Cette mesure répond au devoir qui est le nôtre d'assurer reconnaissance et égalité. Il est de notre responsabilité de défendre les supplétifs encore en vie qui ont servi la France au moment de la guerre d'Algérie.
M. le président. Madame Di Folco, l'amendement n° II-533 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Di Folco. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-533 rectifié et II-1625.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures trente-sept.)
M. le président. La séance est reprise.
Régimes sociaux et de retraite
Compte d'affectation spéciale : Pensions
Transformation et fonction publiques
Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Gestion des finances publiques
Crédits non répartis
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », du compte d'affectation spéciale « Pensions », de la mission « Transformation et fonction publiques », du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », de la mission « Gestion des finances publiques » et de la mission « Crédits non répartis ».
La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma présentation des crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » change vraiment par rapport à celle que j'ai faite le 5 novembre dernier devant la commission des finances.
Pour cause, le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale entraîne une revalorisation des pensions automatique de 2,2 % au 1er janvier 2025 au lieu de 0,8 % prévus au mois de juillet dernier dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial, soit un surcoût de près de 1 milliard d'euros pour l'État ! Ce milliard d'euros imprévu va plomber le solde tout à fait précaire de notre système de retraites. Puisqu'il est dans tous les esprits, je ne peux qu'abonder dans le sens du nécessaire équilibre financier à trouver, sauf à condamner notre système par répartition.
En effet, la tentation est grande de basculer vers un peu de capitalisation, mais cela ne réglerait en rien l'équation. Si la capitalisation est optionnelle et additionnelle aux cotisations actuelles, elle ne comblera pas le déficit structurel du système. Si elle se substitue pour partie à l'actuel système par répartition, elle aggravera bien évidemment le déficit, car ce qui serait demain cotisé pour soi ne viendrait plus payer les pensions des retraités actuels.
Je mets donc en garde contre l'idée de fragiliser notre système par répartition : au-delà du gouffre financier que cela entraînerait, c'est l'esprit de solidarité intergénérationnelle, fondateur de la sécurité sociale, qui serait remis en cause.
Y a-t-il une solution ? Oui ! Elle se situe dans notre taux d'emploi. Je partage l'analyse de Gilbert Cette, président du Conseil d'orientation des retraites (COR) : « Le taux d'emploi de la population âgée de 15 à 64 ans s'élève à 82 % aux Pays-Bas contre 69% en France. Rattraper le taux d'emploi des Pays-Bas signifierait une croissance de notre emploi de 20 %. Même en supposant que les nouveaux embauchés aient une productivité moitié moindre que les actifs, cela élèverait le PIB d'environ 10 % et compte tenu d'un taux de prélèvements obligatoires supérieur à 45 %, les recettes publiques augmenteraient de 140 milliards d'euros par an. » Vous avez bien entendu ! Comment ne pas y réfléchir ? La marge est si grande qu'un compromis doit être possible.
En outre, parce que ce n'est jamais dit, je souhaite rappeler que la réforme de 2023 a eu des effets redistributifs marqués, notamment en faveur des plus petites retraites, dont le montant s'accroît de 12 %, alors que les pensions les plus élevées régressent légèrement. En outre, le niveau de pension à la liquidation croît en moyenne de 3,4 % pour les femmes, contre 1,7 % pour les hommes.
J'en viens aux crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite », dont le montant atteint 5,9 milliards d'euros, en intégrant deux amendements du Gouvernement qui actent d'une sous-consommation des crédits de 193 millions d'euros pour 2024 et de la revalorisation des pensions de 2,2 % au 1er janvier 2025 pour 119 millions d'euros. Ils sont fléchés à près de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.
La maquette budgétaire intègre enfin cette année les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra de Paris. Un amendement auquel la commission est favorable permettra, de plus, d'intégrer à la mission le régime des gérants de tabacs.
Les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'élèvent à 69,3 milliards d'euros. L'incidence de la revalorisation de 2,2 % est de 856 millions d'euros. Ce supplément aura pour autre conséquence de rendre déficitaire le solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Pensions » dès 2026, au lieu de 2027. En vertu de la Lolf (loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances), il doit être équilibré à tout moment. Ainsi, l'État, qui relève déjà dès cette année de quatre points son taux de contribution employeur, devra de nouveau l'augmenter l'an prochain, ce qui sera source de dépenses supplémentaires !
