M. Dominique de Legge. Et, alors que le Premier ministre a insisté ici même sur l'importance à ses yeux du Parlement, notamment du Sénat, et, de manière plus générale, sur son intention d'écouter le Parlement, le premier signal que vous nous adressez est précisément d'aller à l'encontre de nos préconisations.

Je ne vous demande pas de majorer les crédits de la mission – ce serait pourtant nécessaire. Mais vous pourriez au moins éviter de faire de la provocation en nous demandant de les réduire ! À l'heure où des ministres se demandent s'ils vont rester sur le réseau X, trouvez-vous tout cela cohérent ?

Je ne voterai évidemment pas cet amendement. (M. Mickaël Vallet applaudit.)

M. le président. La parole est à M Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Le sujet est difficile. Je comprends la position de la commission des affaires étrangères. Rapporteur pour avis sur les crédits de cette mission depuis huit ans – j'ai régulièrement auditionné les représentants de l'Anssi –, je pense bien connaître le sujet.

Mais je n'adhère pas à l'idée selon laquelle il faudrait nécessairement mobiliser plus de crédits pour être mieux défendus. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous avons, avec l'Anssi et Viginum, des organismes capables de répondre aux attaques ; ils en ont d'ailleurs apporté la démonstration l'an dernier.

Dans une entreprise, lorsque le chiffre d'affaires baisse, il faut trouver des solutions, faire des choix. Lors de mon échange à Matignon avec le cabinet du précédent Premier ministre, nous nous étions retrouvés pour considérer que les crédits de l'IHEDN devraient peut-être relever plutôt de la mission « Défense », afin de s'assurer que la fonction stratégique d'influence de l'IHEDN s'inscrit bien dans les priorités de la Revue nationale stratégique de 2022.

Nécessité fait loi. Et je remercie le ministre des armées d'avoir accepté de prendre en charge le budget de l'IHEDN. Cela permet d'amortir cette baisse des crédits afin qu'elle n'ait pas de conséquences sur les activités de l'Anssi et de Viginum.

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de conforter ces deux organismes. Mais comprenons aussi qu'en ne prenant pas en compte notre situation budgétaire aujourd'hui, nous serons confrontés à des menaces encore plus grandes demain.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait déjà prévu de voter contre les crédits de la présente mission, lorsque la baisse annoncée n'était que de 14 millions d'euros. Et voilà qu'on veut nous infliger un coup de rabot supplémentaire de 41 millions d'euros !

Ainsi que les précédents orateurs, notamment mon collègue Mickaël Vallet, l'ont souligné, cela aurait des conséquences extrêmement néfastes sur Viginum et l'Anssi dans un contexte où les cybermenaces et les ingérences étrangères sont plus fortes que jamais.

Mais il y a également une autre raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement. En effet, son adoption conduirait à réduire les crédits du programme 308 « Protection des droits et libertés », dont la défense me paraît tout aussi importante.

Par conséquent, non seulement nous voterons contre cet amendement, mais nous présenterons en plus des amendements tendant à renforcer les crédits de l'Anssi, de Viginum, de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), de la Défenseure des droits ou encore de la Cnil, amendements que je considère désormais comme défendus, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J'étais hier au banc des commissions en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » ; je comprends donc bien la difficulté de la situation. En l'occurrence, j'ai obtenu que le coup de rabot alors envisagé soit ramené de 50 millions d'euros à 25 millions d'euros, ce qui l'a rendu plus facile à accepter ; c'est une forme de mithridatisation !

Pour autant, monsieur le ministre, je partage totalement les propos du président de la commission des affaires étrangères, pour une raison très simple. Songeons – je parle aussi en tant qu'ancienne vice-présidente de la commission d'enquête sur les ingérences étrangères – à l'image que nous donnerions à l'extérieur de cet hémicycle en rabotant les crédits de l'Anssi et de Viginum, alors que plus de 50 millions de données personnelles ont récemment été piratées.

Au regard des risques extrêmement élevés d'attaques et d'ingérences, je ne peux pas, en conscience, voter un tel amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Mon propos va quelque peu différer de celui de mes collègues. Je crois que cette mission, à l'instar de toutes les missions, doit participer à l'effort de réduction des déficits publics.

