Mme Audrey Linkenheld. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est opposé à la suppression de cet article. Nous souhaitons que soit maintenue dans cette proposition de loi la référence aux Cross, car nous partageons l’intuition initiale de la commission d’enquête.
Nous pouvons comprendre que la définition précise de l’organisation de ces cellules de renseignement opérationnel ne soit pas de niveau législatif. Pour autant, celles-ci sont plus que de simples réunions de service, car elles rassemblent des représentants d’institutions très différentes : la police, le préfet, la gendarmerie, le procureur de la République. Cela dépasse assez largement le cadre que vous décrivez, madame le rapporteur.
Par ailleurs, il était initialement proposé dans ce texte que des groupes de travail associent également les maires et les associations. Nous sommes bien au-delà de la réunion de service ; il s’agit vraiment d’une organisation opérationnelle.
À ma connaissance, de nombreux autres textes de loi définissent l’intérêt de telles structures, puis renvoient à un décret la tâche de décliner son organisation. C’est d’ailleurs ce que le Gouvernement lui-même nous a proposé à l’article 1er, lorsqu’il a indiqué que la définition du service chef de file relevait du décret, tout en inscrivant son principe dans la loi.
De la même manière, nous souhaitons que le principe de la couverture du territoire national par les 104 Cross soit maintenu dans la loi, ainsi que la précision selon laquelle y sont associés non seulement la police, la gendarmerie, la justice et le parquet, mais aussi les douanes, comme nous le proposons au travers de nos amendements.
Mme la ministre chargée des comptes publics nous a indiqué à plusieurs reprises combien la présence des douanes était indispensable. Nous souhaitons qu’elles puissent y être associées à titre permanent, ainsi que les maires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous sommes également défavorables à cet amendement du Gouvernement, car rien ne s’oppose à ce que le principe des Cross soit inscrit dans la loi, même s’il revient évidemment au pouvoir réglementaire de décliner l’organisation de ces dernières.
La suppression de cet article nous prive d’un débat tout à fait légitime sur la nature et les attributions des Cross, ainsi que sur les acteurs qu’elles doivent associer. Les maires, par exemple, viennent d’être évoqués. J’y insiste : les douanes réalisant 75 % des saisies de stupéfiants, il serait difficilement concevable qu’elles en soient exclues.
J’ajoute qu’il serait utile d’y associer les acteurs économiques. Dans nos grands ports maritimes, notamment, toute la chaîne logistique devrait être intégrée, au moins de manière ponctuelle, dans les groupes de travail envisagés. L’ensemble de ces acteurs peut contribuer à la lutte contre le narcotrafic.
Je déplore donc que cette suppression nous prive de ce débat, à moins que vous nous donniez dès à présent, messieurs les ministres, un aperçu de la philosophie que devraient revêtir, selon vous, ces Cross, pour renforcer l’exercice actuel de leur mission et s’inscrire dans une logique d’association plus large des partenaires.
J’insiste une nouvelle fois sur la nécessité d’y intégrer pleinement les douanes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Je fais partie de ceux qui déplorent la suppression de cet article. Au début de la discussion, nous avons clairement mis en exergue l’importance de l’échelon local, et j’estime que cet article était rédigé avec une clarté suffisante et offrait un cadre d’action particulièrement pertinent.
D’une part, il définissait la mission des Cross selon quatre axes. Certes, cela relève du domaine réglementaire, mais on ne saurait soutenir que la manière dont ces axes sont décrits dans l’article – analyse des informations, coordination des acteurs, participation à la stratégie et concours à la politique nationale – fige quoi que ce soit. Bien au contraire, cette rédaction fournit un cadre qui peut être décliné à l’échelon départemental !
D’autre part, s’agissant de la composition de ces cellules, cet article est le seul passage de la proposition de loi qui permet d’appréhender l’écosystème des acteurs engagés dans la lutte contre le narcotrafic. Au regard de la préoccupation de ces acteurs sur les territoires, il s’agissait d’un signal fort quant à leur participation à cette stratégie.
