Toutefois, les membres du nouveau comité seront-ils bien conduits à s'ouvrir à l'ensemble des manifestations culturelles, y compris celles qui peuvent leur déplaire ? Les modalités d'éligibilité sont-elles bien revues et explicitement énumérées pour préserver le pass Culture de toute polémique à l'avenir ? Pouvez-vous nous donner des précisions quant au calendrier de ces évolutions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, pour le spectacle dont nous avons parlé la dernière fois, une première demande d'éligibilité avait été émise, couvrant l'ensemble du parc en question. Une réponse défavorable avait été apportée, les parcs d'attractions n'étant pas éligibles au pass Culture, contrairement aux spectacles. Ce parc avait alors adressé une nouvelle demande, sans obtenir de réponse.
Je me suis engagée à étudier ce cas. Je peux désormais vous annoncer que le spectacle du Puy du Fou est éligible au pass Culture. La réponse est donc claire. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Colombe Brossel. Ça valait le coup d'organiser un débat…
Mme Rachida Dati, ministre. On peut vous inviter… (Sourires.)
Mme Sylvie Robert. Allons-y ensemble !
M. Adel Ziane. J'y suis allé quinze fois !
Mme Rachida Dati, ministre. Mais pour nous tous, le pass Culture, c'est trop tard ! (Nouveaux sourires.)
À propos des critères d'éligibilité, vous avez raison, la transparence et l'objectivité doivent être renforcées. Ces critères seront revus en ce sens et pourront vous être communiqués, en toute transparence.
Le comité stratégique sera également refondu.
Enfin, vous évoquez le calendrier. Le changement de présidence a eu lieu, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ayant récemment rendu la décision que nous attendions. Quant à la refonte du comité stratégique, elle est en cours. Ces évolutions sont donc imminentes.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, merci des changements apportés au pass Culture et de vos réponses très précises relatives au calendrier. Comme quoi, les débats budgétaires au Sénat ont leur utilité ! Quant aux sourires appuyés que j'ai vus à la gauche de l'hémicycle, ils renvoient à cet entre-soi dont nous avons parlé ensemble…
Mme Rachida Dati, ministre. Vous n'avez pas totalement tort !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Madame la ministre, 2024 restera une année record, non seulement pour le cinéma français, mais aussi pour le tourisme, grâce aux jeux Olympiques et à notre patrimoine.
En 2023, on a vendu dans notre pays plus de livres qu'au cours des années pré-covid. Jamais il n'y a eu tant d'intermittents qu'en 2022. Or ces derniers font notamment vivre les festivals dans nos départements.
Le pass Culture, qui s'inscrit dans le champ des politiques de soutien au secteur culturel, a connu un certain nombre d'ajustements depuis son expérimentation.
Dans un rapport de décembre 2024, le président de la Cour des comptes constatait son « appropriation massive par les jeunes », en soulignant que « l'objectif de démocratisation culturelle reste, en revanche, à atteindre ». Les 16 % de jeunes non entrés dans le dispositif correspondent aux publics les moins familiers des pratiques culturelles.
Le Sénat a lui-même observé que, si 20 % des jeunes sont non scolarisés, les intéressés ne représentent que 7 % des utilisateurs du pass. Il existe donc des déséquilibres sociaux.
En Bretagne, territoire d'expérimentation du pass Culture dans sa phase d'amorçage, le taux de couverture des plus de 18 ans s'élève à 90 %. Au titre de la part collective, près de 95 % des établissements scolaires y sont engagés dans une action au moins. C'est là le fruit d'un dialogue entre élus, directions régionales des affaires culturelles (Drac) et rectorat.
Dans cette région, dont je suis l'élue, les bénéficiaires sont les grandes librairies indépendantes et, bien entendu, le festival des Vieilles Charrues, à Carhaix. À cet égard, les résultats obtenus sont remarquables. Toutefois, des disparités, territoriales cette fois, existent aussi. Elles restent, pour notre groupe, un point de vigilance que Bernard Buis a déjà évoqué ici même lors des débats budgétaires.
Alors que les grandes villes concentrent l'essentiel des offres, la problématique de la mobilité culturelle s'impose aux jeunes ruraux.
À l'heure où vous engagez la réforme du pass Culture, ne vous paraît-il pas primordial de faciliter l'accès aux lieux culturels eux-mêmes pour les jeunes qui en sont les plus éloignés ? Vous avez évoqué des formes de coopération avec les collectivités territoriales pour la prise en charge des transports. Sont-elles déjà mises en œuvre ? Si oui, dans quels territoires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. La première région pour l'utilisation du pass Culture, c'est la Bretagne.
Mme Sylvie Robert. Tout à fait !
Mme Rachida Dati, ministre. Or la Bretagne regroupe de nombreux territoires ruraux.
Je l'ai dit, en matière de mobilité, des conventions sont conclues avec les collectivités territoriales.
Au cours de mes déplacements, j'ai pu mesurer la richesse de notre vie culturelle locale. À ceux qui prétendent que certains territoires sont dépourvus d'offre en la matière, je réponds : c'est faux ! Il n'y a pas de désert culturel.
Par ailleurs, en favorisant la mobilité, on garantit la soutenabilité financière et matérielle de l'offre culturelle ; on renforce donc l'offre culturelle. La géolocalisation nous permettra en outre d'identifier les lieux où il est nécessaire de soutenir la mobilité.
