M. Franck Montaugé. En tout état de cause, la diminution faramineuse de ces crédits ne saurait recueillir un avis favorable de notre groupe ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le moment historique que vit actuellement notre pays induit des méthodes anormales et même détestables dans le fonctionnement de notre institution.

Ainsi, des amendements du Gouvernement sont déposés à la hussarde, sans partage ni respect, au dernier moment – en l'espèce, à midi et quart, et pour presque 290 millions d'euros !

Les comptables, madame la ministre, ont pris le pouvoir, sur les élus, sur les ministres. Hier soir, lors de l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », même les pur-sang, défenseurs de la réduction de la dépense, ont refusé l'obstacle. Ainsi l'amendement du Gouvernement visant à réduire les crédits de cette mission a-t-il été rejeté à l'unanimité.

Vous connaissez la situation désastreuse de l'agriculture, que j'ai déjà trop souvent décrite. Notre groupe comprend bien sûr la nécessité de participer à l'effort budgétaire, compte tenu de la situation financière de notre pays, mais, je vous en prie, madame la ministre, restons équitables et respectueux en examinant les budgets de votre ministère. Ne cédons pas à la caricature comptable du hachoir de Bercy !

La France a besoin d'un budget raisonnable. Les agriculteurs, qui font face à de nombreux aléas, ont besoin d'un budget tout aussi raisonnable, gage du respect et du soutien promis par l'ancien Premier ministre Gabriel Attal et par l'ancien ministre de l'agriculture Marc Fesneau.

Je pense aux éleveurs confrontés aux questions sanitaires ; je pense aux céréaliers confrontés aux aléas climatiques ; je pense aux viticulteurs confrontés à une conjoncture structurelle désastreuse.

Madame la ministre, je tiens ici à vous remercier, car je sais que vous avez pesé de toutes vos forces et de tout votre poids politique pour défendre ce budget, mais, aujourd'hui, nous traînons un boulet, celui d'un budget pour la France construit par un ancien ministre de l'agriculture, devenu ministre de l'économie, ayant eu à gérer les affaires courantes à la suite d'une dissolution reconnue comme catastrophique, et qui n'assurera pas le service après-vente, car il est parti sous d'autres cieux.

C'est un boulet, car – nous le savons bien, nous, les agriculteurs – la récolte est compromise lorsque le semis est raté, et même elle promet d'être calamiteuse, quand bien même nous ressèmerions deux ou trois fois notre champ.

La copie va encore évoluer lors du conclave de la CMP ou, pis, après recours à l'article 49.3. Pour éviter de tels procédés, à nous dans cet hémicycle d'être créatifs au dernier moment, comme nous l'avons été hier soir en trouvant une solution qui n'était pas forcément celle du ministre au banc.

Je parlerai des missions et des programmes au cours du débat d'amendement. Mais je constate d'ores et déjà que le coup de hache qui va frapper les crédits de cette mission ne s'abattra pas, comme par hasard, sur les opérateurs, dont certains voient leur budget connaître une progression pour le moins surprenante !

De ce ministère, le « petit Matignon », dévitalisé par la volonté des technocrates avec l'aval de médiocres ministres, il ne restera pas grand-chose. Edgard Pisani doit réellement se retourner dans sa tombe…

Dans les semaines à venir, nous aurons également l'occasion d'examiner de nombreux textes agricoles, notamment la proposition de loi de nos collègues Duplomb et Menonville visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, ainsi que le projet de loi – maudit – d'orientation agricole, dont l'examen a été reporté à trois reprises. Tout ne se jouera donc pas dans ce projet de loi de finances, madame la ministre, et nous continuerons à attendre beaucoup de votre part.

Nos agriculteurs peuvent manifester et exprimer leur colère, mais ils sont lassés de ne pas être pris en considération et de ne pas voir poindre de solutions. Pourtant, nous ne saurions transiger sur notre avenir agricole et alimentaire.

Ainsi, dans cette période budgétaire inédite, le groupe Les Indépendants a-t-il une ligne claire. Nous participerons à l'effort financier pour 2025, mais nous n'attendrons pas plus longtemps les indispensables réformes. Dans cette optique, bien sûr, nous voterons les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances pour 2025 s'ouvre dans un contexte des plus délicats pour le monde agricole français. Alors que les agriculteurs ont exprimé leur mécontentement il y a désormais un an, les solutions à leurs difficultés n'ont pu être votées jusqu'à présent, en raison de la dissolution au mois de juillet dernier, puis de la censure du Gouvernement au mois de décembre dernier.

