compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaire :

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2025
Après l’article 64

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale (projet n° 143, rapport général n° 144, avis nos 145 à 150).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

seconde partie (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Défense

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je laisserai aux rapporteurs pour avis le soin d’exprimer les remarques et la position du Sénat au sujet des crédits demandés pour les quatre programmes de la mission « Défense ».

Dans un contexte marqué par l’effort de redressement des comptes publics, je me contenterai de souligner le respect de la progression des crédits de 3,3 milliards d’euros, conformément à la programmation militaire, portant le total des autorisations d’engagement à 93 milliards d’euros et des crédits de paiement à 60 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, cette sanctuarisation des crédits, acceptée par le Parlement en vertu de la loi de programmation militaire (LPM), doit avoir une contrepartie : une gestion irréprochable et une information sans faille des assemblées. Or tel n’est pas exactement le cas aujourd’hui…

Cette gestion est-elle irréprochable ? Les reports de charges passeraient de 3,9 milliards d’euros en 2022 à près de 7 milliards d’euros fin 2024. Nous ne disposons pas encore du chiffre définitif – j’y reviendrai. Quoi qu’il en soit, la hausse du montant global dépasse à l’évidence 3 milliards d’euros en deux ans. En valeur relative, les reports de charges représentaient environ 14 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, en 2022. En fin de gestion 2024, cette proportion dépasserait même 20 %.

Depuis 2023, le ministère remet ainsi à plus tard une part croissante des paiements dus au titre de livraisons pourtant déjà effectuées. Bref, il achète plus qu’il ne peut payer. Or ces près de 7 milliards d’euros représentent 0,25 point de PIB, et sont bien une dette venant s’ajouter à la dette officielle.

Vous me répondrez qu’en début de programmation il est logique d’engager des dépenses qui trouveront à se lisser dans le temps avec l’augmentation des crédits. Soit, mais, en écho aux travaux de la mission d’information sur la dégradation des finances publiques conduite par le président de notre commission des finances, Claude Raynal, et son rapporteur général, Jean-François Husson, nous avons appris que Bercy, dans une note datée du 7 décembre 2023, recommandait de reporter des crédits de la mission « Défense » de 2023 vers 2024, afin de limiter la dépense de l’année en cours et de réduire d’autant, optiquement tout au moins, le déficit public annuel de l’État.

C’est la décision qui a été prise. Concrètement, elle revenait à recourir davantage encore aux reports de charges. Monsieur le ministre, je sais que vous n’en êtes pas l’auteur, mais, plus généralement, la très forte hausse des reports de charges constitue ce qu’il faut bien appeler de la cavalerie budgétaire. Une telle méthode n’est pas de nature à garantir une véritable transparence de la gestion.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Quand nous interrogeons le ministère à propos de l’évolution de ces reports, quand nous lui demandons à quel horizon il prévoit un retour à un équilibre satisfaisant du fait de l’augmentation des crédits de paiement, nous n’obtenons que la mention de cet objectif : un report de charges autour de 20 % des ressources en crédits de paiement hors masse salariale, soit le niveau très élevé actuellement constaté.

C’est là une illustration du péché originel de la LPM, que nous avions dénoncé en son temps. En effet, une bonne partie des 13 milliards d’euros de recettes exceptionnelles que vous annonciez était constituée de reports de charges que vous inscriviez en recettes. Or – nous en avons désormais la démonstration – il s’agit bien d’une dette, qui, en tant que telle, devra être honorée.

Par ailleurs, le concept d’économie de guerre ne nous semble pas compatible avec cette pratique, qui revient à demander à la base industrielle et technologique de défense (BITD) d’assurer durablement la trésorerie de ministère.

J’en viens à un autre enjeu majeur : l’information du Parlement.

Monsieur le ministre, je ne puis que déplorer que les assemblées ne disposent pas des éléments nécessaires à leur éclairage.

