M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Durovray, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je connais votre sensibilité sur le sujet des éoliennes, particulièrement dans votre région.
Vous m’interrogez sur la légalité d’un chèque énergie mis en place par les producteurs et exploitants des énergies renouvelables à destination des résidents des communes accueillant des éoliennes.
Je précise que le chèque énergie qui existe aujourd’hui est une aide de l’État à destination des ménages les plus modestes, afin de les aider à payer leurs factures d’énergie, sans aucun lien géographique. Ce que vous évoquez est un autre outil, qui aurait pour objectif d’améliorer l’acceptabilité des éoliennes dans les territoires.
Vous vous interrogez sur leur légalité. Vous avez raison, puisque le principe de péréquation tarifaire est le fondement de l’équilibre économique de notre système de consommation énergétique : deux consommateurs ayant le même profil de consommation, faisant appel au même fournisseur et ayant souscrit la même offre se verront facturer le même tarif, quelle que soit leur localisation géographique.
Vous soulevez la question de la prise en compte de critères géographiques pour que certains de nos concitoyens puissent bénéficier de dispositifs plus généreux.
Je rappelle qu’Agnès Pannier-Runacher a évoqué l’idée d’un partage territorial de la valeur des énergies renouvelables dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Ce dispositif ressemblait, dans son esprit, à celui que vous avez évoqué : il avait précisément pour but de renforcer l’acceptabilité du déploiement des énergies renouvelables, via un gain financier pour les territoires d’accueil, ce qui n’exclut évidemment pas d’autres considérations environnementales auxquelles vous êtes particulièrement sensible.
Agnès Pannier-Runacher me charge de vous dire qu’elle est tout à fait disposée à retravailler avec vous sur ce dispositif.
date de la publication du décret sur le mécanisme de la garantie rurale
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, auteur de la question n° 235, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
M. Christian Bilhac. Monsieur le ministre, l’objectif de zéro artificialisation nette des terres a été instauré par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Si l’objectif de sobriété foncière est justifié, sur le terrain, de nombreuses difficultés juridiques et pratiques découlent de sa mise en œuvre.
Face aux difficultés rencontrées par les élus, une nouvelle loi, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite ZAN 2, a permis des ajustements. Elle a été votée le 20 juillet 2023.
Ma question est double, monsieur le ministre.
Premièrement, dix-sept mois après le vote de la loi, envisagez-vous de publier rapidement le décret relatif au mécanisme de la garantie rurale, prévoyant qu’une commune ne peut se voir attribuer d’ici à 2031 une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers inférieure à 1 hectare dès lors qu’elle est couverte par un document d’urbanisme ou qu’elle en a prescrit un avant le 1er août 2026 ?
Deuxièmement, les territoires ruraux sont frappés par une double peine aux termes de la loi actuelle.
Je pense, par exemple, à une commune rurale de l’Hérault, dans laquelle je me suis rendu quelques semaines avant le début de l’examen du projet de loi de finances et qui n’a pas délivré de permis de construire depuis 2013, soit depuis onze ans ! Or que dit-on à la maire de cette commune ? Qu’elle n’a droit à rien, bien qu’elle n’ait rien consommé. De fait, la moitié de zéro, ça fait zéro !
Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas, comme le prévoit la proposition de loi que j’ai déposée en ce sens, que ces communes rurales soient carrément dispensées des obligations du zéro artificialisation nette ? De fait, elles sont déjà très vertueuses et satisfont aux exigences.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Durovray, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je pense que vous partagez l’objectif qui est le nôtre en matière d’artificialisation des sols.
L’observation montre que, au cours des années passées, 24 000 hectares, soit l’équivalent d’un département, ont été urbanisés par an, en moyenne, dans notre pays.
L’impératif de sobriété foncière est une responsabilité commune, dont la mise en œuvre doit évidemment être différenciée.
C’est la raison pour laquelle la loi prévoit une trajectoire progressive et une modulation de l’objectif selon les spécificités de chaque territoire.
La construction dans les communes n’est pas bloquée. Les schémas régionaux, ainsi que les documents de planification et d’urbanisme, permettent aux collectivités territoriales de moduler l’objectif selon leurs besoins et leurs spécificités.
Par ailleurs, la loi prévoit que toute commune couverte par un document d’urbanisme antérieur à août 2026 ne peut être privée d’un potentiel minimum de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers fixé à 1 hectare sur la période 2021-2031.
Cette disposition, communément appelée « garantie communale », est le fruit des retours de terrain des élus locaux à la suite de l’entrée en vigueur de la loi dite Climat et résilience. Elle était d’application immédiate et n’a donc pas nécessité de décret d’application.
L’instauration de cette garantie communale permet de répondre à la crainte des territoires ruraux que vous évoquez. Elle permettra même à une commune n’ayant pas du tout artificialisé de foncier ces dernières années de recourir à une extension urbaine si nécessaire.