Nous avons par exemple découvert que des plateformes de covoiturage locales étaient expérimentées, avec de bons résultats. Nous souhaiterions les généraliser. Certains jeunes, en particulier, proposent du covoiturage en période de festivals. C'est un autre moyen de développer la mobilité.
Si j'en crois les dernières évaluations, 66 % des jeunes ont découvert une nouvelle pratique culturelle grâce au pass Culture. Nous devons donc renforcer toutes les dimensions du dispositif qui ont fait leurs preuves. À ce titre, la géolocalisation, le développement de la mobilité et le soutien des acteurs culturels locaux, notamment en milieu rural, jouent un rôle indispensable. Indépendamment du pass Culture, ces chantiers bénéficient d'un accompagnement dédié dans le cadre du plan Culture et ruralité.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Depuis sa création en 2019, son élargissement et sa généralisation en 2021, le pass Culture a été plébiscité par les jeunes. Plus de 50 % des jeunes de 15 ans et 84 % des jeunes de 18 ans l'utilisent.
La gratuité auquel ce dispositif donne droit permet de s'ouvrir à d'autres horizons culturels. On le constate surtout pour la part collective. Même s'il n'a pas permis, à lui seul, de corriger les inégalités liées à la catégorie socio-professionnelle, le pass Culture contribue à une certaine démocratisation culturelle.
Les libraires, notamment, indiquent qu'un nouveau public est apparu avec le pass Culture, lequel leur reste fidèle par la suite, même lorsque les crédits du pass sont épuisés.
Néanmoins, plusieurs reproches sont adressés au pass Culture. Certains critiquent notamment une reproduction des habitudes de consommation ; d'autres déplorent que la part collective soit insuffisamment utilisée ou connue.
Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir que les usagers du pass se tournent davantage vers les libraires indépendants, la presse écrite et le spectacle vivant, en prévoyant qu'une partie de la somme du pass soit réservée à ce dernier domaine. Or certains jeunes vivent dans des zones dites blanches, où peu d'infrastructures culturelles existent. Ils évoquent l'obstacle que représentent la faiblesse et le coût de l'offre de transport.
Vous avez déjà partiellement répondu à ma question. Néanmoins, au-delà des crédits évoqués, qu'envisagez-vous pour remédier aux difficultés matérielles d'accès à la culture ?
La différenciation du montant du pass, selon la condition économique de l'utilisateur, compte parmi les pistes avancées. Pour ma part, il me semble nécessaire de préserver l'universalité et l'unicité du dispositif : ce faisant, on évitera le non-recours aux aides par peur d'une stigmatisation.
C'est aussi parce qu'il est égalitaire que le pass fonctionne. Surtout, il constitue pour certains la première expérience de gestion d'un budget et une liberté d'expression culturelle, à l'abri de tout regard condescendant.
Pouvez-vous nous assurer que vous continuerez à défendre le pass Culture ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur moi pour continuer à le défendre, tout comme l'accès à la culture en général. C'est d'ailleurs un combat qui dépasse mon seul ministère.
L'accès à la culture, c'est aussi l'accès aux droits fondamentaux.
À ce propos, j'échangeais ce matin avec les directeurs généraux et chefs de service du ministère de la culture. Ma récente annonce relative aux actions culturelles dans les campings a pu faire sourire, alors qu'il s'agit du lieu d'hébergement préféré des Français pendant leurs vacances. Certains semblent se pincer le nez, et je le déplore… Comme dirait votre collègue Max Brisson, j'y vois un entre-soi quelque peu méprisant. Les campings sont des lieux de vie et de villégiature : c'est une réalité. Il faut donc que la culture y soit présente aussi.
Dans un tout autre ordre d'idées, les femmes, notamment les plus jeunes, manquent trop souvent d'information sur l'avortement et la contraception. Les centres de protection maternelle et infantile (PMI), où elles se rendent pour être accompagnées, doivent eux aussi devenir des lieux d'accès à la culture, ne serait-ce qu'en proposant des livres ou des documentaires rappelant à ces jeunes femmes leurs droits.
J'indiquais que certains étudiants en droit utilisent le pass Culture pour acheter le code civil. Il faut encore y ajouter divers documents d'accès aux droits fondamentaux. J'y insiste, le combat dont nous parlons dépasse largement le champ culturel, considéré stricto sensu.
Nous ne pouvons pas flécher de crédits vers les libraires indépendants. Toutefois, la géolocalisation pourra leur bénéficier. Les jeunes ne connaissent pas forcément toutes les petites librairies du coin : dès lors, ils ont souvent tendance à aller vers les grandes enseignes. La géolocalisation nous aidera à renforcer l'information.
Enfin, le règlement européen relatif aux aides à la presse ne permet pas, pour l'heure, que la presse soit éligible au pass Culture. J'y suis néanmoins favorable, et nous y travaillons.
Notre réforme devrait donc répondre à vos différentes préoccupations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je suis arrivée ici pleine de certitudes acquises en commission des finances. J'avais en tête le coût du pass Culture, le nombre d'équivalents temps plein (ETP) que ce dispositif représente, le manque de compléments de financement ou encore l'orientation de certains choix rappelés par M. Brisson. Mais après avoir écouté le président Lafon, puis vous-même, défendre ce dispositif avec vigueur, je me dis que les chiffres ne sont pas tout. Peut-être faut-il bien prolonger le pass Culture, que vous soutenez avec tant d'énergie !