À cela s'ajoute une conjoncture économique nationale dégradée, marquée notamment par une inflation persistante, un ralentissement de la croissance et un déficit public important.

Ce contexte n'est pas neutre. Il oblige à faire des choix responsables pour respecter les engagements de la France. Il impose également plus d'efficience dans la dépense publique, notamment dans les secteurs qui en ont le plus besoin, comme l'agriculture.

L'agriculture française, pilier fondamental de notre souveraineté alimentaire, est garante de l'équilibre de nos territoires. Elle est confrontée à des défis immenses : renouvellement des générations, adaptation au changement climatique, compétitivité des exploitations, augmentation des coûts de production, concurrence internationale accrue et résilience face aux crises sanitaires.

Dans les territoires ruraux, et plus encore dans les départements à forte activité d'élevage, ces défis sont vécus avec une acuité particulière. Nos éleveurs, en première ligne face à ces défis, doivent être accompagnés par des politiques publiques ambitieuses et cohérentes.

L'élevage constitue un secteur stratégique non seulement pour l'économie de nos territoires, mais aussi pour la préservation de nos paysages et de notre biodiversité. Il est donc crucial que les mesures budgétaires répondent pleinement aux besoins de ce secteur vital.

Il est ainsi possible de reconnaître les efforts du gouvernement précédent pour maintenir un soutien global au secteur agricole, malgré les contraintes budgétaires. Ainsi la progression des crédits sur deux ans, +12 % en crédits de paiement et +15 % en autorisations d'engagement par rapport à 2023, et certaines mesures fiscales et sociales, telles que la suppression de la hausse de la fiscalité sur le GNR et le maintien d'un avantage fiscal pour l'élevage bovin, allaient dans le bon sens.

Toutefois, les inquiétudes subsistent. Ainsi la baisse des financements compromet-elle la modernisation des infrastructures agricoles et la situation des agriculteurs engagés dans la transition agroécologique.

D'autres points sont à déplorer.

D'abord, je regrette, comme les rapporteurs, dont je salue le travail et les propositions, la stagnation des crédits de l'accompagnement à l'installation et à la transmission en agriculture, alors qu'il faut soutenir notamment la mise en place du guichet unique « France installation transmission ».

L'installation est en effet un moment clé pour reconcevoir les exploitations afin de les rendre plus résilientes face aux crises. La mise en place d'un dispositif d'accompagnement personnalisé pour les jeunes installés doit permettre de garantir la viabilité économique des exploitations.

La protection des filières d'élevage vulnérables est aussi à renforcer. Les filières ovines et caprines, déjà fragilisées, nécessitent un accompagnement ciblé. Un plan de soutien spécifique doit être mis en place pour les protéger des fluctuations des marchés internationaux. Des mesures de soutien doivent également être prévues pour compenser les coûts liés aux normes environnementales.

Ce projet de loi de finances n'offre par ailleurs pas de réponse au problème de la complexité des démarches administratives. Or la complexité excessive des procédures ralentit l'accès aux aides et nuit à la compétitivité ainsi qu'à l'efficacité de certaines politiques publiques.

Une réforme de la gestion administrative est nécessaire pour libérer les agriculteurs de cette charge, notamment par une dématérialisation plus efficace et un accompagnement adapté. La réduction des délais de traitement des demandes d'aides est également indispensable.

De surcroît, une telle réforme aurait le mérite de concourir, je le pense, à renforcer la résilience des exploitations, ce qui est aussi une nécessité.

La FCO et la MHE touchent durement les élevages. Le coût de ces maladies est estimé à plus de 2 milliards d'euros pour la seule année passée. Or la baisse des crédits du Fonds national de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) limite la capacité d'anticipation des crises sanitaires. Au contraire, il est nécessaire de prévoir des moyens pour réagir efficacement aux épidémies.

De même, les dispositifs d'assurance contre les aléas climatiques doivent être adaptés et élargis, notamment par l'ajout d'un volet préventif. Des investissements supplémentaires sont également indispensables pour moderniser les équipements de biosécurité des exploitations.

