M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous constatons dans ce PLF pour 2025 une baisse des aides à la presse de 1 %, ce qui ramène ainsi les crédits de la mission à 193 millions d'euros cette année.
Cette diminution frappera de plein fouet les médias indépendants, tandis que l'écrasante majorité des aides continuera à cibler presque totalement la presse des quotidiens et magazines dits d'information politique et générale. Nous pouvons nous en étonner, sachant que ces publications sont pour la plupart la propriété de grands groupes !
Les données publiées en septembre 2023 relatives aux aides à la presse versées entre 2021 et 2022 dressent d'ailleurs un constat désolant. Sept groupes non seulement concentrent les plus grandes franchises médiatiques, mais surtout perçoivent l'écrasante majorité des soutiens directs au secteur.
Parallèlement, l'appui fourni aux médias de proximité ou non professionnels n'est toujours pas revalorisé dans ce PLF, avec seulement 1,8 million d'euros de crédits dédiés. Il s'agit d'un montant stable par rapport à 2022, à 2023 et à 2024, autrement dit d'une baisse en euros constants.
Pour mon groupe, ce choix budgétaire fait fi des mouvements de concentration de médias, qui n'ont de cesse d'accélérer ces dernières années. Pourtant, nombre d'associations reconnues, ainsi que de nombreux syndicats, mettent en garde contre ce phénomène qui menace tant l'équilibre économique du secteur que la crédibilité de l'information – en somme, le pluralisme.
Concernant le Centre national de la musique, nous regrettons très fortement que l'amendement de notre groupe visant à rehausser la taxe sur le streaming n'ait pas été adopté.
Alors que le CNM a enfin perçu le produit de cette dernière à la fin de l'année 2024, à la suite d'une initiative sénatoriale soutenue par notre groupe, le rendement s'est révélé inférieur aux prévisions, comme le souligne le rapport pour avis de la commission de la culture. Pour notre part, nous proposions un rehaussement à 1,75 %, soit un taux encore très faible, qui n'aurait perturbé ni l'équilibre économique des plateformes ni le consommateur.
En outre, de telles recettes nouvelles auraient largement permis de compenser la coupe de 1,3 million d'euros demandée au CNM cette année. Le résultat de la non-adoption de notre texte sera de privilégier les aides sélectives. Cela a conduit légitimement le syndicat privé du spectacle vivant Ekhoscènes, regroupant plus de 500 sociétés du spectacle vivant, à voter contre le budget élaboré par le Centre, alors qu'il compte parmi les principaux soutiens financiers de ce dernier.
Nous souhaitons y insister, la question du financement du CNM est d'une importance primordiale, faute de quoi cet opérateur de l'État pourrait être contraint de renoncer à certaines missions, dont celle de garantir la diversité musicale dans notre pays en finançant des projets phonographiques musicaux ou des vidéomusiques.
Enfin, nous espérions que, après des années de casse, l'horizon s'éclaircisse un tant soit peu pour l'audiovisuel public du fait de l'engagement de l'État de relever sensiblement le budget du secteur en 2025. Il n'en a rien été.
Il avait été prévu dans la loi de finances pour 2024, au titre du programme 848, « Programme incitatif de transformation », d'accorder 69 millions d'euros à quatre acteurs de l'audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Cet engagement n'a pas été tenu, puisque seuls 19 millions d'euros ont été effectivement versés.
Un second manquement à la parole donnée a trait au PLF actuel. En effet, les crédits y sont inférieurs de 81,5 millions d'euros à ceux qui sont prévus, d'une part, dans la trajectoire budgétaire jointe au projet de loi de finances pour 2024, et, d'autre part, dans la tranche 2025 de la trajectoire budgétaire 2024-2028 figurant dans les COM.
Cette réduction des moyens de l'audiovisuel public ne s'accompagne aucunement d'une adaptation de ses missions. Faire autant avec moins, tel est le mantra de ce gouvernement, même lorsque les capacités budgétaires de nos services publics arrivent à la moelle !