Par conséquent, même si je prends acte des arguments juridiques selon lesquels il s’agit du domaine réglementaire et qu’il convient de ne pas figer les choses, je trouve quelque peu regrettable de ne pas disposer, au minimum, d’une référence à cet échelon et à la déclinaison territoriale de cette politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Il convient de dire les choses telles qu’elles sont : lorsque nous avons procédé aux différentes auditions, le dysfonctionnement des Cross ne nous est pas apparu comme un élément crucial.
Il nous a été rapporté qu’il arrivait qu’un acteur fasse défaut dans les réunions de ces cellules et que son absence relevait parfois de mésententes entre services.
Mme Audrey Linkenheld. Eh oui !
M. Étienne Blanc. J’ai alors estimé, comme Jérôme Durain, que l’autorité de la loi pourrait remédier à ces problèmes interpersonnels.
Pour autant, nous le savons bien, lorsque deux services ne s’entendent pas pour des raisons diverses, c’est non pas la loi qui résout le problème, mais la bienséance et la compréhension mutuelle.
Mme Audrey Linkenheld. La loi peut aider !
M. Étienne Blanc. Je me range donc à la position que vient d’adopter la commission des lois. Nous avons peut-être péché par excès en voulant nous montrer directifs.
J’apporte mon soutien à la position du Gouvernement : revenons-en au décret et laissons le terrain s’organiser, car c’est là que l’on appréhende le mieux les sujets concrets et pratiques et que l’on sait s’organiser de la manière la plus efficace pour échanger les renseignements.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sauf que cela ne se marche pas !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mais si !
M. Étienne Blanc. Je souscris donc à cette proposition de suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. Quand nous laissons le terrain s’organiser, on voit bien quelles forces prennent le dessus… L’objet de cette proposition de loi est justement de remettre de l’ordre et de créer plus de coordination entre services, comme nous l’avons bien perçu tout au long des auditions.
Nous ne prétendons pas que développer et maintenir ces Cross réglera tous les problèmes, mais inscrire leur rôle clairement dans la loi impose tout de même à chacun de se mettre autour de la table. J’y insiste, élus et citoyens demandent une telle coordination sur le terrain.
Par ailleurs, cette proposition de suppression risque d’emporter un effet collatéral : l’absence de continuité territoriale dans leur organisation, puisque les Cross seraient plus développées dans certaines zones que dans d’autres.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Notre groupe votera également contre la suppression de l’article 7, je souhaite évoquer deux points.
Le premier, à titre tout à fait amical, concerne Étienne Blanc et à Jérôme Durain. Je comprends leur argumentation ; pour autant, durant les travaux de la commission d’enquête, il nous avait semblé important de légiférer sur les Cross et de préconiser leur inscription dans la loi.
Mes chers collègues, même si vous étiez le président et le rapporteur de cette commission d’enquête, le rapport de cette dernière a été signé par la totalité de ses membres ; dans une certaine mesure, tous les groupes y étaient représentés et tous les participants se sont accordés sur la nécessité de légiférer sur le sujet, ou au moins de définir dans la loi ce que devaient être les Cross.
Le second point est qu’il existe sûrement beaucoup de cellules ou d’organes inopérants mis en place par la loi. En l’occurrence, le dispositif en discussion fonctionne déjà plutôt bien ; il est opérationnel, et nous pourrions encore l’améliorer et lui conférer une continuité territoriale.
Dès lors, il serait tout de même regrettable de nous priver de l’inscrire dans la loi.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 7 est supprimé, et les amendements nos 103, 178, 165, 174, 149, 191, 145, 161 et 159 n’ont plus d’objet.
