Présidence de M. Didier Mandelli

vice-président

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Discussion générale (interruption de la discussion)

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 143, rapport général n° 144, avis nos 145 à 150).

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (SUITE)

Pouvoirs publics

Conseil et contrôle de l'État

Direction de l'action du Gouvernement

Budget annexe : Publications officielles et information administrative

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l'État » et « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits consacrés aux différents pouvoirs publics constitutionnels, à savoir la Présidence de la République, le Parlement, avec l'Assemblée nationale et le Sénat, les chaînes parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

Elle est régie, je le rappelle, par un principe d'autonomie financière, corollaire du principe de séparation des pouvoirs, selon lequel chaque institution fixe elle-même les crédits nécessaires à son bon fonctionnement. Ces derniers étaient initialement prévus en hausse de 1,64 %, mais la décision a été prise par chacune des institutions de reconduire à l'identique, dans un souci d'exemplarité, la dotation votée en loi de finances pour 2024, soit, pour la Présidence de la République et les assemblées, une stabilisation si les amendements qui ont été déposés sont votés.

Tout d'abord, la dotation de la Présidence de la République, reconduite à l'identique, s'élèverait à 122,6 millions d'euros. Avec des recettes propres de 3 millions d'euros, le budget de la Présidence est prévu à 125,6 millions d'euros.

Si les dépenses de personnel sont contenues à +1,3 %, les dépenses de fonctionnement, en hausse ces dernières années, le seront de nouveau en 2025, de 11,8 %. C'est particulièrement le cas des dépenses rattachées à l'action présidentielle.

Quant aux déplacements de la Présidence, en hausse également depuis plusieurs années, ils affichent néanmoins pour 2025 une baisse de 5 %, soit 20 millions d'euros.

Enfin, les dépenses d'investissement seraient de 7,5 millions d'euros, contre 9 millions d'euros prévus initialement, subissant ainsi assez nettement les conséquences de cette stabilisation.

Avec une reconduction à l'identique de l'année 2024, les dotations des assemblées parlementaires, s'élèveraient, elles, à 607,65 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et à 353,47 millions d'euros pour le Sénat. Enfin, 35,25 millions d'euros seraient dévolus aux chaînes parlementaires.

L'Assemblée nationale prévoit ainsi pour 2025 un total de dépenses de 643,2 millions d'euros.

Quant au budget du Sénat, d'un montant de 378,94 millions d'euros, il se répartit entre des dépenses de fonctionnement, qui s'élèvent à 366,08 millions d'euros, soit une hausse modérée de 1,66 %, et des dépenses d'investissement de 12,87 millions d'euros, en augmentation de 2,57 % par rapport à 2024.

Au total, en incluant la dotation du Conseil constitutionnel, 16,85 millions d'euros, et celle de la Cour de justice de la République, 984 000 euros, le montant de la mission atteindrait 1,136 milliard d'euros après renoncement aux hausses de dotation, contre 1,156 millions d'euros prévus initialement, soit une économie de 20 millions d'euros.

La différence, bien sûr, ne va pas résorber le déficit de l'État. Elle est symbolique sur l'exercice. Cet effort n'est d'ailleurs pas nouveau, la dotation étant loin d'avoir été indexée sur l'évolution des prix ces dernières années.

Pour ma part, je veux souligner la difficulté sur une longue période de la gestion des pouvoirs publics, avec, en définitive, une absence d'évolution linéaire. On assiste à une forme de compétition, la palme revenant au plus vertueux, ce qui aboutit, après des années d'extrême modération, à des efforts de rattrapage par à-coups. Nous entrons dans une nouvelle ère, particulièrement pour le Sénat, de forte modération, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes, que nous aborderons de nouveau au moment de la discussion des amendements.

Ainsi, confrontées à une baisse de leurs fonds de réserve et à des charges importantes pour l'entretien de leur patrimoine historique, les institutions vont devoir disposer de budgets d'investissement importants pour les prochaines années. Cet investissement sera aussi indispensable à l'atteinte des objectifs environnementaux et au respect des trajectoires que se sont fixées les pouvoirs publics.