En outre, je tiens à le rappeler, il n'y a pas qu'en Bretagne que le pass Culture est utilisé. Catherine Morin-Desailly et Sonia de La Provôté, comme moi élues de Normandie, vous confirmeront que le pass Culture a été développé par notre belle région. (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, tout à l'admiration que m'inspire votre énergie, je dois changer mon fusil d'épaule. (Mme Sonia de La Provôté sourit.) Vous avez répondu par avance à toutes les critiques que j'adressais à ce dispositif, en expliquant que vous entendiez revoir le comité stratégique, faire évoluer les financements et lutter contre les inégalités territoriales.
Telle la cigale de la fable, vous me voyez prise au dépourvu : je n'ai plus de reproche à adresser au pass Culture ! (M. Pierre Ouzoulias sourit.) Ma question est donc, tout compte fait, la suivante : comment entendez-vous coordonner le nouveau dispositif avec les régions et les départements ?
M. Max Brisson. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, il ne s'agit pas d'engagements que je prends, mais d'actions d'ores et déjà engagées.
Nous nous connaissons depuis un certain temps : vous le savez, je m'empresse toujours de faire ce que je préconise, soucieuse d'agir aussi vite que possible.
Ainsi, en 2024, avant de modifier la gouvernance, le comité stratégique et les critères, nous avons lancé plusieurs expérimentations. Mes déplacements m'ont aussi permis de nouer des partenariats. En témoigne le premier contrat de territoire que j'ai signé avec le département de Charente-Maritime.
Le plan Culture et ruralité va dans le même sens. Il inclut même le patrimoine : il renforce non seulement les effectifs, mais aussi les financements de diverses structures chargées de le protéger, comme les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap). Plus vous protégez les sites patrimoniaux, qui sont aussi des lieux de culture, plus vous en élargissez l'accès.
Un certain nombre de points ont été critiqués, à juste titre ; mais ils ont tous été revus. Nous avons une nouvelle présidente. La composition du comité stratégique est en train d'être affinée et nous avons expérimenté un certain nombre de critères.
Nous avons également consacré des expérimentations aux nouvelles formes de mobilité, pas en Normandie, où le dispositif fonctionne très bien, mais dans le Grand Est…
M. Cédric Chevalier. Merci !
Mme Rachida Dati, ministre. … et en Bretagne, pour ne citer que ces deux régions. Elles vont du soutien aux plateformes de covoiturage à la création de dispositifs dédiés aux festivals.
C'est pour cela que les contrats de territoire sont faits sur mesure et dotés des moyens nécessaires. Sinon, tout cela reste de beaux principes… Or je ne vous parle pas de principes, mais d'actions.
L'ensemble de ces mesures ont été longuement expérimentées. Si je me suis battue pour éviter toute réduction de la part individuelle du pass, c'est précisément pour déployer ces nouvelles dispositions. En un seul trimestre, elles ont favorisé l'accès à la culture des jeunes qui en ont le plus besoin, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, où, bien que l'offre soit plus dense, certains publics sont moins faciles à atteindre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, j'espère que vous voudrez bien associer les parlementaires à la réforme du pass Culture. Cette collaboration me semble extrêmement importante. La commission des finances, en particulier, sera ainsi mieux éclairée.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons associé les élus locaux, notamment les départements et les régions. De fait, nous ne pouvions rien faire sans eux !
Comme vous le savez, je m'efforce depuis 48 heures de rattraper la petite coupe budgétaire… Si le coup de rabot voté était confirmé, je ne pourrais plus financer le dispositif que pour les jeunes ayant eu 18 ans en 2024. Les nouveaux entrants, qu'il s'agisse des jeunes de 17 à 18 ans ou des jeunes les plus en difficulté, comme les décrocheurs scolaires, ne pourraient pas faire l'objet des actions prévues.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je vous remercie de cette seconde réponse. (Sourires.) J'ajoute que d'autres ressources pourraient être recherchées : si le pass Culture continue de se développer, sans doute faudra-t-il, en particulier, se tourner vers le mécénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, mes collègues vous le diront : jusqu'à présent, j'ai toujours voté contre le pass Culture. En effet, j'estimais que la culture manquait avant tout de médiation. Le président Lafon l'a d'ailleurs souligné lui-même.
Puis un jour Benoît, mon libraire de Bourg-la-Reine, m'a glissé à l'oreille que le pass Culture représentait 10 % de son chiffre d'affaires. Cette confidence m'a fait réfléchir. Il m'a également parlé de ces gamins qui viennent chez lui avec le pass Culture. Un certain nombre d'entre eux achètent certes des mangas, mais à cette occasion – et c'est là l'essentiel – ils mettent pour la première fois le pied dans une librairie ; et, une fois qu'ils ont désacralisé le lieu, ils se tournent parfois vers d'autres lectures.
Mme Rachida Dati, ministre. Eh oui !
M. Pierre Ouzoulias. À l'évidence, le libraire est un magnifique médiateur culturel. Il peut tout à fait guider les jeunes dans leurs lectures. (M. Laurent Lafon acquiesce.) C'est pour cette raison que je n'ai pas voté contre le pass Culture cette année : on peut changer d'avis ! (Sourires.)