Pour l'ensemble de ces raisons, mon groupe votera contre ces crédits.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m'adresse à vous avec une vive inquiétude, qui porte sur les moyens alloués à la mise en œuvre du soutien aux médias et au financement de l'audiovisuel public.
Partout à travers le monde, un raidissement autoritaire a lieu, concomitant à l'exercice de pressions sur la presse indépendante, à la montée en puissance de médias d'opinion et à l'affaiblissement des services d'audiovisuel public.
La nomination d'Elon Musk au sein du gouvernement américain menace la vie démocratique de notre continent. Ses prises de position contre la réglementation européenne encadrant la liberté d'expression en ligne sont sans équivoque. Au sein de l'Union européenne, la France doit continuer à défendre notre modèle de régulation, donc notre encadrement de la liberté d'expression.
Le contexte impose de faire évoluer le droit. Les États généraux de l'information ont formulé des recommandations. Celles-ci nécessitent un renforcement des moyens des autorités de régulation.
Ainsi, l'Arcom se verrait confier la surveillance des nouvelles obligations que devraient respecter les plateformes, alors que ses crédits stagnent actuellement. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pourrait se voir confier la nouvelle mission de contrôler les déclarations d'intérêts et de patrimoine des dirigeants de médias. Ces réformes impliqueraient bien sûr des ajustements budgétaires.
Depuis notre commission d'enquête sur la concentration des médias en France, nous savons que les aides à la presse sont des instruments mal calibrés. Quand pourrons-nous débattre en profondeur de la pertinence de ces financements ? Mon groupe a ainsi proposé un crédit d'impôt permettant à chaque contribuable de financer le média de son choix. Cette proposition a été rejetée.
Par ailleurs, la loi de 1986 portant réforme du régime juridique de la presse mériterait une révision globale. Les seuils de concentration sont devenus inadaptés aux nouveaux modes d'information. Ils ne prennent pas en compte l'audience en ligne.
Les priorités figurant dans ce budget paraissent déconnectées du contexte préoccupant que je viens de décrire. Je m'interroge en particulier sur les annonces concernant l'exposition des enfants aux écrans, quand nous passons nous-mêmes en moyenne trois heures trente par jour sur nos téléphones – le chiffre est sans doute plus élevé au Sénat… (Sourires.) – et quand l'administration dématérialise toutes ses procédures, rendant incontournable le recours aux écrans.
Gardons-nous de postures trop dogmatiques et engageons une réflexion plus profonde pour un usage équilibré de ces nouvelles technologies !
Le projet de création d'une holding, préparant la fusion de l'audiovisuel public, est tout aussi préoccupant. Depuis la première mouture présentée par Franck Riester, rien ne permet de montrer qu'une telle structure renforcerait les chaînes publiques et permettrait de créer un ensemble comparable à la BBC. Souvenons-nous que les coopérations par le bas ont souvent eu des résultats décevants.
Pendant des années, l'existence de grands médias publics n'a pas empêché l'alternance politique. Et comme toute institution, comme toute entreprise humaine, ces derniers n'échappent pas à la nécessité de s'adapter aux circonstances de l'époque. Mais, de grâce, tenons-nous à l'écart de la tentation de vouloir organiser nous-mêmes cette réforme ! Résistons à celle de contenter les puissants dirigeants de chaîne pour s'attirer d'eux une bonne presse.
Laissons à l'audiovisuel public le soin de conduire son propre aggiornamento au regard des objectifs que nous lui assignons, et abandonnons cette proposition hasardeuse.
Éclairer le citoyen, tel était l'objectif assigné à la Documentation française, la maison d'édition publique créée après la Seconde Guerre mondiale par le Conseil national de la Résistance.
