M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-62 rectifié, II-124 rectifié et II-1132.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 62.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-352 rectifié bis est présenté par MM. Levi, Parigi, Maurey et Grand, Mme Vermeillet, MM. Pillefer, Folliot, Delahaye et Perrion, Mme Patru, MM. Fargeot, S. Demilly et Chasseing, Mmes Saint-Pé et Dumont, M. Reichardt, Mme Ventalon, M. P. Martin, Mme Loisier, M. A. Marc, Mmes Billon, Perrot et Antoine, M. Cambier, Mmes L. Darcos et O. Richard, MM. Bonhomme, Milon, Panunzi et Kern, Mmes de La Provôté et Romagny, MM. J.M. Arnaud et Longeot et Mmes Jacquemet et Drexler.
L’amendement n° II-695 rectifié est présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guiol, Mmes Jouve et Briante Guillemont, MM. Grosvalet et Masset et Mme Pantel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 2336-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au III, les mots : « , corrigé par un coefficient logarithmique dont la valeur varie de 1 à 2 en fonction de la population de l’ensemble ou de la commune dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;
2° Au IV, les mots : « , corrigées par les coefficients définis au III » sont supprimés ;
II. - L’article L. 2336-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de l’article … de la loi n° du .. / .. / …. de finances pour 2024, entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024.
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l’amendement n° II-352 rectifié bis.
M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement vise à rendre plus équitable la répartition du Fpic en supprimant le coefficient logarithmique de pondération démographique.
Ce coefficient, qui varie de 1 à 2 selon la taille des intercommunalités, avantage actuellement les métropoles au détriment des territoires ruraux.
Sa suppression permettra aux petites intercommunalités de recevoir une part plus juste de la péréquation, correspondant mieux à leurs charges croissantes et à la gestion de leurs aménités.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° II-695 rectifié.
M. Christian Bilhac. Cet amendement vise à supprimer le coefficient logarithmique de pondération de la population. Celui-ci pénalise fortement les territoires ruraux par rapport aux métropoles et avantage donc largement les grosses intercommunalités par rapport aux intercommunalités rurales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. Comme vous l’avez souligné, mes chers collègues, l’intérêt principal du potentiel financier agrégé (PFiA) est de permettre de comparer la richesse des EPCI, quel que soit leur mode d’organisation. Toutefois, cette comparaison doit aussi tenir compte de la démographie de ces établissements. C’est la raison pour laquelle le critère de population utilisé pour le calcul du PFiA est pondéré par l’application d’un coefficient logarithmique variant de 1 à 2. Ce coefficient a été introduit de manière à prendre en compte l’importance des charges de centralité.
D’ailleurs, les auteurs du rapport sénatorial d’information sur le Fpic du mois d’octobre 2021 dressent ce constat : « Pour autant, force est de constater que le système actuel ne se caractérise par aucun dysfonctionnement massif et caractérisé qui justifierait une réforme d’ampleur à mettre en œuvre de façon urgente… »
En conséquence, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Il faut dresser un diagnostic plus précis avant d’envisager toute mesure, quelle qu’elle soit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. La question des charges de centralité est bien connue des élus tant municipaux que communautaires. Ces charges de centralité, qu’on le veuille ou non, croissent plus que proportionnellement à mesure que la population augmente, en raison du coût des services publics fournis. Pour tenir compte de ces charges, le code général des collectivités territoriales (CGCT) précise notamment, comme vous l’avez rappelé, que la population des collectivités est pondérée en fonction de sa taille par un coefficient logarithmique.
La pertinence de ce coefficient a été démontrée par plusieurs travaux économétriques. Les territoires ruraux sont loin de s’en trouver défavorisés, je tiens à le redire. Le Fpic opère en effet une redistribution des richesses à l’intérieur du bloc communal des grands centres urbains vers les communes rurales. En comparaison des grands centres urbains, les communes rurales disposent donc d’un solde net de Fpic largement positif. En revanche, la suppression de ce coefficient aurait des effets redistributifs mineurs, sans compter qu’une telle hypothèse n’a fait l’objet d’aucune simulation ni concertation.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, et c’est la raison pour laquelle j’ai tenu à m’exprimer un peu longuement à ce sujet, j’appelle votre attention sur un point : une application rétroactive de la mesure visée à ces amendements au 1er janvier 2024 serait source d’insécurité pour les collectivités bénéficiaires, et ce alors que le Fpic 2024 a déjà fait l’objet d’une répartition. Sans motif d’intérêt général suffisamment étayé, cela me paraît manifestement inconstitutionnel.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-352 rectifié bis et II-695 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° II-946, présenté par M. Uzenat, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le a du 1° du I de l’article L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , à l’exception des ensembles intercommunaux regroupant, exclusivement, toutes les communes composant un territoire insulaire ».
