, se réjouit toujours de l’attention portée à la laïcité. Il faut reconnaître que nous avons trop souvent négligé cette dernière. André Comte-Sponville définit la laïcité comme « une volonté : celle de vivre ensemble, pacifiquement et librement, quelle que soit la religion ou l’irréligion des uns et des autres ».

La proposition de loi de notre collègue Michel Savin vise à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport. La pratique sportive – il n’est plus nécessaire de le démontrer – est une source d’épanouissement et un vecteur d’apprentissage des valeurs de respect et de fraternité. Elle doit être encouragée pour tous.

Que doit être la laïcité dans le sport ? Avant tout, le respect de celui qui croit et de celui qui ne croit pas.

Cette proposition de loi a un objectif essentiel, celui de protéger la laïcité. Dans sa rédaction actuelle, elle risque toutefois de restreindre indûment certaines libertés individuelles. La laïcité – rappelons-le – est la garantie de la liberté de conscience, de l’égalité devant la loi des croyants et des non-croyants et de la neutralité de l’État vis-à-vis des cultes. Afin de préserver chacun de ces principes, notre mot d’ordre doit être l’équilibre, mes chers collègues.

L’article 1er de ce texte généralise l’interdiction, déjà prévue par certaines fédérations, du port de signes religieux ostensibles durant les compétitions. Je crois qu’il faut faire confiance aux fédérations sportives et leur laisser le soin de prendre une telle mesure si elles l’estiment nécessaire. Il me paraît en revanche pertinent de poser cette interdiction pour les mineurs. Comme l’a fait valoir notre collègue au nom du groupe RDPI, il paraît en effet opportun d’appliquer dans le sport le modèle qui prévaut à l’école.

L’article 2 interdit les prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d’une pratique sportive. En vertu de ses pouvoirs de police, le maire peut déjà autoriser ou interdire un rassemblement religieux dans un lieu public si ce rassemblement contrevient à la tranquillité, la salubrité, la sécurité ou le bon ordre public. Il ne paraît donc pas nécessaire d’adopter cette disposition. Je proposerai donc, avec mes collègues du groupe RDSE, un amendement visant à supprimer cet article.

L’article 3 impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignade artificiels publics, notamment par l’interdiction du port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse. Si la loi prohibe le port d’une tenue ou d’un signe manifestant une appartenance religieuse ou politique par les agents du service public au nom du principe de neutralité, une telle interdiction ne peut s’appliquer aux usagers visés, dont la laïcité garantit la liberté de conscience. Nous proposerons donc un amendement de suppression de cette disposition.

Plusieurs rapports parlementaires ayant souligné que le sport peut se révéler un terreau de séparatisme, il paraît opportun de conditionner la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif à la réalisation préalable d’une enquête administrative. Ces éducateurs contribuent en effet à former les esprits des jeunes, au même titre que les enseignants. Un tel contrôle paraît donc légitime.

Cette proposition de loi vise à protéger le sport, vecteur d’apprentissage de la citoyenneté, des atteintes à la laïcité. Des acteurs de terrain évoquent l’accroissement du nombre de telles atteintes, qui relèveraient d’un repli communautaire. N’oublions pas toutefois que la mise à l’écart sociale est bien souvent le terreau de ce dernier. (M. Damien Michallet sen étonne.) Il nous faut donc analyser les causes du repli communautaire et trouver les moyens de l’empêcher.

En tout état de cause, gardons-nous de dévoyer le principe de laïcité, mes chers collègues. Celui-ci protège sans exclure ni stigmatiser. Pour toutes ces raisons, et tout en reconnaissant l’existence des difficultés qu’il soulève, le groupe RDSE ne peut voter le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont il nous est enfin permis de discuter aujourd’hui va dans le bon sens. Je salue l’excellent travail de son auteur, Michel Savin, ainsi que celui, non moins excellent, de notre rapporteur Stéphane Piednoir.

La laïcité est l’un des piliers de notre République. Elle garantit la neutralité de l’État et assure l’égalité de tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances. Garantir l’égalité de traitement des usagers dans l’espace sportif est essentiel pour préserver la cohésion sociale et éviter toute forme de discrimination.

Le ministère des sports indique que plusieurs des 3 449 contrôles effectués en 2022 ont révélé des signes de séparatisme et de radicalisation nécessitant des mesures correctives. Ces données illustrent la réalité et l’ampleur des défis que nous devons relever, mes chers collègues.