J'ai néanmoins une profonde inquiétude quant au prix unique du livre. Amazon, dont le poids est encore renforcé par la nouvelle administration américaine, va certainement partir à l'assaut de cette disposition. Or, si l'Europe cède sur ce sujet, il n'y aura plus de médiation culturelle dans les librairies, tout simplement parce qu'il n'y aura plus de librairies.
Pour défendre le dispositif que vous nous proposez, non sans raison, il faut donc une action très forte, notamment à l'égard de l'Europe, pour protéger le prix unique du livre. Cette disposition est constitutive d'une certaine politique de la culture. Elle reflète notre vision du réseau des librairies au service de la culture pour tous.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, je suis ravie que nous nous rejoignions sur cette position. Peut-être en sera-t-il de même pour Notre-Dame de Paris : je ne désespère pas ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Sur le musée d'art et d'histoire du judaïsme, peut-être…
Mme Rachida Dati, ministre. Nous en avions parlé : j'ai tenu mon engagement !
M. Pierre Ouzoulias. Et je vous en remercie !
Mme Rachida Dati, ministre. Comme chacun sait, il y a bien longtemps que je me bats pour l'accès à la culture ; j'ai commencé bien avant ma prise de fonction. Comme chacun d'entre nous, je sais en effet d'où je viens, et nos combats sont aussi dictés par notre histoire personnelle.
Je comprends bien les doutes que vous évoquez. Je les ai d'ailleurs exposés moi-même lors de mon audition en commission. C'est pour cette raison, aussi, que j'ai voulu les lever.
Comme vous, j'adressais certaines critiques au pass Culture, que l'on peut considérer comme un vecteur de reproduction sociale et qui, en l'état, n'est certainement pas parfait. Mais il faut conserver ce qui marche bien : le Pass culture favorise à l'évidence l'accès à la culture et notamment à la lecture.
Rappelez-vous : certains voudraient que l'application du pass Culture serve aussi de moyen de paiement. Or je m'y oppose, car je veux que les jeunes puissent se rendre en librairie.
J'ai dit que l'enseignant devenait médiateur culturel via la part collective du pass Culture. Le libraire joue également ce rôle. Les jeunes viennent acheter un manga : pourquoi pas, si cela leur permet de lire ? En outre, ils sortent peut-être de la librairie avec un autre livre ! Et quand ils reviennent, c'est aussi pour autre chose.
Je vous ai exposé mon plan en faveur de la médiation. J'ai reçu l'ensemble des acteurs de l'éducation populaire. En zone rurale comme urbaine, j'ai accordé les moyens nécessaires pour accompagner le nouveau dispositif.
J'entends votre juste inquiétude au sujet du prix unique du livre. Vos collègues Laure Darcos et Sylvie Robert ont formulé la même observation lors de ma dernière audition devant la commission de la culture.
Nous avons saisi le médiateur du livre sur ce sujet. En outre, nous devrons nous battre collectivement, aux échelles européenne et nationale. L'Europe et les États-Unis ne sont clairement pas seuls en cause : c'est aussi un sujet de politique nationale. Nous avons donc besoin de tout le monde pour préserver le prix unique du livre et protéger nos librairies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Madame la ministre, les membres de la commission de la culture et plus largement les élus de cette assemblée souhaitent à l'évidence, comme vous, améliorer le pass Culture pour le rendre plus utile et encore plus démocratique. C'est bien normal, quand on sait que cet outil représente 25 % du programme dédié à la démocratisation culturelle.
Néanmoins, si nos débats font l'objet d'une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP) ou d'une mention par Public Sénat, ce sera sans doute avant tout pour signaler que le Puy du Fou…
M. Laurent Lafon. Le spectacle !
Mme Colombe Brossel. … est désormais éligible au pass Culture...
Mme Rachida Dati, ministre. Vous ne pouvez pas vous en empêcher…
Mme Colombe Brossel. C'est certainement la grande victoire obtenue au titre de l'action « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du programme 361… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Rachida Dati, ministre. Seul le spectacle est éligible, soyez précise !
Mme Colombe Brossel. Mais revenons-en au pass Culture.
À ce titre, l'un des péchés originels, c'est le choix de recourir à une SAS : les modalités de contrôle s'en trouvent, de fait, réduites. Personne n'étant formellement chargé du contrôle, personne ne le fait – sauf la Cour des comptes, qui nous a informés que 16 millions d'euros avaient été utilisés pour des escape games, à notre grande stupéfaction.
Lors des débats budgétaires, nous avons eu le plaisir de vous entendre dire que vous souhaitiez transformer cette SAS en opérateur public. Ce faisant, l'on garantira un contrôle tant sur le budget que sur les modalités mêmes du pass Culture.
Mes deux questions sont très précises. Premièrement, quel est le calendrier de mise en œuvre de cette réforme ? Deuxièmement, quels seront ses effets sur le budget et le personnel ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice Brossel, c'est tout de même curieux : vous ne pouvez pas vous empêcher de polémiquer. Pourtant, nous pouvons nous détendre, nous ne sommes pas au Conseil de Paris ! (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Colombe Brossel. Vous ne répondez pas à ma question !
