C'est pourquoi, mes chers collègues, les membres de mon groupe vous proposeront un certain nombre d'amendements visant à revenir à un budget pour la forêt et la filière bois qui permette de préserver l'avenir tout en contribuant aux nécessaires économies budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Michau. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Michau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget agricole pour 2025 est globalement en baisse, de 13,4 % en autorisations d'engagement et de 6,5 % en crédits de paiement, et ce sans même prendre en compte la baisse qui vient de nous être annoncée.
Cette baisse s'explique par un renoncement majeur aux mesures de planification écologique annoncées en 2023. Ce renoncement en matière de transition écologique relève d'une volonté politique assumée : les crédits consacrés à la planification écologique pour 2025 diminuent de 70 %, passant de 1 milliard à 300 millions d'euros.
Le pacte en faveur de la haie se voit raboté de 80 millions d'euros, soit une chute de 75 % en autorisations d'engagement et de 33 % en crédits de paiement. La préservation et la reconstitution de nos haies sont pourtant des objectifs majeurs tant du point de vue de l'aménagement du territoire que de celui de la transition agroécologique et des services rendus à la nature et aux sociétés humaines.
Le fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions enregistre quant à lui une baisse de 85 millions d'euros. Ce fonds a pourtant vocation à financer des démarches de structuration des filières, l'objectif étant la souveraineté alimentaire et l'accompagnement des agriculteurs face au changement climatique. Les sénateurs socialistes sont très attachés à ce virage agroécologique, qui doit se faire en lien avec les territoires et en encourageant les circuits courts.
Je regrette aussi la diminution de 3 millions d'euros prévue en 2025 des crédits budgétaires du fonds stratégique de la forêt et du bois. Ce fonds apporte pourtant un soutien très utile aux communes forestières.
Des lignes budgétaires entières ne sont plus du tout dotées, comme celle du plan Protéines, ce qui est inacceptable compte tenu de l'enjeu que représente notre autonomie protéique. La France n'est actuellement pas autonome dans ce secteur stratégique, que ce soit pour l'alimentation humaine ou pour l'alimentation animale.
La ligne budgétaire relative au diagnostic carbone n'est plus dotée non plus pour 2025, à l'heure où la décarbonation de notre économie est un objectif majeur.
Il est ainsi indispensable d'accompagner nos agriculteurs pour poser un diagnostic, identifier les leviers d'action et réduire les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que favoriser le stockage de carbone. C'est la clé d'entrée pour un changement durable de nos pratiques agricoles.
Pour 2025, la sous-action « Dynamisation de l'aval bois-matériaux » de l'action n° 29 « Planification écologique » n'est plus dotée non plus. Pourtant, la structuration de la filière de transformation du bois est essentielle pour offrir des débouchés et des perspectives économiques à nos producteurs tout en l'intégrant aux objectifs de décarbonation de notre économie – je pense notamment à la stratégie nationale bas-carbone.
Quant à la ligne « Défense des forêts contre l'incendie », qui était dotée de 34 millions d'euros pour 2024, elle ne sera plus dotée en 2025.
Je regrette également que le Gouvernement propose de supprimer des postes à l'Office national des forêts. En vingt ans, l'ONF a perdu près de 38 % de ses effectifs alors même que ses missions demeurent, voire sont renforcées du fait du dérèglement climatique.
Nous présenterons, dans le même esprit, un amendement visant à renforcer les moyens humains du Centre national de la propriété forestière pour lui permettre de mener à bien sa mission de gestion durable des forgeries privées.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les raisons de ces variations majeures qui affectent les crédits dédiés à la planification écologique d'une année sur l'autre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord avoir une pensée pour notre ancien collègue Didier Guillaume, qui fut ministre de l'agriculture et avec qui j'eus très souvent l'occasion d'échanger dans cet hémicycle.
Madame la ministre, un budget est un cap que l'on fixe pour l'année à venir. Mais, cette fois-ci, vous avez eu en plus un problème majeur à résoudre : les mouvements dans nos campagnes ont commencé voilà quasiment un an jour pour jour, le 16 janvier 2024. Depuis un an, des promesses ont été faites. Toutes n'ont pas été tenues.
Vous avez dû apporter des réponses en urgence. Ainsi que plusieurs collègues l'ont rappelé, certaines des mesures annoncées ont été reportées.
L'agriculture française s'en est trouvée encore un peu plus fragilisée. D'ailleurs, les travaux du Sénat l'ont mis en évidence : tout doucement mais très sûrement, la ferme France perd pied, et la compétitivité de notre agriculture décline ; sa balance commerciale en pâtit largement.
Cette situation dégradée est la conséquence de choix ; elle n'est pas uniquement liée aux phénomènes climatiques. Pour preuve, d'autres pays en Europe et dans le reste du monde, bien que tout aussi concernés par le changement climatique, n'ont pas connu semblable dégradation.
De cette dégradation, nous devons tenir compte dans la construction du budget pour 2025. Il faut fixer un cap, non seulement pour honorer les promesses qui ont été faites et qui, jusqu'à présent, n'ont pas été tenues, mais également pour prolonger les actions engagées.
Dans cette perspective, la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques ont travaillé conjointement sur une proposition de résolution européenne visant à fixer les lignes directrices du Sénat sur la politique agricole commune après 2027.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Très bon travail !
M. Daniel Gremillet. À cet égard, le projet de budget pour 2025 vaut indirectement confirmation ; il apporte une réponse politique aux attentes qui entourent le secteur. Je pense en particulier à l'indépendance alimentaire de la France, ainsi qu'à la capacité de notre agriculture à répondre aux demandes sociétales et à nourrir la population dans de bonnes conditions, mais aussi à la protection des revenus des agriculteurs.
Madame la ministre, nous avons reçu plusieurs alertes.
La première concerne – plusieurs collègues y ont fait référence – le dossier assurantiel. Le fait que notre agriculture aille de difficulté en difficulté fragilise le système assurantiel. Et bien que celui-ci vienne d'être réformé, il est d'ores et déjà nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier pour trouver de nouvelles solutions.
La deuxième alerte est liée aux crises sanitaires qui frappent le monde végétal comme le monde animal. Le phénomène touche particulièrement l'arboriculture et, plus généralement, l'ensemble des productions. Ne négligeons pas ce problème ; la solution dépendra des avancées de la recherche, des moyens qui y seront consacrés, ainsi que de notre capacité à développer des systèmes de protection lorsque cela sera possible. Nous examinerons tout à l'heure des amendements relatifs à la protection des plantes et des productions animales.
Nous voilà rendus au point où nous risquons d'être confrontés à ce que nous avons déjà connu il y a soixante-dix ans : la mutation de dangers sanitaires touchant les populations animales en dangers sanitaires touchant la population humaine. Nous protéger contre les premiers, c'est donc aussi nous prémunir contre les seconds : ne l'oublions pas.
Nous avons fait le choix, en matière agricole, de renforcer notre arsenal législatif et de déposer un certain nombre de textes. Je souhaite d'ailleurs rendre hommage aux auteurs des propositions de loi qui seront bientôt examinées dans cet hémicycle. L'une d'elles met notamment en lumière le coût pour notre agriculture de la surabondance de réglementations, les choses fonctionnant de manière plus simple dans d'autres pays.
Je prendrai l'exemple nos voisins allemands, qui sont leaders, à l'échelon européen, sur bon nombre de productions. Pendant douze mois, les prix du lait dans nos deux pays étaient quasiment identiques, à l'euro près. Mais les indicateurs du mois d'octobre montrent que la France est en train de décrocher : le prix allemand dépasse désormais le prix français de 45 euros les 1 000 litres – et l'Allemagne n'a pas de loi Égalim !
Là encore, ces différences de rémunération entre agriculteurs selon les pays traduisent des choix politiques. Et le lait est loin d'être la seule production concernée : j'ai d'autres exemples très concrets en tête.
Ces éléments nous obligent, le budget n'étant, je l'ai dit, que la traduction des réponses que nous apportons aux attentes de la profession.
Si, par ailleurs, je partage ce que notre collègue Anne-Catherine Loisier a indiqué à propos de la forêt, sujet que je ne saurais passer sous silence, ce n'est pas seulement parce que je suis un élu des Vosges ! (Sourires.) Au sein de notre groupe, et plus largement du Sénat, nous sommes tous convaincus que le secteur forestier est absolument capital.
Madame la ministre, en matière agricole, il serait dommage que l'on assiste à un grand gâchis. Depuis l'après-guerre, le budget de l'agriculture a rarement été aussi important. N'aliénons pas notre potentiel ! Maintenons notre force de frappe !
Les présents choix budgétaires, en plus de leurs effets immédiats – déterminer ce que nous avons dans notre assiette –, conditionnent l'avenir, car l'agriculture et la forêt s'inscrivent dans le temps long !
3
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que l'ont dit Bernard Buis et Daniel Gremillet voilà quelques instants, nous avons appris avec grande tristesse la disparition de Didier Guillaume, qui fut sénateur de la Drôme de 2008 à 2018, vice-président du Sénat et président du groupe socialiste du Sénat, ainsi que ministre de l'agriculture de 2018 à 2020.
Un hommage lui sera rendu prochainement par M. le président du Sénat, mais je souhaitais en notre nom à tous lui rendre d'emblée cet hommage et témoigner à ses proches notre profonde sollicitude.
4
Loi de finances pour 2025
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.
Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie, des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (suite)
Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (suite)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, en préambule de mon propos, joindre ma voix aux hommages rendus à la mémoire de votre ancien collègue sénateur, mon prédécesseur, M. le ministre Didier Guillaume, qui vient de décéder brutalement.
Je l'avais encore croisé voilà peu ; rien ne laissait présager une disparition si brutale. Je veux en cet instant vous faire part de ma tristesse, adresser mes condoléances à ses proches et témoigner, ainsi que nous aurons l'occasion de le faire ultérieurement, de la qualité de son action à la tête du ministère dont j'ai aujourd'hui la charge.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà maintenant un an qu'à l'issue d'une première mobilisation d'ampleur, historique par sa résonance en Europe, les agriculteurs français se voyaient promettre un lot de mesures destinées à transformer leur quotidien. La responsabilité des représentants de la Nation eût été de graver celles-ci dans le marbre définitivement. Mais, par calcul, les tenants de l'instabilité politique et de la crise permanente en ont décidé autrement, en choisissant la voie de la censure. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Ou la voie de la dissolution !
Mme Annie Genevard, ministre. Avec cette suspension du temps durant l'examen d'un budget tant attendu, car porteur de la concrétisation de tant d'espoirs, c'est le cri de colère que le monde agricole exprime depuis un an qui s'est trouvé privé d'une partie de réponse.
M. Jean-Claude Tissot. Vous êtes toujours là…
Mme Annie Genevard, ministre. Nous ne pouvons pas accepter que le contrat moral que nous avons passé avec le monde paysan soit, une fois de plus, piétiné.
C'est pourquoi, depuis ma nomination à la tête du ministère de l'agriculture il y a quatre mois, je dédie chaque minute de mon temps à traduire ces promesses en actes, en même temps que j'apporte des réponses aux crises sanitaires et météorologiques.
Pour ce faire, mon principal vecteur est le budget, que j'ai l'honneur de défendre aujourd'hui devant vous.
Ce budget, chacun ici connaît les conditions de sa construction : contraint temporellement, contraint politiquement, contraint financièrement.
J'insiste quelques instants sur le contexte financier, que la censure votée au mois de décembre a considérablement aggravé.
Cette situation non seulement oblige le Gouvernement à prendre des mesures d'économies supplémentaires, mais nous empêche par ailleurs de faire droit à l'ensemble des amendements déposés.
L'adoption de vos amendements, aussi pertinents soient-ils pour la planification écologique, la vaccination, la transition agroécologique, et j'en passe, représenterait bien souvent un effort financier que la situation économique actuelle ne nous permet pas d'assumer.
M. Franck Montaugé. Ce sont des choix politiques !
M. Franck Montaugé. Voilà !
Mme Annie Genevard, ministre. … mais nous devons aussi faire en sorte que le débat ait lieu sur les sujets essentiels que vous souhaitez aborder ce soir.
Cela étant, l'ambition de ce texte pour notre agriculture reste grande. Si les crédits qui lui sont alloués sont, certes, en baisse par rapport au budget 2024, qui avait été abondé dans un contexte exceptionnel – j'y reviendrai –, leur niveau demeure historique.
L'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture atteindra en 2025 le montant de 13,3 milliards d'euros pour le seul compte de l'État, soit une hausse de près de 1 milliard d'euros – 1 milliard d'euros ! – par rapport au budget 2023.