Pour l'agriculture et l'élevage, ce projet de loi de finances constitue une première étape dans la réponse aux crises et aux mécontentements de ces derniers mois. Il doit être suivi d'actions concrètes pour accroître la résilience des exploitations face aux crises sanitaires et climatiques ; pour garantir la souveraineté alimentaire de la France, en soutenant la production nationale ; pour assurer un revenu décent aux agriculteurs. La France doit investir dans son agriculture !

Dans le contexte actuel, ce budget, bien qu'imparfait, vaut en tant que base de travail.

Nous apporterons donc un soutien raisonné aux crédits de cette mission, tout en restant vigilants et exigeants sur les points à améliorer. Mais notre engagement en faveur de la ruralité et du monde agricole, des agriculteurs et des éleveurs, passera prochainement, cela a été dit, par d'autres textes législatifs, dont les rapporteurs sont ici : la proposition de loi visant à lever les entraves à l'exercice du métier d'agriculteur, le projet de loi d'orientation agricole et la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), qui a pour objet le ZAN, le zéro artificialisation nette. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de vous informer d'une triste nouvelle. Mon prédécesseur, notre collègue, l'ancien ministre de l'agriculture Didier Guillaume, est décédé en ce début d'après-midi. Il a marqué cette enceinte, la Drôme et Bourg-de-Péage, sa ville d'origine. La France perd un serviteur et nous un ami. Mes pensées, et les vôtres, je le sais, vont à sa famille en cet instant. Je trouve paradoxal de commencer en cette circonstance l'examen des crédits de la mission « Agriculture » alors qu'il avait tant travaillé pour nos agriculteurs… Dans cette période troublée, il faut peut-être y voir un clin d'œil.

La situation agricole en France se caractérise aujourd'hui par plusieurs défis majeurs qui affectent les agriculteurs et la production agricole.

D'un point de vue économique, les agriculteurs font face à une baisse des revenus liée à l'augmentation du coût des intrants et à la volatilité des prix de vente des produits agricoles. De plus, la diminution du nombre d'exploitations agricoles et l'endettement croissant menacent la viabilité économique des filières.

Il est impossible également de parler d'agriculture sans évoquer l'enjeu climatique. Ce n'est un secret pour personne aujourd'hui, le dérèglement climatique a un impact significatif sur l'agriculture, entraînant des phénomènes tels que sécheresses, inondations et températures extrêmes, qui perturbent les cycles de production et qui sont de plus en plus récurrents. Ces conditions rendent la production agricole plus incertaine et plus difficile à gérer qu'elle ne l'a été dans le passé.

Je pense qu'il serait également malvenu de parler du monde agricole de 2025 sans évoquer l'inflation réglementaire du secteur, qui lui est imposée de façon parfois très pénible. Ce problème revient souvent dans les revendications des agriculteurs, à chacune de leurs mobilisations, qui sont fréquentes partout dans le pays depuis plus d'un an.

La nécessité d'opérer des changements majeurs n'est donc plus à démontrer, mais ces changements sont incontestablement dépendants de l'examen budgétaire, parce que rien ne peut se faire sans budget.

À cet égard, au regard du contexte agricole, je me félicite que la commission ait proposé d'adopter les crédits de cette mission alors que, à chaque fois ces dernières années, ils étaient jugés insuffisants.

Néanmoins, les baisses qui affectent les crédits de certains programmes suscitent des interrogations. Je pense par exemple aux 300 millions d'euros de crédits de paiement en moins pour l'année 2025 ou à la diminution des crédits des actions relatives à la planification écologique, du soutien à la forêt en outre-mer ou des effectifs de l'Office national des forêts.

Cela étant, il convient aussi de souligner que les crédits de plusieurs actions sont en augmentation, s'agissant notamment d'anticiper davantage les crises que devront affronter les professions agricoles dans les mois et années à venir.

L'élément le plus significatif du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » concerne la gestion des crises et des aléas de la production agricole. L'augmentation des crédits, qui est de 6,93 %, permet d'atteindre un budget de 304 millions d'euros cette année. Il s'agit de la hausse la plus importante du budget de la mission, avec celle de l'action « Qualité de l'alimentation et offre alimentaire » du programme 206.

Par ailleurs, les crédits du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » sont portés de 702 millions à 732 millions d'euros en 2025, soit une augmentation de 30 millions d'euros. Ici, la hausse des crédits servira à rattraper le retard des investissements, en particulier dans le domaine informatique, afin d'assurer une traçabilité sanitaire plus efficace des animaux.