La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) doit aussi augmenter son taux de cotisation employeur de quatre points face à l'effondrement de son ratio démographique : moins de recrutements, donc moins de cotisants, et un recours massif à des contractuels qui, eux, cotisent au régime général et à l'Agirc-Arrco. À la différence du régime général toutefois, la CNRACL ne bénéficie pas d'un apport de CSG.
Pour mieux comprendre, il serait vraiment utile de disposer d'un document consolidant les six régimes de la sphère publique : le service des retraites de l'État (SRE), la CNRACL, l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et la retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp).
Chers collègues, malgré les hausses importantes de crédits liées au rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale, puisqu'il s'agit d'honorer le versement des pensions de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter en quelques minutes la position de la commission sur les trois missions et le compte d'affectation spéciale qui couvrent le périmètre de Bercy.
La commission vous proposera d'adopter l'ensemble de ces crédits, sous réserve de leurs modifications par ses trois amendements.
La mission « Gestion des finances publiques » porte des crédits d'administrations cruciales pour la gestion des dépenses et des recettes de l'État, ainsi que pour nos concitoyens puisqu'il s'agit de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ces administrations prennent toute leur part dans l'effort de redressement des finances publiques engagé par le projet de loi de finances. Cela se traduit par une stabilisation des crédits de la mission, après deux années consécutives d'augmentation et, surtout, par la baisse des dépenses de fonctionnement d'environ 1 %. Je salue également l'effort de rationalisation des effectifs de la mission, qui se poursuit et s'intensifie en 2025.
Je relève par ailleurs avec satisfaction que la contribution de la DGFiP et des douanes au redressement de nos comptes publics ne remet pas en cause les chantiers prioritaires des dernières années. Je pense notamment aux dépenses informatiques, qui ont longtemps servi de variable d'ajustement et qui sont préservées dans ce projet de loi de finances. Ces dépenses sont essentielles pour résorber la dette technique des administrations de Bercy et développer de nouvelles applications à même de produire des gains de productivité à moyen terme.
Les moyens consacrés à la lutte contre la fraude et les trafics de toute nature sont également renforcés. En témoignent la poursuite de la modernisation des moyens de contrôle des douanes, notamment au travers de l'acquisition de nouveaux scanners, et la création d'une nouvelle unité de renseignement fiscal, dans le cadre du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques.
Le Gouvernement s'était engagé lors de la présentation de ce plan au mois de juin 2023, à recruter 1 500 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude fiscale à l'horizon 2027. Madame la ministre, compte tenu du contexte budgétaire difficile, le Gouvernement sera-t-il en mesure de tenir cet objectif ?
Je conclus mon propos sur cette mission en exprimant un regret concernant le déploiement des conseillers aux décideurs locaux pour les collectivités territoriales, les fameux CDL. Aujourd'hui, ce sont 913 conseillers qui sont en poste, alors que la cible initiale était fixée à 1 200. Cette cible a été revue à la baisse et est désormais fixée à un peu moins de 1 000 conseillers. Il est regrettable que le Gouvernement soit revenu sur son engagement initial, alors même que la qualité du travail des conseillers aux décideurs locaux est saluée par les collectivités – tous les maires dans nos départements peuvent en témoigner et ils le font d'ailleurs bien volontiers.
J'en viens à la mission « Crédits non répartis ».
La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles prévoit une ouverture de crédits raisonnable, à hauteur de 125 millions d'euros. Par ailleurs, 70 millions d'euros étaient inscrits sur la provision relative aux rémunérations publiques, mais l'amendement déposé par le Gouvernement a vocation à les supprimer intégralement. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur le sort qui sera réservé aux mesures qui devaient initialement être financées par cette dotation.
Sur la mission « Transformation et fonction publiques » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », je m'attarderai sur deux éléments principaux.
En premier lieu, je souligne la baisse marquée des moyens de la mission « Transformation et fonction publiques » en 2025, dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques.
Ainsi, à périmètre constant, la réduction des crédits de la mission est de 21,6 % en crédits de paiement, soit une diminution de plus de 220 millions d'euros, pour aboutir à un montant de 800 millions d'euros.
En autorisations d'engagement, certes, la baisse est moins importante, mais elle n'en demeure pas moins substantielle, de 8,3 %, avec une dotation de 1,081 milliard d'euros en 2025. Cette évolution tire la conséquence logique de la sous-consommation chronique des crédits de plusieurs programmes, avec d'importants retards constatés en matière de décaissement.