Mme Rachida Dati, ministre. Nous sommes entre gens civilisés et, pour une fois, personne ne m'énerve : tout va bien ! (Nouveaux sourires.) On ne saurait faire au Sénat comme à l'Hôtel de Ville, où l'on peut dire n'importe quoi… Ce n'est pas le Puy du Fou qui est éligible au pass Culture, c'est le spectacle du parc.
M. Max Brisson. Absolument ! Le spectacle !
Mme Colombe Brossel. Répondez à ma question !
Mme Rachida Dati, ministre. Je suis précisément en train de le faire.
La réforme est lancée, et elle sera entièrement opérationnelle après le vote définitif du budget. Une nouvelle présidente a été nommée, le comité stratégique est en cours de renouvellement et les réformes sur les nouveaux critères sont intervenues il y a quelques mois, bien avant le 1er janvier 2025. Tout cela prendra donc son plein… Comment dire ?
Mme Sylvie Robert. Son plein essor ! (Sourires.)
Mme Rachida Dati, ministre. Merci, madame la sénatrice : j'enrichis mon vocabulaire ! (Nouveaux sourires.)
Tout cela prendra son plein essor au cours de l'année 2025.
En réalité, tous mes engagements sont déjà mis en œuvre. À présent, j'ai besoin des parlementaires.
Pourquoi y mets-je autant d'énergie, pour reprendre les mots de Mme Goulet ? Non seulement parce que j'y crois, mais aussi parce que des résultats ont été obtenus sur un public qui n'a pas spontanément accès à la culture, notamment à la lecture ou au spectacle vivant.
Mes engagements sont tenus, les actions sont lancées et elles prendront leur plein essor en 2025.
Pour conclure, je répète une fois encore que c'est le spectacle du Puy du Fou qui est éligible au pass Culture.
M. Max Brisson. Nous l'avions bien compris ; et il en est de même pour les spectacles de la fête de L'Humanité...
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.
Mme Colombe Brossel. Faut-il en déduire qu'au 31 décembre 2025 il n'y aura plus de société par actions simplifiée (SAS), mais un opérateur public ?
Par ailleurs, madame la ministre, je n'ai pas compris votre réponse quant aux moyens budgétaires et en personnels que nécessitera la transformation de la SAS en opérateur public.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre. Madame Brossel, j'ai déjà répondu sur ce point : la SAS va devenir un opérateur public. Cette transformation, qui est en cours, aboutira avant le 31 décembre 2025. Et, de même que je viens d'enrichir mon vocabulaire, je tiens à enrichir vos connaissances, en vous signalant qu'une SAS peut être un opérateur public culturel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Je vous remercie de ces enrichissements mutuels, madame la ministre ; ils sont délicieux… (Sourires sur les travées du groupe SER.) Cela signifie-t-il que l'ensemble des personnels seront transférés et que le budget sera exactement le même que dans le cadre de la SAS ?
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Avant de vous poser ma question, madame la ministre, je tiens à vous rappeler ces leitmotivs du Sénat : simplification et décentralisation. (Mme la ministre opine.)
Nous approuvons évidemment les objectifs du pass Culture : l'accès des plus jeunes à la culture, la médiation et la démocratisation.
La part individuelle de ce pass a certes son intérêt. Mais les actions qu'elle recouvre sont souvent déjà prises en charge d'une façon ou d'une autre par les départements, lesquels proposent tous une carte Collégien ou une carte Jeune, ou par les lycées, qui ont leurs propres cartes.
Sans parler de doublons, et sans entrer dans le débat que vous avez eu avec votre collègue du Conseil de Paris sur l'organisation du dispositif, il est légitime de se demander si l'État, plutôt que de créer son propre dispositif avec son propre opérateur, et donc d'ajouter une couche administrative supplémentaire, ne pourrait pas accompagner les collectivités territoriales de manière décentralisée, via les opérateurs de l'État et les institutions, afin de remplir cette mission. (Mme Sylvie Robert opine.)
J'y ajoute une question subsidiaire à propos des bénéficiaires du pass Culture. Actuellement, pour y être éligible, il faut être âgé de 15 à 18 ans. Pourquoi ne pas choisir plutôt le critère de la scolarisation ? En effet, certains jeunes qui ont sauté une classe se retrouvent au lycée, en seconde ou en première, avant l'âge de 15 ans, et n'ont pas accès au pass Culture, contrairement à leurs camarades.
J'en viens à la part collective du pass Culture. Il faut reconnaître qu'elle constitue une véritable réponse : grâce à elle, des jeunes découvrent le spectacle vivant ou d'autres secteurs culturels vers lesquels ils ne se tourneraient pas d'eux-mêmes.
Pourquoi, au titre de cette part collective, faut-il passer par la création d'un opérateur de l'État qui travaillera, pour la réalisation de cette mission, avec le ministère de l'éducation nationale ? Ce dernier ne pourrait-il gérer directement le dossier, en liaison avec les établissements placés sous sa tutelle, dans le cadre de ses prérogatives et de son budget ? Cela simplifierait beaucoup de choses.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Vial, vous souhaiteriez que le volet collectif du pass Culture soit géré en quelque sorte en régie directe, par le ministère de l'éducation nationale. C'est impossible, car cela reviendrait à recloisonner !