En y ajoutant les financements de la PAC, soit 9,4 milliards d'euros, et les moyens du Casdar, ce ne sont pas moins de 25,3 milliards d'euros qui seront consacrés en 2025 au développement de l'agriculture et à notre souveraineté alimentaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à votre vote, ces crédits doivent permettre de défendre trois grandes priorités.
La première d'entre elles est de tenir parole. Les agriculteurs se sont vu promettre voilà un an déjà un lot de mesures pour que leur compétitivité et leurs revenus cessent d'être grevés par les charges.
Aussi fallait-il commencer par s'attaquer au carburant de la colère, j'ai nommé la hausse de taxe sur le gazole non routier, ou GNR, sur laquelle ce budget revient. Avec votre concours, la promesse sera tenue.
Débarrassés de cet irritant, il nous fallait ensuite procéder à de larges allégements de charges, ces charges qui minent aujourd'hui trop fortement la capacité des agriculteurs à résister à la concurrence internationale. C'est, là aussi, la promesse que tient ce budget, en rehaussant le taux de dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terres agricoles de 20 % à 30 %, pour un montant de 50 millions d'euros.
Ce type de dispositif, qui, du fait de son périmètre, bénéficie d'un impact large, doit toutefois s'accompagner de mesures plus ciblées pour les filières les plus en difficulté.
Le Gouvernement propose en ce sens deux mesures essentielles.
D'une part, alors que les éleveurs ont été durement frappés par les crises sanitaires cette année, la mise en place, pour 150 millions d'euros, d'un avantage fiscal et social au profit des éleveurs bovins est destinée à lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin.
D'autre part, la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi, dit TO-DE, permet d'alléger le coût du travail pour l'emploi de saisonniers agricoles. Cet effort de 163 millions d'euros aidera, en particulier, nos viticulteurs et nos arboriculteurs. Nous avons également veillé, en lien avec les parlementaires, à ce que la réforme des allégements généraux ne vienne pas percuter ce dispositif vital pour la compétitivité de nos filières.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget s'inscrit pleinement dans le respect de la parole donnée. Il apportera à nos agriculteurs le soutien dont ils sont demandeurs pour se projeter plus sereinement dans la compétition internationale.
Je sais pouvoir compter sur votre soutien pour graver ces dispositions dans le marbre. Mais, à l'évidence, nous ne saurions en rester là.
J'en viens donc à la deuxième priorité de ce budget : favoriser la résilience des filières les plus exposées.
Vous le savez, le Gouvernement mobilise toute son énergie pour répondre aux urgences dans lesquelles se trouve prise l'agriculture française.
Les moyens que l'État a déployés en ce sens sont considérables. Je peux notamment mentionner la mise à disposition gratuite de près de 14 millions de doses de vaccin contre la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3 (FCO 3), pour un montant de 37 millions d'euros, et la création d'un fonds d'urgence exceptionnel de 75 millions d'euros pour accompagner les éleveurs face à la crise sanitaire, ainsi que la mise en place d'un dispositif d'aide à la trésorerie pour aider les agriculteurs dont les exploitations ont été frappées, parfois gravement, par des aléas climatiques violents.
Pour ce qui est de répondre à ce type d'événements, qui sont appelés à se multiplier en raison du dérèglement climatique, le présent budget donne à l'État et aux agriculteurs des moyens pérennes.
Il le permet d'abord par l'adaptation de notre fiscalité, en autorisant la modulation des charges qui pèsent sur nos agriculteurs en fonction de la conjoncture. Aussi, via un effort global de 14 millions d'euros, nous permettrons l'exonération à hauteur de 30 % de la réintégration de la déduction pour épargne de précaution en cas de sinistre climatique ou sanitaire. Cette mesure, en particulier, accompagnera les exploitants confrontés aux effets du dérèglement climatique.
C'est cette même raison qui nous guide dans le choix d'augmenter le budget dédié à l'assurance récolte. Ce dispositif, qui permet aux agriculteurs d'être mieux couverts face aux aléas climatiques, est abondé à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros.
Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs, favoriser la résilience de nos filières, c'est se placer en position d'anticipation, et non seulement de réaction.
À cet égard, j'aimerais aborder la question des produits phytosanitaires. Chacun dans cet hémicycle, moi y compris, est convaincu de la nécessité d'en sortir à terme. Mais cette ambition doit s'accompagner d'une règle simple : on ne saurait interdire sans proposer de solution pour remédier à la situation ainsi créée. Sinon, c'est la mort de nos filières, de la diversité de nos exploitations et de notre alimentation, donc de notre souveraineté alimentaire.
Aussi, j'ai souhaité que le budget 2025 maintienne des moyens ambitieux, d'environ 100 millions d'euros, pour le fonds destiné à financer la stratégie de réduction du recours aux produits phytosanitaires, qui a vocation à financer la recherche d'alternatives chimiques et non chimiques et à accompagner les agriculteurs sur le chemin des transitions.
Voilà comment, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entendons, par ce budget, favoriser la résilience de nos filières.
Un tel objectif s'inscrit dans une exigence de long terme : préparer notre production alimentaire aux enjeux que représente la maîtrise de nos besoins vitaux ou, en d'autres termes, l'impératif de souveraineté. Telle est la troisième priorité de ce budget.
Vous le savez, la perte d'attractivité des métiers de l'agriculture et la perte de sens que ressentent les professions agricoles font peser un risque que je qualifierai d'existentiel sur le renouvellement des générations.
Le budget que le Gouvernement vous propose d'adopter vise à apporter à ce problème de premières réponses fortes. J'en évoquerai trois devant vous.
D'abord, la revalorisation de trois dispositifs fiscaux doit permettre de favoriser la transmission d'une exploitation à un nouvel installé.
Ensuite, le cumul de l'exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs et du taux réduit de cotisations maladie et famille, pour 25 millions d'euros, vise à favoriser l'embauche des jeunes.
Enfin, parce que plus aucun aspirant agriculteur ne doit penser que la retraite le frappera plus durement que le travail, les pensions sont revalorisées sur la base des vingt-cinq meilleures années.
Et je veux ici vous remercier, ainsi que vos collègues députés, d'avoir œuvré depuis presque deux ans pour que cette réforme voie le jour. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 permettra, j'en suis sûre, de concrétiser vos travaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous pour soutenir tous ces dispositifs, car ils nous remontent directement du terrain et contribueront à n'en pas douter au renouvellement de nos générations d'agriculteurs.
Mais ce renouvellement n'aurait que peu de sens si l'agriculture elle-même était mise en danger. C'est la raison pour laquelle je souhaite déployer des moyens substantiels pour assurer la transition de l'agriculture française. Pour ce faire, plusieurs leviers sont à notre disposition.
J'insiste en préambule sur un point : les mesures d'économies supplémentaires que la situation exige auraient pu conduire à la fin de notre planification écologique en agriculture, à son arrêt complet ; au plan comptable, c'eût été confortable.
J'assume de faire un choix différent. Certes, celui-ci est plus difficile à endosser, puisqu'il consiste à diffuser l'effort en ciblant plutôt les dépenses de fonctionnement. Mais, face aux défis très graves que notre agriculture doit surmonter, la responsabilité commande d'opter pour une gestion en bon père – ou en bonne mère – de famille.
M. Jean-Claude Tissot. Ça veut dire quoi ?
Mme Annie Genevard, ministre. Tout le monde doit mettre la main au pot, afin que le processus se poursuive. Aussi, je ferai en sorte que les crédits affectés à la planification soient au maximum préservés.
Ce faisant, ce sont les financements du plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada), qui prépare la sortie des produits phytosanitaires suffisamment en amont pour éviter que nous ne nous retrouvions dans des impasses, ceux de notre plan de souveraineté en fruits et légumes et ceux de notre plan Protéines, autrement dit ceux de notre souveraineté alimentaire, qui sont protégés.
J'insiste par ailleurs sur un point : la répartition qui vous a été proposée par mon prédécesseur dans le projet annuel de performances est une indication, mais nous n'avons pas encore procédé à la répartition proprement dite. Celle-ci se fera sur la base d'un retour d'expérience relatif aux mesures déployées en 2024, des échanges avec les professionnels et, bien sûr, de la discussion qui est menée avec les parlementaires en prévision de la CMP. En tout état de cause, certaines lignes qui affichent zéro ne resteront pas à zéro.
J'en viens plus concrètement aux mesures que ce budget prévoit. Je pense d'abord au déploiement du plan d'adaptation de pans entiers de notre agriculture.
Ainsi du plan « agriculture climat Méditerranée », que j'ai lancé en fin d'année dernière – mon prédécesseur en avait été l'initiateur – et dont le financement sera maintenu ; il porte d'ores et déjà ses fruits. Dans ces territoires très affectés par le changement climatique, des cultures alternatives de la diversification sont à l'œuvre. Voilà qui doit permettre d'accompagner financièrement l'adaptation des filières les plus affectées par le dérèglement climatique et de favoriser la diversification dans une cinquantaine de territoires labellisés du pourtour méditerranéen.
Dans le même sens, l'accès à l'eau pour l'irrigation des exploitations et l'abreuvement des animaux est un objectif majeur – un impératif – qui doit être atteint dans le cadre d'une gestion raisonnée de la ressource. Tel est justement le rôle du fonds hydraulique. Pour un montant total de 20 millions d'euros en 2024, celui-ci a permis de financer quarante-huit projets de gestion innovante de l'eau en France. Le financement de ce fonds, dont j'ai révélé les lauréats, doit être pérennisé.
Toutefois, ces mesures d'adaptation sont insuffisantes et doivent s'accompagner d'actions de lutte contre le changement climatique. C'est tout le sens de la politique de décarbonation pour le reboisement, qui était jusque-là menée par le ministère de l'agriculture et qui sera désormais conduite par la ministre de la transition écologique.
Mme la présidente. Madame la ministre, je vous invite à conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, voter ce budget est impératif. Depuis quatre mois, je mène au sein du Gouvernement un important travail pour convaincre nos agriculteurs que l'État ne les a pas abandonnés. C'est tout le sens de mon action.
Notre responsabilité est immense et je suis convaincue qu'ensemble nous l'assumerons pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDPI et INDEP.)
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l'état B.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à cinq heures.
Nous avons 162 amendements à examiner.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
4 619 627 841 |
4 435 643 789 |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
2 511 950 264 |
2 458 472 665 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
926 923 512 |
860 481 527 |
dont titre 2 |
358 779 499 |
358 779 499 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture |
732 254 065 |
668 189 597 |
dont titre 2 |
575 250 295 |
575 250 295 |
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
448 500 000 |
448 500 000 |
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-2102, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
|
235 173 893 |
|
237 182 880 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
41 918 693
1 167 564 |
|
40 715 528
1 167 564 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
7 777 831
1 838 818 |
|
6 034 231
1 838 818 |
Allégements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
|
|
TOTAL |
|
284 870 417 |
|
283 932 638 |
SOLDE |
-284 870 417 |
-283 932 638 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que la présentation tardive de cet amendement puisse vous irriter, mais vous connaissez les conditions contraintes dans lesquelles le présent projet de budget – d'ailleurs, c'était vrai aussi du précédent – a été préparé.
Cet amendement vise à intensifier l'effort de redressement des finances publiques en annulant des crédits supplémentaires sur la mission, l'objectif étant de contribuer à atteindre une cible de déficit public de 5,4 % du PIB.
Pour autant, il ne s'agit pas de renoncer aux grandes priorités de mon action. Je pense notamment à un sujet que vous avez presque tous évoqué : la planification écologique.
Parler de planification écologique, c'est parler du plan Protéines, du pacte en faveur de la haie, du Parsada, qui permet d'anticiper le retrait probable de substances pour éviter que nous ne nous retrouvions dans des impasses techniques, ou encore du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. Je le rappelle, la moitié des fruits et légumes consommés en France n'y sont pas produits ; une telle perte de souveraineté est absolument dramatique.
Je m'engage par ailleurs à procéder à des ajustements au sein des divers programmes pour préserver au maximum le soutien aux agriculteurs.
Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur un point, que j'ai déjà souligné dans la discussion générale : le budget de l'agriculture est l'un des rares budgets du projet de loi de finances pour 2025 à enregistrer une amélioration sur le plan fiscal – de telles améliorations, vous n'en trouverez pas beaucoup dans ce texte… Ainsi prévoyons-nous plus de 400 millions d'euros d'allégements de charges sociales et fiscales, ce qui aura un effet direct sur le revenu des agriculteurs.