Enfin, le programme 381 « Allégements du coût du travail en agriculture » est renforcé à hauteur de 448 millions d'euros en 2025 contre 423 millions d'euros en 2024. Le dispositif TO-DE est ainsi reconduit, et je m'en réjouis. C'était là une attente et une demande des agriculteurs sur le terrain pour maintenir la compétitivité des exploitations agricoles. L'objectif est clair : il s'agit de lutter davantage contre le travail non déclaré et la dégradation des conditions de travail.

Nous considérons que l'augmentation des moyens consacrés à ces actions est la bienvenue et que les remettre en question serait une erreur. Je rappelle tout de même, avant la discussion des amendements, que les crédits de la mission, tels qu'ils ont été présentés dans le projet de loi initial, sont réduits par rapport à l'année précédente. Alors, mes chers collègues, n'aggravons pas la situation ! Je connais l'état de nos finances publiques et je sais très bien qu'il faudra que nous votions un budget pour nos agriculteurs.

Je souhaite à présent revenir sur les politiques de prévention et de vaccination. Les agriculteurs de la Drôme, comme ceux de nombreux départements, ont été fortement touchés par l'épidémie de fièvre catarrhale ovine de sérotype 8. Madame la ministre, je salue la campagne de vaccination lancée par l'État au début du mois d'octobre, la commande de nouveaux vaccins, ainsi que votre engagement en faveur du dédommagement des pertes subies. Merci pour les agriculteurs !

Vous le savez, cette maladie n'est pas le seul danger sanitaire que ces derniers doivent gérer. Entre la grippe aviaire et la maladie hémorragique épizootique, l'évolution de la santé de nos animaux est très préoccupante. Et je n'oublie pas, bien sûr, la prédation du loup.

La baisse des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » me laisse donc dubitatif, tout comme celle des crédits concernant la forêt outre-mer ou le pacte en faveur de la haie, sujet sur lequel je suis particulièrement engagé à plusieurs titres. Je précise d'ailleurs que j'ai cosigné un amendement de notre collègue Nadia Sollogoub visant à augmenter l'enveloppe dédiée au financement dudit pacte.

Ces interrogations expliquent pourquoi, mes chers collègues, le groupe RDPI proposera l'adoption de plusieurs amendements. Nous avons identifié un certain nombre de sujets sur lesquels nous pouvons améliorer ce budget. Ainsi proposerons-nous la réintroduction des 15 millions d'euros destinés à la sous-section forêt-bois outre-mer, l'augmentation de 50 millions d'euros des crédits destinés à financer la stratégie vaccinale contre les maladies animales et la hausse des moyens consacrés au pacte en faveur de la haie.

Il nous faut voter ce budget au plus vite, mes chers collègues, car le temps perdu ces dernières semaines ne se rattrapera plus, tandis que les défis que doivent relever les professions agricoles, eux, restent prégnants. Débattons donc de matière constructive afin de permettre aux professionnels et à nos concitoyens de tirer profit des travaux parlementaires entrepris. Et les prochaines semaines nous y aideront particulièrement, l'ordre du jour de cet hiver parlementaire étant plus fertile qu'à l'habitude.

En attendant, nous devons voter un budget pour nos agriculteurs et c'est ce que nous ferons.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Marie-Lise Housseau et Gisèle Jourda applaudissent également.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'instabilité politique et institutionnelle – dissolution, motion de censure et valse des Premiers ministres – a un coût de plus : son impact sur la crise agricole.

Alors que la mobilisation des agriculteurs dure depuis plus d'un an, le projet de loi d'orientation agricole tant attendu va être enfin examiné en février. Pendant ce temps, des femmes et des hommes souffrent, des exploitations disparaissent et des filières subissent des aléas sanitaires, climatiques et économiques, le problème central étant le revenu des agriculteurs.

Ce projet de budget est donc une étape majeure, il indique la direction de l'action gouvernementale dans le secteur de l'agriculture. Le message envoyé est toutefois décevant, les crédits étant en baisse et le cap stratégique incertain. Enfin, un amendement déposé à la dernière minute vise à réduire de 284 millions d'euros les crédits de la mission. J'avoue que la méthode est quelque peu méprisante…

Peut-on, sous prétexte qu'il faut faire preuve d'esprit de responsabilité et tenir compte des fortes contraintes de rigueur qui pèsent sur l'élaboration du budget global, fragiliser notre agriculture et ignorer les enjeux environnementaux qui y sont liés ? La réduction est principalement supportée, en effet, par les crédits de la planification écologique, ce qui revient à faire des intentions présidentielles – renforcer notre agriculture sans relâcher nos efforts environnementaux – un idéal sacrifié sur l'autel de l'apaisement politique et syndical.