Actuellement, il existe une continuité de l'offre culturelle, qui permet de savoir ce que l'on propose aux écoles et en dehors du cadre scolaire. Ce choix, qui garantit une complémentarité, me semble plus cohérent.
Vous déplorez, sans le dire, l'existence de doublons, et vous avez raison. En tant que maire du VIIe arrondissement de Paris, dont la richesse patrimoniale est considérable et qui compte de nombreux établissements culturels, j'avais proposé un pass culturel avant que le pass Culture ne soit créé. J'avais ainsi passé un accord avec les représentants de ces établissements afin que les enfants des écoles de l'arrondissement puissent y accéder.
Vous pourriez me rétorquer que les enfants du VIIe arrondissement n'ont besoin de bénéficier ni de la part individuelle ou de la part collective du pass Culture... Certes ; mais il se trouve que tous les territoires – régions, départements, communes – ne disposent pas d'un tel dispositif culturel. Le pass Culture permet, dès lors, une universalité.
Vous avez raison de rappeler que, dans certains endroits, l'offre culturelle est très dense – pour autant, je précise qu'il n'y a jamais de suroffre culturelle. Les contrats de territoire passés entre le ministère et les collectivités territoriales, par le truchement des directions régionales des affaires culturelles (Drac), permettent à cet égard d'éviter les doublons.
Ainsi, lorsqu'un département dispose déjà d'un dispositif culturel dédié et adapté, le pass Culture y est forcément moins utilisé. Ce dernier, qui n'est pas mis en œuvre depuis le ministère de la culture, rue de Valois, mais à une échelle de proximité, est donc assez équilibré.
L'ensemble de ces partenariats relèveront de la convention que je vais signer avec l'Assemblée des départements de France (ADF) : c'est un autre moyen d'éviter les doublons. En effet, les équipements culturels et le secteur du spectacle n'ont rien à y gagner, puisqu'ils ne touchent pas d'aide en double. Il n'y aura donc pas de gaspillage.
Pour résumer, là où il n'existe pas de dispositif culturel, le pass Culture permet de pallier cette absence ; et, là où il y en a, il permet aux collectivités territoriales de s'adapter.
Enfin, j'indique à M. Ouzoulias que le médiateur du livre rendra son rapport en février prochain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Au vu des rapports pour le moins sévères auxquels le pass Culture a donné lieu, il était en effet plus qu'urgent, madame la ministre, de reprendre en main ce dispositif, afin de justifier son maintien et l'importante dépense publique y afférente.
J'insisterai sur deux critiques, émises notamment par la Cour des comptes : l'absence de sélectivité des offres et l'absence de sélectivité des bénéficiaires.
La première critique, qui porte sur l'absence de sélectivité des offres, a déjà été évoquée. Pour ma part, j'ai été très surprise de découvrir que 16 millions d'euros avaient été dépensés dans des escape games. Je n'ai rien contre les jeux intelligents et les nouvelles technologies, mais il ne faut pas confondre culture et divertissement.
Je suis choquée, en outre, de constater que nos structures de spectacle vivant bénéficient peu, par effet domino, du pass Culture. Compte tenu de l'érosion des budgets ces dernières années, elles ont les plus grandes difficultés à maintenir, dans le cadre de leurs contrats d'objectifs et de moyens (COM), des programmes d'éducation artistique et culturelle. C'est un véritable sujet. (Mmes Colombe Brossel et Sylvie Robert, ainsi que M. Pierre Ouzoulias, opinent.)
Le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation artistique et culturelle, que j'attends avec impatience, pourra nous éclairer sur ce point. Vous avez déclaré que le pass Culture était une étape du parcours d'éducation artistique et culturelle : peut-être pourra-t-on corréler les deux sujets et faire un nouveau tour d'horizon de ce qui est, en définitive, proposé aux jeunes ?
La seconde critique porte sur l'absence de sélectivité des bénéficiaires.
Si les droits culturels avaient été inscrits dans les présupposés du dispositif, la loi aurait clairement prévu que ce dernier devait toucher tous les publics, y compris ceux qui sont éloignés de la culture géographiquement, intellectuellement ou économiquement.
Quant aux personnes handicapées, personne n'en parle, pas même la Cour des comptes ! Je n'ai trouvé aucune mention de l'accessibilité universelle à la culture. Or nous allons bientôt fêter les vingt ans de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Et je ne parle pas seulement de l'accessibilité des fauteuils roulants. Je pense aussi aux personnes malentendantes et à tous ceux qui n'ont pas les moyens intellectuels d'accéder d'eux-mêmes à la culture.
Pouvez-vous vous engager, madame la ministre, à élargir la part collective du pass Culture à certains établissements qui font de la médiation pour emmener ces jeunes au spectacle ou encore au concert ?
Et si le pass Culture doit être mobilisé...
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice, les rapports publiés ne renferment pas que des reproches à l'encontre du pass Culture. Vous m'accorderez qu'ils mentionnent dans leurs conclusions l'intérêt de ce dispositif, y compris de sa part individuelle, pour favoriser l'accès à la culture des publics qui en sont éloignés.
Les chiffres que j'ai cités, et que le président Lafon a lui aussi rappelés, l'attestent : le pass Culture a favorisé un plus large accès à la culture de jeunes qui en avaient toujours été éloignés. Je parle, par exemple, à ces jeunes qui n'avaient jamais mis les pieds dans une librairie. C'est tout de même une avancée, et je ne veux pas me priver de ce dispositif.