Je fais confiance aux services du Premier ministre pour procéder aux arbitrages permettant d'avoir une administration efficace et capable de répondre aux besoins.

Au demeurant, je rappelle que les moyens de l'Anssi ont considérablement augmenté au cours des dernières années. Et comme, depuis le 17 janvier, les acteurs concernés doivent, du fait des règlements européens, être en mesure de réaliser des opérations de protection de cybersécurité, notamment des tests, cela déchargera peut-être les responsables publics d'un certain nombre de tâches.

Je profite de l'occasion pour répondre à Fabien Gay.

M. Michel Canévet. Oui, mon cher collègue, il faut augmenter les recettes, mais il faut aussi réduire les dépenses.

Mais quand je vous entends parler de « taxer les dividendes », je me permets de vous rappeler que les dividendes profitent à tous ceux qui ont des actions et ils ne sont pas tous riches ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Actuellement, les dividendes sont taxés à 30 %. Pour ma part, je n'étais pas hostile à ce que l'on porte ce taux à 35 %. Mais faisons attention : trop d'impôt tue l'impôt ! (Mêmes mouvements.)

M. Mickaël Vallet. Quelle originalité ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Michel Canévet. À trop vouloir taxer, on risque de pénaliser l'activité économique, donc de voir les recettes baisser.

M. Mickaël Vallet. C'est de l'humour politique ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. La position du groupe Les Indépendants – République et Territoires est claire depuis le début de l'examen de ce projet de loi.

Oui, il faut réduire les dépenses publiques, mais il faut faire des choix. Réduisons drastiquement les crédits les missions non régaliennes. Mais – sur ce point, j'ai une position un peu différente de celle de mon collègue Michel Canévet – ne touchons pas aux missions régaliennes.

Pour moi, dans le débat actuel, il n'y a qu'une question qui vaille. La mission que nous examinons est-elle une mission régalienne ?

Le simple citoyen peut-il se protéger contre les influences étrangères ? Peut-il faire ce que fait l'Anssi à sa place ? Je ne le crois pas.

Faut-il, sous prétexte que l'Anssi travaille bien, en réduire les crédits parce que les menaces diminueraient ? Je ne le crois pas non plus.

Depuis le début de l'examen du projet de loi de finances, nous demandons une sanctuarisation pour tout ce qui relève des missions régaliennes.

C'est pourquoi je crains d'être obligé de voter contre l'amendement du Gouvernement, dont l'adoption aurait pour effet de réduire des crédits qui sont, en l'état, indispensables à la sûreté nationale.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nos idées progressent !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Dans le droit fil des propos du président de la commission des affaires étrangères et de différents collègues, je souhaite exprimer mes réserves quant à la baisse de crédits qui est proposée.

Aujourd'hui, la menace est réelle et multiforme. Elle n'a jamais été aussi importante et elle émane de différents acteurs. Il me paraît essentiel de pouvoir y répondre.

Voyons plutôt s'il n'y a pas d'autres postes budgétaires – je pense par exemple à tout ce qui concerne la communication gouvernementale – sur lesquels il serait possible de réaliser des économies. D'ailleurs, cette réflexion peut être élargie à d'autres missions : nous n'avons pas réduit le nombre d'enseignants, alors qu'il y a moins d'élèves. Il y a des choix à faire ; peut-être sont-ils difficiles, mais il faut faire preuve de courage.

Mais je ne pense pas que ce qui nous est proposé soit la bonne manière de mener à bien la nécessaire réduction des déficits publics.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Nous ne voterons pas ces amendements.

Le choix que le Gouvernement a fait – demander au Sénat de poursuivre l'examen du projet de loi de finances sans avoir envisagé au préalable de nouvelles recettes – est, à nos yeux, incompréhensible et porteur d'inégalités.

Mes chers collègues, vous dénoncez le décalage entre les déclarations sur la cybersécurité et les moyens mobilisés, ainsi que l'absence de vision de long terme. Mais c'est le cas sur toutes les missions !