Ce budget de la mission « Audiovisuel public » est privé d'une telle ambition, et c'est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s'y opposera. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Motion d'ordre
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, en application de l'article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, la commission des finances demande l'examen séparé de certains amendements portant sur les crédits des missions « Recherche et enseignement supérieur », « Écologie, développement et mobilité durables », « Cohésion des territoires » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Je le rappelle, il s'agit de permettre des regroupements par thématique et, ainsi, des discussions cohérentes sur l'ensemble des sujets.
M. le président. Je suis saisi, en application de l'article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, d'une demande de la commission des finances d'examen séparé de certains amendements portant sur les crédits des missions « Recherche et enseignement supérieur », « Écologie, développement et mobilité durables », « Cohésion des territoires » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures,
est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2025, l'examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », de la mission « Audiovisuel public » et du compte spécial « Avances à l'audiovisuel public ».
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour poursuivre l'examen des missions du PLF 2025.
Nous continuons de naviguer à vue, avec malheureusement souvent la certitude de l'incertitude, ce qui affecte d'ailleurs quelque peu l'organisation de nos débats, comme nous l'avons vu ce matin, des amendements et sous-amendements étant déposés dans la nuit, à la dernière minute…
Cependant, la mission « Médias, livre et industries culturelles » et le compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » recouvrent plusieurs enjeux substantiels, qu'il nous faut aborder.
Le premier est celui des médias de proximité. Ce sont les radios associatives, dont nous avons parlé ce matin, en évoquant singulièrement leurs financements. Le PLF 2025, dans son épure, prévoit une baisse historique de 30 % de ces crédits, soit de près de 11 millions d'euros.
Or, nous le savons, ces radios sont des plateformes d'expression pour les citoyens, qui participent souvent au lien social dans nos territoires, et elles portent une attention aiguë à la jeunesse, en travaillant sur la désinformation et en menant des opérations d'éducation aux médias qui se révèlent bien évidemment indispensables dans le contexte géopolitique actuel, marqué par une déstabilisation et une ingérence permanentes.
Madame la ministre, vous avez décidé de revenir sur cette décision et de réintégrer les 10 millions d'euros au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER). Je salue cette heureuse nouvelle, dont je vous remercie.
Je vous proposerai même d'aller un peu plus loin, en réintégrant l'aide aux podcasts, qui a été supprimée en 2024, mais qui se révèle véritablement essentielle pour soutenir ce secteur. Le podcast est en constante évolution. Je pense qu'il est important de le souligner ! (Sourires.)
En revanche, je m'inquiète quelque peu de la rationalisation des critères ouvrant droit au fonds de soutien que vous avez évoquée à l'Assemblée nationale, madame la ministre : elle pourrait faire craindre, de fait, une diminution du nombre de bénéficiaires dans les années à venir. Pourriez-vous nous préciser les modalités de cette rationalisation et vous engagez-vous à ne pas appauvrir le tissu de nos radios associatives locales en établissant des critères trop restrictifs ?
Toujours sur le volet radio, je voudrais saluer le travail de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a produit un passionnant livre blanc sur la radio l'été dernier.
Parmi les chevaux de bataille du régulateur, le déploiement du DAB+ occupe une place de choix. En particulier, l'Arcom appelle à un portage politique plus affirmé de la part de l'État et à l'instauration d'un accompagnement financier à destination des acteurs radiophoniques pour les aider temporairement, et sous conditions, à la double diffusion.
Envisagez-vous, madame la ministre, de créer cet accompagnement ? Je tiens à vous alerter sur la nécessité de venir en appui aux collectivités territoriales qui se trouveraient dans une zone blanche, couverte ni par la FM ni par le DAB+, ou qui observeraient un déploiement du DAB+ très peu équilibré sur leur territoire.
Réussir ce virage implique de garantir un accès universel à cette technologie. C'est une question d'égalité territoriale.
Le deuxième enjeu majeur a trait à l'information et aux aides à la presse, un marronnier dont la situation semble intangible d'année en année, malgré les griefs recensés.
