M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le regroupement de ces missions me conduit à évoquer divers sujets.
La déclaration de politique générale a été l’occasion d’évoquer la question des retraites dont plusieurs orateurs viennent de se saisir. Le groupe du RDSE a rappelé sa position : nous attendons des efforts et de nouvelles avancées sur la pénibilité, l’usure au travail, la durée de cotisation ou encore la gratification en cas d’engagement citoyen.
En ce qui concerne l’aspect financier du problème, que l’on sait déjà très contraint, nous attendons le verdict de la Cour des comptes pour faire le point. Pour l’instant, la balle est dans le camp des partenaires sociaux. Nous en débattrons très vite, je l’espère.
Je souhaite appeler l’attention sur la programmation budgétaire prévue pour l’année 2025 autour de thématiques chères au RDSE, notamment en ce qui concerne le bâti, l’environnement et l’efficience des services publics.
Du point de vue environnemental, ce budget acte un recul de l’ambition de l’État en matière de rénovation énergétique de son parc immobilier.
En réduisant les crédits du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs », l’État consolide son rang d’élève assez médiocre en matière de sobriété énergétique des bâtiments, alors que dans le même temps il accroît les contraintes pesant sur les propriétaires et les bailleurs privés.
Ce constat est inquiétant. La réglementation sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) incite à mettre en vente les biens et provoque une tension du marché locatif, ce qui exacerbe la crise du logement, en particulier en milieu rural.
En outre, les informations lacunaires sur l’état actuel du parc foncier et l’absence de stratégie formalisée ne permettent pas de dessiner une trajectoire claire et séquencée pour la rénovation énergétique du parc foncier de l’État, qui lui permet d’atteindre les objectifs fixés pour 2050.
Cela doit profondément nous interroger, alors que la Cour des comptes rappelait à l’ordre l’État sur ce sujet dans son rapport sur la politique immobilière de l’État de décembre 2023.
Il me semble qu’il faudrait a minima préserver les crédits destinés à la rénovation des bâtiments et élaborer une véritable stratégie pilotée par la direction de l’immobilier de l’État.
Des avancées intéressantes sont néanmoins proposées pour optimiser le parc immobilier public, mais il faut les encadrer par des garde-fous.
Je ne reviens pas sur l’intérêt de créer une foncière de l’État afin de tendre vers une gestion plus responsable, durable et sobre du parc immobilier public. Toutefois, il faut prendre trois précautions.
Tout d’abord, pour écarter tout risque éventuel de privatisation du parc immobilier de l’État, il est impératif que cette société foncière soit dirigée par un établissement public.
Ensuite, pour éviter d’alimenter un réservoir à passoire thermique, la réduction du parc immobilier public doit s’articuler avec des garanties claires.
Enfin, pour éviter que l’optimisation des surfaces ne conduise au recul des services publics, un dialogue exigeant avec les élus doit être formalisé.
Mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le ministre, devant la nécessité de réduire le déficit financier et afin de faire avancer le débat parlementaire, le groupe RDSE réserve son vote en fonction de la discussion parlementaire.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les attentes de nos concitoyens sont grandes à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, ce qui accroît encore la responsabilité de notre assemblée.
Nos décisions reflètent des choix politiques, mais elles s’inscrivent dans une forme d’urgence, qui nous impose de donner un budget à la France et d’assurer la continuité des services publics.
Le projet de loi de finances, tout en reflétant les contraintes budgétaires actuelles, vise à concilier maîtrise des dépenses et réponse aux enjeux prioritaires.
Je tiens à saluer le travail de qualité mené dans ce contexte particulier, malgré l’interruption et la reprise de la discussion budgétaire, par nos rapporteurs spéciaux Sylvie Vermeillet et Claude Nougein.
La mission « Gestion des finances publiques » affiche pour 2025 un budget de 10,97 milliards d’euros, stable après plusieurs années de hausse.