Vous avez tous souligné les difficultés de revenu de cette profession. Or, ce revenu, de quoi dépend-il ? Du niveau des charges, du volume de production et du prix de vente. L'allègement des charges est donc un levier essentiel.
De surcroît, il est important de contextualiser cette diminution des crédits – plusieurs sénateurs l'ont fait – en la rapportant à la totalité des concours publics à l'agriculture. Une fois agrégés, ceux-ci atteignent en effet 25,6 milliards d'euros. La baisse dont il est question, 285 millions d'euros, représente donc 1,2 % de l'ensemble de ces concours.
Évidemment, il eût été préférable que nous ne soyons pas dans cette situation. Néanmoins, je vous invite, comme l'ont fait les sénateurs Klinger et Duplomb, à considérer la stabilité de ces concours et à relativiser cette baisse. Les termes qui ont pu être utilisés pour la qualifier – certains d'entre vous ont parlé d'un « effondrement du budget agricole » – me paraissent très exagérés et sans rapport avec la réalité des chiffres.
Mme la présidente. L'amendement n° II-1412 rectifié, présenté par MM. Canévet et Delahaye, Mme O. Richard, M. Folliot et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
|
74 008 001 |
|
76 016 988 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
18 093 371
1 167 564 |
|
16 890 207
1 167 564 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
6 181 627
1 838 818 |
|
4 438 026
1 383 818 |
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
|
|
TOTAL |
|
98 282 999 |
|
97 345 221 |
SOLDE |
- 98 282 999 |
- 97 345 221 |
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° II-1416 rectifié, présenté par MM. Canévet, Delahaye et Cambier, Mme O. Richard, M. Folliot et Mme Jacquemet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
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32 000 000 |
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32 000 000 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
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13 000 000 |
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13 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
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3 300 000 |
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3 300 000 |
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
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TOTAL |
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48 300 000 |
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48 300 000 |
SOLDE |
- 48 300 000 |
- 48 300 000 |
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. Sur l'amendement du Gouvernement, qui a en effet été transmis tardivement, la commission des finances a émis un avis défavorable, bien qu'elle approuve la volonté de réduire certaines dépenses publiques.
La méthode consistant à appliquer un coup de rabot homogène ne nous paraît pas opportune, en particulier sur cette mission qui, plus que d'autres encore, mérite un ciblage opéré avec discernement.
Mes chers collègues, je profite de l'examen de ce premier amendement pour insister sur la nécessité que nous nous montrions collectivement responsables. Certains amendements qui seront défendus par la suite sont gagés sur plusieurs centaines de millions d'euros. On peut évidemment se faire plaisir en les votant, mais leur adoption ferait tomber d'autres amendements bien plus raisonnables, émanant de tous les groupes politiques, et sur lesquels la commission des finances a parfois émis un avis favorable. Évitons donc d'adopter des amendements au montant disproportionné : cela serait contreproductif.
Sur les amendements nos II-1412 rectifié et II-1416 rectifié, l'avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos II-1412 rectifié et II-1416 rectifié ?
Mme Annie Genevard, ministre. Je demande à M. Canévet de bien vouloir les retirer au profit de mon amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je profiterai de cette explication de vote pour réagir aux propos de Mme la ministre. Dans les circonstances actuelles, il faut faire attention à ce que l'on dit, en particulier sur cette mission.
Madame la ministre, vous dites que nous allons payer le coût de la censure ; je rappelle qu'un certain nombre de permanences de parlementaires ont été dégradées pour ce motif même, et les élus concernés ont reçu peu de soutien de la part du Gouvernement. Il faut donc remettre les choses en perspective : pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
Le principal responsable de la censure, c'est le Premier ministre précédent, Michel Barnier, qui, responsable devant le Parlement, n'a pas su le convaincre et a préféré discuter avec l'extrême droite, ignorant tout un pan de l'hémicycle à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, la situation financière justifierait selon vous le double recul que constituent ce budget et cet amendement. Mais cette situation ne vient pas de nulle part : nous avons assez de mémoire pour garder en tête, en particulier, les réductions d'impôt accordées aux plus fortunés. Un rapport de la Cour des comptes, publié cette semaine, établit que les errements de la politique fiscale locale, qualifiée d'« antiredistributive », nous coûtent 40 milliards d'euros chaque année. De ce côté de l'hémicycle, en tout cas, nous ne sommes pas responsables de l'impasse budgétaire dans laquelle nous sommes !
Je vous invite donc, madame la ministre, à faire attention aux mots que vous utilisez, car ils sont inflammables.
J'ajoute que vous faites le choix de sacrifier la transition, ce qui ne nous coûtera que plus cher dans les années à venir…
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Madame la ministre, je vous ai attentivement écoutée. Si l'on peut entendre vos arguments, que dira-t-on des nôtres ? En réalité, ces 285 millions d'euros retranchés aux crédits de la mission représentent autant d'espérance en moins pour la profession, et notamment pour les agriculteurs qui ont à affronter les difficultés liées aux épizooties ou aux phénomènes climatiques – je pense en particulier aux viticulteurs, mais toute la profession est concernée.
On ne saurait donc relativiser cette baisse en la rapportant aux masses budgétaires des concours publics à l'agriculture, qui sont certes importantes – vous avez évoqué le chiffre de 25 milliards d'euros. On ne peut pas se contenter de ce que vous nous avez dit : en tout cas, je suis convaincu que les agriculteurs qui ne seraient pas aidés à traverser les difficultés auxquelles ils sont confrontés ne le comprendraient pas.
Je ne dis pas cela pour vous embêter : ce n'est pas une position politique que j'exprime, c'est un ressenti de terrain – un simple constat. Les agriculteurs en difficulté, vous les aidez par ailleurs, par certaines mesures, mais ils méritent d'être davantage entendus et soutenus, y compris moralement.
Enfin, vous intégrez la PAC, à juste titre ou non, dans la masse budgétaire destinée à l'agriculture. Or la PAC mériterait elle aussi d'être revue dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'effort agroécologique. Cette politique agricole commune, dans sa forme actuelle, est surannée. Elle doit être réformée de fond en comble. Il y a là, devant nous, un chantier immense. Je compte sur le ministère et sur l'ensemble du Gouvernement…
Mme la présidente. Monsieur Montaugé, je vous invite à conclure.
M. Franck Montaugé. … pour qu'ils suivent les résolutions que nous avons prises à cet égard dans cette assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. L'amendement que vous avez déposé, madame la ministre, pose problème tant sur le fond que sur sa forme.
D'une part, sur la forme, nous avons pris connaissance de cet amendement il y a trois heures. Il s'agit d'un coup de rabot de 300 millions d'euros : autrement dit, vous faites fi du travail parlementaire, que vous connaissez pourtant aussi bien que moi, et en particulier de celui qui est réalisé en commission et qui, en l'espèce, s'est fait dans l'ignorance de cette nouvelle coupe. Cette méthode revient à mépriser – j'y insiste – le travail des parlementaires que nous sommes, ce qui est regrettable et dommageable.
D'autre part, sur le fond, vos explications relèvent presque de la malhonnêteté intellectuelle. L'opération, dites-vous, serait quasiment neutre. Mais vous oubliez de dire que ce budget a déjà fait l'objet d'un coup de rabot de 300 millions d'euros sous le gouvernement Barnier (Mme la ministre remue la tête en signe de dénégation.), auquel s'ajoute donc cette baisse de 285 millions d'euros. Au total, cela fait –600 millions d'euros pour la mission « Agriculture » ! « Neutre », dites-vous ? Il faudra m'expliquer pourquoi…
Je trouve en outre très anormal que vous preniez 2023 pour année de référence, en faisant fi de l'année 2024, au prétexte que les crédits auraient été, pour cet exercice, trop importants par rapport à ceux de l'année précédente. Prenez donc pour référence l'an 2000, tant que vous y êtes : il est certain qu'à cette aune les crédits pour 2025 pourront être considérés comme en hausse !
Nous voterons évidemment contre cet amendement, mais je tenais à vous dire, madame la ministre, que nous ne sommes pas tout à fait dupes.
Les missions que nous avons examinées hier et ce matin – « Sport », « Culture », etc. – font toutes l'objet d'un coup de rabot. Nous nous y attendions un peu, mais non dans de telles proportions !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, peut-on continuer à faire de la politique ainsi ? La méthode du Gouvernement est extrêmement méprisante à l'endroit de notre travail.
La déclaration de politique générale que le Premier ministre est venu faire devant nous a brillé par sa vacuité. De nombreuses consultations ont eu lieu ; à la clé : quasiment rien. Et, aujourd'hui, au moment d'examiner les crédits de cette mission, nous constatons qu'il a été décidé d'une amputation, sans que l'on sache ni quand, ni comment – sans doute pendant la nuit, au détour d'un couloir… –, ni sur quels critères : après le rabot, les coupes à la hache !
Comme l'a dit mon collègue Franck Montaugé, ces millions que l'on supprime, ce sont des politiques publiques qui disparaissent, et des agriculteurs dont les difficultés vont encore s'aggraver. Depuis des années, les gouvernements qui se succèdent – à un rythme d'ailleurs de plus en plus intense ! – se disent tous à l'écoute des agriculteurs. « Nous sommes là, nous vous avons entendus », entend-on inlassablement. Mais, au bout du compte, il n'y a qu'une absence de cap ! Les agriculteurs ont besoin de lisibilité pour se projeter et construire des alternatives. Mais, pour cela, il faut des moyens. Et, des moyens, on peut en trouver ! Chaque jour nous vous faisons des propositions de recettes.
Nous avons besoin de politiques dignes de ce nom, car, pour l'heure, nous nous enfonçons dans une crise de plus en plus profonde. Nous aurons bientôt l'occasion d'y revenir : quel modèle d'agriculture voulons-nous pour demain ?
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Je veux revenir sur la comparaison des crédits pour 2025 avec ceux de 2023. Le budget 2024 était en hausse de près de 1 milliard d'euros par rapport au budget 2023. Aussi, puisque l'addition de la baisse initiale et de ce nouveau coup de rabot aboutit, pour l'exercice en cours, à une diminution globale du budget de l'agriculture de 600 millions d'euros, le budget 2025 se retrouve assez proche du budget 2023.
Seulement, en 2023, le volet forestier, et notamment l'aide au renouvellement forestier, était rattaché aux missions « Investir pour la France de 2030 » et « Plan de relance », pour 250 millions d'euros. Si l'on veut comparer ces deux budgets, il faut donc réintégrer ces lignes budgétaires dans les crédits alloués en 2023 au ministère de l'agriculture. Depuis le PLF pour 2024, en effet, il est prévu de pérenniser l'inscription de ce volet au sein du budget dudit ministère.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je veux revenir sur la méthode.
Quelques heures avant l'examen de la mission « Agriculture », comme cela a déjà été le cas hier pour les missions « Aide au développement » ou « Sport », nous découvrons de nouveaux amendements qui ont pour objet de sabrer les crédits, sans concertation ni discussion, et, surtout, sans la moindre ligne politique !
Quelles sont vos priorités ? Quelles sont vos orientations ? Il me semblait pourtant que, s'il y avait bien une priorité, c'était précisément la question agricole !
Sur toutes les chaînes de télévision et de radio, on vous entend répéter, à juste titre, qu'il y a une crise agricole et qu'il faut y répondre. Et pourtant, comme pour toutes les autres missions, vous sabrez en supprimant 284 millions d'euros de crédits – cela paraît invraisemblable !
En découle une autre question, qui a trait à la démocratie. Vous avez fait le choix de poursuivre l'examen d'un budget qui a été censuré. Vous faisiez d'ailleurs partie du gouvernement censuré, madame la ministre. Pourquoi a-t-il été censuré ? Parce que, justement, ses orientations n'étaient pas bonnes ! Or on nous demande de repartir du même projet de budget, et nous nous retrouvons dans l'impossibilité d'agir sur les recettes ! Comment pouvons-nous faire notre travail de parlementaires ?
C'est bien là le fond de la question : si vous refusez de donner des moyens à l'agriculture, au sport, à l'aide au développement, ce qui serait pourtant nécessaire pour éviter d'aller dans le mur – derrière ce budget totalement austéritaire, en effet, ce sont des lendemains très difficiles qui s'annoncent ! –, c'est tout simplement parce que vous ne voulez pas toucher aux recettes.
Vous parlez de compromis et de responsabilité. Soyez donc responsables : penchez-vous sur les recettes ! Les entreprises du CAC40, je le rappelle, ont reversé 100 milliards d'euros à leurs actionnaires en 2024.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, c'est une question bien difficile que celle-ci, pour de multiples raisons. La forme, il est vrai, n'est pas à la hauteur de l'enjeu : on aurait pu anticiper. Mais, en réalité, au regard de l'instabilité dans laquelle nous sommes, personne ne peut préparer à l'avance un budget tenable.