Même si dix jeunes seulement étaient concernés, ce serait toujours dix jeunes de plus.
D'autres enjeux s'y ajoutent. Nous souhaitons tous lutter contre le séparatisme et le communautarisme, dont on connaît les ravages – certains ont d'ailleurs nié leur existence pendant trop longtemps – et qui conduisent à radicalisation. J'ai déjà travaillé sur ces sujets. Dans d'autres enceintes, j'ai même rapporté des textes qui en traitaient.
Que disent les jeunes radicalisés, qui, aujourd'hui, sont pour une bonne part derrière les barreaux ? Ils expliquent que la première étape de la radicalisation est de couper tout lien avec la culture, ce qui implique l'interdiction des livres, de la musique et des sorties, donc la fin des contacts et de la socialisation. En ce sens, le pass Culture me semble de force à rompre l'isolement des personnes concernées, ou de contrer les organisations qui les incitent à penser que la culture est dangereuse.
Nous devons donc améliorer la part individuelle du pass Culture, afin de toucher des publics qui n'ont pas l'habitude des pratiques culturelles.
L'accès à la lecture et au spectacle vivant – j'y insiste – est très important.
L'accès au spectacle vivant s'est élargi au cours du dernier trimestre, grâce au fléchage et à la médiation que nous avons mis en place. J'ajoute que les jeunes fréquentent beaucoup ce type de spectacles, en dehors même de l'utilisation du pass Culture. Il faut amplifier cette pratique, la renforcer et l'améliorer dans ce cadre.
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Madame la ministre, je souhaite revenir un instant sur le spectacle du Puy du Fou.
Quand ce sujet a été évoqué, vous avez effectivement pu observer quelques sourires de notre côté de l'hémicycle. Pour autant, il s'agissait non pas de l'expression d'une quelconque ironie, mais d'une réaction à la manière somme toute très discrète dont notre collègue Brisson a formulé sa question.
M. Max Brisson. Toujours le sens de la nuance ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Adel Ziane. Nous savions bien, en effet, qu'il était question du Puy du Fou !
Pour ma part, je me suis rendu quinze fois au Puy du Fou, en raison de mes attaches familiales dans la région. Je connais par cœur tous les spectacles qui ont pu y être créés au fur et à mesure des années. Vous ne sauriez nous soupçonner d'un quelconque entre-soi ; nous n'exprimons que notre curiosité et nos questionnements... L'habit ne fait pas le moine, et nous avions envie de parler de ce sujet.
En tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis et conseiller municipal de Saint-Ouen, je m'interroge sur un objectif bien précis du pass Culture : rendre la culture accessible à tous les jeunes, sans distinction sociale ou géographique – ce sujet a également été abordé par Marc Laménie.
Un premier bilan dressé par la Cour des comptes montre que le taux d'inscription flatteur de 84 % camoufle une réalité bien différente : seuls 68 % des jeunes issus des milieux populaires ont activé le pass. Loin de corriger les inégalités, ce dispositif tendrait donc à intensifier les pratiques culturelles de jeunes qui disposent d'un fort capital culturel familial.
Parmi les critiques adressées au pass Culture par la Cour des comptes, on peut citer les suivantes : une diversité culturelle limitée ; le faible taux de réservations, plus précisément 0,63 %, pour le spectacle vivant ; ou encore l'absence de médiation culturelle et de propositions gratuites.
Nous devons donc renforcer les partenariats avec les acteurs locaux – je pense à la fois aux librairies indépendantes, évoquées à plusieurs reprises au cours de ce débat, aux compagnies de théâtre et aux structures culturelles.
Vous avez reconnu les limites du dispositif et proposé des pistes pour avancer. Il nous semble que le ciblage des bénéficiaires est impératif. Comment accepter que le pass Culture, censé corriger les inégalités, échoue sur ce point ? Que comptez-vous faire pour qu'il devienne un levier de démocratisation culturelle, notamment dans les territoires les plus fragiles, comme les quartiers populaires ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ce constat. Vous êtes élu d'un département que je connais bien, où je me suis en outre rendue – vous le savez – pour soutenir et pérenniser des dispositifs culturels aux côtés des élus locaux.
Vous avez raison de parler des chiffres, et je vous rejoins au sujet de la reproduction sociale. À n'en pas douter, certains jeunes accèdent plus facilement que d'autres à la culture. On le constate déjà pour l'utilisation de l'application.
Ce taux de 68 %, sur lequel vous insistez, et qui est également cité par la Cour des comptes, correspond au nombre de jeunes issus des milieux populaires ayant activé le pass ; mais il prend pour base le niveau de diplôme des parents. Or la Cour précise que, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 87 % des jeunes utilisent la part individuelle du pass Culture.
Ce taux est certes flatteur, mais la réalité est très inégale. Ce sont les jeunes qui bénéficient de l'environnement familial le plus favorisé qui y ont le plus recours.
Nous devons impérativement mettre un terme à cette inégalité. La réforme, que nous avons lancée avant le 1er janvier 2025, commence à porter ses fruits et je souhaite qu'elle prenne cette année son plein essor. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin.