Après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 104, présenté par Mme Brulin, M. Bacchi, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’administration des douanes répond à l’objectif prioritaire de contrôle des marchandises, en accordant une attention prééminente aux taux de contrôle des marchandises (ouverture des containers, scanners, documentaire) par rapport aux indicateurs de fluidité des trafics, tout en valorisant la coopération entre les administrations impliquées dans la lutte contre les narcotrafics.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement a pour objet d’appeler l’attention sur un point : si ce texte déploie un certain nombre de dispositifs et tout un arsenal pénal face au narcotrafic, il ne résout pas une contradiction profonde, notamment dans nos ports.
La concurrence internationale à laquelle sont soumis nos ports implique qu’il faille dépoter, pour reprendre un terme propre aux dockers, c’est-à-dire décharger la marchandise, le plus rapidement possible, et que les douaniers doivent la contrôler tout aussi vite.
Ce faisant, toutefois, les contrôles ne sont pas aussi poussés qu’ils devraient l’être. À titre d’exemple, sur le port du Havre, 93,5 % des déclarations sont dédouanées en moins de cinq minutes, alors que ce port enregistre 80 % des saisies de cocaïne en France. Il y a donc là un véritable paradoxe.
Nous n’entendons pas freiner l’activité économique, mais nous appelons à réfléchir à un équilibre entre la fluidité indispensable au transport commercial et la sécurité.
Certains pays, confrontés à de graves problèmes de sécurité, dus au terrorisme ou au narcotrafic, ont un peu plus mis l’accent sur la sécurité, parfois au détriment de la rapidité, et cela peut contribuer de manière décisive à la lutte contre le narcotrafic. Tel est donc l’objet de cet amendement.
Nous avons été alertés sur ce sujet par l’ensemble des professions portuaires, confrontées de manière quotidienne et souvent douloureuse au narcotrafic.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel à faible portée normative.
Par conséquent, bien que nous ayons de la considération pour les arguments qui ont été développés, nous émettons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Madame la sénatrice, vous semblez considérer que les douanes seraient contraintes d’opérer un choix entre, d’un côté, la fluidité du trafic et la compétitivité économique, et, de l’autre, l’intensité des contrôles. Or nous estimons que les douanes ne sont pas confrontées à un tel dilemme : elles ont la capacité de concilier l’efficacité des contrôles et la fluidité des échanges.
Au demeurant, cette question ne relève pas dans le champ de la loi.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 104.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
I. – À titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter de l’émission de l’avis mentionné au II du présent article, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de la sécurité intérieure et pour la seule finalité prévue au 6° de l’article L. 811-3 du même code, à la demande des services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 dudit code, peuvent être autorisés des traitements automatisés sur les données transitant par les réseaux des opérateurs et des personnes mentionnées à l’article L. 851-1 du même code destinés, en fonction de paramètres précisés dans l’autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler des actes de délinquance ou de criminalité organisée.
Ces traitements automatisés utilisent exclusivement les informations ou documents mentionnés au même article L. 851-1 ainsi que les adresses complètes de ressources utilisées sur internet, sans recueillir d’autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l’identification des personnes auxquelles les informations, documents ou adresses se rapportent. Ils ne peuvent procéder à aucune interconnexion ou mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
Dans le respect du principe de proportionnalité, l’autorisation du Premier ministre précise le champ technique de la mise en œuvre de ces traitements.
II. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement émet un avis sur la demande d’autorisation relative aux traitements automatisés et les paramètres de détection retenus. Elle dispose d’un accès permanent, complet et direct à ces traitements ainsi qu’aux informations et données recueillies. Elle est informée de toute modification apportée aux traitements et paramètres et peut émettre des recommandations.
La première autorisation de mise en œuvre des traitements automatisés prévue au I du présent article est délivrée pour une durée de deux mois. L’autorisation est renouvelable dans les conditions de durée prévues au chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de la sécurité intérieure. La demande de renouvellement comporte un relevé du nombre d’identifiants signalés par le traitement automatisé et une analyse de la pertinence de ces signalements.