L’amendement du Gouvernement qui vise à réduire ses crédits de 104,2 millions d’euros en agissant principalement sur la masse salariale doit être envisagé avec discernement. Si nous partageons l’objectif de maîtrise des dépenses publiques, cette réduction ne saurait être faite au détriment de la qualité des services rendus à nos concitoyens. C’est dire l’enjeu et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Quelques avancées notables doivent être reconnues, comme l’acquisition de nouveaux équipements pour la douane et le renforcement des ressources dédiées à Tracfin pour lutter contre les flux financiers illicites. Cependant, au cours des dix dernières années, l’augmentation limitée des crédits de cette mission, à hauteur de 1,16 %, l’avait fait demeurer parmi les rares à maintenir une approche constante de rationalisation des dépenses.
Nous saluons les efforts réalisés dans le cadre de la réorganisation du réseau de la DGFiP et l’objectif ambitieux de créer 2 000 services locaux d’ici à 2026. Cependant, cet objectif ne peut masquer le fait que l’accueil physique est encore trop souvent insuffisant dans nombre de communes.
Monsieur le rapporteur spécial l’a indiqué, la réduction du nombre de conseillers aux décideurs locaux soulève des interrogations en ce qui concerne la capacité à maintenir un service de qualité, surtout dans les zones les plus isolées.
Le maintien d’un budget informatique de 584,3 millions d’euros montre une volonté de modernisation technologique. Toutefois, les dépassements récurrents de coûts doivent être maîtrisés pour garantir l’efficacité de ces investissements. Nous soutenons pleinement l’instauration de mécanismes d’alerte en cas de dérapage.
En outre, la lutte contre la fraude fiscale et les flux illicites reste une priorité que nous saluons – notre collègue Nathalie Goulet milite âprement en ce sens depuis de nombreuses années. En 2023, le recouvrement de 10,6 milliards d’euros par le contrôle fiscal illustre l’efficacité croissante des dispositifs déployés.
Les avancées en matière d’intelligence artificielle et de data mining témoignent de la modernisation des méthodes, mais elles doivent être accompagnées d’un renforcement des effectifs de terrain pour assurer une présence sur tout le territoire.
À cet effet, je tiens à saluer l’exemplarité dont a fait preuve le service douanier cette année, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques, d’autant plus que la réserve opérationnelle de la douane n’a pu être activée faute de décret d’application.
La mission « Transformation et fonction publiques » peut se résumer en deux mots : économie et rationalisation.
La rationalisation du patrimoine immobilier de l’État a été prévue par la réforme de la foncière annoncée au mois de février dernier. Un Épic viendra centraliser la gestion immobilière, ce qui représente une opportunité majeure. La réduction de 25 % des surfaces occupées sur une décennie et les gains prévus de 1 milliard d’euros témoignent d’une ambition louable, que le groupe Union Centriste soutient pleinement.
Enfin, la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d’affectation spéciale « Pensions » illustrent les défis de l’équilibre financier face au vieillissement démographique. À l’origine, cette mission affichait une baisse des crédits reposant sur le gel partiel de la revalorisation des pensions. Nous savons ce qu’il en a été, cette revalorisation a finalement eu lieu le 1er janvier dernier.
La subvention d’équilibre pour les régimes spéciaux diminue, notamment pour la SNCF et la RATP, mais des déséquilibres structurels subsistent. La création d’un nouveau schéma de financement et l’intégration progressive des régimes au régime général sont des avancées bienvenues.
Le compte d’affectation spéciale « Pensions » reste en excédent à court terme grâce à la hausse du taux de contribution employeur, mais sa détérioration à moyen terme nécessitera des ajustements.
À l’heure où des discussions reprennent autour de la réforme des retraites adoptée en 2023, il est essentiel que chacun ait bien en tête le poids financier de notre système de retraite sur la dette publique. Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR), un déficit de 0,3 % du PIB est attendu d’ici à 2027, malgré l’augmentation de l’âge de départ à la retraite. Il faut rendre notre système à la fois plus équitable et plus durable, sans préjuger du débat sur l’ampleur de la contribution publique au financement du système.