Cependant, en 2025, le contexte est singulier du fait de la publication des conclusions des États généraux de l'information (EGI). Sans appeler à la refonte totale de ces aides, les EGI préconisent de les bonifier dès lors que les organes de presse se dotent de pratiques vertueuses, notamment s'ils adoptent la qualité de « société à mission d'information » ou s'ils mettant en place, par exemple, des actions de formation des journalistes.
Dès 2022, notre assemblée appelait, dans son rapport sur la concentration des médias, à réformer les aides à la presse et à réviser les conditions d'octroi des aides au pluralisme et à la modernisation, en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés, afin, comme on peut s'en douter, de soutenir la presse indépendante.
Là aussi, je veux vous interroger, madame la ministre : ce point précis fera-t-il partie du projet de loi issu des EGI que vous avez annoncé ?
En tout état de cause, la baisse des crédits du programme 180 n'est pas un signal très positif. Il est même contradictoire avec l'objectif politique affirmé de moderniser le secteur de la presse, d'améliorer l'accès à une information sourcée et de qualité et de renforcer les exigences en matière de pluralisme pour offrir de meilleures garanties statutaires et d'exercice aux journalistes.
Le troisième enjeu est celui de l'avenir de nos industries culturelles et de notre audiovisuel public.
Tout d'abord, en ce qui concerne le Centre national de la musique (CNM), je me réjouis de l'adoption, en première partie, de l'amendement du précédent gouvernement : elle permettra d'atteindre le rendement attendu de la taxe streaming.
En revanche, le plafond de la taxe sur les spectacles, qui sera examiné en commission mixte paritaire (CMP), devra être rehaussé à 55 millions d'euros au minimum, sous peine de porter gravement préjudice au fonctionnement de l'opérateur.
Je souhaite vous interroger, madame la ministre, mais encore faudrait-il que vous m'écoutiez… (Mme la ministre s'exclame.) Soutiendrez-vous la modification du plafond en vue de la CMP ?
Quant au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), la ponction supplémentaire imposée par la majorité sénatoriale, sous l'impulsion du rapporteur général, n'est pas soutenable. Le projet de loi prévoyait initialement une ponction 450 millions d'euros. Soit ! Notre rapporteur général a voulu, lui, ajouter 200 millions d'euros. Si cette somme a finalement été ramenée à 50 millions d'euros, ce sont 500 millions d'euros au total qui seraient donc prélevés sur la trésorerie du CNC.
Je tiens à rappeler que le CNC est intégralement financé par quatre taxes et qu'il n'est pas subventionné ! Une trésorerie aussi réduite – on a véritablement atteint là la ligne rouge – exposerait l'établissement à un risque financier indéniable, car, au moindre aléa, il serait dans l'incapacité d'honorer ses engagements à l'égard des bénéficiaires de ses aides.
Toujours dans la perspective de la CMP, car nous savons que cela se jouera à ce moment, je souhaite vous interroger : le Gouvernement entend-il revenir sur cette ponction supplémentaire ?
Le CNC est vraiment un pôle de stabilité, dont l'action structure l'ensemble de la filière, de la production à la diffusion, laquelle, on le sait, mérite d'être érigée en priorité. J'espère d'ailleurs que la proposition de loi sénatoriale que nous avons votée en 2023 sera rapidement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Je termine par l'audiovisuel public, dont le financement et la gouvernance, mes chers collègues, nous ont beaucoup occupés, voire préoccupés ces derniers mois.
Tout d'abord, je voudrais que nous nous réjouissions collectivement d'avoir évité la budgétisation de l'audiovisuel public et d'être tombés d'accord sur la pérennisation de son financement via le versement d'une fraction de la TVA.
M. Max Brisson. Merci à Cédric Vial !
Mme Sylvie Robert. Absolument ! Je le dis, nous avons voté cette proposition de loi collectivement.