Nous reprochons au président des États-Unis de vouloir sortir de l'accord de Paris, mais nous adoptons nous-mêmes un projet de loi de finances qui nous en fait sortir de fait, à grands coups de rabot sur l'aide publique au développement, donc sur la diplomatie climatique, sur la recherche et, évidemment, sur les missions liées à l'écologie.

Vous soulignez la nécessité, mes chers collègues, de répondre aux urgences, notamment aux attaques cyber. Mais quid de l'urgence climatique ? Un département a été rayé de la carte par un cyclone ; nous avons connu des inondations monstres en fin d'année, etc.

La dissonance entre les urgences et les moyens mobilisés que vous dénoncez, nous la constatons sur toutes les missions !

Et ce sera le cas tant que l'on ne réfléchira pas aux moyens d'équilibrer le budget avec de nouvelles recettes. Aujourd'hui, tout le monde n'est pas soumis à l'impôt de la même manière ; il y a des injustices. L'arrivée d'un nouveau gouvernement aurait dû être l'occasion d'une remise à plat de la fiscalité. Cela n'a pas été le cas ; c'est un choix politique. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences : des amendements qui tapent dans le dur ! Nous ne les voterons pas.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Laissez-moi dissiper un doute : en aucune manière, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne peut y avoir dans l'esprit du Gouvernement une quelconque volonté de manquer de respect à la Haute Assemblée.

Nous maintenons par ailleurs une très grande attention sur les questions relevant de la compétence de Viginum.

Peut-être me suis-je exprimé trop rapidement et de manière trop imprécise. Reprenons les chiffres : madame la sénatrice Linkenheld, il n'est pas question d'une réduction supplémentaire des dépenses publiques de 41 millions d'euros.

Si l'amendement du Gouvernement tend en effet à réduire les crédits de la mission de 15 millions d'euros supplémentaires par rapport au texte initial – soit 41 millions d'euros au lieu de 26 millions d'euros –, le nouvel effort budgétaire demandé au SGDSN serait de 5,8 millions d'euros.

Le budget hors personnel de Viginum représentant un peu plus de 1 % du budget hors personnel du SGDSN, le « rabot supplémentaire » équivaut en réalité pour Viginum à une baisse de crédits de 58 000 euros.

M. Mickaël Vallet. Quel intérêt dès lors ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Je comprends tout à fait vos alertes sur le signal qui serait envoyé et sur l'aspect symbolique de cette mesure dans un monde toujours plus dangereux et toujours plus menaçant pour notre pays.

Toutefois, ce coup de rabot n'est pas aveugle. Nous faisons un choix de réduction de la dépense publique, que je vous ai d'ailleurs proposé de compenser.

Dans la mesure où l'effort supplémentaire demandé au SGDSN est de 5,8 millions d'euros et où le budget de l'IHEDN – 7 millions d'euros – est transféré au ministère des armées, cet effort est plus que compensé.

En réalité, nous ne réduisons pas les crédits de Viginum de 58 000 euros ; nous renforçons Viginum, l'Anssi et les autres services qui dépendent du SGDSN.

Nous sommes donc en phase avec nos objectifs et l'effort demandé semble accessible.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-2203.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué. L'amendement n° II-1934 rectifié bis correspond à la position ex ante du Gouvernement, qui prévoyait une baisse des crédits de 26 millions d'euros. Du fait du rejet de l'amendement précédent, nous y sommes favorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1934 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur le ministre, votre avis est-il également favorable sur l'amendement n° II-1936 rectifié bis ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1936 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq,

est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (suite)

3

Hommage à Didier Guillaume, ancien sénateur

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mesdames, messieurs, c'est avec stupéfaction et une tristesse immense que nous avons appris le décès de Didier Guillaume le 15 janvier dernier.

Il est impossible d'évoquer la vie de Didier Guillaume sans rappeler son attachement à la Drôme et son parcours au sein du parti socialiste.

Responsable départemental du mouvement des jeunes socialistes, Didier Guillaume s'engage au sein du comité de soutien drômois à François Mitterrand lors de l'élection présidentielle de 1981.

Agent du Trésor public, il est élu pour la première fois conseiller municipal de Bourg-de-Péage en 1983.