Si cette tendance se poursuit, le solde cumulé du compte d’affectation spéciale « Pensions » sera entièrement consommé à l’horizon de 2027.
Mes chers collègues, conjuguer responsabilité budgétaire et ambition pour l’avenir, tel est notre objectif. Nous devons veiller à ce que nos décisions reflètent l’équilibre entre efficacité économique, sociale et justice territoriale sans entamer la qualité des services publics. Le groupe Union Centriste votera pour l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour reprendre l’examen du budget d’un gouvernement censuré. En effet, si le président Macron n’a, en principe, plus de majorité à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances qui nous est présenté ici s’inscrit bien dans la continuité de la politique menée depuis sept années ; la destruction du service public est donc toujours à l’œuvre.
À l’automne dernier, c’est M. Kasbarian, alors ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique à l’automne dernier, qui a présenté le projet de budget de la mission « Transformation et fonction publiques ». Ses ambitions étaient claires : s’inspirer d’Elon Musk et partager avec ce dernier « les meilleures pratiques pour lutter contre l’excès de bureaucratie ». Ainsi, en reprenant ce projet de budget, monsieur le ministre, vous vous inscrivez dans les pas de votre prédécesseur.
Pour sa part, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky luttera toujours pour préserver un service public de qualité et les droits des agents de la fonction publique. Nous défendons le bien commun plutôt que les intérêts d’une minorité qui s’enrichit sur le dos des autres. C’est pourquoi nous dénonçons les « coups de rabot » supplémentaires que vous nous présentez par voie d’amendement.
Face au « fonctionnaire-bashing », il faut rappeler que, selon la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), les enseignants et les fonctionnaires de l’État sont moins en congé pour maladie que les salariés du secteur privé.
Quant aux agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale, ce sont les plus exposés à un public vulnérable et à un sous-effectif chronique, qui les épuisent jour après jour. Le nombre d’arrêts maladie est dans ce cas le symptôme de l’épuisement des agents.
Pourtant, les responsables politiques à l’origine de ces conditions de travail de plus en plus difficiles en imputent la responsabilité aux agents. Il semble plus simple de se livrer à la critique des fonctionnaires que de tout mettre en œuvre pour que leurs conditions de travail soient acceptables. N’oublions pas, en effet, que notre État, nos hôpitaux, nos collectivités, sont soutenus par les agents qui les composent.
Je souhaite également revenir sur le fameux « excès de bureaucratie » contre lequel vous dites vouloir lutter.
Prenons l’exemple de la DGFiP. Cette dernière a notamment pour mission de lutter contre le fléau de la fraude fiscale, qui nous coûte chaque année 100 milliards d’euros. D’ailleurs, au mois de mai 2023, le Gouvernement a – c’est paradoxal – mis en avant la nécessité de lutter activement contre la fraude fiscale.
Pourtant, au-delà des annonces, les moyens ne sont pas au rendez-vous. Monsieur le ministre, vous souhaitez supprimer 505 équivalents temps plein (ETP) en 2025 au sein de la DGFiP ; parallèlement, on nous annonce un redéploiement d’agents pour les services du contrôle fiscal. Or celui-ci ne repose pas uniquement sur l’action des vérificateurs ; il s’inscrit dans une chaîne plus large, à laquelle concourent l’ensemble des agents de l’administration fiscale.
Ainsi, il est indispensable que les services déconcentrés, par exemple, soient en mesure de collecter et d’analyser les données en amont. Un redéploiement est insuffisant et la suppression de postes mise en œuvre en parallèle ne fera qu’aggraver la situation. Bref, le projet de loi de finances pour 2025 s’inscrit dans la tendance précédente et continue d’empêcher le déploiement d’une véritable politique de lutte contre l’évasion fiscale.
Parallèlement, nous assistons à la suppression de 2 200 postes dans la fonction publique, au gel du point d’indice des fonctionnaires et à la suppression de la garantie individuelle du pouvoir d’achat.