La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Cet amendement concerne la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer.
Aux termes du b) du 1° du I de l’article L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales, les communes situées dans les îles maritimes monocommunales non tenues d’intégrer un schéma départemental de coopération intercommunale échappent d’office à la contribution Fpic. C’est assez logique, en raison de la discontinuité territoriale, et c’est une mesure de cohérence et de justice afin de ne pas pénaliser ces îles monocommunales.
En revanche, l’échelon intercommunal n’est pas traité dans cet article, alors même qu’il est confronté aux mêmes problèmes, problèmes qui ont du reste été accentués par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe.
C’est pourquoi je tiens à évoquer la seule communauté de communes insulaire française, celle de Belle-Île-en-Mer, qui compte moins de 5 500 habitants, dont les communes connaissent un écart de potentiel financier à la moyenne qui va de –14 % à –32 % ; il s’agit donc bien de communes pauvres. Par ailleurs, ce territoire doit exercer bien davantage de compétences que les autres EPCI – citons l’approvisionnement en carburants, en lait, etc. –, avec les charges correspondantes.
Cet amendement vise à exonérer de contribution au Fpic la communauté de communes insulaire de Belle-Île-en-Mer. C’est une mesure d’équité et de justice entre les îles monocommunales et les îles comptant une seule communauté de communes, en l’occurrence celle de Belle-Île-en-Mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. Vous l’avez dit, mon cher collègue, cet amendement vise à exonérer de prélèvement Fpic les ensembles intercommunaux regroupant exclusivement toutes les communes composant un territoire insulaire. Les communes insulaires isolées sont exonérées de ce prélèvement, cette dérogation étant justifiée au regard de leur situation particulière.
En revanche, il ne nous semble pas que les ensembles intercommunaux insulaires se trouvent dans la même situation. En outre, si cet amendement était adopté, les montants non acquittés par ces ensembles devraient être reportés sur d’autres ensembles, ce qui pourrait contrevenir au principe d’égalité, conduisant à une censure du juge constitutionnel.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Monsieur le rapporteur spécial, cet amendement ne concerne qu’un seul ensemble intercommunal, à l’exclusion de tout autre, puisqu’il vise les « ensembles intercommunaux regroupant, exclusivement, toutes les communes composant un territoire insulaire ». Je le répète, il n’existe qu’un tel ensemble dans notre pays.
Puisque vous parlez de justice et d’équité, permettez-moi de vous dire qu’il n’y a aucune raison que cette communauté de communes soit aujourd’hui la moins bien traitée. Étant la plus modeste de toutes, c’est celle qui a le plus de contraintes.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le rôle pondérateur du coefficient logarithmique. Dans le cas de ce territoire insulaire, son potentiel fiscal s’en trouve surévalué, à son détriment. Je rappelle que le Fpic a été conçu initialement pour pénaliser les territoires riches qui ne pouvaient ou ne voulaient pas procéder à des fusions. Là, on parle d’une île qui est située à quinze kilomètres du continent : même avec la meilleure volonté du monde, ses élus ne peuvent pas faire évoluer les choses, sont soumis à de fortes contraintes, d’autant que cet article du CGCT ignore leur situation.
Je le répète, nous proposons simplement d’assurer une égalité de traitement entre les îles maritimes monocommunales en considérant le situation très particulière et unique de cette communauté de communes de Belle-Île-en-Mer. C’est une mesure d’égalité et de justice.
Je pourrais même aller jusqu’à dire que les arguments que vous avez avancés devraient inciter nos collègues à voter cet amendement, monsieur le rapporteur spécial, car il n’y a pas de raison que ce territoire soit à ce point pénalisé. Celles et ceux qui le connaissent le savent bien : il doit faire face à des défis immenses. Ses élus se mobilisent quotidiennement, mais ils ont besoin de moyens.
Aussi, exonérons cette intercommunalité de sa contribution au FPIC, alors même alors qu’elle a tant besoin de cet argent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, vous le savez, la contribution au Fpic est calculée en fonction de deux indicateurs : le potentiel financier agrégé et le revenu des habitants. Cela permet en réalité de comparer les ressources et les charges objectives des territoires français entre eux, toutes choses égales par ailleurs, sans le biais des effets de gestion.