Mme Pauline Martin. Dans le droit-fil de la question de Catherine Morin-Desailly, je souhaite rappeler que la commission des finances du Sénat a présenté en juillet 2023 un rapport d'information portant sur la question suivante : « Le pass Culture répond-il au défi de la diversification des pratiques culturelles ? »
Les rapporteurs, au-delà de leurs conclusions positives, s'interrogeaient sur ce risque induit par la part individuelle du pass : confirmer les habitudes culturelles des jeunes et produire un simple effet d'aubaine, au point de s'apparenter à une billetterie classique.
Le rapport de la Cour des comptes confirme cette intuition. La conséquence en est la grande discrétion de certains secteurs, comme le spectacle vivant ou le patrimoine – je le relève à mon tour.
Par ailleurs, nous nous sommes émus auprès du président de la SAS pass Culture que la pluralité, notamment dans l'offre de presse, soit si difficile à atteindre.
Comment peut-on, au travers du pass Culture, orienter les jeunes vers des offres diversifiées, avec une réelle volonté d'ouverture et de découverte culturelles, sans que l'ombre d'un doute persiste sur d'éventuelles dérives mercantiles, voire idéologiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Comme je l'ai dit, madame la sénatrice, nous allons rendre la presse éligible au dispositif.
Vous m'interrogez au sujet de la diversification de l'offre : la nouvelle réforme vise justement à diversifier les pratiques.
Enfin, la tranche d'âge éligible et les dotations ayant été quelque peu modifiées, nous commençons à observer une évolution des pratiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Vous avez en partie répondu à ma question, madame le ministre, ce qui n'est guère étonnant puisque je suis le quatorzième orateur à intervenir dans ce débat...
La Cour des comptes relève dans son rapport que, hormis la contribution des offreurs de la plateforme, laquelle représente environ 6 % du volume d'affaires global, le pass Culture est financé par l'État. Nous sommes loin de l'objectif initial d'un financement à hauteur de 20 % par l'État et de 80 % par d'autres biais !
En parallèle, les dépenses liées au pass Culture n'ont cessé d'augmenter, bondissant de 93 millions d'euros en 2021 à 244 millions en 2024.
Le cumul des dépenses de la part individuelle et de la part collective du pass Culture a augmenté de près de 50 % au cours des deux dernières années. Surtout, on constate que le coût de la part individuelle du pass est systématiquement supérieur aux dotations initiales. Selon la Cour des comptes, des arbitrages doivent être pris afin de mettre un terme à cette croissance non maîtrisée des dépenses.
La Cour a présenté trois pistes d'économies : réduire le montant du crédit alloué aux jeunes de 18 ans ; le soumettre à des conditions de ressources ; et cibler les bénéficiaires selon des critères sociaux ou territoriaux.
Par ailleurs, il semble souhaitable de transformer la SAS en opérateur public afin qu'un contrôle plus étroit de son action puisse être exercé par le ministère et par le Parlement. Que pensez-vous de ces options ?
Enfin, je rappelle que notre assemblée a acté le besoin d'économies du dispositif en opérant une ponction de 65 millions d'euros sur ses crédits lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Cette décision appelle des ajustements.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Vous aurez remarqué, monsieur le sénateur, que les dépenses ici considérées sont figées pour 2025. (M. Olivier Paccaud le concède.) Nous nous y tiendrons.
La SAS – je l'ai dit –, deviendra un opérateur public directement placé sous la tutelle du ministère, afin que le contrôle sur le dispositif et dès lors la transparence soient renforcés.
En février 2024, lors de ma prise de fonctions, j'ai eu l'idée de créer un fonds de dotation à même d'accueillir les soutiens financiers issus du mécénat, ainsi que d'éventuels crédits de la Caisse des dépôts ou d'autres financeurs.
J'ai aussi commencé à chercher le bon véhicule juridique pour ce faire. Mais puisque la SAS va devenir un opérateur public, nous pourrons, sans passer par ce biais, ouvrir le dispositif au mécénat. Je pense notamment au mécénat d'entreprise, qui se développe de plus en plus, pour l'insertion ou la réinsertion des jeunes.
Cette année, en revanche, du fait de la coupe budgétaire quelque peu brutale à laquelle nous avons dû procéder, il faudra mieux cibler les nouveaux bénéficiaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je tenais à ajouter ces mots : vive le Puy du Fou,… (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Et la fête de L'Humanité ! (Nouveaux sourires.)
M. Olivier Paccaud. … cet admirable écrin de spectacles vivants puisant aux sources du roman national, qui, en outre, exporte son concept mémoriel fédérateur.
Bravo, madame la ministre, d'avoir rendu sa cinéscénie éligible au pass Culture ! Mais les animations du Puy du Fou, qui ne sont pas des manèges – M. Ziane l'a très bien dit –, mériteraient aussi d'être incluses dans ce dispositif.
Encore une fois, vive le Puy du Fou (Mme la ministre rit.), cette merveilleuse réussite française ! (M. Francis Szpiner applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. Puisque j'interviens en quinzième position, mes propos, je le crains, manqueront un peu d'originalité...
Le pass Culture suit un objectif ambitieux de démocratisation culturelle, mais il présente aussi certaines limites, notamment en milieu rural.
Il convient de souligner que l'offre collective est un véritable atout du pass Culture : elle permet à des scolaires de faire des expériences culturelles à moindre coût.