Pour toutes ces raisons, mais également parce que ce budget n’a pas de légitimité démocratique, nous voterons contre les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons maintenant quatre missions et deux comptes d’affectation spéciale, qui concernent des sujets aussi variés que le recouvrement de l’impôt, la politique immobilière de l’État ou encore les pensions et traitements des agents publics. Chaque année, nous nous livrons à cet exercice invraisemblable : nous ne disposons que de deux heures pour couvrir toutes ces questions…
Nos règles de discussion budgétaire atteignent ici leurs limites, d’autant que, depuis la reprise de l’examen de ce budget, nous subissons des salves d’amendements de rabot de dernière minute. Nous sommes heureux de vous voir enfin au banc du Gouvernement, madame la ministre, pour nous expliquer la logique de tout cela.
C’est dans les missions qui nous sont présentées aujourd’hui que se traduisent pleinement une idéologie à courte vue, une volonté aveugle de réduction des dépenses qui, sous couvert d’efficacité, menacent nos services publics et l’avenir du pays. Et cela est vrai quel que soit le gouvernement, quel que soit le ministre présent au banc.
Commençons par la mission « Transformation et fonction publiques ». Nous constatons que, au travers de son amendement, le rapporteur spécial nous propose une baisse des crédits de 125 millions d’euros, prétendument pour amorcer la réduction de 25 % des surfaces de bureaux de l’État d’ici à 2032. Cette approche, qui privilégie la réduction aveugle et transversale des dépenses, ne tient aucun compte des réalités de terrain. La rénovation énergétique, la modernisation des bâtiments de l’État sont des investissements nécessaires pour notre avenir et non des variables d’ajustement budgétaire.
La mission « Crédits non répartis » illustre, quant à elle, une logique de gestion budgétaire opaque et peu démocratique. Les crédits de cette mission ne concourent pas à une politique publique définie et ne sont pas astreints à des objectifs de performance. Ils servent de provision pour les dépenses de personnel et les aléas de gestion. Pour 2025, ses crédits de paiement diminuent de 61,8 %, ce qui suscite des inquiétudes quant à la capacité de l’État à faire face aux imprévus, d’autant qu’un amendement gouvernemental a pour objet d’en amputer les crédits d’encore 70 millions d’euros.
La mission « Gestion des finances publiques » traduit – il faut le saluer – des efforts en matière de recrutement, notamment à la DGFiP, avec 1 500 agents. C’est un effort louable pour la mise en œuvre effective de la justice fiscale et de l’efficacité de nos services publics.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » n’est pas épargnée par cette logique de coupes budgétaires, avec un amendement du Gouvernement tendant à proposer 193 millions d’euros d’économies pour atteindre les objectifs globaux qu’il a fixés au projet de loi de finances pour 2025. Notons toutefois, par souci d’honnêteté, les efforts financiers positifs consentis à destination du personnel de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) et de la gendarmerie nationale.
Je reviens à la mission « Transformation et fonction publiques », qui concentrera le plus gros de nos critiques. Cette mission est censée accompagner la transformation durable de l’action de l’État. Pourtant, ses crédits diminuent de 27 %. Cette baisse résulte de la fin de la stratégie de performance et de résilience des bâtiments de l’État, de la baisse du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) et de l’extinction du programme 352 « Innovation et transformation numériques ».
Cette baisse des moyens, alors que les défis auxquels nous sommes confrontés sont immenses, constitue un mauvais signal. On parle de rénovation énergétique, de transformation numérique ou encore de plan Talents du service public, mais les moyens ne sont pas au rendez-vous !
C’est aussi dans cette mission que nous est proposée par voie d’amendement la scandaleuse augmentation du nombre de jours de carence dans la fonction publique. Il semble que cette mesure ne soit plus d’actualité, en raison des récentes négociations menées par le Gouvernement, mais de telles mesures, qu’elles soient ou non conservées dans le projet de loi de finances, jettent le soupçon sur toute la fonction publique, alimentant et traduisant les phantasmes et les pires clichés des libéraux et des conservateurs à l’encontre des fonctionnaires et de leur rapport au travail.