Il est directeur de cabinet du président du conseil général de la Drôme en 1990, puis conseiller régional de Rhône-Alpes en 1992.

En 1995, il devient maire de Bourg-de-Péage, fonction qu'il occupera jusqu'en 2004, avant d'être élu, en 1998, conseiller général du canton de Bourg-de-Péage.

Ce fils d'éleveur de brebis se passionne pour l'agriculture et devient la même année conseiller politique de Jean Glavany, alors ministre de l'agriculture et de la pêche.

Réélu conseiller général en 2004, il devient président du conseil général de la Drôme.

Son arrivée au Sénat, en 2008, restera un moment privilégié de sa vie publique. Il défendra avec passion son département au sein de notre assemblée.

Dès son arrivée au Palais du Luxembourg, il rejoint le groupe socialiste alors présidé par Jean-Pierre Bel. Il sera successivement membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, puis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et, enfin, de la commission des finances.

Le 5 octobre 2011, il devient premier vice-président du Sénat. Au sein de la conférence des présidents, j'ai pu alors apprécier ses qualités humaines.

En avril 2014, il succède à François Rebsamen à la présidence du groupe socialiste. La même année, il est rapporteur du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Son rapport concernant la modernisation des relations entre l'État et les fédérations sportives, remis en 2015, marquera notre assemblée.

Membre de la délégation aux collectivités territoriales, il est rapporteur d'une mission d'information visant à rénover le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales.

Au cours de ses mandats de sénateur, il défendra le département comme institution et « son rôle de proximité irremplaçable », considérant la ruralité comme « une chance pour la cohésion et l'avenir des territoires ».

Le 16 octobre 2018, Didier Guillaume est nommé ministre de l'agriculture et de l'alimentation dans le gouvernement d'Édouard Philippe. Il s'implique notamment dans le dossier des pesticides et de l'épandage à proximité des lieux abritant des populations sensibles. Il est aussi attentif à la question du bien-être animal.

Le 10 juin 2024, Didier Guillaume est désigné par Son Altesse Sérénissime, le Prince Albert II, ministre d'État de la Principauté de Monaco, et met son engagement et ses compétences au service de la principauté.

Passionné de politique, mais aussi de sport, et notamment de rugby, il aimait à citer Voltaire, pour qui « les passions sont les vents qui enflent les voiles du navire ; elles le submergent quelquefois, mais sans elles il ne pourrait voguer ». Didier Guillaume nous a quittés, et vogue désormais vers de nouveaux horizons.

À ses anciens collègues, aux collègues de la Drôme d'aujourd'hui, Marie-Pierre Monier, Gilbert Bouchet et Bernard Buis, j'exprime notre sympathie.

À tous ceux qui l'ont connu au-delà de cet hémicycle, j'adresse mes pensées.

À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur tristesse.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose d'observer un moment de recueillement en hommage à Didier Guillaume. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président, je veux associer le Gouvernement à la tristesse que vous avez exprimée et à la gratitude qui est la nôtre lorsque nous pensons à Didier Guillaume.

Personnalité marquante – il a exercé les fonctions de président de conseil général, de sénateur de la Drôme, de président du groupe socialiste et fut aussi membre du Gouvernement –, il a été pour nombre d'entre nous un ami et un repère.

Il dégageait par sa présence une forme de solidité et de chaleur humaine.

Comme vous l'avez rappelé, il était amateur de sport, spécialement de rugby. Il avait d'ailleurs failli s'engager dans l'organisation de la coupe du monde.

Puis-je rappeler qu'il était un amoureux de la côte basque et qu'il était passionné de Biarritz ? Cela nous a valu de partager de nombreux moments chaleureux.

Ce sont précisément ces qualités humaines qui ont poussé Son Altesse Sérénissime à le nommer ministre d'État de la Principauté de Monaco et qu'appréciaient tous ceux qui l'entouraient.

En la personne de Didier Guillaume, nous tous avons perdu une figure amicale, proche et chaleureuse, emportée par une maladie foudroyante.

Le Gouvernement est aux côtés du Sénat dans cette tristesse et dans cette gratitude.