Concernant la rationalisation de la gestion de la fonction publique, le précédent gouvernement a prévu de modifier les conditions d'indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique, en les alignant sur les conditions du secteur privé. Cette évolution devait inciter à la réduction de l'absentéisme et permettre des économies significatives, de l'ordre de 400 millions d'euros pour la seule fonction publique de l'État et de 1,2 milliard d'euros pour l'ensemble de la fonction publique. À cet égard, je regrette que le Premier ministre soit dernièrement revenu sur une partie de cette réforme, en renonçant au passage du délai de carence d'un à trois jours, mesure que je soutiendrai par amendement.
En second lieu, je souhaite mettre en avant la finalisation prochaine du programme de rénovation des cités administratives, qui couvre au total trente-six sites et dont quinze projets ont déjà été réceptionnés au 30 août dernier. Je rappelle que le programme a été créé dans la loi de finances initiale pour 2018 et que les travaux n'ont débuté qu'en 2022.
Aussi, je me félicite de la mise en œuvre du projet de foncière de l'État, rendue possible par le Gouvernement au travers d'un article additionnel rattaché à la mission « Gestion des finances publiques », et dont un « pilote », c'est-à-dire une expérimentation territoriale, devrait être déployé en 2025 dans deux régions, Grand Est et Normandie. Ce projet de foncière interministérielle publique, conçue sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (Épic) qui percevra des loyers de la part des administrations occupantes, devrait notamment se traduire par la réduction des surfaces occupées.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé la création d'un fonds spécial, entièrement dédié à la réforme de l'État, qui serait financé en cédant une partie des actifs, en particulier immobiliers. Mme la ministre pourra sans doute nous apporter des précisions sur ce fonds spécial et son articulation avec le déploiement de la foncière de l'État.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales a examiné conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
L'évolution des crédits budgétaires qui leur sont dévolus dépend notamment de la revalorisation annuelle des pensions sur l'inflation, ce qui influe sur le montant des pensions.
Vous le savez, en votant la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre dernier, l'Assemblée nationale a rejeté la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 issue de la commission mixte paritaire.
Ce rejet a eu pour effet une revalorisation au 1er janvier 2025 des pensions de retraite sur l'inflation moyenne des douze derniers mois, soit 2,2 %. Le texte que nous examinons présentement diffère donc sensiblement de celui sur lequel la commission a émis un avis en séance. Il sera incontestablement plus dépensier que cela a été initialement envisagé, ce qu'à titre personnel je regrette dans le contexte actuel d'augmentation sans précédent de notre dette publique.
Deux constats s'imposent à l'étude des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
D'une part, les effets de la réforme des retraites d'avril 2023 sont limités à court terme, les agents de la SNCF et de la RATP liquidant de fait leur retraite au-delà de l'âge légal d'ouverture des droits. Cette tendance pourrait changer au fur et à mesure de la montée en charge de la réforme.
D'autre part, à la suite de la réforme, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, du mode de financement des régimes spéciaux fermés, le Gouvernement a fait le choix, pour cette année, de compenser la subvention d'équilibre qui leur est versée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) par une subvention versée par l'État. Je regrette toutefois que le montant de cette compensation ne soit pas renseigné dans les crédits budgétaires, de sorte qu'il n'est pas possible de connaître la participation du contribuable au financement de ces régimes.
La trajectoire de son solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Pensions » serait provisoirement redressée par le relèvement de quatre points du taux de contribution employeur au titre des personnels civils. Cela ne peut toutefois pas être le seul levier pour maintenir ce solde cumulé à un niveau excédentaire. Une refonte de son mode de financement me semble donc nécessaire dans la mesure où les prévisions indiquent qu'il serait déficitaire à l'horizon 2026.
En tout état de cause, compte tenu de la nécessité de permettre le versement sans interruption des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires de l'État, la commission s'est déclarée, sous ces réserves, favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affection spéciale.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois a examiné les crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » au mois de novembre dernier. Depuis, maints rebondissements sont venus bouleverser jusqu'à hier l'avis que je devais vous rendre aujourd'hui.
En effet, le nouveau gouvernement est revenu sur un certain nombre de mesures dans différents domaines, notamment celui de la fonction publique.
Ainsi, notre commission avait pris acte du reflux annoncé en 2025 des effectifs de la fonction publique, après plusieurs années de croissance continue. La suppression de 2 200 équivalents temps plein et la décrue du coût des mesures générales et catégorielles auraient permis de freiner la progression de la masse salariale de l'État, qui a augmenté de près de 25 % depuis 2017. L'intention du nouveau gouvernement de revenir sur les suppressions de postes annoncées dans l'éducation nationale remet en cause cette perspective.