Nous avons réussi à obtenir hier – hier seulement ! – un chiffrage des surcoûts supportés en 2024 par les armées du fait de la situation en Nouvelle-Calédonie, du déploiement des forces de l’Otan sur le front oriental de l’Europe, des jeux Olympiques et de la guerre en Ukraine. Cette communication est tout de même un peu tardive… Permettez-moi de relever, à ce propos, un effet positif de la censure, qui, en nous laissant un mois de travail supplémentaire, nous a au moins permis d’obtenir ces documents.

Ces surcoûts conditionnent le report de charges, qui risque fort d’approcher, voire de dépasser 7 milliards d’euros. Selon les calculs que nous avons pu faire cette nuit, 500 à 600 millions d’euros pourraient encore s’ajouter aux reports évoqués. Le total approcherait ainsi 7,5 milliards d’euros.

Toujours au sujet de l’information du Parlement, je me dois de revenir sur les cibles et résultats des indicateurs d’activité des forces et de disponibilité des matériels, dont nous ne disposons plus depuis trois ans.

Nous avons peine à penser que nos challengers et potentiels agresseurs attendent les documents budgétaires du Gouvernement pour avoir une idée précise du niveau d’activité de nos forces et de l’état de nos matériels…

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Et pourtant si !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Vous faites valoir que la France était, jusqu’à présent, l’un des rares pays à publier ces indicateurs. Soit, mais elle est aussi l’un des rares pays dont la Constitution permet au chef de l’État d’engager les forces sans passer par le Parlement…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais non !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Je vous renvoie à l’article 35 de notre Constitution. Une telle prérogative a pour nécessaire contrepartie une relation de confiance entre les pouvoirs exécutif et législatif quant à la réalité des forces et des financements militaires.

Le Gouvernement ne rendra certainement pas service à nos armées en limitant l’information de la représentation nationale, à l’heure où cette dernière est invitée à chercher des économies de toutes parts, sur le fondement d’une évaluation critique des politiques publiques.

Monsieur le ministre, nous restons attachés à la lettre de la LPM et à l’esprit ayant guidé sa construction. En accordant annuellement les crédits sollicités, qui correspondent à la programmation militaire, nous respectons les engagements pris. Mais le Gouvernement doit, plus que jamais, faire montre d’une plus grande rigueur dans la gestion des crédits et d’une meilleure considération pour la représentation nationale.

Mes chers collègues, sous ces réserves, la commission des finances vous invite à voter ces crédits.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis.

Mme Gisèle Jourda, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 144, regroupant les crédits dédiés au renseignement et à la prospective du ministère des armées, est doté de 2 milliards d’euros pour 2025. Cette enveloppe progresse ainsi de près de 6 % par rapport à 2024.

La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 prévoyait un effort historique en faveur de l’innovation de défense, les besoins retenus au titre du patch innovation dépassant 10 milliards d’euros pour la période considérée.

Le projet de loi de finances pour 2025 va au-delà de la trajectoire initiale : les crédits dédiés à l’innovation atteignent près de 1,3 milliard d’euros, contre un peu plus de 1,2 milliard d’euros prévus par la LPM.

Hors dissuasion, les crédits d’études amont s’établiront ainsi à 832 millions d’euros, un montant supérieur de 68 millions d’euros à l’annuité 2025 de la LPM.

Un tel effort, consenti dès les premières années de mise en œuvre de la LPM, va dans le bon sens. La situation est-elle pour autant idyllique ? Pas tout à fait.

Si les armées affirment n’avoir identifié aucune impasse dans les études qui seront lancées au cours des prochaines années, les industriels ont mis en lumière plusieurs points de vigilance.

Par ailleurs, les conséquences de l’annulation de 33 millions d’euros prévue en 2024, affectant principalement les crédits dédiés à l’innovation, ne sont pas encore connues. Il n’est pas exclu que cette coupe dans les moyens du programme 144 impose le report de certaines opérations dont le lancement était prévu en 2025.