Les écologistes s’opposent avec force à cette vision, qui laisse à croire que les fonctionnaires se mettent en arrêt maladie par complaisance, alors que ne sont jamais remis en cause les modes de management et que l’on ne s’interroge pas davantage sur le bien-être au travail de nos agents.
Nos votes seront déterminés au cas par cas et dépendront largement du sort des amendements du Gouvernement et de la majorité sénatoriale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire l’émotion mais également l’humilité qui sont les miennes alors que je m’exprime pour la première fois ici, au Sénat, dans cet hémicycle.
À l’émotion personnelle se mêle également la responsabilité, celle de porter, avec ce ministère, la voix des 5,7 millions d’agents qui composent la fonction publique et qui méritent notre totale reconnaissance, notre respect et notre considération. Nous traversons en ce moment des crises majeures, du point de vue humanitaire, à Mayotte, mais également du point de vue institutionnel ou économique. Face à ces crises, ce sont eux qui sont en première ligne pour protéger les Français.
C’est pourquoi je me fais le devoir de les défendre, de les protéger et de leur simplifier la vie. Ce devoir est d’autant plus grand que notre contexte budgétaire extrêmement difficile impose à l’État des efforts d’une ampleur inédite. C’est un discours que j’assume totalement, avec responsabilité, mais aussi avec transparence. Si nous voulons préserver nos services publics, si nous voulons prendre notre part dans cet effort collectif, il faut le faire et il faut le faire maintenant.
Cette part, les services que j’ai l’honneur de diriger la prennent pleinement. Nous faisons ainsi un effort considérable en réduisant, de 138 millions d’euros dans le texte initial, les crédits des programmes 349 « Transformation publique », 352 « Innovation et transformation numériques », 148 « Fonction publique » et 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques ». Cela représente une baisse de 22 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 et cela ne tient pas compte des amendements à cette mission.
Ma collègue Amélie de Montchalin et moi-même vous proposerons d’aller un cran plus loin dans l’ambition budgétaire. Par exemple, une proposition de baisse de nos crédits vise à recentrer la direction interministérielle du numérique (Dinum) sur sa mission première, qui est de maximiser l’impact des projets numériques, en diminuant leurs coûts de fonctionnement. En outre, cette limitation s’accompagne d’une mesure de périmètre, puisque ce projet de loi de finances acte le rassemblement des crédits de la Dinum sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », afin de mettre en application les recommandations de la Cour des comptes.
En parallèle, nous devons nous assurer de l’efficacité de la dépense publique, afin que chaque euro prélevé sur le compte des Français soit un euro bien dépensé. Malgré les contraintes budgétaires que j’évoquais, je souhaite donc continuer de mener les transformations d’ampleur et faire en sorte que chaque investissement réalisé soit visible et améliore significativement le quotidien de nos concitoyens.
Ceux qui ont déjà navigué sur un voilier le savent parfaitement : par gros temps, il faut accepter de réduire la voilure pour tenir son cap. Le cap de la France, c’est l’assainissement de ses comptes publics, indispensable si nous voulons préserver les services publics qui font la grandeur de notre pays. Pour moi, ces efforts nécessaires, dans le cadre de ce projet de loi de finances, ne sont pas antinomiques avec les principaux défis de la fonction publique : renforcer son attractivité et faciliter la vie des agents comme des usagers.
C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, j’assumerai une baisse de l’ordre de 6 milliards d’euros des dépenses sur la masse salariale de l’État. Cet engagement budgétaire répond à un impératif moral et politique, qui est, je le sais, largement partagé sur les travées de cet hémicycle. Je tiens à avoir un mot particulier pour les présidents et les sénateurs de la majorité sénatoriale et des groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) et Les Indépendants – République et Territoires, avec lesquels je partage la même ambition pour notre pays.
Pour renforcer l’attractivité du service public, nous avons en main de nombreux leviers, dont certains sont d’ordre budgétaire. Je pense évidemment à la question de la formation de nos fonctionnaires, investissement essentiel pour garantir un service public de qualité. Ainsi, nous avons augmenté de 5 % les crédits consacrés aux actions de formation interministérielle. Je n’oublie pas non plus la question de l’action sociale interministérielle, présente dans ce budget.