En ce qui concerne les crédits du programme « Fonction publique » au sens strict, qui financent – je le rappelle – uniquement les actions interministérielles en matière de formation des fonctionnaires, d'action sociale et de gestion des ressources humaines, ils diminueront légèrement en 2025.
Il s'agira désormais d'améliorer l'analyse et le suivi de la performance de ces crédits, notamment pour les prestations d'action sociale et la plateforme « Choisir le service public », en recourant à l'avenir à des indicateurs plus pertinents.
En ce qui concerne la formation des agents, l'expérimentation à l'origine des classes préparatoires Talents et des concours Talents a pris fin le 31 décembre dernier, sans que le rapport prévu au plus tard pour le 30 juin 2024 ait été remis au Parlement. À ce jour, aucun bilan de ce dispositif qui existe depuis 2021 n'a donc été fait. Aucune pérennisation n'a pu être proposée entre-temps, si bien que nous nous trouvons face à un vide juridique pour le moins problématique, qui a suscité des interrogations légitimes pour les candidats inscrits aux prochaines sessions des concours concernés.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé ces derniers jours la prorogation du dispositif. (M. le ministre confirme.) Cette annonce est une première étape, qui ne règle toutefois pas le problème, puisque seule une loi pourra rendre la prorogation effective. A quelques mois des premières épreuves des concours, l'urgence demeure donc. (M. le ministre acquiesce.)
D'autre part, nous partageons les inquiétudes du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur l'avenir de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. De fait, France Compétences participera pour la dernière fois à son financement en 2025.
La contribution de l'État, maintenue cette année, pourrait cesser dès 2026. Alors que le CNFPT peine déjà à répondre aux besoins des collectivités, qui se sont montrées exemplaires en la matière, un tel scénario serait absolument catastrophique.
Enfin, je déplore le manque de cohérence et de courage du Gouvernement. Dans le contexte de contrainte budgétaire que nous ne connaissons que trop bien, il a finalement renoncé à allonger d'un à trois jours le délai de carence en cas d'arrêt maladie. Cette mesure d'équité par rapport au secteur privé aurait pourtant induit une économie d'environ 289 millions d'euros pour l'ensemble de la fonction publique, sans compter son effet probable sur la réduction de l'absentéisme.
J'espère, madame la ministre, monsieur le ministre, que ce soir vous ne renoncerez pas à l'abaissement à 90 % du taux de remplacement de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts de courte durée. Cela permettra de dégager quelque 900 millions d'euros d'économie.
La fonction publique et ses agents, qui s'attachent à apporter chaque jour à nos concitoyens un service public de qualité, constituent l'un des premiers atouts de notre pays. Il nous paraît fondamental qu'ils contribuent eux aussi à l'effort de redressement des finances publiques.
Cela étant, si la commission s'est déclarée fin novembre 2024 favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique », aujourd'hui le groupe Les Républicains n'apprécie pas les concessions et les reculades du Gouvernement, qui, si elles constituent pour celui-ci une assurance vie, n'en demeurent pas moins une dégradation très importante et inquiétante de la trajectoire de réduction de notre déficit engagée par Michel Barnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi plusieurs missions.
Je débuterai mon propos par la mission « Gestion des finances publiques », dont l'une des mesures les plus saillantes prévoit d'étendre le délai de carence des fonctionnaires d'un à trois jours, sous prétexte d'alignement sur le régime du secteur privé.
Sans présager de sa suppression potentielle à la faveur des négociations que le Parti socialiste a réussi à arracher au Premier ministre, je tiens d'abord à rappeler en quoi cette mesure démagogique est un non-sens, bien qu'une partie de cet hémicycle y soit très sensible, puisqu'elle propose de la reprendre chaque année par voie d'amendement – ce qu'a fait M. le rapporteur spécial.
Je parle de démagogie, car la part d'absence d'au moins un jour pour raison de santé au cours d'une semaine est 2,6 % chez les enseignants et de 3,2 % dans la fonction publique d'État, alors qu'elle s'élève à 3,9 % dans le secteur privé. Les enseignants et les agents d'État sont parmi les moins absents.