M. le président. Je vous remercie pour ces mots, monsieur le Premier ministre.

4

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d'honneur de la présidente du Bundesrat, Mme Anke Rehlinger. (Applaudissements.)

Mme Rehlinger est accompagnée de notre collègue Ronan Le Gleut, président du groupe d'amitié France-Allemagne, dont je salue la forte mobilisation, ainsi que celle des sénateurs membres de ce groupe, en faveur du renforcement des liens avec le Bundesrat.

Cette visite revêt une portée particulière, puisque ce 22 janvier est le jour anniversaire du traité de l'Élysée, signé voilà soixante-deux ans par le général de Gaulle et par le chancelier Konrad Adenauer, ainsi que celui du traité d'Aix-la-Chapelle, signé en 2019 par le président Emmanuel Macron et par la chancelière Angela Merkel.

J'ai tenu à ce que la visite de la présidente Rehlinger ait toute sa place, en cette année où nous célébrons à la fois le cent cinquantième anniversaire du Sénat de la République et le quatre-vingtième anniversaire du rétablissement du parlementarisme par le général de Gaulle, dans cet hémicycle même.

J'ai moi-même participé à Bonn, le 7 septembre dernier, au soixante-quinzième anniversaire de la première session du Bundesrat, où j'ai eu l'honneur de prononcer une intervention solennelle sur la relation franco-allemande.

Lors de l'audience à laquelle ont pris part nos collègues Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, ainsi que bien entendu Ronan Le Gleut et Audrey Linkenheld, respectivement président et secrétaire du groupe d'amitié France-Allemagne, nous avons pu aborder de nombreux sujets avec mon homologue de la haute assemblée allemande.

Dans ces temps incertains pour la sécurité collective en Europe, dans l'attente des orientations qui présideront à la relation transatlantique et alors que plusieurs États membres de l'Union européenne traversent des turbulences politiques, le couple franco-allemand conserve plus que jamais sa pertinence. La diplomatie parlementaire y a toute sa part.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à Mme la présidente Anke Rehlinger la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française ! (Applaudissements.)

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

défense du service public

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, lors de votre première intervention devant le Sénat, la semaine dernière, vous avez souligné notre désaccord sur la question cruciale du service public.

Alors que je vous alertais sur les conséquences de votre politique libérale orthodoxe, dont l'alpha et l'oméga est la réduction continue de la dépense publique, et donc la destruction du service public, vous m'avez répondu avec un aplomb certain – je dois le reconnaître – que notre pays ne manquait pas de services publics et que seule leur inefficacité était en cause.

Quel dogme peut-il ainsi vous aveugler au point de nier la disparition ou l'agonie de grands services publics dans nos zones rurales comme dans nos quartiers populaires ?

Ignorez-vous la désertification médicale, l'éloignement progressif du service public de la santé des populations ? La question de la santé est cruciale. N'êtes-vous pas frappé par les graves difficultés rencontrées par l'hôpital public pour faire face à l'épidémie de grippe ? Sont-elles imputables, selon vous, à l'inefficacité du personnel ?

Monsieur le Premier ministre, vous qui fûtes ministre de l'éducation nationale, ne constatez-vous pas les défaillances actuelles de notre système éducatif : contractualisation à outrance, sous-rémunération des enseignants, mépris des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), quasi-disparition de la médecine ou de la psychologie scolaires ? À cette liste, on pourrait aussi ajouter les difficultés financières des collectivités territoriales, notre dernier rempart.

Pourtant, vous maintenez le cap de l'austérité. Certes, comme vous l'avez dit, on trouve pire ailleurs, en Europe et dans le monde, mais les services publics ont toujours fait la grandeur de la France ; ils sont le ciment de notre société.

Monsieur le Premier ministre, votre refus de redresser le service public, confirmé par les coupes budgétaires de plus de 10 milliards d'euros que vous tentez d'imposer lors de l'examen du projet de loi de finances au Sénat, trouve sa source dans votre opposition à toute politique cohérente et durable de nouvelle répartition des richesses. Comptez-vous infléchir votre politique dans un autre sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, nous avons une différence d'appréciation. Je ne nie pas les difficultés que vous avez évoquées. Je prendrai l'exemple de la santé. Le problème de ce secteur, c'est que nous n'avons pas formé assez de médecins depuis quarante ans, à cause d'un accord entre les gestionnaires de la sécurité sociale, l'État et les professions médicales pour mettre en œuvre une politique, que l'on peut qualifier de malthusienne, afin de limiter le nombre des médecins, car cela pouvait apporter des avantages à chacun.