III. – L’article L. 871-6 du code de la sécurité intérieure est applicable aux opérations matérielles effectuées par les opérateurs et les personnes mentionnés à l’article L. 851-1 du même code.
IV. – Lorsque les traitements mentionnés au I du présent article détectent des données susceptibles de caractériser l’existence d’une menace résultant d’actes de délinquance ou de criminalité organisée, le Premier ministre ou l’une des personnes déléguées par lui peut autoriser, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de la sécurité intérieure, l’identification de la ou des personnes concernées et le recueil des données y afférentes. Les données sont exploitées dans un délai de soixante jours à compter de leur recueil et sont détruites à l’expiration de ce délai.
Avant l’expiration du même délai de soixante jours, dès lors qu’elles sont de nature à caractériser la commission d’une infraction mentionnée à l’article 706-73 du code de procédure pénale, les données sont transmises au procureur général territorialement compétent ou, si les caractéristiques de l’infraction entrent dans le champ d’application de l’article 706-74-1 du même code, au procureur de la République national anti-criminalité organisée. Dans un tel cas, les données recueillies ne peuvent fonder aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite.
Les données qui n’ont pas été détectées par les traitements comme étant susceptibles de révéler une menace sont détruites immédiatement.
V. – Un service du Premier ministre est seul habilité à exécuter les traitements et opérations mis en œuvre sur le fondement des I et IV du présent article, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
VI. – L’expérimentation fait l’objet de rapports d’évaluation transmis par le Gouvernement au Parlement dans les délais suivants :
1° Douze mois à compter de l’émission de l’avis mentionné au II ;
2° Trois mois avant le terme de l’expérimentation.
Ces rapports évaluent la pertinence des paramètres de conception utilisés dans le cadre des traitements prévus au I ; ils analysent leur efficacité pour détecter des menaces ou des infractions liées à la délinquance et à la criminalité organisées et donnent le sens des avis rendus par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Des versions transmises à la délégation parlementaire au renseignement font état du volume de données traitées et du nombre d’identifiants signalés par les traitements automatisés ainsi que du nombre de transmissions à l’autorité judiciaire dans les conditions prévues par le deuxième alinéa du IV et du détail des infractions pénales ayant justifié ces transmissions.
Les rapports d’évaluation comprennent une partie, établie par les services du ministère de la justice, sur l’utilité du dispositif en matière de réponse pénale apportée aux infractions mentionnées au même deuxième alinéa.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l’article.
Mme Corinne Narassiguin. Je souhaite intervenir dès à présent, car l’adoption probable du premier amendement du Gouvernement à cet article va largement en modifier la rédaction, au risque de rendre sans objet les amendements suivants.
Cet article vise à expérimenter pendant deux ans le recours à la technique du renseignement algorithmique pour la détection des menaces liées à la délinquance et à la criminalité organisées.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tient à exprimer plusieurs réserves, eu égard à l’atteinte significative à la vie privée qu’implique la prolongation de cette expérimentation et, surtout, à l’opacité qui entoure ce dispositif.
L’amendement du Gouvernement tend à supprimer les garde-fous qui avaient été mis en place par les rapporteurs, en particulier l’obligation de transmission de l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Ses dispositions nous posent donc problème.
S’agissant de la philosophie qui sous-tend la technique des algorithmes, nous regrettons l’absence d’étude d’impact, qui s’explique par la nature du texte, une proposition de loi.
Surtout, nous déplorons l’absence totale d’information sur le rapport du Gouvernement relatif aux algorithmes, qui a été remis au Parlement en 2024 et dont seuls les huit parlementaires membres de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) ont pu prendre connaissance.
Mme la présidente. L’amendement n° 219, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa du I de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Les références : « 2° et 4° » sont remplacées par les références : « 2°, 4° et 6° » ;
2° Les mots : « ou des menaces terroristes » sont remplacés par les mots « , terroristes ou relatives à la criminalité et à la délinquance organisées ».