En revanche, nos désaccords commencent, car le montant qui a été affecté en première partie et auquel vous souscrivez ne nous convient pas. Un effort supplémentaire de 65 millions d'euros a été demandé, et je viens d'apprendre qu'un amendement tend à solliciter 50 millions d'euros supplémentaires, ce qui entraînera un décrochage de près de 175 millions d'euros par rapport à la trajectoire prévue par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028.
C'est tout simplement inacceptable ! Surtout, les conséquences seront très graves pour les maisons de l'audiovisuel public. Ce n'est pas tenable pour elles, France TV, Radio France et France Médias Monde ayant pour la première fois présenté un budget en déficit pour 2025. Elles tirent la sonnette d'alarme sur leur situation budgétaire.
Madame la ministre, vous nous avez parlé du financement, mais je sais que la gouvernance vous tient à cœur. Or vous n'aurez pas de réforme de la gouvernance acceptable ni réussie si vous affaiblissez autant notre audiovisuel public !
Je vous ai déjà demandé, lors du Conseil national des professions du spectacle (CNPS) qui s'est tenu mardi dernier, de présenter une étude d'impact de la proposition de loi de notre collègue Laurent Lafon, pour connaître ses incidences budgétaires et sociales, mais aussi son impact sur la création audiovisuelle. Vous vous y êtes engagée, et je vous en remercie.
Au demeurant, je ne souhaite pas qu'il s'agisse simplement d'une actualisation de l'étude d'impact du projet de loi de Franck Riester, qui remonte à 2019, soit à cinq ans !
Quoi qu'il en soit, toute réforme constitutive de la gouvernance ne pourra être guidée par la seule volonté de réaliser des économies. Je crois qu'il est temps de considérer l'audiovisuel public comme un secteur stratégique et d'en tirer les conséquences sur nos investissements.
En toute conséquence, vous ne serez pas surpris que notre groupe ne vote pas le compte spécial « Avances à l'audiovisuel public », sur lequel nous défendrons des amendements.
Nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », en espérant que le fonds de soutien aux radios associatives soit réintégré. Je vous fais confiance sur ce point. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et ceux du compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2025.
Ces crédits s'inscrivent dans une perspective très défavorable pour les finances publiques, mais aussi dans un contexte marqué par un fort ralentissement économique, qui pourrait bien augurer de lendemains difficiles pour les industries culturelles.
La mission « Médias, livre et industries culturelles » rassemble les crédits que l'État consacre à sa politique de soutien aux médias hors audiovisuel public, au secteur du livre, à la lecture publique, à l'industrie musicale et au cinéma.
Pour ce qui concerne la presse, notre rapporteur pour avis, Michel Laugier, a dressé le constat inquiétant d'un secteur présentant de réelles fragilités, en raison de l'érosion des ventes et de l'insuffisance des ressources créées par la transition numérique.
L'État – il faut le reconnaître – soutient la presse avec une régularité jamais démentie, à travers les aides au pluralisme, le soutien à la diffusion et l'encouragement à la modernisation de la filière.
Néanmoins, le déclin continu des ventes de la presse quotidienne nationale et régionale et la captation, par les grandes plateformes numériques, d'une part toujours plus élevée des revenus publicitaires devrait inciter les pouvoirs publics à agir rapidement et à examiner très attentivement les conclusions des États généraux de l'information.
En effet, la vitalité de notre démocratie pourrait, à terme, pâtir de la situation, particulièrement dans le contexte actuel de multiplication des sources d'information et de prolifération des fake news.
À l'inverse, la situation des industries culturelles se révèle plus favorable. Le secteur a vu son chiffre d'affaires évoluer de manière soutenue ces dernières années. Toutes les filières ont progressé : édition, musique, cinéma et jeux vidéo.
Au titre du programme 334, « Livre et industries culturelles », il faut noter la diminution des crédits de fonctionnement alloués au Centre national du livre et au Centre national de la musique. Cela ne me semble pas de bon augure pour la diversité de la création et la diffusion la plus large des œuvres de l'esprit !