La situation est différente pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Néanmoins, je tiens à rappeler que c'est à ces postes que les agents sont le plus exposés à des publics vulnérables. Je pense notamment à ceux qui travaillent dans les crèches, les Ehpad, les hôpitaux et les centres de protection maternelle et infantile (PMI). C'est aussi là que la pénibilité des métiers physiques est la plus importante, que ce soit dans le domaine de la voirie, les collèges, les espaces verts. Si l'on compare des métiers ayant des caractéristiques identiques, il n'y a presque pas de différence en nombre de jours d'absence pour maladie entre le privé et le public.
À ce titre, je tiens à revenir sur l'un des éléments répétés ad nauseam dans ce débat, à savoir la comparaison entre le secteur public et le secteur privé en France. Cette comparaison est faussée, car, dans le secteur privé, le délai de carence de trois jours est largement compensé. Près de deux tiers des salariés bénéficient d'une protection via leur prévoyance d'entreprise. Pourtant, cette réalité est systématiquement occultée dans l'argumentaire en faveur de l'extension du délai de carence dans le public.
Par ailleurs, cette approche s'inscrit dans une tendance récurrente à l'alignement sur le moins-disant social, ignorant notamment que les rémunérations dans le public sont déjà significativement plus faibles que dans le privé à niveau de diplôme équivalent.
De plus, dans un contexte où l'attractivité de la fonction publique est déjà mise à mal, notamment dans l'éducation nationale, l'extension du délai de carence paraît particulièrement malvenue. Cette mesure constituerait une double peine pour des agents déjà confrontés au gel du point d'indice et à des conditions de travail souvent dégradées. Elle risque d'accentuer la crise des vocations que connaissent de nombreux services publics essentiels.
Par conséquent, je rappelle toute l'importance de ne pas étendre ce délai de carence à trois jours dans la fonction publique, tant cela apparaît comme une fausse solution d'équité, fondée sur une comparaison biaisée avec le secteur privé.
Les études disponibles démontrent que les effets d'une telle mesure seraient largement contre-productifs, tant pour la santé des agents que pour l'efficacité du service public.
Au lieu de cette approche punitive, une politique véritablement équitable devrait plutôt avoir pour objectif d'améliorer la protection sociale tant dans le privé que dans le public et de se confronter à une réalité, elle, bien concrète, à savoir que les sous-effectifs chroniques conduisent à une explosion des épuisements professionnels et des maladies liées au travail. Il serait temps de s'atteler aux causes plutôt qu'aux conséquences.
Je m'attarde un instant sur les retraites, plus précisément sur le mode de calcul du déficit prétendument abyssal de notre système de financement, plus spécifiquement de la « dette cachée » qui lui serait afférente.
En effet, dès le début de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a assuré que le déficit du régime des retraites représentait « 50 % des plus de 1 000 milliards [d'euros] de dette supplémentaires accumulés par notre pays ces dix dernières années ».
Selon ses calculs, qu'il défend depuis le mois de décembre 2022, le déficit du système s'établit entre 40 milliards et 45 milliards d'euros par an. Cependant, le système était excédentaire en 2022 et en 2023, et il n'était déficitaire que de 6 milliards d'euros en 2024.
Au nom du groupe socialiste, je tiens à dénoncer ce mode de calcul pour le moins fantaisiste.
Je le rappelle, le financement de notre système de retraite est mixte, c'est-à-dire qu'il repose très majoritairement sur les cotisations, mais aussi sur les financements de l'État.
Les cotisations employeur de l'État sont particulièrement élevées non parce que les pensions du secteur public seraient très élevées, mais parce que l'État doit compenser deux phénomènes : la baisse du nombre de fonctionnaires et le gel du point d'indice.
C'est donc parce qu'il a fait de sévères économies budgétaires sur la masse salariale du secteur public, et non parce qu'il dépense sans compter – comme certains aimeraient à le penser –, que l'État doit cotiser un montant très élevé pour les retraites des fonctionnaires.
Lorsqu'il était haut-commissaire au plan, M. le Premier ministre soutenait que tout ce qui n'est pas financé par des cotisations, c'est de la dette. Ce raisonnement, totalement absurde, qui n'est pas repris par les économistes spécialistes de la question, n'est pas le fruit du hasard : il correspond à une volonté de dramatiser le déficit dans l'objectif de forcer à faire des économies, en menant ce que l'on appelle « la politique des caisses vides ».
Objectivement, les retraites ne sont pas à l'origine du creusement de la dette ces dernières années, sauf si l'on considère que ce poste de dépense est particulièrement illégitime. En réalité, il ne l'est pas plus que l'éducation ou l'armée. Le discours sur la « dette cachée » des retraites brouille complètement la légitimité de ces dépenses et ne favorise pas l'émergence de solutions.