Au regard de ces indicateurs, quatre communautés de communes insulaires, celle de l’île de Ré, celle de l’île d’Oléron, celle de Belle-Île-en-Mer et celle de l’île de Noirmoutier, n’apparaissent pas comme étant dans une situation de particulière fragilité par rapport aux autres territoires, même si je ne méconnais pas les charges particulières liées à l’insularité.
Dans ces quatre territoires, en 2024, le revenu par habitant était supérieur à la moyenne nationale dans des proportions s’échelonnant entre 9 % et 64 %.
Concernant le potentiel financier agrégé par habitant, seul celui de la communauté de communes de l’île d’Oléron est inférieur de 3 % au montant moyen national, les autres y étant supérieurs jusqu’à 17 %.
Ces différentes modalités de répartition entre les communes membres d’un même EPCI protègent les communes les plus fragiles. Les 2 500 premières communes sont éligibles à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR), dont j’ai d’ailleurs annoncé qu’elle serait relevée. L’année précédant la répartition, elles sont exonérées de prélèvement au titre du fonds. Aucune commune membre des EPCI insulaires identifiés ne se trouve dans ce cas.
Aussi, monsieur le sénateur, il n’y a, à mon avis, aucune raison d’exonérer de prélèvement des ensembles intercommunaux au seul motif qu’ils sont insulaires, alors même que les indicateurs de ressources et de charges ne relèvent pas de fragilité particulière pour ces territoires par rapport aux autres. La situation n’est pas la même que celle de communes insulaires isolées : certes, elles sont exonérées de prélèvement Fpic, mais, et c’est une grande différence, elles ne peuvent pas compter sur la solidarité intercommunale.
Telles sont les raisons qui ont motivé l’avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° II-1731, présenté par Mme Briquet et M. Sautarel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer ici un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3335-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième et du dernier alinéa du I, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° Après le III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III bis. – Entre 2025 et 2027, le troisième prélèvement est égal à 0,25 % du montant de l’assiette, minorée de la fraction de la valeur taxable mentionnée au B du II de l’article 31 decies de la loi n° 2024-… de finances pour 2025, de la taxe de publicité foncière et des droits d’enregistrement perçus par chaque département l’année précédant celle de la répartition, en application des articles 682 et 683 du code général des impôts. Le Département de Mayotte est exonéré de ce prélèvement. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. Je prendrai un peu de temps pour présenter cet amendement que je qualifierai d’assez structurant.
Il s’agit en effet de soutenir les départements les plus en difficulté en redistribuant une partie du produit potentiel du droit à relever le taux des DMTO, que nous avons adopté en première partie.
Nous sommes tous ici conscients de la nécessité de soutenir ces départements, souvent modestes et ruraux, dont les recettes de DMTO sont faibles, mais qui sont asphyxiés par le poids de leurs dépenses sociales. Je pense par exemple aux départements de l’Aisne ou des Ardennes.
Chacun sait ici les importantes inégalités qui existent entre les départements. Le produit des DMTO par habitant à Paris, par exemple, est six fois supérieur à ce qu’il est dans les Ardennes. Dès lors, la hausse potentielle des DMTO que nous avons votée en première partie ne permettra pas de soutenir un très grand nombre de départements. C’est d’autant plus vrai que cette hausse potentielle ne s’appliquerait, pour les primo-accédants, qu’au-delà d’un seuil de 250 000 euros s’agissant de la valeur du bien acquis.
Les départements où les DMTO sont les plus faibles étant aussi les départements où les prix de l’immobilier sont les plus bas, ce levier ne permettra guère aux départements pauvres de lever les sommes suffisantes, même s’ils décidaient d’augmenter le taux de ces DMTO.
Certes, nous préférerions tous que l’État soutienne encore davantage les départements les plus fragiles. Reste que, la première partie du projet de loi de finances ayant déjà été adoptée, il n’est plus possible d’y intégrer une telle mesure dans la suite de nos débats, en vertu de la règle de l’entonnoir. Plus largement, la situation financière de l’État ne lui permet pas de le faire. D’ailleurs, Bercy ne l’accepterait sans doute pas.
J’ajoute que le Sénat a d’ores et déjà significativement amélioré la situation des départements par rapport à la copie initiale. Ainsi, cinquante départements sont exonérés de contributions au Dilico, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, notamment tous les bénéficiaires du fonds de sauvegarde des départements.
Pour ne prendre qu’un exemple, le département de la Gironde, qui devait initialement contribuer à hauteur de 34 millions d’euros au dispositif prévu par le Gouvernement, est aujourd’hui totalement exonéré grâce au vote du Sénat. Il n’est d’ailleurs pas le seul !