Le Centre national de la musique est de création récente et a besoin de financements stables et pérennes pour mener à bien ses missions de soutien aux auteurs, aux compositeurs, aux artistes et aux professionnels qui les accompagnent, dans un environnement mondialisé et fortement concurrentiel.
Le Centre national du livre intervient, quant à lui, en soutien à un secteur dont les équilibres sont fragiles et qui doit être préservé des visées monopolistiques des grandes plateformes numériques.
Soyons clairs : le livre est un bien culturel s'accommodant très mal du mercantilisme de certains acteurs comme Amazon, qui contourne sans vergogne la loi du 30 décembre 2021 pour imposer la gratuité des frais de livraison des livres qu'il vend.
Le combat que nous menons contre cette vision mercantiliste du marché des œuvres culturelles n'est pas terminé.
Je sais pouvoir compter sur la mobilisation du ministère de la culture et, en particulier, des équipes du service du livre et de la lecture pour protéger la diversité de la création littéraire et promouvoir la diffusion la plus large possible du livre.
Pour ce qui est de la pratique de la lecture, je me réjouis du volontarisme dont le Gouvernement fait preuve pour permettre aux personnes présentant un handicap visuel d'accéder plus largement qu'aujourd'hui aux œuvres de l'esprit.
La Bibliothèque nationale de France participe à cette volonté de rendre l'accès à la connaissance plus aisé, en construisant un portail national qui permettra à ces personnes, à partir de 2026, de repérer les livres accessibles selon leur handicap ou d'accéder, sous forme numérique, aux œuvres ayant fait l'objet d'une adaptation.
Je n'ai pas le temps de parler longuement du cinéma, mais, même après de grands succès auprès du public cette année, ce secteur a toujours besoin d'être soutenu par des crédits d'impôt récurrents et par un budget important pour le Centre national du cinéma.
J'en viens à présent aux crédits dédiés à l'audiovisuel public.
Comme vous le savez, il nous a fallu en passer par une loi organique à la fin de l'année dernière pour pérenniser les modalités de financement de l'audiovisuel public.
Sans cette modification, le risque parfaitement identifié d'un financement in fine assuré par le budget de l'État aurait été de faire des sociétés d'audiovisuel public des médias d'État et de fragiliser leur indépendance.
La tentative de Bercy de supprimer 50 millions d'euros supplémentaires aux crédits de l'audiovisuel constitue une rupture manifeste de la trajectoire pluriannuelle des crédits qui avait été annoncée par le Gouvernement l'année dernière. Et, à dire vrai, cela rend les contrats d'objectifs et de moyens pour la période 2024-2028 véritablement très peu crédibles pour les sociétés de l'audiovisuel public…
Par ailleurs, leur évolution institutionnelle reste suspendue à l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, portée par le président Laurent Lafon.
Madame la ministre, mes chers collègues, notre commission de la culture s'est prononcée favorablement sur les crédits des deux missions.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires, que je représente aujourd'hui, émettra à son tour un vote favorable si, au terme de l'examen de ces crédits, le budget est à la hauteur de nos espérances.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons beaucoup parlé de rabot lors de la discussion de la mission précédente. L'effort supplémentaire demandé à l'audiovisuel de manière nocturne est venu nous rappeler que Bercy, comme France Inter autrefois, travaillait jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre…
Il faut bien financer les demandes du Parti socialiste, pour qu'il ne vote pas la motion de censure ! (M. le président de la commission des finances proteste.)
Madame la ministre, je sais que vous vous êtes battue, mais le débat n'est pas fini ; la procédure budgétaire n'est pas arrivée à son terme. Soyez assurée que nous serons à vos côtés pour accompagner votre ténacité et votre engagement. Nous pourrons d'ailleurs encore faire bouger les lignes en séance.