Franck Menonville l'a dit : entre 2023 et 2024, le budget de la mission a été accru de 900 millions d'euros. À l'époque, on disait que c'était de la « com' ». Ce n'était pas totalement faux, puisqu'une très grande partie de ces crédits n'ont pas été utilisés…
Lorsque nous avons rédigé notre rapport, la baisse pour 2025, par rapport à l'exercice 2024, était de 6,5 % en crédits de paiement, soit 300 millions d'euros. Cette baisse, nous l'avons acceptée. Par la suite, un amendement « Barnier » a été déposé pour diminuer l'enveloppe de 98 millions d'euros supplémentaires. Et, aujourd'hui, voilà qu'un amendement « Bayrou » nous est présenté, visant à supprimer de nouveaux crédits, en sorte que la baisse atteigne au total 284 millions d'euros, sans compter la réduction des crédits du Casdar. C'est cela, la réalité.
J'avoue qu'en la circonstance je suis bien en peine d'appeler à un vote très clair, « pour » ou « contre » – il est très rare que cela m'arrive…
M. Franck Montaugé. Il faut voter contre !
M. Jean-Claude Tissot. Laisse-toi aller, cher collègue ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Voter contre cet amendement, c'est ne pas accepter de dire que tout le monde doit faire des efforts. (« Ah ! » sur des travées du groupe SER.)
M. Arnaud Bazin. Oui !
M. Laurent Duplomb. S'il faut faire des efforts, et il le faut, faisons-les intelligemment, en supprimant tout ce qui emmerde les paysans, toutes les contraintes administratives qui pèsent sur l'agriculture, ou plutôt qui la surchargent ! (MM. Franck Montaugé et Jean-Claude Tissot s'exclament.)
Mme la présidente. Monsieur Duplomb, je vous invite à conclure.
M. Laurent Duplomb. Si l'argent est bien orienté, je ne suis pas défavorable à ces baisses de crédits. Le tout est que les engagements pris par le Gouvernement en matière agricole…
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.
M. Laurent Duplomb. … soient tenus, et notamment que les fameux 450 millions d'euros demandés aillent bien dans la poche des agriculteurs !
Mme la présidente. Monsieur Duplomb, votre temps de parole est écoulé.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je ne pense pas qu'il y ait, dans cet hémicycle, des collègues naïfs à propos de la situation dans laquelle nous sommes. J'ai entendu mes collègues de la majorité sénatoriale revenir sur les projets de loi de finances 2023 et 2024 ; pourtant, ils ne les ont pas votés, ces deux textes ayant été rejetés par notre assemblée. Nos collègues siégeant de l'autre côté de l'hémicycle, eux, ont beau jeu de s'étonner de la méthode, que nous avons suffisamment dénoncée.
On sait bien – les membres du RDSE, en tout cas, le savent – que des négociations ont été menées. Depuis la reprise de la discussion du projet de loi de finances, le même schéma se répète exactement pour toutes les missions : des amendements sortent du chapeau à la dernière minute et l'on nous propose des coupes rases…
Nous ne sommes pas naïfs. Ne soyez pas hypocrites, ni les uns ni les autres ! Nous savons comment cela se passe. Les négociations se font – malheureusement ! – en dehors du Parlement ! Il faut le dire.
Pour autant, compte tenu de l'ampleur des enjeux, et puisque nous partageons la volonté de réduire l'endettement du pays, nous devons faire des efforts.
Madame la ministre, ces efforts doivent-ils être supportés par les uns et par les autres dans des proportions équivalentes ? Concernant l'agriculture, je me pose la question.
Je l'ai dit lors de la discussion générale : nous manquons d'une stratégie à moyen et long terme, qui nous engage dans le temps ! C'est important.
Aussi, mon groupe s'abstiendra sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Sur cette mission comme sur toutes les missions, j'ai déposé des amendements de réduction des crédits, et plus exactement de réduction des dépenses de fonctionnement. En effet, il me semble absolument primordial que chacun participe à l'effort de réduction des déficits publics, car il serait inenvisageable que l'on reporte indéfiniment la charge de la dette sur les générations futures. Il est temps que nous prenions des mesures pour éviter que cette dette ne s'alourdisse au point de rendre totalement impossible, à l'avenir, la mise en œuvre de politiques publiques…
Dans sa réponse à la déclaration de politique générale du Premier ministre, mercredi, dans cet hémicycle, le président du groupe Union Centriste a rappelé que le progrès, dans notre pays, ne rime pas nécessairement avec un surcroît de dépenses publiques et, surtout, d'impôts. Cela est singulièrement vrai dans le cas de la mission « Agriculture ». En effet, comme l'a évoqué Laurent Duplomb, nous avons sans doute beaucoup à faire pour réduire les contraintes et les normes administratives de toutes sortes, qui empêchent l'agriculture de prospérer dans notre pays.
Nous avons des atouts agricoles ! Mais, pour des raisons diverses, nous opposons tant de contraintes au développement de l'agriculture et tant d'obstacles à la recherche de la souveraineté alimentaire, à laquelle, pourtant, nous tenons tant ! Prenons donc les choses en main. La première action à mener est bien la réduction des contraintes de toutes natures qui empêchent les agriculteurs de gagner leur vie et de surmonter les défis que nous leur demandons de relever. Commençons par faire ce travail, avant de réclamer toujours plus de crédits !
M. Laurent Duplomb. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. D'abord, sur la méthode, il n'y a de notre part aucune hypocrisie. Vous étiez membre du précédent gouvernement, madame la ministre. Vous connaissiez le budget que vous avez choisi de reprendre. Vous aviez donc tout loisir de proposer cet amendement à temps pour qu'il puisse être, à tout le moins, examiné en commission.
Ensuite, nous en avons ici la démonstration : ceux qui prétendent que l'on peut faire plus avec moins mentent aux Français ! (M. Michel Canévet ironise.) Oui, il faut des moyens pour l'action publique. Oui, il faut de la justice fiscale. L'impôt n'est pas la solution magique, mais mettre à contribution celles et ceux qui, ces dernières années, ont bénéficié des suppressions d'impôt qui ont conduit à l'endettement de notre pays est une mesure de bon sens, tout simplement. Cette mesure doit pouvoir bénéficier aux agriculteurs et à des millions de nos concitoyens qui se trouvent aujourd'hui dans la précarité.
Les préoccupations que j'ai en vue, nous ne les partageons peut-être pas tous, mais elles sont incontournables, qu'il s'agisse du revenu des agriculteurs, de la planification écologique ou du renouvellement des générations. Certes, il y a un travail à faire sur les normes, mais n'oublions pas ces sujets essentiels !
Pour atteindre ces objectifs que vous semblez partager, madame la ministre, il faut une volonté politique, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne – et force est de constater que l'on est très loin du compte. Mais il faut aussi des moyens financiers ! Vous pouvez continuer à faire de grands discours devant les organisations représentatives des agriculteurs et promettre le Grand Soir avec le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole. La réalité, c'est que les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous – cet amendement le démontre.
En définitive, vous n'ouvrez la porte qu'à une seule solution : encore et toujours, la réduction des moyens, ce qui revient à la réduction de l'ambition politique et au laisser-faire généralisé, au détriment même de nos agriculteurs.
Nous voterons évidemment contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Madame la ministre, j'ai parlé de refus d'obstacle : nous y sommes !
L'avantage de votre démarche, c'est que, les sénateurs étant forcés au fond du terrier, ils commencent à se parler entre eux, tous groupes confondus, et finissent par se mettre d'accord – et le résultat ne va pas forcément vous plaire ! (Sourires.)
Avant cela, chacun faisait cavalier seul : vous faisiez face, en quelque sorte, à 348 principautés de Monaco. Désormais, nous échangeons beaucoup, passant de travée en travée ; c'est totalement nouveau.
Votre méthode n'est pas très glorieuse, madame la ministre. Si nous avions été prévenus plus tôt, nous aurions pu participer à l'effort, car il est nécessaire – nous sommes tous d'accord, du moins du côté droit de l'hémicycle. Mais, dans ces conditions, nous le refusons. L'alerte est donnée, désormais, et il va se passer pour la mission « Agriculture » la même chose que pour la mission « Sport » : si vous vous retournez, vous ne verrez pas le moindre bras levé en faveur de votre amendement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je ne crois pas faire offense à la ministre en votant, à titre personnel, contre un coup de rabot si puissant, et présenté si tardivement, sur un budget qui concerne des professionnels dont beaucoup se trouvent en grande difficulté ; je m'y opposerai d'autant plus volontiers que cet amendement opère, de surcroît, totalement à l'aveugle, frappant tous les programmes indistinctement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux rappeler le contexte dans lequel nous nous trouvons. La France est dans une situation extrêmement difficile, vous le savez. Nous sommes au bord de la crise financière ; notre déficit est considérable ; il nous faut absolument y répondre, budgétairement, financièrement.
M. Jean-Claude Tissot. C'est votre bilan ! Nous n'y sommes pour rien !
Mme Annie Genevard, ministre. Vous êtes tous des parlementaires responsables. Vous savez le risque que la France encourt si elle ne tient pas ses comptes.
La question est donc : les restrictions budgétaires qui sont proposées dans ce budget compromettent-elles le soutien que nous apportons à nos agriculteurs et la politique agricole que conduit le Gouvernement ?
Sur ce point, il m'importe de rappeler quelques chiffres. Je donne deux exemples : près d'un demi-milliard d'euros d'allègements de charges sont prévus au bénéfice de nos agriculteurs ; un demi-milliard d'euros, de même, est consacré à l'assurance récolte contre les aléas climatiques.
Lorsque j'ai défendu ce budget pour la première fois, sous le précédent gouvernement, tout le monde, y compris les agriculteurs, s'accordait à dire que l'essentiel en avait été préservé. Les deux exemples que je viens de vous donner montrent que les crédits mobilisés sont susceptibles de répondre à la détresse que connaissent certains de nos agriculteurs dans certaines régions de France.
Si tel n'était pas le cas, je peux vous dire qu'ils l'auraient fait savoir à haute voix. Or vous n'avez pas observé de mécontentement des agriculteurs sur ce sujet particulier.
La donne a-t-elle changé dans la proposition budgétaire que je vous présente aujourd'hui ? Non : la donne n'a pas changé. Nous avons pris l'engagement de maintenir les allègements de charges sociales et fiscales qui avaient été inscrits dans la première mouture du budget, pour près de 500 millions d'euros. Nous avons maintenu le budget de l'assurance récolte. Nous avons protégé les grandes orientations de la politique agricole, que j'ai rappelées tout à l'heure. À ceux qui s'inquiètent de savoir si l'environnement sera sacrifié sur l'autel de la responsabilité budgétaire, je dis non : au contraire, dans la répartition des crédits que j'opérerai, je veillerai à protéger ce qui garantit l'avenir de l'agriculture.
Il faut donc examiner la situation avec une forme d'honnêteté intellectuelle – car il n'y a aucune malhonnêteté intellectuelle de ma part ! J'en viens d'ailleurs à un argument supplémentaire.
Le budget 2024 a été totalement atypique. C'est la raison pour laquelle les rapporteurs ont replacé le budget 2025 dans la perspective des deux précédents, celui de 2023 et celui de 2024.
Pour 2024, une augmentation considérable des budgets agricoles avait été décidée, en faveur de la planification écologique. Or ce budget n'a pas été, tant s'en faut, totalement utilisé. Aussi, lorsque Gabriel Attal a bâti le budget qu'il a transmis à Michel Barnier, les crédits non consommés ont en effet été ponctionnés. S'y ajoute la présente diminution de crédits, mais, comme cela a été dit, le projet de budget pour 2025 est identique au budget réalisé en 2024.
M. Jean-Claude Tissot. Il s'agissait de projets pluriannuels !
Mme Annie Genevard, ministre. Vous avez raison de les évoquer, monsieur le sénateur. Parmi ces projets pluriannuels, je citerai : le plan Protéines ; le plan agriculture climat Méditerranée ; le fonds hydraulique ; le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, très important à mes yeux ; le Parsada, qui doit nous préparer à la sortie des produits phytos, parce que telle est la réalité du chemin sur lequel nous sommes engagés. Tous ces projets, je veux pouvoir les poursuivre.