Je saluais l'année dernière les plans mis en œuvre pour réduire l'empreinte carbone des institutions, mais je m'interroge cette année sur leur soutenabilité, compte tenu des décisions financières prises et des trajectoires fixées pour l'échéance 2050 dans le cadre notamment de la stratégie nationale bas carbone.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial. Certaines de ces décisions remettent dès à présent en cause les plans pluriannuels élaborés par le Sénat.

Au bénéfice de ces remarques, je vous propose l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Mme Marie-Arlette Carlotti et MM. Olivier Cigolotti et Antoine Lefèvre applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter, au nom de la commission des finances, la mission « Conseil et contrôle de l'État », qui rassemble les crédits des juridictions administratives et financières, ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Le projet de loi de finances pour 2025 déposé en octobre dernier prévoyait une hausse modérée de 1,8 % des crédits de paiement de la mission pour atteindre la somme modeste 899,7 millions d'euros. Nous examinerons tout à l'heure un amendement du Gouvernement visant à baisser ces crédits de plus de 7 millions d'euros. M. le Ministre pourra nous apporter, je l'espère, davantage d'informations sur les postes de dépenses qui seront touchés par ces mesures d'économie.

Je m'attarderai tout d'abord sur les crédits de la Cour des comptes et des juridictions financières, qui s'élèvent à près de 261 millions d'euros, en hausse de 2,2 % par rapport à 2024.

Les magistrats financiers devraient bénéficier cette année d'une mesure de revalorisation indemnitaire, pour laquelle une enveloppe de 5 millions d'euros est prévue dans le PLF. Cette mesure me semble bienvenue et permettra d'éviter un décrochage de leur rémunération par rapport à celle des administrateurs de l'État. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences de la réforme de la fonction publique, qui résulte d'une décision gouvernementale.

Je salue par ailleurs les efforts de la Cour pour réduire ses dépenses de fonctionnement courant, comme en témoigne la baisse de 5 % des dépenses hors titre 2 du programme.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève à près de 35 millions d'euros, en baisse de 22,4 % par rapport à 2024. Cette diminution des crédits doit toutefois être nuancée, dans la mesure où elle résulte principalement d'une mesure de périmètre. Lors du PLF 2024, j'avais fait part à notre assemblée de mes réserves sur la budgétisation de l'enveloppe consacrée à la participation citoyenne. Pour l'année 2025, la justification au premier euro manque toujours. Monsieur le ministre, cette situation n'est pas satisfaisante du point de vue de la bonne information du Parlement.

Je conclurai mon propos en évoquant le budget du Conseil d'État et des juridictions administratives, qui concentre à lui seul deux tiers des crédits de la mission. Il s'élève à 604 millions d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport à l'année 2024. Cette augmentation des crédits est en grande partie imputable à la poursuite du mouvement de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, pour laquelle une enveloppe de 8,8 millions d'euros est prévue.

L'année 2025 sera par ailleurs marquée par une stabilisation des effectifs des juridictions administratives. Monsieur le ministre, ce gel des effectifs risque de mettre les juridictions administratives sous tension et pourrait conduire à un allongement des délais de jugement. Je prendrai l'exemple de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui a vu son activité presque tripler entre 2018 et 2023, mais dont les effectifs n'ont pas augmenté en conséquence sur cette période. Les délais de traitement s'allongent donc.

Je conçois que la stabilisation des effectifs puisse se justifier cette année par la nécessité de redresser nos finances publiques à court terme. Toutefois, la représentation nationale ne pourra faire l'économie, lors des prochaines programmations budgétaires, d'une réflexion sur les moyens accordés aux juridictions administratives, dont les missions régaliennes me semblent devoir être préservées malgré le contexte budgétaire contraint. On ne peut leur demander un raccourcissement des délais de jugement sans leur donner les moyens d'atteindre cet objectif.

Malgré ces réserves, et au vu de la situation budgétaire de notre pays, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui réunit les services du Premier ministre ainsi que plusieurs autorités administratives indépendantes (AAI), enregistre, telle qu'elle nous est présentée pour 2025, une baisse notable de ses dépenses en crédits de paiement (CP) à périmètre constant.