Ces lignes, vous les avez déjà déplacées. Je pense notamment à votre mobilisation en faveur du fonds de soutien à l'expression radiophonique. Nous avions été nombreux ici – je pense notamment à mes collègues Alexandra Borchio Fontimp et Jean-Gérard Paumier – à vous alerter sur la ponction annoncée.
Autre sujet, et non des moindres, la formidable réussite française dans l'industrie du jeu vidéo, qui a enregistré, en 2023, un chiffre d'affaires de 6,1 milliards d'euros, soit une croissance de 9,9 % par rapport à 2022. En crise dans les années 2000, le chiffre d'affaires de cette industrie devrait se stabiliser sur les standards de 2023, ce qui en fait l'une des industries françaises les plus dynamiques au monde.
La tendance, toutefois, est à la normalisation, le secteur étant traversé par le doute du fait notamment de coûts de production qui ont connu une très forte croissance. Nous devons donc absolument rester attentifs à sa santé pour que la France demeure dans le peloton de tête de cette industrie.
Concernant l'audiovisuel public, comme l'a très bien rappelé mon collègue rapporteur pour avis Cédric Vial, nous avions clairement indiqué notre volonté de supprimer le programme de transformation créé l'an dernier pour inciter les opérateurs à engager des rapprochements.
Ce programme ayant été très partiellement exécuté, les opérateurs n'ont pu bénéficier de la visibilité nécessaire, en termes financiers, pour mener leur action, ce qui justifie sa suppression – vous vous y êtes engagée, madame la ministre, lors de votre audition devant notre commission ; nous attendons désormais sa mise en œuvre.
Quant au volume et à la répartition de l'effort demandé à l'audiovisuel, nous en reparlerons lors de l'examen des amendements.
Par ailleurs, nous nous réjouissons de l'adoption par l'Assemblée nationale de la proposition de loi visant à la réforme de son financement, qui a été déposée ici par mon collègue Cédric Vial.
Nous appelons désormais de nos vœux la poursuite de l'examen d'une autre proposition de loi, celle, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, qui est portée par le président Laurent Lafon et qui a déjà adoptée par le Sénat. Il est, sur ce point, nécessaire à agir. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que l'Assemblée nationale en débatte au plus vite.
Enfin, je souhaite aborder ici un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l'avenir de la TNT, à l'heure de la suspension de deux de ses chaînes pionnières, C8 et NRJ12.
Par sa couverture renforcée et la multiplication des chaînes, aussi bien généralistes que spécialisées, la TNT s'est imposée depuis 2005 comme le modèle de télévision qui irrigue tous les territoires d'une offre de qualité pour un public qui n'a ni les moyens financiers ni les moyens techniques de recourir à une autre offre audiovisuelle.
Principal canal d'accès à l'information et au divertissement, à disposition des Français de tous les milieux et de tous les âges, la TNT porte, en effet, une notion d'universalité qu'il nous est indispensable de préserver, au moment où, soumise à la rude concurrence nationale et internationale des plateformes de streaming, l'offre audiovisuelle nationale doit s'adapter à de nouveaux enjeux.
La suspension de NRJ12 et de C8, représentant à elles seules près d'un dixième des parts d'audience du « bloc TNT », risque de provoquer une perte d'attractivité globale de notre offre audiovisuelle, où la TNT reste déterminante, car elle est universelle, d'autant plus à l'heure où l'émergence des téléviseurs connectés fragilise grandement les éditeurs et diffuseurs nationaux, soumis désormais à une concurrence internationale qui affecte notre habitude télévisuelle, essentielle à la transmission, donc à la pérennité de notre modèle.
Il y a, je crois, une large réflexion, puis un chantier à entreprendre sur l'universalité de la TNT et sur sa capacité d'adaptation aux nouveaux enjeux numériques auxquels notre société est confrontée.
Pour l'heure, en responsabilité, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission, en espérant que les combats qui seront les vôtres, mes chers collègues, seront fructueux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)