J'en viens aux questions de forme, dont je comprends qu'elles aient pu éveiller en vous des susceptibilités, mesdames, messieurs les sénateurs. J'ai été parlementaire et, même chargée d'une mission ministérielle, je le suis toujours. Je comprends votre irritation, mais ne restez pas bloqués sur ces questions de forme ! Vous savez combien la situation est atypique, difficile : elle nous impose à tous d'énormes efforts, y compris, pour ce qui vous concerne, l'acceptation de la rapidité avec laquelle nous vous avons proposé ces modifications budgétaires.
Je prends l'engagement de tenir compte de tout ce que vous m'aurez dit dans le cadre de ce débat sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », lorsque le temps sera venu d'opérer les répartitions de crédits au sein des différentes missions budgétaires. Soyez persuadés que votre travail ne sera pas ignoré, et encore moins méprisé.
Telles sont les raisons pour lesquelles, tout en remerciant ceux d'entre vous qui, à l'instar de M. Duplomb voilà quelques instants, ont exprimé leur soutien, je vous invite vivement à vous ranger derrière ce que propose le Gouvernement au travers de l'amendement n° II-2102.
Si nous ne le maîtrisons pas, ce budget pourrait connaître, demain, des ponctions beaucoup – beaucoup ! – plus importantes. Nous limitons la casse, j'ose le dire en employant cette expression quelque peu triviale. (« Nous voilà rassurés ! » sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, c'est un ancien agriculteur, aujourd'hui à la retraite mais connaissant bien le sujet, qui vous parle. Vous nous mettez dans une situation impossible, devant un choix cornélien !
Je ne sais pas exactement ce qu'un ministre peut ou ne peut pas faire en cours d'année, mais qu'est-ce qui vous empêche, plutôt que de supprimer aujourd'hui facialement plus de 200 millions d'euros de budget, de le faire petit à petit, au gré des besoins, via des annulations de crédits ?
En tout cas, ne nous demandez pas à nous de prendre une telle décision ce soir ! Une décision a été prise dans la nuit : nous n'avons pas été tenus au courant, la commission des affaires économiques, dont je ne suis pas membre, n'a pas eu le temps d'en discuter. C'est à l'évidence un coup de rabot ; mais nous ne savons pas où il tombera précisément.
Je le répète, vous pourriez très bien choisir d'attendre, pour affiner votre position et procéder, au moment de l'année le plus opportun, à des annulations de crédits qui permettraient d'arriver au même résultat que celui que vous nous demandez d'entériner aujourd'hui.
Par conséquent, que ceux qui ont envie de voter pour votre amendement le fassent, que ceux qui ont envie de voter contre le fassent également. Cela ne changera rien, puisque vous pourrez faire ce que vous voudrez, madame la ministre !
M. Lucien Stanzione. Bientôt les élections professionnelles…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, ce que vous dites est vrai, mais cela l'a toujours été et trouve à s'appliquer pour tout et tout le temps : une décision budgétaire peut être prise à tout moment de l'année.
Donnez-moi acte du fait que, ministre des agriculteurs, je veux tout faire pour protéger leur budget. Sinon, je sais très bien ce qu'il adviendra.
La diminution de crédits que je vous propose inclut, je le rappelle, celle qui avait d'ores et déjà été décidée sous le gouvernement Barnier. Je me tourne vers Mme la sénatrice Carrère-Gée, car elle connaît bien le sujet et pourrait vous le confirmer. Dans le rabot d'aujourd'hui, on trouve le rabot d'hier.
À l'évidence, rien ne laisse présager que nous pourrions aller au-delà d'une telle diminution, tout simplement parce que ce budget touche à des besoins tout à fait essentiels.
Croyez bien aussi, je le répète, que je vais vous écouter avec attention tout au long de ce débat. Je ne pourrai pas émettre un avis favorable aussi souvent que vous le souhaiteriez, mais ce que vous direz me permettra d'affiner la répartition des crédits envisagée, ce que je n'ai pas eu le temps de faire correctement dans les délais qui m'étaient impartis.
Si vous avez eu la patience d'écouter mon propos introductif, vous avez entendu tout ce que nous protégeons : nous protégeons tous les allègements de charges ; nous protégeons le mécanisme de l'assurance récolte ; nous protégeons les grandes orientations du ministère visant à garantir une agriculture diversifiée, qui puisse, demain, donner aux agriculteurs de quoi vivre convenablement, de quoi préparer la transition écologique et de quoi affronter les enjeux climatiques qui s'imposent à eux.
Voilà autant d'éléments de fond qui, je veux vous en convaincre, ne seront pas contredits par les chiffres en cours d'année.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-2102.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, l'autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 156 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 2 |
Contre | 321 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Claude Tissot applaudissent.)
Je mets aux voix l'amendement n° II-1412 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1416 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-775 n'est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-774 n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-1514, présenté par MM. Tissot, Lurel, Montaugé, Redon-Sarrazy et Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
|
|
|
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
|
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à renforcer les moyens de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour la mise en œuvre du programme national de recherche Environnement-Santé-Travail (PNR EST). Je tiens à préciser qu'il avait été adopté en commission des finances à l'Assemblée nationale, sur l'initiative des députés socialistes.
Le PNR EST finance des recherches sur les risques pour la santé liés à notre environnement et sur les risques pour les écosystèmes.
Il se traduit par le lancement annuel d'appels à projets, pour un montant d'environ 8 millions d'euros. Ainsi, en 2023, quarante-cinq projets ont été retenus, pour 7,4 millions d'euros.
Malheureusement, le PNR EST connaît une baisse d'attractivité due à la concurrence des appels à projets de l'Agence nationale de la recherche. Dans ce contexte, l'Anses risque de ne plus pouvoir assurer de manière satisfaisante la nécessaire production de connaissances sur cette thématique environnement-santé-travail, pourtant cruciale.
L'objet du présent amendement est donc d'apporter un soutien financier supplémentaire de 10 millions d'euros à l'Anses pour conforter sa capacité d'intervention dans ce domaine et lui permettre de répondre aux besoins.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. La commission estime qu'en l'état actuel des finances publiques un tel renforcement des moyens n'est pas envisageable, a fortiori s'il devait se faire au détriment du programme 215, qui retrace les moyens ministériels, en particulier ceux des services déconcentrés, dont nous avons besoin dans les territoires.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le programme 206 participe déjà au financement des projets du PNR EST à un niveau satisfaisant.
Avis défavorable également.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1514.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-1530, présenté par M. Duplomb, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
|
2 908 670 |
|
2 908 670 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
|
|
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
|
|
TOTAL |
|
2 908 670 |
|
2 908 670 |
SOLDE |
- 2 908 670 |
- 2 908 670 |
La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. En comparaison des 284 millions d'euros de dette supplémentaire que nous venons de voter, cet amendement va paraître de bien faible portée.
Mon idée est toute simple : supprimer la subvention pour charges de service public versée à l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite Agence Bio, dont les missions seraient reprises par FranceAgriMer.
Voilà un bon moyen de faire des économies tout en trouvant des pistes supplémentaires pour favoriser l'agriculture dans sa totalité au lieu de privilégier une agence, une de plus parmi les plus de mille que compte la France…
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Notre collègue entend s'en prendre à la subvention pour charges de service public de l'Agence Bio. Or l'on sait pertinemment que le transfert des missions évoqué se traduirait de façon quasi certaine par un recul des pratiques pourtant indispensables pour mener à bien la transition de l'agriculture.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Duplomb, le Gouvernement, dans sa recherche de marges de manœuvre pour faire des économies, a maintes fois évoqué la situation des opérateurs et des agences. Selon les cas, il est pertinent soit de les conserver, soit de les mutualiser, soit de les supprimer.
En l'espèce, vous proposez que les missions de l'Agence Bio, en tant que telles, soient internalisées ou transférées à d'autres entités.
Si l'idée, dans son principe, est évidemment intéressante et même tout à fait pertinente, il faut tout de même étudier ses modalités d'application avec les principaux intéressés pour assurer à la fois son acceptabilité et son caractère opérationnel, tout en garantissant, dirais-je, un atterrissage en douceur. Dans un moment quelque peu délicat pour eux, il faut pouvoir convaincre les acteurs concernés que leurs missions continueront bel et bien d'être exercées dans de bonnes conditions.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1530.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-1551 rectifié, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
275 000 000 |
|
275 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
275 000 000 |
|
275 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
|
|
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
||
TOTAL |
275 000 000 |
275 000 000 |
275 000 000 |
275 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos II-1553 rectifié bis, II-1548 rectifié et II-1552 rectifié, qui vont tous dans le même sens puisque les quatre ont pour objet de défendre l'agriculture biologique.
Mme la présidente. J'appelle donc en discussion les amendements nos II-1553 rectifié bis, II-1548 rectifié et II-1552 rectifié, présentés par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
L'amendement n° II-1553 rectifié bis est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
50 000 000 |
|
50 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
|
|
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L'amendement n° II-1548 rectifié est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
50 000 000 |
|
50 000 000 |
|
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
|
|
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L'amendement n° II-1552 rectifié est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
15 000 000 |
|
15 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
|
|
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
||
TOTAL |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Veuillez poursuivre, monsieur Salmon.
M. Daniel Salmon. Le vote qui vient d'être émis sur l'amendement précédent montre bien le sort que l'on entend réserver à l'agriculture biologique, et notre collègue Laurent Duplomb a toujours été clair sur ses intentions à cet égard.
Nombreux sont ceux qui ne pensent qu'à une chose : que l'agriculture biologique disparaisse ou, à défaut, qu'elle soit cantonnée dans une petite niche, pour ne gêner personne, et que l'on continue comme avant.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Pas du tout !
M. Daniel Salmon. Je ne vous donnerai qu'un simple chiffre : dans mon département, l'Ille-et-Vilaine, 2 % des eaux de surface sont de bonne qualité – 2 % ! Les coûts induits par la potabilisation, tout comme ceux qui sont liés aux maladies provoquées par cette pollution des eaux, sont colossaux.
Vouloir continuer comme avant et plaider pour que perdure le modèle dominant, c'est dramatique, et votre avis de sagesse, madame la ministre, est plus qu'inquiétant : on a besoin de l'Agence Bio !
J'en viens à la présentation de mes amendements.
L'amendement n° II-1551 rectifié tend à renforcer la politique générale de soutien à l'agriculture biologique, secouée par une crise de la demande depuis deux ou trois ans. Cette crise ne doit rien au hasard, elle est le fruit de politiques bien orchestrées : au-delà du fait que les marges réalisées sur le bio dans les grandes surfaces sont bien supérieures à celles qui sont tirées de la vente des produits conventionnels, on a petit à petit instillé un soupçon sur le bio, en promouvant des labels qui n'ont de bio que le nom et ne sont que des faux nez de l'agriculture conventionnelle. Voilà qui est plus que regrettable.
L'amendement n° II-1551 rectifié porte sur 275 millions d'euros. Cela paraît beaucoup, mais il faut mettre ce montant en regard des coûts cachés de cette agriculture qui est en train de tuer la biodiversité et, si l'on continue dans la même voie, de tuer carrément l'humanité !
Je le dis d'une manière très solennelle : je suis très inquiet, et mon inquiétude est partagée par une multitude de scientifiques. Or, dans ce monde où la désinformation fait rage, il faut savoir communiquer ; d'où, justement, l'importance de l'Agence Bio.
L'amendement n° II-1552 rectifié vise précisément à répondre aux besoins croissants de communication, afin de redonner au bio ses lettres de noblesse et de montrer combien il est bon : bon pour notre environnement, bon pour notre santé – c'est fondamental.
L'amendement n° II-1553 rectifié bis concerne l'écorégime. Ce dispositif a été totalement dilué, à force d'en faire bénéficier pratiquement tout le monde et de ne valoriser en aucune manière l'agriculture biologique. Là-contre, il faut un écorégime qui valorise ceux qui ont des pratiques vertueuses. C'est une question de santé publique, je le dis une nouvelle fois.
L'amendement n° II-1548 rectifié tend à soutenir la mise en œuvre de la loi Égalim, dont les dispositions en matière de restauration collective publique ne sont nullement respectées : seuls 7 % des produits qui y sont servis sont issus de l'agriculture biologique, bien loin des 20 % prévus ; même les obligations inscrites dans la loi en matière de repas végétariens sont méconnues, tout comme l'objectif d'atteindre un quota de 50 % de produits durables dans l'approvisionnement.
Vient un moment, madame la ministre, où il faut se donner les moyens d'agir. Je le redis, si ces actions représentent des dépenses supplémentaires, les sommes ainsi engagées ne sont pas de l'argent jeté dans la nature. Elles ont justement pour objet d'éviter ces milliards et milliards d'euros de coûts cachés dont font état de nombreuses études récemment publiées.