J’en viens à l’accès au financement des entreprises de la BITD.

Si, à cet égard, des avancées peuvent être notées, grâce aux alertes lancées par le Parlement et au volontarisme de la délégation générale de l’armement, force est de constater que les entreprises de la BITD continuent de rencontrer des difficultés d’accès au financement bancaire et aux investissements.

Certes, les cas remontés sont peu nombreux – on en a dénombré une vingtaine l’an dernier. Mais soyons conscients qu’ils ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Nombre d’entreprises se voient ainsi refuser un prêt, un financement export ou encore une garantie d’emprunt au seul motif que leur activité concerne la défense. De telles situations sont inacceptables à l’heure où l’on parle d’économie de guerre.

Face à ces difficultés, nous demandons au Gouvernement de prendre rapidement des initiatives. Les propositions existent : il suffit de relancer les initiatives parlementaires suspendues depuis la dissolution !

J’ajoute – et je conclurai sur ce point – que les menaces venant de certaines institutions européennes ne sont pas toutes écartées. En témoignent les lignes directrices de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) quant à la dénomination des fonds ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), étendant le champ des armes controversées au nucléaire.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 144, sans modification.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais maintenant vous présenter la part des crédits de ce programme consacrée au renseignement intéressant la sécurité de la France. Il s’agit plus précisément des crédits de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

Avec 508 millions d’euros de crédits de paiement en 2025 contre 476 millions d’euros en 2024, le budget de ces deux services devrait progresser conformément à l’objectif fixé par la LPM : le doublement des crédits entre 2017 et 2030.

En parallèle, les effectifs devraient progresser, entre 2024 et 2025, de 7 652 à 7 814 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Sont prévus, à cette fin, 735 millions d’euros de crédits de paiement de titre 2 relevant du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ».

Au total, près de 1,25 milliard d’euros seraient consacrés, en 2025, à la fonction de renseignement extérieur, de sécurité et de défense. Vous noterez toutefois que je m’en tiens au conditionnel : je ne m’en féliciterai qu’une fois le budget effectivement voté, sans réduction de crédits.

J’observe que l’allocation accordée est conforme aux besoins programmés. En outre, je rappelle qu’elle s’inscrit dans la trajectoire visant un total de 5 milliards d’euros pour le renseignement au cours des années 2024 à 2030, couvertes par la dernière LPM. C’est un des motifs qui ont conduit le Sénat, en particulier les élus du groupe auquel j’appartiens, à voter cette loi de programmation.

À cet égard, je tiens à formuler une observation.

Nous assistons à l’accroissement de la conflictualité sur l’ensemble des théâtres extérieurs comme sur le territoire national. Nous sommes face à une véritable néo-guerre froide, du cyber, de la désinformation, parfaitement documentée par nos collègues Rachid Temal et Dominique de Legge dans leur rapport relatif aux influences étrangères.

2025 sera une année particulière pour la DGSE, avec le lancement du chantier de ses futurs locaux, au Fort-Neuf de Vincennes – le bâtiment devrait être livré et mis en service entre 2030 et 2031.

2025 marquera également une étape très importante de la transformation de la DRSD. J’ai pu visiter avec le général Susnjara le nouveau bâtiment construit au cœur du fort de Vanves. Il contribuera à renforcer le travail de contre-ingérence, afin d’écarter les menaces pesant sur les forces et les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense.

Je ne saurais conclure cette intervention sans saluer l’ensemble des personnels qui œuvrent, dans l’ombre, à notre sécurité extérieure. Je pense en particulier aux services qui, avec l’appui de la coopération internationale, ont rendu possible le retour en France de nos quatre ressortissants retenus au Burkina Faso. Ces femmes et ces hommes ont la reconnaissance de la Nation.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d’adopter les crédits du programme 144. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Akli Mellouli applaudissent également.)

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous félicitons du maintien des crédits inscrits pour 2025 dans la LPM, bien conscients de l’effort que leur préservation représente dans le contexte actuel.