En effet, si ces crédits affichent une légère hausse apparente de 1,23 % à périmètre courant, pour atteindre 1,066 milliard d'euros, cette évolution doit être corrigée de plusieurs transferts en base qui influent sur le périmètre de la mission. À périmètre inchangé, la mission présente une baisse en CP de 14,8 millions d'euros, représentant – 1,4 % en euros courants et – 3,1 % en euros constants, après correction de l'inflation, pour s'élever à 1,038 milliard d'euros.

Pour autant, cette diminution des crédits pour 2025 est inégalement répartie entre les deux programmes de la mission.

En effet, avec une baisse en CP de 2,3 % en euros courants et de 4,0 % en euros constants, le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », qui regroupe les services du Premier ministre à proprement parler, supporte globalement l'ensemble de l'effort budgétaire, passant sous la barre des 900 millions d'euros à périmètre constant.

À l'inverse, le programme 308 « Protection des droits et libertés », qui couvre les différentes AAI rattachées à la mission, connaît une hausse en CP de 4,5 % en euros courants et de 2,6 % en euros constants, pour atteindre un niveau de plus de 140 millions d'euros à périmètre constant.

Cette évolution contrastée se retrouve dans les schémas d'emplois des deux programmes. Alors que les efforts de maîtrise des dépenses sur le programme 129 se matérialisent par la suppression de vingt équivalents temps plein (ETP) en 2025, le solde du schéma d'emplois du programme 308 demeure positif, avec dix-huit ETP supplémentaires en 2025. Au total, le solde du schéma d'emplois de la mission est légèrement négatif en 2025, avec deux ETP en moins, alors qu'il était fortement positif en 2024, avec cent cinquante-six ETP en plus. Les effectifs globaux de la mission demeureraient à un niveau d'environ quatre mille trois cents ETP.

Fort des enseignements de mon récent rapport de contrôle sur le Haut-Commissariat au Plan (HCP), je voudrais évoquer la réorganisation des instances de conseil et d'évaluation qui a été engagée par le précédent gouvernement.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. En effet, Michel Barnier avait annoncé la prochaine fusion du HCP et de France Stratégie. M. le ministre pourra sans doute nous préciser l'état d'avancement des travaux sur ce sujet.

Pour mémoire, dans le cadre de mon rapport de contrôle, j'avais appelé à la clarification de la répartition des compétences entre le HCP, France Stratégie et le Secrétariat général à la planification écologique. La fusion du HCP et de France Stratégie va donc plus loin que ma recommandation initiale. Cette mesure de regroupement peut avoir une valeur d'exemple pour d'autres regroupements de structures administratives, même si les économies budgétaires associées devraient être limitées.

Concernant les AAI du programme 308 « Protection des droits et libertés », celles-ci continuent de bénéficier de moyens budgétaires élevés, qui reflètent en partie des missions croissantes. Cependant, leur gestion pourrait être rationalisée.

Certes, la mise en œuvre du règlement européen sur les services numériques implique de nouvelles missions pour l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) comme pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), dont le rôle a été consacré par la loi du 21 mai 2024 pour sécuriser et réguler l'espace numérique.

Pour autant, je le répète, il me semble que la gestion de ces autorités pourrait être sensiblement améliorée et rationalisée, en particulier dans le domaine immobilier.

Aussi, afin d'assurer une contribution des AAI concernées à l'effort de redressement des finances publiques, la commission des finances propose, par un premier amendement, de geler, à périmètre constant, au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2024 la dotation globale des autorités rattachées au programme 308 « Protection des droits et libertés ».

Dans le même esprit, la commission propose, par un second amendement, de geler symboliquement la dotation de l'ordre national de la Légion d'honneur.

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Géré par la direction de l'information légale et administrative (Dila), celui-ci devrait atteindre en 2025 un pic ponctuel de recettes, à 181 millions d'euros, soit une hausse de 8,19 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Ainsi, alors que les dépenses du budget annexe devraient s'élever à 150,6 millions d'euros en CP, en légère baisse par rapport à 2024, celui-ci devrait dégager en 2025 un excédent important, à 30,4 millions d'euros, soit le double du niveau de 2024.