Nous risquons, dans quelques années, de nous réveiller avec la gueule de bois, comme cela s'est produit pour le réchauffement climatique,…
M. Laurent Duplomb. Vous êtes contre le nucléaire !
M. Daniel Salmon. … si nous laissons faire ces entreprises de désinformation qui s'efforcent de détruire l'agriculture biologique.
M. Jean-Claude Tissot. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Si la commission comprend les objectifs défendus au travers de ces quatre amendements, elle ne peut les approuver, parce qu'ils ne sont pas soutenables sur le plan budgétaire. (M. Daniel Salmon s'exclame.)
En effet, si nous adoptons ces amendements et tous ceux, car il y en a bien d'autres, qui sont de même nature, pour ne pas dire du même tonneau, nous allons épuiser les crédits pilotables, donc empêcher l'adoption d'un certain nombre d'autres amendements sur lesquels la commission des finances ainsi que, le plus souvent, la commission des affaires économiques ont émis un avis favorable.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Salmon, je ne vous cache pas que je suis profondément heurtée par les termes que vous utilisez. Vous avez dit, je vous cite en substance : « l'agriculture tue l'humanité ».
M. Daniel Salmon. Une certaine agriculture ! Je n'ai pas dit toute l'agriculture !
Mme Annie Genevard, ministre. Pensez-vous qu'en agriculture conventionnelle il n'y a que de mauvais agriculteurs, qui négligent l'environnement ? (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Vous essayez de monter les agriculteurs les uns contre les autres, madame la ministre ! C'est grave !
Mme Annie Genevard, ministre. Je suis profondément choquée que, sous couvert de défendre les agriculteurs, vous puissiez, dans cette enceinte, alors même que les débats sont filmés et que les agriculteurs vous regardent et vous écoutent, proférer de telles paroles. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Lucien Stanzione. Arrêtez, madame la ministre !
Mme Annie Genevard, ministre. Je trouve cela vraiment très grave, monsieur Salmon.
M. Jean-Claude Tissot. Vous faites des raccourcis !
M. Guillaume Gontard. Arrêtez !
Mme Annie Genevard, ministre. Je vous ai connu et vous connais plus mesuré, et je dois dire que, venant de vous, de tels propos me surprennent énormément. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Thomas Dossus. Vous pouvez vivre sans eau potable ?
M. Jean-Claude Tissot. Vous n'avez pas d'arguments !
Mme Annie Genevard, ministre. Ce n'est pas parce qu'on internalise l'Agence Bio que l'on néglige l'agriculture biologique ; pas du tout :…
M. Thomas Dossus. Mais oui…
Mme Annie Genevard, ministre. … on s'efforce seulement de rationaliser les coûts de fonctionnement et la dépense publique. Aucun responsable politique normalement constitué ne saurait s'opposer, en ces périodes de difficulté budgétaire, à une telle volonté.
Je rejoins l'avis de M. le rapporteur spécial, les dépenses qu'entraînerait l'adoption de vos amendements seraient hors de proportion eu égard aux marges de manœuvre qui nous sont permises.
Permettez-moi de vous rappeler tout de même que l'agriculture biologique souffre de plusieurs maux.
Elle pâtit notamment d'une crise de la demande. Le marché du bio, vous le savez, connaît des jours difficiles ; au point, d'ailleurs, que toute la politique qui a visé pendant des années à encourager la conversion devrait à mon sens être redirigée vers le maintien, parce que le marché est mature.
J'ai encore en mémoire les propos tenus, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, par Stéphane Le Foll, qui a théorisé l'agroécologie. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Ah !
Mme Annie Genevard, ministre. Politiquement, M. Le Foll n'est pas si loin de vous… Je le revois disant en substance : « Attention, trop de bio mettra en difficulté la filière. » (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)
S'il y a aujourd'hui tant de déconversions, c'est parce que la filière ne trouve pas son équilibre économique, tout simplement.
M. Thomas Dossus. Payez les services rendus !
Mme Annie Genevard, ministre. Entendez-moi bien, monsieur Salmon, je suis tout à fait favorable à l'agriculture biologique, évidemment. Une agriculture qui se veut de plus en plus exigeante ne saurait être condamnable ; il faut simplement qu'elle trouve son périmètre économique, ce qu'elle ne peut faire aujourd'hui en vivant de l'abondement de l'État. Ce n'est pas possible !
M. Guillaume Gontard. Ça, c'est insultant !
Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons mis sur la table plus de 100 millions d'euros en 2023, plus de 100 millions d'euros en 2024. Cette politique épuise les finances publiques sans parvenir à assurer à cette filière les conditions durables de son maintien. Ce n'est pas ainsi qu'il faut aborder la question : toutes les difficultés de l'agriculture ne peuvent pas être résolues par des subventions, par des réponses budgétaires.
M. Thomas Dossus. Vous aidez aussi l'agriculture conventionnelle, non ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, puisque nous allons passer un bout de temps ensemble, jusqu'à la fin de la soirée, je vous le dis franchement, ne cédez pas à ce genre de caricature.
Mme Annie Genevard, ministre. Je n'ai fait que reprendre les termes de M. Salmon !
M. Guillaume Gontard. Vous soutenez l'agriculture. Dont acte. Nous aussi ! (MM. Laurent Duplomb et Olivier Rietmann s'exclament.) Quand nous déposons ce type d'amendements, c'est pour soutenir non seulement les agriculteurs, mais aussi l'agriculture et son avenir.
M. Laurent Duplomb. Ah oui ?
M. Guillaume Gontard. À force de nous voiler les yeux, nous ne pourrons plus boire d'eau. J'étais tout à l'heure avec Mme la ministre Vautrin, qui me parlait des sujets de prévention, de maladie, de fertilité. Voilà tout de même des enjeux qui vont nous coûter très cher !
La question de l'eau et de sa dépollution représente déjà, à elle seule, plusieurs centaines de milliards d'euros. Allons-nous continuer ainsi ? Vous nous parlez du déficit budgétaire actuel ; je vous parle, moi, des prochains : voulez-vous contribuer à créer les déficits du futur ? Je sais bien que non. À un moment donné, il va bien falloir changer d'orientation politique.
Madame la ministre, j'ai trouvé insultants les propos que vous avez tenus à l'endroit des agriculteurs bio quand vous avez indiqué que leurs exploitations ne fonctionnaient qu'avec des aides de l'État.
Mme Annie Genevard, ministre. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Guillaume Gontard. Ce sont des gens qui travaillent, qui ont réfléchi à réorienter leur production pour servir l'intérêt général. Vous pourriez donc évoquer ce type d'agriculture en des termes plus positifs.
C'est un véritable choix politique que nous avons à faire : si nous voulons accompagner l'agriculture biologique et son développement, il nous faut, concrètement, y mettre les moyens. Tel est exactement l'objet des orientations proposées dans ces amendements, qui incarnent, précisément, des choix politiques.
Je constate que vous vous refusez à faire ces choix, préférant pérenniser un modèle dont vous décrivez vous-même toutes les problématiques – voyez où il nous mène ! –, s'agissant, notamment, de l'absence de revenus pour des agriculteurs qui n'ont plus les moyens de se rémunérer.
Voilà où nous en sommes : le temps est venu d'agir.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, la commande publique, sans être une solution magique, et si elle n'en est évidemment pas l'unique levier, est une composante essentielle du soutien à la filière bio.
Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que la région Bretagne, où je suis, dans le cadre de mon mandat de conseiller régional, chargé de ce dossier, est au rendez-vous des objectifs fixés, avec plus de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique dans ses cantines, soit une progression de 100 % en l'espace de quatre ans, entre 2020 et 2024, à l'image, aussi, de ce que beaucoup d'autres collectivités mettent en œuvre, qu'il s'agisse des départements ou des communes.
Or force est de constater que, du côté de l'État, l'exemplarité n'est pas du tout au rendez-vous. On est même très loin, madame la ministre, des ambitions affichées : je pense aux restaurants universitaires et à nos hôpitaux, mais je pourrais citer bien d'autres exemples.
Je rappelle tout de même que la loi Égalim et la loi Climat et résilience s'appliquent aussi aux restaurants collectifs dépendant de l'État. Or, dans ce domaine, alors que le soutien à la filière biologique s'impose à lui, l'État ne fait pas le nécessaire.
Je souhaiterais, au-delà des déclarations d'intention que vous pouvez nous faire ce soir, que vous œuvriez avec vos collègues du Gouvernement pour que, dans tous les restaurants collectifs qui dépendent de l'État, les règles qui s'imposent à ce même État soient effectivement respectées, à l'image de ce que les collectivités sont capables de mettre en œuvre.
En dépit des contraintes budgétaires et malgré des moyens réduits, grâce aux efforts consentis en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, en appui des associations, en lien avec nos agents de restauration, qui font un travail exceptionnel, avec le concours des élèves, qui sont mobilisés, les collectivités, elles, se montrent capables d'absorber des coûts qui peuvent être un peu plus élevés.
En réalité, lorsque nous privilégions, comme dans nos services de restauration collective, des produits de qualité, de proximité, le « fait maison », nous arrivons à maintenir les prix, à soutenir nos agriculteurs et à leur garantir une juste rémunération.
Madame la ministre, il serait bon que l'État soit tout d'abord exemplaire chez lui !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Permettez-moi de revenir sur vos propos, madame la ministre. Je n'ai certainement pas vos compétences ministérielles : je suis juste paysan. Pratiquant une agriculture classique, conventionnelle, dans une exploitation qui n'a jamais été en bio, je ne pense pas avoir empoisonné qui que ce soit. Malgré tout, il est des réalités qui s'imposent à nous, parce qu'elles sont simplement factuelles, et ce que nous a dit mon collègue Daniel Salmon sur la qualité de l'eau est prouvé et indiscutable.
Vous affirmez que les exploitations bio ne vivraient que de primes. Ici, dans cet hémicycle, nous sommes quelques exploitants agricoles, qui touchons, pour nos exploitations conventionnelles, un certain nombre de primes. Faisons la comparaison avec les primes dont bénéficie le bio : c'est quand vous voulez ! Le résultat pourrait vous surprendre, madame la ministre…
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Madame la ministre, si nous abordons des sujets d'une telle importance en nous contentant de postures, le débat va devenir assez vite compliqué. Je regrette que vous n'ayez retenu pour le traiter que le prisme économique, et encore, Jean-Claude Tissot vient de le dire très justement, en ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments.
On pourrait ainsi intégrer le coût de l'inaction et de la réparation climatiques et environnementales. En définitive, c'est plutôt vous qui avez opposé agriculture biologique et agriculture conventionnelle, en disant que la première, je le traduis ainsi, n'était pas totalement viable économiquement.
Mes collègues l'ont rappelé, commençons par respecter ce que la loi prévoit déjà, ce qu'elle permet et ce qu'elle exige. Les chiffres en la matière sont incontestables, les obligations inscrites dans la loi Égalim pour ce qui est de la part de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective ne sont pas respectées.
Prenons aussi en compte l'impact de la non-action climatique pour fixer les moyens que nous devons mobiliser pour réparer les erreurs qui ont été faites en matière agricole : ainsi aborderions-nous le débat d'une manière beaucoup plus juste et apaisée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite insister sur le volet de la prévention en santé, sujet qui m'intéresse et que je suis de près.
Force est de constater qu'en dépit des plans nationaux santé-environnement (PNSE) la prévention représente seulement 3 % du budget de la sécurité sociale.
Faisons un parallèle : quand les laboratoires pharmaceutiques, et en particulier Big Pharma, négocient le prix d'un médicament, ils veulent que soient prises en compte les économies futures induites par l'utilisation du produit, qui fera baisser le nombre d'hospitalisations et de pathologies lourdes ou chroniques à traiter. Pourquoi ne pas procéder selon la même logique pour ce qui est de l'agriculture biologique ?
L'agriculture biologique, mes collègues l'ont dit, est un élément essentiel de la prévention en santé. De multiples exemples attestent ainsi que la qualité de l'eau a des répercussions sur la santé, et l'on connaît le lien entre prévalence des cancers et facteurs environnementaux. J'y insiste, il est prouvé que la progression actuelle de ces maladies dans nos pays a des causes environnementales.
Un soutien à l'agriculture bio représenterait, certes, une dépense immédiate et de court terme. Mais gouverner, c'est ne pas se contenter de vues à court terme : c'est s'inscrire dans le long terme.
Or, à long terme, cette dépense aurait pour effet de réduire le nombre des pathologies chroniques, des hospitalisations et des cancers, donc les coûts énormes que tout cela entraîne. Il faut savoir que les prix des médicaments innovants destinés à guérir les cancers représentent une très grande partie des dépenses inscrites dans le PLFSS !