Je souhaite néanmoins évoquer deux sujets de préoccupation.

Je pense tout d’abord à la fin de gestion. L’impact des opérations extérieures (Opex), des missions intérieures, des missions opérationnelles (Missops) et de l’aide à l’Ukraine sur les crédits effectivement disponibles n’est pas négligeable ; le fait de ne pouvoir connaître, avec un minimum d’avance, le champ des dépenses prises en charge par l’interministériel fragilise sérieusement l’appréciation des efforts accomplis.

Monsieur le ministre, d’après les dernières données transmises sur les surcoûts dus aux Opex et aux Missops, le reste à charge pour la mission « Défense » sera très important, imposant de renoncer à un certain nombre de projets. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce propos ?

Je pense, ensuite, au maintien en condition opérationnelle (MCO).

C’était prévu : les crédits d’entretien programmé du matériel (EPM), après avoir connu une forte hausse en 2024, stagneront en 2025 pour les milieux terrestre et aérien. Il faudra donc arbitrer au cas par cas entre le soutien de la disponibilité technique, pour maintenir le niveau d’entraînement, et le développement des stocks de pièces, en vue de la haute intensité.

Ce choix suppose des réformes, d’une part pour augmenter la productivité du MCO, notamment des matériels aéronautiques, de l’autre pour transformer les marchés de soutien en service en marchés de soutien hybride, en particulier pour les matériels terrestres.

Il convient, en conséquence, de réorganiser le MCO pour la haute intensité. Il faudra impérativement préciser et développer ce travail en 2025 pour que la remontée des crédits, prévue dans la suite de la programmation, vienne nourrir un système globalement plus performant.

En effet, de véritables difficultés demeurent quant à la disponibilité technique des matériels, qu’il s’agisse de l’aéroterrestre ou des NH90 Caïman de la marine. La disponibilité de ces hélicoptères reste bien inférieure aux besoins, malgré tous les efforts engagés depuis 2023.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Malheureusement, ce n’est plus une affaire d’argent…

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis. Ces équipements doivent encore servir vingt ans : on ne peut en aucun cas se satisfaire de la situation actuelle.

Je n’oublie pas non plus l’armée de l’air et de l’espace. La progression de la disponibilité des avions de chasse sera encore entravée cette année, notamment par quelques cessions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas nous permettre de manquer les marches 2024 et 2025, car, en matière de préparation des forces, l’adaptation à la haute intensité n’en est encore qu’à ses prémices.

Tout en restant vigilante quant à la fin d’exécution 2024, la commission a émis un avis favorable sur les crédits du programme 178, dont le montant s’annonce conforme à la trajectoire fixée par la dernière LPM. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que corapporteure du programme 178, je tiens avant tout à rendre hommage à ceux de nos militaires qui ont contribué à la réussite des jeux Olympiques de Paris, en juillet et août derniers.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bravo à eux !

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis. En les plaçant sous le regard des Français et de tous les étrangers venus assister aux épreuves, les Jeux ont permis à ces militaires d’afficher leur professionnalisme sans faille et leur engagement au service de la Nation.

Monsieur le ministre, le déploiement de capacités spécialisées réalisé par les armées lors de l’événement, ainsi que le très bon dialogue civilo-militaire qui a permis la mobilisation de ces hommes et de ces femmes, ne sont-ils pas l’occasion de faire évoluer l’opération Sentinelle ?

D’une part, on pourrait diversifier les missions menées dans ce cadre pour tenir compte de la maîtrise de ces nouvelles capacités et d’enjeux d’importance croissante, comme les conséquences de plus en plus catastrophiques du changement climatique.

D’autre part, l’opération Sentinelle pourrait reposer sur un déploiement socle plus léger, assorti de processus d’alerte, permettant une remontée en puissance rapide lorsqu’elle sera sollicitée pour des missions précises par les autorités. Ces dernières fixeraient ainsi des objectifs à atteindre plutôt que des effectifs à fournir. Pour nos armées, une telle évolution serait gage d’efficacité, d’attractivité et de fidélisation.