Si la Dila prévoit de poursuivre le déploiement des actions de modernisation numérique, la modération des dépenses de personnel pourrait être fortement affectée par une évolution du statut juridique des agents. En effet, le Conseil d'État a remis en cause le statut de droit privé des agents issus de l'ancienne direction des journaux officiels, qualifiant l'ensemble du personnel d'agents de droit public.

Pour conclure, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative », tels que modifiés par ses amendements et ceux du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient depuis maintenant huit ans de vous présenter le budget du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », consacré plus particulièrement à la cybersécurité, la lutte contre les ingérences numériques étrangères et l'appui aux services de renseignement.

Les cyberattaques, la guerre informationnelle, les opérations de déstabilisation des outre-mer, ainsi que les tensions causées par les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient sont reliées à trois sources principales : la Chine, la Russie et l'écosystème cybercriminel.

En dépit de l'augmentation des menaces de tous ordres, le dôme cyber français a tenu en 2024. Je veux donc saluer l'action de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) et, évidemment, de tout l'écosystème qui les entourait. Ils ont préparé et protégé avec succès les grands rendez-vous de l'année 2024 : les élections européennes, puis législatives et, bien sûr, les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024.

Outre l'Anssi et Viginum, qui agissent aujourd'hui comme une force de réaction rapide pour contrer la désinformation venant de puissances étrangères, je veux également saluer la plateforme 17 cyber, lancée en décembre 2024, que nous appelions de nos vœux depuis six ans. C'est un outil majeur destiné à l'ensemble des Français, les particuliers comme les entreprises.

Maintenant, qu'en est-il pour 2025 ?

Avec 425 millions d'euros au lieu de 438 millions, les crédits de paiement de l'action n° 2 « Coordination de la sécurité et de la défense » subiront en 2025 une baisse de 3 % par rapport à 2024.

Les services du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), principalement l'Anssi et Viginum, vont devoir fonctionner avec 8 millions d'euros en moins. Je relève aussi une réduction de 4 millions d'euros des fonds spéciaux et de 1 million d'euros des moyens du groupement interministériel de contrôle (GIC), qui met en œuvre des techniques de renseignement pour les services. Quant à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), la subvention à ce centre de formation baisse de 3 %, soit 300 000 euros.

Pour les effectifs, le plafond d'emplois passe de 1 283 équivalents temps plein travaillé en 2024 à 1 300 pour 2025.

Ce budget se caractérise donc par une baisse modeste des crédits et une progression à la marge des effectifs. C'est principalement pour ces motifs que la commission des affaires étrangères a émis un avis défavorable à son adoption.

Néanmoins, j'estime que, dans un contexte de contrainte budgétaire, les ajustements proposés par le SGDSN sont nécessaires et pertinents.

À titre personnel, je n'ai pas souhaité entrer dans une logique de transfert de crédits, car il s'agit avant tout d'une responsabilité du Gouvernement. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen des amendements, puisque les auteurs de certains d'entre eux plaident pour une hausse des crédits, tandis que le Gouvernement propose, par un nouvel amendement, une baisse de 40 millions d'euros des crédits du programme 129.

Les résultats et la motivation des équipes que nous avons rencontrées, avec mon collègue Mickaël Vallet, permettent de penser que la France dispose d'une capacité de premier niveau pour s'adapter et relever les défis. Que ces services soient pleinement assurés de notre soutien et de notre vigilance sur l'exécution budgétaire de l'exercice 2025 pour qu'ils puissent assurer leur mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des moyens, décrite à l'instant par mon collègue corapporteur Olivier Cadic, reste évidemment la préoccupation majeure concernant le programme 129 pour la coordination des services œuvrant à la sécurité et à la défense nationales.

Pour vous donner un aperçu résumé de mon intervention, la menace augmente, mais pas les moyens.