Je veux par ailleurs citer le chantier de la transformation publique au service de la simplification. Si les crédits alloués à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et à la Dinum ont été mis à contribution, je défends un budget de plus de 100 millions pour transformer et changer l’action publique. Ces dépenses représentent des investissements directs dans un service public plus réactif, plus moderne, plus satisfaisant pour les agents comme les usagers.
J’en viens aux jours de carence. Il est vrai, comme l’ont montré les calculs des inspections, que le passage d’un à trois jours de carence pourrait engendrer 289 millions d’euros d’économies en année pleine. Pour autant, lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère, j’ai voulu consulter l’ensemble de la représentation syndicale et j’ai discuté avec les agents, afin de comprendre les raisons d’une certaine forme de colère. Cette idée, tous la vivaient comme une mesure stigmatisante et estimaient qu’elle n’était pas la meilleure approche pour résoudre la question de l’absentéisme.
Je vais être honnête ; initialement, j’étais plutôt favorable à cette mesure. Néanmoins, après les consultations auxquelles j’ai procédé, j’ai été convaincu que nous avions surtout besoin de retrouver le chemin d’un dialogue social apaisé et serein. C’est ce que propose le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu vos propos : nous devons poursuivre nos efforts budgétaires, simplifier la vie des Français et des usagers, améliorer l’attractivité de la fonction publique. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Francis Szpiner applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la première fois que je m’exprime devant vous en tant que ministre des comptes publics. Si j’éprouve un plaisir sincère à vous retrouver, je tiens également à vous assurer de mon très grand respect pour le Sénat.
Nous traversons une période exceptionnelle en matière économique et budgétaire. Le Premier ministre nous a fixé un cap : redonner au plus vite un budget au pays et sortir la France du surendettement, afin de retrouver les marges de manœuvre permettant de financer les politiques essentielles pour notre avenir et nos concitoyens, tout en demeurant attachés à la justice fiscale et sociale et à l’efficacité de la dépense publique.
Notre objectif, vous le savez, est de revenir à un déficit de 5,4 % du PIB cette année, puis, à partir de l’année prochaine, de bâtir nos budgets non plus de façon automatique, mais en partant des besoins du terrain. Ce sera un changement de méthode nécessaire et attendu.
Pour trouver les économies supplémentaires – vous le savez, la censure du Gouvernement a eu un coût direct estimé à environ 12 milliards d’euros (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s’exclame.) –, nous nous sommes fixé cinq principes très simples : réduire de 5 % les dépenses des opérateurs dont le budget a connu une hausse continue depuis des années ; réduire de 10 % nos achats publics ; ne pas reconduire les crédits n’ayant pas été utilisés l’an dernier – les reports ne doivent plus être la norme –, ce qui restaurera la maîtrise de notre dépense ; arrêter d’arroser le sable mouillé, si vous me permettez cette expression triviale, c’est-à-dire ne plus octroyer de subventions aux bénéficiaires dont la trésorerie est abondante ; prendre en compte, enfin, l’effet de la loi spéciale et des services votés, ce qui signifie que le temps passé sans budget ne pourra pas être rattrapé et que les dépenses faites sur neuf mois n’équivaudront pas mécaniquement à celles qui auraient été faites sur douze.
Au-delà de ces mesures, un certain nombre de politiques publiques seront améliorées ou réduites, en suivant de très nombreuses préconisations de la Cour des comptes ou de rapports parlementaires.
Aujourd’hui, nous examinons les crédits d’un certain nombre de missions.
Il s’agit d’abord de la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui doit tirer la conséquence de l’absence de décalage de six mois de la revalorisation des pensions, due au rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 au travers de la censure du précédent gouvernement. Je tiens à le répéter, cette censure a un impact important sur la trajectoire de finances publiques et elle contraint la méthode et le contenu de nos travaux.