En outre, je tiens à évoquer la progression vers les normes d’entraînement de la LPM.

La participation de la France aux exercices de l’Otan s’accroît depuis plusieurs années. L’objectif est clair : préparer nos armées, en particulier leur commandement, aux affrontements de haute intensité menés en coalition.

Ces exercices sont importants, notamment pour se préparer au déploiement de la brigade bonne de guerre au premier semestre 2025, puis de la division de combat au cours des années 2026 à 2028. Mais on observe parallèlement, malgré la hausse des crédits, une stagnation du niveau d’entraînement. Par exemple, pour l’armée de terre, le taux demeure d’environ 70 % de la norme.

À l’évidence, il est nécessaire de conserver un équilibre entre les différents niveaux d’entraînement, car les grands exercices entraînent moins les militaires du rang que ceux des états-majors. L’entraînement interarmées et au sein des garnisons en France ne doit pas devenir le parent pauvre de la préparation opérationnelle. Faute de quoi, on risque de ne jamais atteindre la norme fixée par la LPM pour la fin de la programmation.

Enfin, je salue la poursuite de la hausse des crédits des services de soutien en 2025. Cette nouvelle montée en puissance doit se faire au même rythme que le renforcement des capacités de nos armées dans leur ensemble.

En particulier, je me réjouis de l’avancée du projet de nouvel hôpital national d’instruction des armées à Marseille. De tels chantiers incarnent le renouveau du service de santé des armées. Cet instrument remarquable (M. le ministre le confirme.) a vacillé sous l’effet des réductions budgétaires, mais, aujourd’hui, il retrouve progressivement son envergure. Il s’agit d’un outil exceptionnel en Europe, au service de nos armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, j’adresse mes encouragements au Gouvernement pour l’un des chantiers les plus lourds et urgents relevant du programme 212 : celui du logement et de l’hébergement.

Les dépenses immobilières du ministère inscrites dans ce programme progressent de 5 % en autorisations d’engagement et de 35 % en crédits de paiement. Ces enveloppes atteignent, respectivement, 670 millions et 827 millions d’euros.

Les débats se sont longtemps concentrés sur la « dette grise », qui pourrait atteindre 4,5 milliards d’euros en 2025. Le service d’infrastructure de la défense (SID) nuance toutefois la pertinence de cette notion. Non seulement elle embrasse l’ensemble des infrastructures, au-delà des seuls bâtiments habités, mais elle est peu explicite quant à l’utilité des locaux.

Pour sa part, le SID invite à réfléchir aux contours de la notion de maintenance et à raisonner en flux. Selon ses calculs, une somme annuelle de 450 millions d’euros dédiée au gros entretien permettrait, en dix années, de maintenir le patrimoine utile en état bon ou moyen.

J’en viens plus précisément aux bâtiments d’hébergement. Un plan inédit, lancé en 2019, vise à améliorer les conditions d’accueil en enceinte militaire. Ses objectifs ont jusqu’à présent été tenus : plus de 1 milliard d’euros de travaux ont été engagés jusqu’à la fin de 2024 et 23 500 places ont été livrées.

En 2025, 4 100 nouvelles places seront livrées et 120 millions d’euros sont prévus au titre de l’enveloppe de 1,2 milliard d’euros fixée par la LPM pour commander 2 000 nouvelles places. Quant à l’état des bâtiments visés par le plan, il s’améliore peu à peu.

En matière de logement familial, le contrat de concession entré en vigueur en 2022 semble pour l’instant donner globalement satisfaction. Néanmoins, il faudra surveiller les nouvelles modalités d’attribution des logements directement par le concessionnaire, le service rendu aux usagers et, surtout, le taux de réalisation des demandes, en particulier pour les militaires faisant l’objet d’une mutation.