Alors que le Gouvernement relativise la baisse des crédits de la mission, rappelons que les rapporteurs spéciaux avaient considéré la nette hausse des crédits alloués au secteur agricole dans la loi de finances initiale pour 2024 comme un rattrapage nécessaire après plusieurs années de sous-dimensionnement. Les deux rapporteurs vont soutenir ce budget, malgré la nouvelle baisse de 284 millions d'euros.

Madame la ministre, il faut toutefois vous reconnaître le mérite d'avoir honoré les engagements qui avaient été pris par le précédent gouvernement, ceux-ci ayant été renouvelés lundi lors des rencontres organisées à Matignon avec les syndicats agricoles. Il s'agit notamment de maintenir les mesures de soutien déjà engagées pour faire face aux conséquences des crises climatique, économique et sanitaire. Le montant de ces aides d'urgence s'élève à plus de 270 millions d'euros.

Mais, comme leur nom l'indique, ces aides consistent, face à une crise, à mettre un pansement en urgence. Or, nous le savons, les crises s'anticipent : selon un vieil adage, mieux vaut prévenir que guérir.

C'est pourquoi j'évoquerai à présent la méthode, qui est toujours la même : peu d'anticipation, pas assez de vision stratégique à long terme, peu de prospective par filière. Or l'efficience se construit sur le long terme.

Comme l'a indiqué le rapporteur pour avis Jean-Claude Tissot en citant la Cour des comptes, un euro investi dans la prévention et l'adaptation permet d'économiser jusqu'à sept euros lors de la gestion de crise. La multiplication des crises multiplie aussi les dépenses. À quand une véritable stratégie consistant à investir davantage dans la résilience des exploitations agricoles et dans l'adaptation au changement climatique afin d'anticiper les évolutions futures ?

Quoi qu'en disent certains, en effet, les conséquences dramatiques du changement climatique vont malheureusement se multiplier. Les données et explications fournies à cet égard par l'agriclimatologue héraultais Serge Zaka sont aussi édifiantes que riches d'enseignements.

Pourtant, le Gouvernement a fait le choix de réduire drastiquement les crédits alloués à la planification écologique, se drapant dans une posture de responsabilité budgétaire. J'avoue ne pas tout comprendre…

Il en résulte une autre conséquence : l'illisibilité de l'action publique en matière d'accompagnement des filières vers la transition agroécologique. Les acteurs économiques des filières sont pourtant prêts à s'engager dans cette transition, car ils en ont compris les enjeux à la fois environnementaux et économiques. Ils ne peuvent se contenter d'aides d'urgence.

Ce que les agriculteurs condamnent, ce sont les complexités administratives, les surtranspositions, les accords commerciaux internationaux qui font entrer sur nos marchés des fruits, des légumes, des viandes traités avec des produits interdits en France et en Europe. Voilà ce qui énerve nos paysans, voilà ce qui affaiblit notre agriculture.

Amalgamer ces oppositions à un refus d'évoluer vers une agriculture résiliente est réducteur ; c'est même un affront au métier d'agriculteur, qui est totalement lié à la nature et dépendant d'elle.

Syndicat majoritaire, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) a rédigé avec les Jeunes agriculteurs un texte de loi pour favoriser l'acte d'« entreprendre en agriculture ».

Ce texte vise notamment à réfléchir dans « un cadre [permettant] de concilier développement de la production et protection de l'environnement, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais surtout dans un cadre qui arrête de placer les agriculteurs français en situation de distorsion de concurrence défavorable ». Tout est dit !

Arrêtons de faire la politique de l'autruche et de ne pas vouloir voir l'évidence. Il faut avoir le courage de porter et d'afficher des mesures d'adaptation au changement climatique qui s'inscrivent dans le temps.

J'espère que nous pourrons rectifier le cap lors de nos futurs débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en complément de ma collègue centriste Marie-Lise Housseau, je concentrerai mon propos sur les crédits de la forêt, lesquels sont en forte baisse.