Il faut bien comprendre que la laïcité vise non pas à exclure, mais à protéger.

M. Claude Kern. Elle garantit que chacun puisse pratiquer son sport librement, sans subir de pression religieuse ou communautaire. Trop souvent, notamment chez les jeunes, laïcité rime avec interdiction. Telle n’est pas la définition de la laïcité.

La proposition de loi visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent du président Laurent Lafon, que nous examinerons après la suspension des vacances, vise notamment à répondre aux difficultés rencontrées dans l’enseignement du principe de laïcité.

En tout état de cause, le sport doit rester un lieu de rencontre et de partage, au-delà des différences individuelles. Force est pourtant de constater que nous ne sommes plus en mesure de compter les atteintes à notre principe de laïcité. Les incidents observés, notamment les annulations de match, montrent la nécessité de règles claires et uniformes pour préserver la paix sociale et l’union nationale. Certains promoteurs d’une vision radicale et politique de la religion tentent du reste d’imposer des pratiques incompatibles avec notre société.

Cette proposition de loi permettra de sécuriser le respect du principe de laïcité lors des manifestations sportives. L’interdiction du port ostensible de signes et de tenues à caractère religieux lors des compétitions sportives est une bonne chose. Elle étend le cadre législatif fixé par le code de l’éducation et s’inscrit dans la continuité de la décision rendue par le Conseil d’État le 29 juin 2023, qui donne aux fédérations sportives la possibilité de prendre des mesures limitant la liberté d’expression et de conviction afin de garantir « le bon fonctionnement du service public [et] la protection des droits et libertés d’autrui ».

Nous ne comptons plus les incidents qui se sont déroulés dans des stades à cause du port de tenues ou de signes religieux. Plusieurs fédérations, notamment la Fédération française de football et la Fédération française de basketball, ont pris des mesures.

Le présent texte permettra d’uniformiser l’application de ce principe d’interdiction, qui n’est aujourd’hui qu’une possibilité offerte aux fédérations, pour l’ensemble des compétitions de l’ensemble des fédérations.

Le caractère optionnel de cette interdiction emporte du reste un risque d’interprétation, celle-ci pouvant différer en fonction des fédérations.

Un autre apport de ce texte tient à l’interdiction d’organiser des prières collectives ou toute forme de pratique religieuse dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d’une pratique sportive. Cette mesure va dans le bon sens, car elle permettra à chacun de pratiquer un sport, quelle que soit son appartenance religieuse.

Le principe de laïcité doit s’appliquer dans les locaux publics. Grâce à une modification adoptée sur l’initiative de Stéphane Piednoir, le texte précise désormais que les locaux attenants à l’équipement sportif considéré sont également concernés. Une telle disposition permettra d’éviter d’éventuels contournements pouvant exacerber les divisions communautaires.

Il est également opportun que le préfet puisse suspendre l’agrément d’une association sportive qui se soustrairait à ces nouvelles obligations. Chacun doit en effet se plier au principe de laïcité et respecter les croyances d’autrui.

Un autre apport de ce texte, et non des moindres, est l’interdiction du port de tenues à caractère religieux dans les piscines et espaces de baignade. Cette mesure de clarification contribuera à sécuriser l’action des maires, qui, comme pour de nombreux autres sujets, se trouvent en première ligne. Le principe d’interdiction des tenues à caractère religieux – par conséquent du burkini – dans les piscines municipales permettra en effet d’éviter tout conflit entre les usagers et tout trouble à l’ordre public.

Le port de vêtements religieux dans les piscines municipales ne respecte pas davantage le principe de laïcité : la décision prise par le maire de Grenoble en est l’illustration.

Il ne faut d’ailleurs pas se cacher derrière un éventuel trouble à la salubrité publique ou derrière un motif d’hygiène pour interdire le port des vêtements religieux : nous n’avons pas besoin de prétexte. Nous sommes dans une République laïque. C’est ce principe qui doit prévaloir.

Enfin, je salue le travail accompli par Stéphane Piednoir pour mieux contrôler la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif. Grâce aux dispositions introduites sur son initiative dans le présent texte, les individus fichés au titre de la prévention de la radicalisation ne pourront disposer de cette carte. Cette mesure mérite d’être saluée, car elle répond parfaitement à la philosophie du présent texte.

Vous l’aurez compris : les élus du groupe Union Centriste voteront cette proposition de loi de notre collègue Michel Savin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)