Le plan Fidélisation 360 accompagne cette amélioration de l’offre de logement par des mesures intéressantes : cautionnement, dispense de dépôt de garantie, partenariats bancaires, création d’une ligne téléphonique spécifique, etc.

D’une manière générale, compte tenu du contexte budgétaire, nous nous réjouissons que des progrès, aussi lents qu’ils nous paraissent, soient réalisés. La question fondamentale reste de savoir si la restauration des bâtiments du quotidien peut être maintenue à ce rythme, sans dommage significatif sur le moral des militaires, ou bien si ce rythme doit être accéléré. Le cas échéant, les dépenses consenties pour les autres types d’infrastructures seraient alors réduites.

Cette question dépasse donc les seuls enjeux du programme 212. Aussi, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption de ses crédits.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Olivier Cigolotti et Antoine Lefèvre applaudissent également.)

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 212 s’élèvent à près de 25 milliards d’euros ; un peu plus de 23 milliards d’euros seront consacrés aux dépenses de personnel, un montant à peu près équivalent à celui des crédits votés l’an dernier.

Le schéma d’emplois du ministère s’établit en 2025 à 630 équivalents temps plein (ETP) : ce n’est pas mal, mais, comme en 2024, il s’écarte encore de la trajectoire fixée par la LPM, qui prévoyait l’embauche de 700 ETP en 2025. (M. le ministre le conteste.)

La bonne nouvelle, c’est que les difficultés des armées à respecter leurs schémas d’emplois semblent avoir été en grande partie vaincues. Les efforts récents de fidélisation n’y sont certainement pas étrangers. Il faut donc les prolonger.

Ces efforts sont d’abord salariaux. La nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs est finalement entrée en vigueur le 15 décembre dernier, avec un peu de retard. Quant à la nouvelle grille indiciaire des officiers, elle devrait s’appliquer à compter du 1er novembre prochain. Souhaitons que le calendrier soit tenu.

Une autre mesure très attendue, la première du plan Fidélisation 360 présenté en mars dernier, est l’intégration d’une partie des primes dans le calcul des pensions. Hélas, nous ne sommes pas parvenus à en savoir davantage sur la conception de ce dispositif, et son calendrier est plus flou encore.

À l’origine, celui-ci devait être introduit par voie d’amendement dans le présent projet de loi de finances et entrer en vigueur en 2026. Il est désormais question d’inclure cette disposition dans le projet de loi de finances pour 2026. Dès lors, selon le nouveau mode de calcul, les premiers versements seront réalisés en 2028 : ce n’est pas exactement ce qui était annoncé, monsieur le ministre…

Nous comprenons, bien sûr, la difficulté à tenir l’ensemble des promesses dans un cadre budgétaire devenu extrêmement contraint, mais il ne faudrait pas que l’ajournement de certaines mesures donne le sentiment aux militaires que l’on compose avec les engagements pris. Cela pourrait décourager certains de poursuivre leur carrière, au moment où l’on a le plus besoin d’eux.

Pour le reste, la déclinaison opérationnelle du plan Fidélisation 360 est très attendue sur le terrain : aide à la mobilité familiale, mutation double pour le personnel civil, référencement des médecins traitants pour les personnels en mutation, amélioration du soutien dans l’accès au logement, etc.

Enfin, le programme 212 comporte des crédits pour la réalisation de chantiers numériques de grande ampleur visant à moderniser les systèmes d’information des ressources humaines, des réservistes et des recrutements. Les enjeux financiers sont importants, mais les gains d’efficacité attendus sont élevés. Il faudra y être attentifs – nous savons, dans cette maison, combien les grands chantiers informatiques ont parfois posé problème par le passé.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption des crédits du programme 212. Le groupe socialiste, lui, s’est abstenu, considérant que des efforts restent à faire pour respecter la trajectoire de la LPM et tenir l’ensemble des engagements pris. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)