Effectivement, la cybermenace continue d'augmenter. En 2023, 3 703 événements de sécurité, contre 3 018 en 2022, ont été portés à la connaissance de l'Anssi. Les attaques à but lucratif par rançongiciel ont augmenté de 30 % par rapport à l'année passée. Les cibles sont également de plus en plus diversifiées.

Par exemple, le secteur du social est de plus en plus visé et devient une source d'inquiétude. Ce secteur ne devra pas être négligé dans le cadre du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, que le Sénat examinera bientôt. Le niveau de maturité des universités et des hôpitaux à cet égard demeure très bas. J'y ajoute également les collectivités territoriales. Nous sommes globalement encore loin de la préconisation de consacrer à la cybersécurité 10 % des budgets informatiques.

Dans ce contexte, nous pouvons saluer la réussite de tout l'écosystème cyber, Anssi en tête, pour le bon déroulement des JOP, malgré un niveau de menace très élevé : 55 milliards d'attaques répertoriées par Atos, en charge du consortium numérique et cyber, contre moins de 5 milliards aux JOP de Tokyo en 2021. S'il n'y a pas eu d'incident grave, c'est non pas que la menace a été surévaluée, mais bien que le niveau de défense a été à la hauteur.

J'en viens aux moyens de l'Anssi et de Viginum. L'Anssi va devoir remettre à plus tard plusieurs projets : le passage à l'échelle de l'agence pour mettre en œuvre la directive NIS 2 devra être retardé ; la création d'un laboratoire dédié à l'intelligence artificielle, qui n'est pas un petit sujet, et d'un second centre de données sécurisé devra être repoussée.

Pour la première fois depuis sa création en 2021, le budget de Viginum ainsi que ses effectifs n'augmenteraient pas. Une telle stagnation nous paraît inquiétante, alors que les manipulations de l'information continuent de croître, comme l'a mis en évidence le rapport de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères, présenté par nos collègues Rachid Temal et Dominique de Legge. Je vous fais grâce de tout ce que l'actualité de ces derniers jours a mis en exergue concernant les Gafam et la vérification des faits.

Aux préoccupations sur le budget initial s'ajoute l'aggravation de 25 millions d'euros, et maintenant de 40 millions d'euros, de la baisse des crédits du programme 129 par un nouvel amendement du Gouvernement.

Ce budget est non seulement insuffisant, mais il est aussi incohérent avec les priorités fixées à notre sécurité et à notre défense nationale. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, contrairement aux années précédentes, a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Pour conclure, nous sommes d'accord pour dire que ce débat ne doit pas altérer le consensus habituel de la commission et du Sénat sur les enjeux de sécurité nationale que représentent la cybersécurité, la lutte contre les ingérences numérique et les fonctions d'appui aux services de renseignement. Nous allons nous efforcer de respecter cette ligne de conduite lors de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Pouvoirs publics » rassemble les principales institutions de l'État que sont l'Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel, la Présidence de la République et la Cour de justice de la République.

Telle qu'elle se présente aujourd'hui, la mission diffère substantiellement de ce qui avait été proposé en 2024, puisque la Présidence de la République ainsi que les présidences du Sénat et de l'Assemblée nationale ont renoncé à leurs demandes initiales.

Au terme du débat parlementaire, les crédits de la mission devraient être à peu près équivalents à ceux de 2024, sachant que ceux alloués au Conseil constitutionnel devaient diminuer du fait de la fin des travaux du bâtiment de la rue de Montpensier. Pour autant, le Gouvernement a déposé des amendements qui remettent cela en cause.

Au total, la mission « Pouvoirs publics » devrait s'élever à 1,137 milliard d'euros.

Les dotations sollicitées par les institutions qu'elle concerne étaient pourtant déjà structurellement insuffisantes pour couvrir leurs dépenses. Au cours des exercices passés, elles ont équilibré leur budget par des prélèvements sur leurs réserves respectives, ce qui conduit au tarissement progressif de celles-ci. Les réserves de la Présidence de la République s'élevaient ainsi à environ 23 millions d'euros au 31 décembre 2017 ; à la même date en 2023, elles sont tombées à 3 millions d'euros.