Toutefois, je ne crois pas que nos services publics soient au bord du naufrage que vous avez décrit. Ils bénéficient d'un énorme soutien.

J'ai souri en vous entendant dire que nous menions une politique libérale effrénée…

M. Mickaël Vallet. « Orthodoxe » !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je vous propose de communiquer votre intervention à divers organes de presse qui ne semblent pas partager exactement votre vision…

Je voudrais simplement vous rappeler les efforts que nous avons faits dans ce budget en faveur du service public.

Dans le domaine de l'éducation, j'ai souhaité que nous abandonnions la proposition du gouvernement de mon prédécesseur Michel Barnier visant à supprimer 4 000 postes de professeur. Lorsque j'ai fait cette annonce – c'était d'ailleurs dans cet hémicycle –, je n'ai pas caché que le vrai problème était celui des difficultés de recrutement des enseignants, pour des raisons que vous avez évoquées en partie et qui tiennent notamment aux conditions de travail et au niveau des salaires.

Nous avons aussi annulé la suppression envisagée de 500 postes au sein de France Travail.

Mme Frédérique Puissat. Ce n'est pas assez !

M. François Bayrou, Premier ministre. Nous avons relevé l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), ce qui est très important, de 3,3 % et l'Ondam hospitalier sera même rehaussé de 3,6 % – nos hôpitaux en ont bien besoin.

Dans le domaine de la justice, nous avons acté, dans le projet de loi de finances, la création de plus de 1500 postes.

Nous avons aussi augmenté le budget consacré à l'outre-mer, notamment pour faire face à la reconstruction de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie.

En ce qui concerne l'écologie, nous avons accepté un amendement visant à augmenter les crédits de 150 millions d'euros. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.)

Tout cela, madame la présidente Cukierman, ne traduit nullement un abandon de la fonction publique, même dans les temps budgétaires très difficiles que nous connaissons et que personne ne peut ignorer.

Au contraire, je souhaite réaffirmer, en réponse à votre question, ma volonté de soutenir la fonction publique, notamment territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

retrait américain de l'accord de paris

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Certains espéraient que Donald Trump s'assagirait une fois qu'il serait revenu à la Maison-Blanche. Je suis tenté de leur dire : mauvaise pioche !

Le quarante-septième président des États-Unis a commencé son second mandat pied au plancher, en signant, dès le premier jour, quarante-six décrets présidentiels, qui déclinent son programme électoral. Exit ainsi les États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ! Exit également, ou plutôt, re-exit, de l'accord de Paris.

Au moins, on peut lui reconnaître une qualité, celle de la constance dans ses positions. Ce climato-sceptique, qui avait qualifié, à l'époque, le réchauffement climatique de « canular », tourne le dos, pour la seconde fois, au reste du monde, dans le combat contre le dérèglement climatique. Les dramatiques incendies de Los Angeles n'ont pas modifié son analyse.

Les États-Unis rejoindront donc le triste club des trois pays n'ayant pas ratifié les accords de Paris : l'Iran, la Libye et le Yémen. Ce pied de nez du deuxième pollueur de la planète aux 195 pays qui l'ont signé met en péril les efforts du monde entier pour lutter contre le dérèglement climatique : en effet, si les États-Unis ne réduisent pas fortement leurs émissions de gaz à effet de serre au cours des quatre prochaines années, ils planteront le dernier clou dans le cercueil de l'objectif visant à limiter l'augmentation des températures à 1,5 degré.

De plus, je crains que cette décision du mouton noir américain n'ouvre la porte à d'autres défections.

Madame la ministre, pourriez-vous nous faire part de votre analyse sur le sujet ? Quelles mesures diplomatiques envisagez-vous pour contrecarrer les effets de cette triste décision et pour éviter que ce club des quatre ne grossisse ses rangs à l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDSE.)