Quant à ceux qui resteront contributeurs, ils contribueront tous très significativement, mais moins qu’initialement prévu.
Il manque néanmoins encore une mesure de soutien aux départements les plus fragiles.
Nous avons entendu les arguments de Départements de France. Sans doute notre proposition initiale n’est-elle pas parfaite ; nous sommes prêts à le reconnaître et à poursuivre le dialogue avec les départements dans la suite du débat parlementaire et jusqu’à la commission mixte paritaire.
Toutefois, pour que la discussion puisse se poursuivre, il faut adopter cet amendement. S’il était rejeté, il ne serait pas possible d’introduire une mesure de soutien en commission mixte paritaire et les départements les plus fragiles se retrouveraient immanquablement sans solution.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter à ce stade l’amendement de la commission et à poursuivre le travail en concertation avec Départements de France pour aboutir à un dispositif aussi équitable que possible et profitable à l’ensemble des collectivités départementales de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, nous avons eu l’occasion de discuter dernièrement de ce sujet. En réalité, vous nous proposez, par cet amendement, de créer un troisième prélèvement sur le fonds national de péréquation des DMTO, pour une durée de trois ans, afin d’accentuer la péréquation de cette ressource fiscale.
Le Sénat, par ses travaux, notamment à la suite de l’insertion de cet article 64 bis dans ce projet de loi de finances – vous y avez pris une part active –, a déjà permis de réduire significativement le niveau de prélèvement des départements prévu au titre de ce dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales.
Je le rappelle, le Gouvernement est favorable au relèvement de 0,5 point du taux plafond des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements, pour une période de trois ans.
Amélioré par vos soins, le dispositif de péréquation joue un rôle bénéfique pour les départements. À ce stade, il ne me semble pas judicieux d’accroître encore la solidarité interdépartementale.
La mesure proposée n’a pas fait l’objet de simulation : en particulier, ses possibles effets négatifs pour les départements n’ont pas été étudiés. Le président de Départements de France vient d’ailleurs de me faire connaître, par le biais d’un message écrit, sa ferme opposition à cette mesure.
M. Didier Marie. Eh oui !
M. François Rebsamen, ministre. À l’heure où les recettes de DMTO diminuent, il serait somme toute paradoxal d’alourdir le prélèvement opéré sur l’assiette de ces droits aux dépens des départements concentrant ladite fiscalité. Ces derniers sont en effet les plus sensibles aux variations des DMTO. Ce sont donc ceux dont l’équilibre financier dépend le plus étroitement de cette ressource.
M. Didier Marie. Exact !
M. François Rebsamen, ministre. Les montants dont nous parlons s’établissent, par habitant et par an, à 227 euros en Lozère, 199 euros dans la Creuse ou encore 155 euros dans le Finistère : on peut dire que la péréquation fonctionne.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, en accord – je le répète – avec la position de Départements de France.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. Mes chers collègues, sur ce sujet, les membres du groupe SER abondent dans le sens de M. le ministre.
Je tiens à alerter mes collègues des conséquences qu’entraînerait l’adoption de cet amendement. Sans contester, en tant que telle, la philosophie de ce dispositif, nous estimons qu’elle n’est pas en adéquation avec la conjoncture financière que connaissent les plus gros départements. Ces derniers seraient contraints de mettre en œuvre une péréquation horizontale au bénéfice des plus petits, alors même que leur santé financière est souvent bien plus mauvaise.
Nous le savons tous, les gros départements connaissent aujourd’hui de très grandes difficultés financières, qu’ils peinent à surmonter. Dès lors, de telles dispositions menaceraient l’équilibre très fragile de la péréquation horizontale en vigueur entre départements.
Comme l’a souligné M. le ministre, mieux vaut laisser Départements de France apprécier la pertinence de ce dispositif. Nous sommes nombreux à avoir été saisis par cette association sur cet amendement. À l’évidence, la mise en œuvre d’une telle mesure créerait plus d’incertitude que d’égalité.
Ne courons pas le risque d’aggraver encore la situation des départements en votant des mesures dont les principaux concernés n’ont pas été saisis.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous…
Je connais bien Départements de France : les plus grands départements y sont très puissants. Dans ces conditions, l’avis du président de cette association ne m’étonne pas…
Comme toujours, l’argent va à l’argent : on le constate une fois de plus avec les DMTO. Dans les départements les plus pauvres, les prix de l’immobilier sont très bas, en conséquence, le montant des droits de mutation reste très faible.