Ces crédits passeraient de 500 millions d'euros en 2024 à environ 194 millions d'euros en 2025, soit une baisse de plus de 65 %, sans même prendre en compte les amendements qui pourraient éventuellement être adoptés aujourd'hui. Cette ponction excessive sera malheureusement préjudiciable, sur le terrain, aux actions engagées en faveur de cette filière.

La filière forêt-bois, vous le savez, madame la ministre – mais vos collègues du Gouvernement, eux, ne le savent peut-être pas suffisamment –, c'est 17 millions d'hectares, soit 30 % de l'espace métropolitain. Notre forêt abrite une biodiversité exceptionnelle en Europe et offre des outils de lutte contre les inondations, les glissements de terrain, l'aridité des sols et les températures implacables. La filière représente plus de 440 000 emplois, répartis dans toutes nos régions, et 60 000 entreprises qui produisent dans les secteurs stratégiques de l'énergie, de la construction, du mobilier, de l'emballage, de la chimie verte, de la biomasse. Le bois est plébiscité, un Français sur quatre y a recours. C'est l'énergie renouvelable la plus utilisée en France.

Ces dernières années, dans le cadre des plans France Relance, France 2030 et France Nation Verte, la filière bois a bénéficié de soutiens importants pour relever les défis du renouvellement des peuplements vulnérables au changement climatique, pour moderniser ses outils de transformation, pour optimiser les usages du bois.

Mais le projet de budget pour 2025 est à cet égard un revirement total. Depuis quelques jours, malheureusement, et contre toute logique d'aménagement rural, la forêt a même basculé de votre ministère au ministère de la transition écologique.

Cette stratégie du stop and go financier est préjudiciable, mais elle vient surtout compromettre les efforts entrepris ces dernières années. La gestion forestière, tout comme les investissements dans l'industrie du bois, doit en effet être engagée sur des décennies.

Sur l'amont, on parle de 130 millions d'euros fléchés sur le renouvellement forestier et, en parallèle, d'un effort continu de 10 millions d'euros en faveur des grains et plants.

Sur l'aval et les entreprises, l'impact est considérable. Avec seulement 30 millions d'euros de crédits, ce sont l'innovation et la compétitivité des entreprises françaises qui vont être remises en cause.

Prenons par exemple le cas des entreprises de travaux forestiers (ETF), qui sont le maillon essentiel pour l'entretien des forêts et l'approvisionnement de l'outil artisanal ou industriel de transformation du bois. Ces entreprises sont plus fragiles que jamais, elles pâtissent des aléas climatiques et d'une réglementation environnementale qui réduit leurs possibilités d'exercer, jusqu'à mettre en cause leur viabilité même.

Certaines régions forestières sont d'ores et déjà en carence d'entreprises susceptibles de réaliser ces travaux. Les ETF sont par ailleurs exclues de nombreux dispositifs, notamment du TO-DE, alors qu'elles connaissent de véritables contraintes de main-d'œuvre.

Sans ETF, je le rappelle, il n'y a pas de travaux de gestion sylvicole, pas d'adaptation des forêts au changement climatique, pas de bois dans les scieries, pas de débroussaillage pour lutter contre les incendies, pas de bois pour la construction, pas de bois-énergie, pas de biomasse pour les industries, pas de biomasse pour les carburants.

Qui plus est, ces entreprises vont pâtir des restrictions budgétaires et de la mise en œuvre, depuis 2023, de la fameuse REP, la responsabilité élargie du producteur, qui s'applique aux produits et matériaux de construction du bâtiment, leur imposant une surtransposition qui renchérit les produits bois français. On peut malheureusement s'attendre à une augmentation massive des importations ; j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet du champ d'application de la REP.

Enfin, d'autres domaines sont lourdement affectés par la baisse des crédits – ils ont été évoqués. Tel est le cas de la DFCI, la défense des forêts contre l'incendie, au moment où les risques grandissent, comme le montre l'actualité aux États-Unis notamment ; du soutien aux forêts d'outre-mer, alors que les 8 millions d'hectares dont nous disposons en Guyane peuvent offrir des réponses aux difficultés rencontrées aujourd'hui par les populations ; du pacte en faveur de la haie.

La forêt et la filière bois sont des sources de solutions énergétiques et écologiques. Si les forêts ne se renouvellent pas ou si nos entreprises périclitent, nous serons confrontés à des problèmes climatiques d'envergure.