II. – Le II de l’article 6 de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la date : « 1er juillet 2028 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2028 » ;
2° Le 1° est ainsi modifié :
a) Au a, les références : « 2° et 4° » sont remplacées par les références : « 2°, 4° et 6° » ;
b) Au b, les mots : « ou des menaces terroristes » sont remplacés par les mots : « , terroristes ou relatives à la criminalité et la délinquance organisées ».
III. – Le Gouvernement remet dans les conditions prévues au III de l’article 6 de la loi du 25 juillet 2024 susmentionnée au Parlement un rapport sur l’application du présent article s’agissant de la finalité relative à la criminalité et à la délinquance organisées prévue aux I et II au plus tard deux ans avant la date mentionnée au II.
Au plus tard six mois avant la date mentionnée au même II, dans les mêmes conditions susmentionnées, un rapport présentant le bilan de l’application du présent article s’agissant de la finalité relative à la criminalité et à la délinquance organisées prévue aux I et II est transmis au Parlement.
Ces rapports évaluent notamment la pertinence des paramètres de conception utilisés dans le cadre des traitements et analysent leur efficacité pour détecter des menaces ou des infractions liées à la délinquance et à la criminalité organisées. Ils donnent le sens des avis rendus par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Des versions transmises à la délégation parlementaire au renseignement comportent des exemples de mise en œuvre des algorithmes et font état du volume de données traitées, du nombre d’identifiants signalés par les traitements automatisés ainsi que du nombre de transmissions à l’autorité judiciaire.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État. Vous avez raison, madame Narassiguin, les dispositions de cet amendement revêtent une importance capitale. N’oublions pas que nous luttons contre un phénomène planétaire d’ultraviolence qui est en train de gangrener notre pays, notre jeunesse et même au-delà.
Nos forces de sécurité intérieure ont besoin d’avoir recours à cette technique algorithmique, à l’instar de la plupart des pays occidentaux.
Il ne s’agit pas d’une nouveauté : nous avons déjà autorisé ce dispositif à titre expérimental au moment des attentats de 2015. Quelques années plus tard, nous l’avons pérennisé, toujours dans le cadre de la lutte antiterroriste. Très récemment, en juillet dernier, nous l’avons étendu à d’autres finalités que le seul terrorisme : la lutte contre les ingérences étrangères et la défense nationale.
Nous vous demandons aujourd’hui de franchir une nouvelle étape en permettant l’utilisation de cette technique dans un autre but que la lutte contre le terrorisme, les ingérences étrangères ou la défense nationale : la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. C’est fondamental !
Par ailleurs, l’inscription de la mesure dans le livre VIII du code de la sécurité intérieure, comme le prévoit la rédaction initiale de cet article, nous pose problème, car nous souhaitons non pas créer un corpus spécifique, mais bien inscrire cette nouvelle technique et les règles qui président à son usage dans le cadre général que nous avons façonné au fil de la longue évolution que je viens de retracer devant vous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Durain, rapporteur. Nous avons entendu le plaidoyer de M. Retailleau sur cette expérimentation du renseignement algorithmique.
Il est vrai que le sujet est très lourd, car cette technique est potentiellement très intrusive. Cependant, rattacher le dispositif que nous avions proposé au cadre plus global de l’expérimentation en cours nous paraît assez sage, du point de vue tant de la lisibilité pour les juristes que de l’opérationnalité pour les services.
L’esprit de la mesure est préservé et les prérogatives de contrôle du Parlement respectées : deux rapports exhaustifs seront remis au Parlement, ainsi qu’à la DPR, avant la date butoir de l’expérimentation, fixée à la fin de l’année 2028.
Ce dispositif, qui était d’ailleurs demandé par la commission d’enquête dans ses recommandations, nous paraît équilibré.
La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 219.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 est ainsi rédigé, et les amendements nos 160, 133 et 72 rectifié n’ont plus d’objet.