Si l'on peut s'interroger sur les moyens humains substantiels qui sont donnés à la Présidence de la République, notamment quand on les compare à ceux des institutions parlementaires, je salue néanmoins sa participation, comme celle des assemblées parlementaires, à l'effort commun qui a été demandé aux citoyens et aux administrations pour le redressement de nos finances publiques.

J'attire toutefois votre attention sur une constante, à savoir l'attrition continue des ressources de la démocratie parlementaire.

Cet amenuisement des moyens des assemblées pèse sur la capacité d'action des parlementaires. En effet, celle-ci dépend en grande partie des moyens humains dont ils disposent pour mener à bien leurs travaux de législation et de contrôle. Or leurs équipes de collaborateurs sont notoirement insuffisantes et ces derniers sont, à notre goût, trop peu rémunérés.

J'appelle tout simplement à ne pas refuser le coût de la démocratie parlementaire, essentielle à un fonctionnement équilibré de notre régime politique, notamment pour contrebalancer les moyens d'expertise de l'exécutif. À cet égard, je partage tout à fait les réflexions engagées par mon collègue Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, qui visent à comparer les moyens alloués aux assemblées parlementaires dans les démocraties occidentales et leurs modes de fonctionnement.

Néanmoins, compte tenu des éléments que je viens de développer, la commission des lois donne un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après Christian Bilhac, rapporteur spécial de la commission des finances, j'ai l'honneur de vous présenter l'avis de la commission des lois sur les programmes 164 et 165, qui financent respectivement l'activité des juridictions financières, essentiellement la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, et des juridictions administratives, c'est-à-dire le Conseil d'État, les cours administratives d'appel, les tribunaux administratifs, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ou le tribunal du stationnement payant, nouveau nom de la commission du contentieux du stationnement payant.

La commission a émis, en décembre dernier, un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

À titre personnel, mon avis est défavorable. Pourquoi ?

L'activité de ces juridictions est en hausse constante et rien ne permet aujourd'hui de penser qu'elle devrait baisser dans les années à venir.

Certes, les crédits de paiement affectés à ces programmes apparaissaient en hausse, en tout cas jusqu'à la dernière coupe proposée par le Gouvernement : aujourd'hui, si je ne me trompe, monsieur le ministre, c'est 7,3 millions d'euros qu'il nous est demandé d'ôter à la mission « Conseil et contrôle de l'État », sans qu'on sache d'ailleurs où ces sommes seront prises, sur quoi exactement le rabot va porter, ce qui rend compliqué d'émettre un avis.

Malgré tout, on peut considérer que des hausses de crédits ont été prévues pour ces juridictions, mais elles sont beaucoup moins importantes que celles qui avaient été envisagées à l'origine, en particulier pour les juridictions administratives. Les sommes prévues ne permettent donc pas de couvrir les différents besoins, pourtant connus, de ces juridictions.

Les juridictions financières ont mis en œuvre un projet stratégique intitulé « JF 2025 », qui a donné des résultats satisfaisants et démontré leur capacité d'évolution. En témoignent la division par deux du délai de publication des travaux d'examen de la gestion, la mise en place du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, l'amorçage de la mission d'évaluation des politiques publiques confiée aux chambres régionales des comptes ou encore l'ouverture citoyenne permise par la mise en place récente de deux plateformes. L'effort de tous les personnels de ces juridictions est permanent ; elles tiennent grâce à eux.

Dès lors, diminuer de nouveau les crédits nous paraît délicat. Je défendrai d'ailleurs sur ce point, au nom de la commission des lois, un amendement visant à améliorer le suivi des juridictions financières.

J'en viens aux juridictions administratives. Leur activité est toujours aussi soutenue. On relève ainsi une hausse de 6,1 % des saisines contentieuses des juridictions administratives non spécialisées entre 2022 et 2023. Rien ne permet de penser que cet accroissement d'activité va cesser, bien au contraire. Là encore, c'est le professionnalisme et l'engagement des magistrats et des personnels des juridictions administratives qui permettent d'obtenir des résultats satisfaisants pour notre démocratie : le nombre d'affaires en stock, s'il augmente, croît moins rapidement que les nouvelles saisines.