Je le répète, les mesures ici proposées représentent bien, à court terme, une dépense, mais elles relèvent, sur le long terme, de la prévention. Et, puisque gouverner c'est prévoir – on le dit suffisamment –, il est toujours bon de prendre en compte ce volet de la prévention.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suis un peu déçu, et même désolé, que nous ayons ce débat, et que l'on oppose ainsi les agriculteurs les uns aux autres.
M. Laurent Duplomb. Eh oui…
M. Franck Montaugé. Ce n'est pas nous qui le faisons !
M. Thomas Dossus. On peut remercier Mme la ministre…
M. Daniel Gremillet. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et de respect, mes chers collègues ; j'aimerais que vous fassiez de même : c'est important !
Avec les membres de la commission des affaires économiques – j'en prends à témoin notre présidente, Dominique Estrosi Sassone –, et en particulier avec Anne-Catherine Loisier, nous avons passé beaucoup de temps en auditions sur ce sujet.
En réalité, et tel est d'ailleurs le piège de la loi Égalim, on s'éloigne tout doucement de ce que le consommateur souhaite acheter. C'est pour cela que je suis triste !
Un certain nombre d'entre nous avons été, dans une autre vie, actifs dans le domaine agricole, d'une façon ou d'une autre. Je pourrais vous parler, par exemple, de ce que j'ai fait en tant que président de chambre d'agriculture voilà plus de trente ans : j'ai engagé le premier technicien conseil en agriculture biologique au sein du département des Vosges…
À force de laisser croire que le marché est extensible et qu'il peut sans cesse absorber des volumes supplémentaires, on a menti aux paysans qui se sont engagés dans la reconversion de leur exploitation, car, au bout du compte, nous n'avons pas eu les marchés et les consommateurs n'ont pas été au rendez-vous !
Opposer les agriculteurs entre eux, faire croire que seuls ceux qui travaillent en bio ont permis aux Français de mieux vivre et de mieux s'alimenter, c'est une erreur. L'agriculture française a contribué d'une manière générale à ce que les Français soient mieux nourris et à améliorer leur sécurité alimentaire. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Mais si, mon cher collègue !
Il n'est pas imaginable de s'en remettre, pour faire vivre l'agriculture biologique, à la seule commande publique. Regardons ce que le consommateur est prêt à dépenser, au quotidien, pour se nourrir ; alors nous tomberons tous d'accord !
Je remercie les rapporteurs spéciaux pour l'avis qu'ils ont émis au nom de la commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Ce débat est symptomatique ! Notre pays pourrait être fier de son agriculture, qui est la plus respectueuse au monde de l'environnement.... (Il l'est ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Franck Montaugé. Il en est fier !
M. Jean-Claude Tissot. Et nous le sommes !
M. Laurent Duplomb. Nous avons une agriculture familiale, présente sur la totalité de nos territoires, qui a réduit de 95 % le recours aux molécules dangereuses classées CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) de catégorie 3.
Nous avons une agriculture qui a diminué, du mieux qu'elle a pu, toutes les atteintes possibles et imaginables à l'environnement. Et, malgré cela, d'aucuns continuent à s'y opposer en vertu d'un dogme politique soutenu en particulier par la gauche, qui est le suivant : seule l'agriculture biologique est bonne, le reste vous empoisonne.
M. Jean-Claude Tissot. J'ai dit l'inverse !
M. Laurent Duplomb. Telle est la réalité de vos discours, mes chers collègues ; ils sont inaudibles !
Les agriculteurs, je le rappelle, vivent en moyenne trois années de plus que l'ensemble des Français. Si l'agriculture conventionnelle était aussi dangereuse, elle commencerait par tuer les agriculteurs avant de tuer le reste de la population… Trois années de plus d'espérance de vie, c'est factuel ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Jean-Claude Tissot. Et les maladies professionnelles ?
M. Laurent Duplomb. Si vous continuez à taper sur le monde agricole, il y a aura de moins en moins d'agriculteurs et d'installations, et l'on ouvrira encore un peu plus grand les portes à l'importation !
Il ne faut tout de même pas oublier que le rendement des surfaces exploitées en bio est inférieur de 30 % à 50 % en volume à celui de l'agriculture conventionnelle.
MM. Thomas Dossus et Daniel Salmon. Ce n'est pas vrai !
M. Laurent Duplomb. Cela signifie que, pour nourrir la même population avec des produits biologiques, il faut importer des denrées en provenance de continents qui déforestent pour produire… C'est ce modèle d'agriculture dont vous êtes les promoteurs pour demain !
Mme Émilienne Poumirol et M. Michaël Weber. Caricature !
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. On voit bien ici qui désigne qui, qui fabrique des oppositions, qui monte les uns contre les autres…
Oui, c'est vrai, nous pouvons être fiers de notre agriculture, et nous le sommes. Vous avez raison, d'énormes progrès ont été accomplis en matière de respect de l'environnement, notamment par le biais d'un certain nombre de normes qui ont été imposées aux agriculteurs. On peut donc remercier aussi cette régulation normative dont vous voulez la suppression !
D'aucuns, à droite, disent qu'il faut laisser le marché s'orienter au gré du choix des consommateurs. Mais, je vous le dis, si l'on propose au consommateur du poulet ukrainien trois fois moins cher que le poulet français, celui-ci choisira le poulet ukrainien !
M. Laurent Duplomb. C'est ce qu'il fait déjà !
M. Thomas Dossus. On le voit bien, l'agriculture est un marché spécifique et les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres. En ce domaine, il faut des règles, de la régulation et des choix politiques : il y a des modèles à défendre.
Oui, certains modèles sont plus vertueux que d'autres pour l'environnement. Lorsqu'il y a moins d'intrants dans le sol, il est évident que les nappes phréatiques sont moins polluées : ce n'est pas un dogme, c'est prouvé par la science !
Des territoires entiers ont été pollués par l'utilisation de pesticides, comme le chlordécone, dont on continue de subir les conséquences. Sur ces questions-là, mes chers collègues, il faut savoir se remettre en question !
Concernant la longévité des agriculteurs, il faut faire attention à ce que l'on dit, et notamment aux causes et aux conséquences. Le fait que les agriculteurs travaillent en plein air et exercent un métier physique – j'allais dire « sportif » – est un facteur de longévité : ainsi s'explique notamment la statistique qui a été citée par notre collègue. (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Il ne faut donc pas raconter tout et n'importe quoi !
Je pense, pour ma part, que l'on ne rémunère pas suffisamment les services rendus à la nature, à l'environnement, à nos nappes phréatiques, par le modèle de l'agriculture biologique. Il est important de faire le choix du soutien à cette filière.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Quoi qu'il en soit des dissensions qui s'expriment ici, je ne pense pas que quiconque dans cet hémicycle soit opposé à un modèle d'agriculture ou à un autre… La grandeur de la France réside dans ses agricultures, qu'il s'agisse de production conventionnelle, biologique ou à haute valeur environnementale (HVE). Là n'est pas la question.
À titre personnel, et parce que je suis favorable aux écorégimes, je soutiendrai l'amendement n° II-1553 rectifié bis.
L'aide à la conversion à l'agriculture biologique passe par des financements étatiques, européens, régionaux et départementaux. Défendant une conception de l'agriculture qui intègre les paiements pour services environnementaux (PSE), je considère qu'il est essentiel de soutenir les agriculteurs qui rendent des services à la société, notamment en préservant la qualité de l'eau, en favorisant la restructuration des sols par les matières organiques et en contribuant, de manière générale, à l'atteinte de nos objectifs climatiques.
Il est essentiel de soutenir ces agriculteurs, disais-je : il y a de l'argent public pour ce faire et leur engagement mérite une reconnaissance.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Je crois que nous ne réussirons pas à nous mettre d'accord, mais nous le savions…
Madame la ministre, j'ai noté un point que vous avez évoqué à bas bruit : votre volonté d'examiner les crédits de la conversion en vue de les flécher sur l'aide au maintien de l'agriculture biologique. Il s'agit d'une demande très forte, qui n'a pas été satisfaite, et il serait bon que vous puissiez prendre un engagement à cet égard.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. J'espère apporter un peu d'apaisement dans ce vif débat portant sur les amendements de M. Salmon.
La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre l'agriculture biologique. La défense de ce modèle d'agriculture a toute sa place dans la politique du ministère, et ce depuis des années !
Pour vous en convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à rappeler que, au titre des aides pérennes, l'agriculture biologique bénéficie chaque année des 109 millions d'euros du crédit d'impôt qui lui est dédié.
M. Laurent Duplomb. Super…
Mme Annie Genevard, ministre. Nous consacrons 50 millions d'euros à l'écorégime.
Nous accordons au fonds Avenir Bio, via la planification écologique, un budget qui a été porté à 18 millions d'euros par an.
Nous abondons le budget de communication de l'Agence Bio, à hauteur de 5 millions d'euros par an, pour soutenir une campagne de communication massive sur la consommation des produits bio.
Enfin, nous soutenons la valorisation des produits bio au travers de la loi Égalim, laquelle a fixé l'objectif d'au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bio, dans les menus servis par les restaurants collectifs sous gestion publique. Ce choix – je le rappelle pour rebondir sur l'allusion faite par le sénateur Gremillet – met d'ailleurs en difficulté certains intendants, à qui il arrive de devoir choisir entre les productions des agriculteurs locaux, qu'ils voudraient encourager, et des produits de l'agriculture biologique qui ne sont pas toujours disponibles à proximité ; mais c'est un autre débat, sur lequel nous reviendrons.
L'État reconnaît donc l'importance de l'agriculture biologique : il soutient l'agriculture biologique.
M. Jean-Claude Tissot. En supprimant les aides au maintien ?
Mme Annie Genevard, ministre. La question est de savoir si l'on peut consacrer à ce soutien, comme vous le souhaitez, monsieur Salmon, 325 millions d'euros ! (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
Le rapporteur a dit que cela n'était pas raisonnable, et nous disons de même.
Quant à celui de vos amendements qui prévoit un abondement de crédits de 50 millions d'euros, il pose un problème réglementaire : on ne peut pas revoir les dispositions européennes de notre seule initiative, c'est techniquement impossible ! (M. Franck Montaugé s'exclame.)
Je réitère donc mon avis défavorable sur ces amendements.
M. Jean-Claude Tissot. Et les PSE ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1551 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1553 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1548 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1552 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-1496 rectifié bis, présenté par MM. Tissot, Lurel, Montaugé, Redon-Sarrazy et Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
659 000 000 |
|
298 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
509 000 000 |
|
298 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
150 000 000 |
|
|
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
||
TOTAL |
659 000 000 |
659 000 000 |
298 000 000 |
298 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à rétablir les crédits dédiés à la planification écologique à la hauteur de ceux qui avaient été promis et votés dans le précédent budget.
En effet, le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait de mobiliser 1 milliard d'euros pour engager concrètement cette transition, via la création de nouvelles lignes budgétaires au sein de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Notre groupe avait à l'époque salué cette disposition, même si nous étions déjà très sceptiques concernant sa mise en œuvre et la volonté réelle du gouvernement d'alors de respecter ses engagements. Malheureusement, les faits nous ont donné raison et, un an plus tard, le constat est sans appel : une baisse de près de 70 % des crédits consacrés à la planification écologique se conjugue à de nombreux renoncements législatifs et réglementaires en matière environnementale, tendance qu'a priori vous avez bien l'intention, madame la ministre, de poursuivre.
Ce renoncement budgétaire est injustifiable à deux titres.
D'une part, il démontre une nouvelle fois l'incapacité de votre gouvernement à prendre réellement en compte l'urgence climatique et la nécessité d'opérer un virage agroécologique majeur et rapide, dans l'intérêt même des agriculteurs, qui sont les premières victimes des dérèglements climatiques.
D'autre part, il témoigne du peu de considération que vous avez pour le Parlement et pour la parole publique.
Comment justifier un tel revirement opéré en moins d'un an ? Vos arguments sont loin de nous avoir convaincus… Cela revient en quelque sorte à s'asseoir sur le vote du Parlement.
Comment justifier la non-dotation de lignes budgétaires entières concernant le plan Protéines, le diagnostic carbone ou la défense des forêts contre l'incendie, ou encore la baisse drastique des crédits dédiés au pacte en faveur de la haie ou au plan de souveraineté alimentaire ?