Après l’article 8
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 70 rectifié ter est présenté par M. Perrin, Mme Dumas, MM. Allizard, Karoutchi et Gremillet, Mmes Estrosi Sassone et Canayer, MM. Mouiller, Paul, Rapin, Cambon, Bouchet, Genet, Rietmann et Brisson, Mme Evren, MM. Khalifé et Sautarel, Mmes N. Goulet, V. Boyer et Belrhiti, MM. J.P. Vogel, Burgoa, Laugier et Levi, Mme Dumont, MM. H. Leroy, Grosperrin, Longeot, Chaize et P. Vidal, Mmes Lavarde, Micouleau et M. Mercier, MM. Naturel et Reynaud, Mme Gosselin, M. Panunzi, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Milon, Courtial et Henno, Mmes Malet et Aeschlimann, MM. D. Laurent, Piednoir et Maurey, Mme Eustache-Brinio, M. C. Vial, Mme Lassarade, MM. Pernot, Reichardt, Saury, Kern et Haye, Mme Romagny, M. Cambier, Mmes Bellurot et Gruny, MM. Bruyen et Dhersin, Mmes Ventalon, Berthet, Josende, Guidez et Bellamy, MM. Mandelli et Sido, Mme Imbert, MM. Michallet, Bleunven, Chauvet et Meignen, Mmes Pluchet et Perrot, M. Dumoulin, Mme Joseph, MM. Belin, L. Hervé et Gueret et Mmes Bonfanti-Dossat et Borchio Fontimp.
L’amendement n° 241 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au II de l’article 13 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, la date : « 31 juillet 2025 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2028 ».
II. – Au premier alinéa du III de l’article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure, les mots : « et des informations ou documents recueillis » sont supprimés.
La parole est à M. Cédric Perrin, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié ter.
M. Cédric Perrin. Le texte de la commission prévoit un mécanisme et un délai de judiciarisation dès lors que le renseignement recueilli par la technique de l’algorithme est de nature à caractériser la commission d’une infraction.
Si la judiciarisation peut constituer un objectif, le caractère obligatoire de la transmission au parquet risque d’interrompre l’action préalable des services de renseignement.
Aussi cet amendement vise-t-il à supprimer ce caractère obligatoire, dans le respect du principe de séparation des moyens des services de renseignement et des services judiciaires.
Une telle modification ne remettrait aucunement en cause la transmission au parquet des renseignements en fin d’enquête administrative.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, pour présenter l’amendement n° 241.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces amendements visent à prolonger de trois ans une expérimentation déjà existante, relative aux interceptions satellitaires, qui, à vrai dire, n’a pu être tout à fait mise en œuvre, mais qui semble assez prometteuse. J’en dis autant que je le peux à propos d’éléments qui ne sont pas tous publics – ceux que je viens d’évoquer le sont néanmoins.
L’expérimentation est déjà en cours ; il s’agit d’une prolongation et non d’une pérennisation. Le dossier est suivi de très près par la DPR, et je propose que nous acceptions cette proposition, car les interceptions satellitaires sont utiles dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic.
En outre, nous connaissons déjà ce régime expérimental. Il me semble donc que nous pouvons suivre le Gouvernement.
La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Il est tout de même difficile d’approuver une telle mesure sans disposer d’aucune information sur l’expérimentation en cours, ses résultats et les contrôles qui seraient éventuellement nécessaires !
Il est pour le moins étrange de nous proposer de prolonger une expérimentation en nous demandant de faire confiance à son fonctionnement, sans nous fournir le moindre élément. Une telle démarche ne témoigne pas d’un grand respect envers notre assemblée.
C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Une certaine expérience m’a appris qu’il existe des expérimentations dont le résultat doit être évalué, mais qui sont pérennisées avant même qu’une telle évaluation ne soit mise en œuvre…
Représentant le Sénat, j’avais mené avec Mme Agnès Canayer un travail de cet ordre, qui avait démontré que les objectifs d’une expérimentation n’avaient pas été atteints ; entre-temps, pourtant, celle-ci avait été pérennisée.