Je ne parle pas du cas particulier de la Haute-Marne : mon propos est plus large. Je pense à tous les départements pauvres, qui doivent affronter des problèmes sociaux considérables et n’arrivent pas à s’en sortir. Si j’en crois l’objet de cet amendement, le produit des DMTO représente 600 euros par an et par habitant à Paris, contre 100 euros par an et par habitant dans un département pauvre comme celui des Ardennes, où les problèmes sociaux sont sans doute bien plus grands.
Pour ma part, je voterai cet amendement, car je le trouve excellent.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, vous avez déploré à plusieurs reprises que les dispositions proposées ne soient pas étayées par des simulations. C’est précisément pourquoi je peine, comme vous, à prendre position sur le sujet dont nous sommes en train de débattre. Toutefois, ce sont les conditions d’examen de ce projet de loi de finances qui nous plongent dans cette situation.
Nous sommes contraints de poursuivre la discussion entamée à l’automne comme si de rien n’était, ce qui nous impose la plus grande vigilance : comme l’a rappelé M. Sautarel, conformément à la règle dite de l’entonnoir, nous ne pourrons pas revenir sur des dispositions que nous aurons négligé d’introduire dans ce texte.
Bref, nous débattons dans des conditions particulièrement mauvaises, que les sujets aient trait aux collectivités territoriales ou à bien d’autres domaines encore.
Chacun d’entre nous, avec ses propres mots et ses propres exemples, souligne la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent les départements. Avec d’autres collègues, j’ai pour ma part proposé la pérennisation du fonds de sauvegarde des départements : vous n’avez pas souhaité procéder ainsi.
J’entends que les DMTO ont été mis à contribution, mais les mesures prises se révèlent aujourd’hui insuffisantes, notamment pour faire face aux dépenses sociales, qui atteignent des sommets. Quelles pistes le Gouvernement est-il prêt à étudier pour que chacun de nos départements puisse continuer d’exercer ses missions ? N’abusons pas de la péréquation horizontale : nous sommes bien sûr favorables à ce mécanisme, mais il ne saurait évidemment pas suffire. On le voit dans le contexte actuel.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Monsieur le ministre, je suis de ceux qui ont négocié cette péréquation horizontale : il va sans dire que j’y suis favorable. Je rappelle d’ailleurs qu’elle a été instituée sur l’initiative, non pas du Gouvernement, mais des départements eux-mêmes (M. le ministre le concède.), face aux difficultés qu’un certain nombre d’entre eux rencontraient déjà à l’époque.
Aujourd’hui, les DMTO sont en baisse, alors que, hier, ils affichaient une très forte hausse. Il s’agit, en mobilisant cette ressource, de corriger l’inégalité déplorée en la matière.
M. le rapporteur spécial a cité divers départements, parmi lesquels l’Aisne, cumulant un faible produit de DMTO et une augmentation des dépenses sociales. Ces territoires sont encore plus durement frappés par la crise économique. Il existe, à l’évidence, une corrélation entre l’évolution des DMTO et celle des dépenses sociales.
La péréquation horizontale sur ces recettes a fait l’objet d’un accord : malgré la diminution globale du produit des DMTO, la hausse de taux doit profiter à ceux qui bénéficient le moins de cette ressource.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. J’approuve pleinement les propos de mon collègue et ami Bruno Sido : pour les raisons qu’il a indiquées, je voterai moi aussi cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, somme toute, rien n’est faux dans ce qui vient d’être dit, si bien que je suis d’accord avec les uns et les autres… Toutefois, à mon sens, mieux vaut s’en tenir sur ces sujets à une bonne tradition du Sénat, consistant à s’appuyer sur la position des associations d’élus.
Ces dernières savent trouver des solutions, y compris dans la douleur. Évidemment – M. Sido l’a rappelé –, les intérêts qui s’y expriment ne sont pas toujours les mêmes. Nous le comprenons tous. Toujours est-il qu’in fine un accord se dégage. J’en veux pour preuve le système actuel de péréquation : ce dispositif procède d’une décision interne de Départements de France et je relève qu’il est d’une ampleur remarquable. La péréquation régionale est, elle, bien plus modeste…
Nos rapporteurs spéciaux ont dû travailler dans l’urgence, et je ne saurais l’oublier. Je déplore néanmoins que le Sénat prenne l’initiative de se prononcer sur ce sujet sans s’appuyer, comme il le fait toujours, sur la concertation menée au sein des associations d’élus.
Soyons prudents. Pour l’heure, le président de Départements de France juge préférable d’en rester là. Je compte, pour ma part, sur cette association pour traiter le sujet : si nécessaire, elle saura trouver une solution.
Je tenais à vous rappeler cette jurisprudence sénatoriale, mes chers collègues.