Au total, madame la ministre, ce qui transparaît à la lecture des documents de présentation de ce projet de budget, c'est une forme de cynisme. Pour justifier et assumer ce renoncement, vous n'évoquez quasiment pas le budget pour 2024 et vous vantez un budget stable par rapport à celui de 2023. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de rétablir les crédits de la planification écologique à hauteur de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin que la parole donnée soit respectée.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Klinger, rapporteur spécial. Nous n'avons tout simplement pas les moyens de rétablir à l'identique les crédits prévus dans le projet de budget pour 2024.
En outre, mon cher collègue, j'appelle votre attention sur le fait que l'adoption de votre amendement signifierait une augmentation de la dépense de 659 millions d'euros. À ce rythme, il est certain que nos discussions de la soirée vont se trouver raccourcies… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Vous évoquez le budget 2023, monsieur le sénateur ; mais il faut citer également le budget 2024 ! Tout bien pesé, le budget 2025 équivaut au réalisé 2024 ; vous ne pouvez donc pas dire qu'il y a un effondrement des crédits : si l'on tient compte de l'exécution, c'est, d'un exercice à l'autre, la même épure budgétaire.
Le budget 2024 avait en effet un caractère atypique et il a été sous-consommé pour ce qui concerne la ligne dédiée à la planification écologique.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je suis désolé, madame la ministre, mais cet argument n'en est pas un ! C'est le même, ou presque – « oui, le budget baisse, mais il n'a pas été consommé… » –, qui est d'ailleurs également invoqué concernant le fonds vert.
Que s'est-il passé, dans un cas comme dans l'autre ? En réalité, les acteurs locaux sont perdus par les messages que vous envoyez !
Car, sans même parler de la dissolution et de la valse des gouvernements, on ne peut que constater l'instabilité des mesures et les changements de pied permanents, les vôtres et ceux de vos prédécesseurs. D'un côté, vous affirmez votre soutien à la planification écologique ; de l'autre, vous dites aux agriculteurs que, le combat essentiel étant l'allègement normatif, ils n'ont pas à s'inquiéter : le Gouvernement sera à leurs côtés même s'ils diminuent leur engagement en faveur de la transition…
Forcément, à l'arrivée, la consommation des crédits n'est pas à la hauteur des attentes ! C'est l'évidence même.
Je prends un autre exemple pour illustrer cette situation, celui des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec). Nous avons dû, les uns et les autres, mener une bataille acharnée, à la fin de l'année 2023, pour faire simplement respecter la parole de l'État lorsqu'il s'est agi de trouver des crédits afin de soutenir les agriculteurs qui, en nombre, se lançaient dans cette démarche.
Lorsque vous galérez à ce point pour obtenir des financements qui vous étaient dus, vous vous dites que la parole de l'État, de la puissance publique, n'a plus de valeur ; évidemment, vous faites machine arrière ! Et si d'aventure vous ne vous êtes pas encore inscrit dans une telle démarche, vous ne pouvez pas ne pas vous demander s'il est bien raisonnable de solliciter des dispositifs qui, de toute façon, ne seront pas au rendez-vous.
Vous voyez bien qu'il y va d'une responsabilité globale, qui suppose une stabilité des moyens financiers, mais aussi du message politique, s'agissant de priorités qui concernent en premier lieu les agriculteurs. Encore une fois, madame la ministre, ce sont eux que nous défendons au travers de cet amendement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-1496 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-1258 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Gold et Grosvalet, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
272 000 000 |
|
305 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
272 000 000 |
|
305 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
||
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
|
|
TOTAL |
272 000 000 |
272 000 000 |
305 000 000 |
305 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. La forêt est l'un des chantiers prioritaires de la planification écologique compte tenu de ses répercussions sur la production de bois, le stockage de carbone et la préservation des écosystèmes.
Les actions sont donc nombreuses : amplification des actions de prévention contre les incendies ; reconstitution des forêts touchées par des sinistres, tels que les attaques de scolytes ou les incendies ; adaptation des forêts identifiées comme vulnérables face aux effets du changement climatique, etc.
Il est d'autant plus urgent de soutenir ce secteur que, selon le département de la santé des forêts (DSF), le taux de plantations en échec, c'est-à-dire dont au moins 20 % des plants sont morts ou disparus, a atteint un niveau inédit de 38 % en 2022, année de sécheresses et de canicules, contre 24 % en 2023, taux plus proche de la moyenne 2015-2022.
Ce constat devrait nous alerter quant au risque que les conditions de plantation deviennent durablement moins propices, et inciter à accélérer l'adaptation. Pourtant, ce projet de loi de finances prévoit de diviser par deux les crédits visant à financer le renouvellement forestier.
Cet amendement a en conséquence pour objet de rétablir, à hauteur de ceux qui furent proposés pour 2024, les crédits alloués à la filière forêt-bois, dans une logique de prévention qui est celle que je défends.
Mme la présidente. L'amendement n° II-335 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Menonville et Tissot, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
22 000 000 |
|
22 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
22 000 000 |
|
22 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
|
||
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
|
|
|
|
TOTAL |
22 000 000 |
22 000 000 |
22 000 000 |
22 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à porter les crédits de l'enveloppe « forêt » de la planification écologique à 250 millions d'euros, contre 228 millions inscrits dans le projet de loi de finances, afin de sanctuariser 150 millions d'euros sur la ligne relative au renouvellement forestier, ainsi que 10 millions d'euros pour le soutien à la filière graines et plants forestiers.
Après des débuts laborieux, une dynamique s'est enclenchée depuis trois ans ; il est tout à fait important de la maintenir, car toute cassure désorganiserait la filière et ses différents maillons, au premier chef les plantations et les entreprises de travaux forestiers. Le secteur a désormais atteint sa vitesse de croisière ; je le répète, ne cassons pas cet élan !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Le premier de ces amendements en discussion commune vise à rétablir 272 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 305 millions d'euros de crédits de paiement.
Il faut traiter la question forestière, c'est entendu, mais il est impossible d'accepter cet amendement, car il bousculerait l'architecture budgétaire.
Le second amendement, celui de la commission des affaires économiques, porte sur la même thématique ; il est plus raisonnable. Compte tenu des contraintes budgétaires, la commission des finances souhaite connaître l'avis du Gouvernement avant d'émettre un avis définitif.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Vous connaissez les modifications de périmètre qui ont été introduites à la suite de la nomination du nouveau gouvernement…
La forêt relève pour une bonne part, désormais, du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Ça va rassurer la filière !
Mme Annie Genevard, ministre. L'idéal eût été que Mme la ministre de la transition écologique soit au banc pour vous répondre ; elle ne l'est pas, mais ses équipes ont préparé les éléments qu'elle souhaitait vous communiquer lors de ce débat.
Le Gouvernement a conscience des enjeux liés à la forêt et reste convaincu qu'il faut poursuivre l'effort financier engagé en 2024 en faveur d'une meilleure connaissance de la forêt, de son renouvellement et de la structuration de la filière forêt-bois. Cela étant, la ligne intitulée « renouvellement des forêts » porte l'intégralité des crédits de la planification pour 2025. Il convient donc de lire que l'enveloppe de 228 millions d'euros est consacrée à l'ensemble des mesures forestières de l'action n 29 du programme 149.
Il semble donc prématuré, monsieur le rapporteur spécial Lurel, de procéder dès à présent à un nouvel abondement des montants, compte tenu du manque de recul que nous avons sur les besoins réels des différents secteurs.
En effet, il faut – c'est de bonne stratégie – recueillir les attentes de la profession avant de procéder au fléchage des sous-enveloppes dédiées.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je retire l'amendement n° II-1258 rectifié bis au profit de l'amendement n° II-335 rectifié de la commission des affaires économiques.
Mme la présidente. L'amendement n° II-1258 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je tiens à insister sur la nécessité d'abonder ces crédits dédiés au renouvellement de nos massifs forestiers. Nous sommes tous totalement conscients de ce qui se passe dans les forêts ; je pense notamment à celles du Jura, qui sont en train de dépérir à grande vitesse.
Il ne faut pas désarmer, madame la ministre ! En matière de politique forestière, lancer des investissements pour mieux les stopper revient à ruiner les fonds publics qui ont été mobilisés ces dernières années ; il sera en effet impossible, le cas échéant, de relancer la dynamique impulsée en matière de plants, de graines et de renouvellement.
Je sais que vous êtes consciente de ce problème ; je vous invite donc à en reparler avec votre collègue, et surtout à vous tenir aux côtés des acteurs qui se battent sur le terrain pour assurer la survie de nos forêts et faire en sorte qu'elles continuent à jouer, dans les décennies à venir, le rôle inestimable qui est le leur en matière de stratégie bas-carbone, de matériaux et de bois-énergie.
Il est absolument nécessaire de continuer à investir les sommes qui avaient été engagées par le précédent gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, je comprends votre embarras, ce sujet n'étant plus dans le périmètre de votre ministère. Mais je tiens à insister sur l'importance de cet amendement présenté par Laurent Duplomb et Franck Menonville au nom de la commission des affaires économiques.
Il est important pour deux raisons.
Premièrement, aujourd'hui, des communes demandent des dérogations parce qu'elles n'ont pas obtenu à temps les plants destinés à être plantés en forêt dans le cadre du plan de relance ! Par ailleurs, et il ne faut pas négliger cet élément, nous avons tous envie que la forêt se porte bien.
Cet amendement vise à reconquérir une capacité de plantation. En effet, nous souhaitons faire des arbres qui résistent le mieux aux maladies et aux mauvaises conditions climatiques des porte-graines, précisément parce que leur résistance est plus grande que celle des plants que nous pourrions importer. D'où l'intérêt de disposer d'une véritable filière !
Ce sujet est stratégique pour nos territoires et pour la forêt : nous devons nous donner les moyens de son renouvellement, donc d'une amélioration de sa résistance. Les collectivités et les bénéficiaires du plan de relance ne comprendraient pas qu'on leur refuse ces dérogations, pour l'obtention desquelles ils nous sollicitent tous. La date limite approche, et les plants promis ne sont toujours pas disponibles !
Deuxièmement – j'ai évoqué ce point –, il convient de produire localement pour obtenir une meilleure résistance des plants destinés à notre forêt.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Je veux dire publiquement, pour que cela soit bien noté, qu'il est pour le moins particulier que la forêt ait été basculée, du jour au lendemain, d'un ministère à un autre. Il devient difficile, dans ces conditions, de donner une vision et un cap…
M. Jean-François Rapin. Même chose pour la pêche !
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Elles ont certes un impact environnemental, mais il s'agit tout de même avant tout, dans les deux cas, d'activités économiques. Selon moi, ces secteurs qui relèvent désormais du ministère de l'environnement étaient bien mieux au ministère de l'agriculture. Mais c'est ma vision personnelle : elle n'engage que moi.
Par ailleurs, nous avons dit très clairement, et Mme la ministre de l'agriculture était d'accord avec nous, que nous étions contre la suppression de 13 ETP au CNPF. Il est hors de question de toucher à ces emplois, car, comme l'a dit Daniel Gremillet, les agents concernés accompagnent les propriétaires dans la mobilisation de la ressource bois et l'aménagement des parcelles.
Dans l'intérêt de l'économie française, il faut s'en tenir à cette ligne et non l'abandonner au profit d'une vision dogmatique !
Mme la présidente. Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement restant en discussion ?
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Au bénéfice des observations faites par Mme la ministre, après avoir entendu les uns et les autres, et après concertation avec mon corapporteur, j'émets un avis de sagesse. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-335 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-1502 rectifié, présenté par MM. Tissot, Lurel, Montaugé, Mérillou, Redon-Sarrazy et Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Pla, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
200 000 000 |
|
200 000 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation dont titre 2 |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture dont titre 2 |
|
100 000 000 |
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100 000 000 |
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
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TOTAL |
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La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° II-1496 rectifié bis, qui avait pour objet de rétablir les crédits dédiés à la planification écologique.
En l'espèce, il s'agit plus spécifiquement de rétablir les crédits dédiés à la dynamisation de l'aval bois-matériaux à la hauteur des engagements pris en 2024. Pour 2025, cette sous-action de l'action n° 29 n'est en effet plus du tout dotée.
Pourtant, la structuration de la filière de transformation du bois est essentielle pour offrir des débouchés et des perspectives économiques à nos producteurs tout en l'intégrant aux objectifs de décarbonation de notre économie via notamment la stratégie nationale bas-carbone.
Le secteur de la construction est à cet égard un secteur d'avenir pour la filière bois. Mais encore faut-il que les moyens financiers nécessaires soient engagés pour permettre l'essor d'une industrie de la transformation du bois français compétitive et adaptée aux enjeux actuels.
Cet amendement vise donc à rétablir la ligne budgétaire concernée à hauteur de 200 millions d'euros pour 2025.
(À suivre)