Pour terminer, je vous rappelle que le Premier ministre Michel Barnier a indiqué sa volonté de revoir les conditions du zéro artificialisation nette. J’espère que la période que nous vivons aujourd’hui permettra d’atteindre l’objectif bien compris que vous avez relayé dans cette assemblée.
rôle de la justice face à la recrudescence des agressions envers les élus
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 054, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Stéphane Sautarel. Madame la secrétaire d’État, cette séance est pour le moins surréaliste, compte tenu de la grande inconnue politique et financière et du trou noir dans lequel notre pays risque d’être plongé dès demain.
Toutefois, malgré cet inconnu, je veux vous interroger sur ce qui constitue le socle de notre République.
S’en prendre aux élus, c’est s’en prendre à la République.
Sur l’initiative du Sénat, la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux du 21 mars 2024 a été adoptée afin de renforcer les sanctions des auteurs de violences et d’injures envers les élus et de faciliter l’accès des élus et des candidats aux dispositifs de protection fonctionnelle et d’assurance.
Dans mon département du Cantal, plusieurs élus se sont fait agresser ou ont été menacés ces derniers temps. Je pense notamment au maire de Parlan ou encore à celui de Saint-Étienne-de-Maurs, dont les réflexes ont permis d’éviter le pire. D’autres élus sont également menacés.
Face à ces agressions de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes, la loi doit être pleinement appliquée.
Par ailleurs, il est nécessaire que les dépôts de plainte des élus soient systématiquement pris en compte afin que la justice puisse se saisir rapidement des faits et faire le nécessaire pour protéger les élus.
Dans la pratique, on constate que les élus victimes d’agressions ou de menaces ont parfois peu de contacts, voire pas de contacts du tout avec les forces de l’ordre et les procureurs et qu’ils n’obtiennent pas de réponse de ces derniers. Ils restent ainsi dans le flou.
Qu’envisagez-vous de faire, madame la secrétaire d’État, pour protéger les élus victimes de ces agressions, en particulier pour améliorer la diligence avec laquelle les procureurs engagent les poursuites ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, le garde des sceaux m’a chargée de répondre à votre question.
Nos élus occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et les violences dont ils sont victimes portent indéniablement atteinte au pacte républicain.
Le Gouvernement est mobilisé aux côtés des élus et le ministère de la justice s’investit pleinement dans la lutte engagée contre ces atteintes, quelle que soit la forme qu’elles sont susceptibles de revêtir.
Le Gouvernement a ainsi présenté, le 7 juillet dernier, un plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, précédé d’une instruction interministérielle relative à la prévention et à la lutte contre les menaces et violences faites aux élus, diffusée le 3 juillet 2023 et à la préparation de laquelle le ministère de la justice a naturellement pris part.
L’action du ministère de la justice est, depuis plusieurs années déjà, pleinement cohérente avec les objectifs et actions de ce plan national. Ce sujet d’importance a fait l’objet, ces dernières années, de plusieurs circulaires tendant à permettre aux parquets de répondre de manière ferme et cohérente aux atteintes aux élus portées à leur connaissance et à mieux accompagner ces derniers lorsqu’ils sont victimes. Cette action doit être poursuivie et renforcée.
La loi du 21 mars dernier renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a permis d’élargir le spectre des atteintes aux élus, en y incluant de façon pertinente les candidats aux élections, en aggravant certains niveaux de peine ou en parachevant les mécanismes juridiques d’information des élus.
La réponse pénale, à cet égard, est ferme et doit le rester. Ainsi que le garde des sceaux l’a récemment dit dans cet hémicycle, il aura l’occasion de le rappeler aux procureurs généraux.
Récemment, la Chancellerie a aussi rappelé les outils à la disposition des juridictions et mobilisé l’ensemble de la chaîne pénale. Elle a également adressé aux procureurs généraux un modèle de protocole relatif au renforcement des relations entre les parquets et les maires.
Le garde des sceaux entend aujourd’hui évaluer l’efficacité de ces évolutions normatives en s’assurant de la pertinence du cadre juridique mis en place. Il compte notamment réunir à intervalles réguliers les référents dédiés aux atteintes aux élus pour que les remontées de terrain nourrissent notre réflexion collective. Si besoin, de nouvelles mesures seront prises. D’éventuelles pistes d’accélération du processus judiciaire sont à l’étude. Le garde des sceaux rendra compte de ces travaux au Parlement afin que le diagnostic et les solutions puissent être partagés.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie de ces réponses, madame la secrétaire d’État.
Si, aujourd’hui, l’arsenal juridique est effectivement en place, j’insiste sur la nécessité de prendre systématiquement en compte les dépôts de plainte et d’y donner une suite, afin que nos élus locaux, qui sont les premières sentinelles de la République, laquelle est aujourd’hui bien fragilisée, soient assurés du soutien de la Nation dans leur engagement auprès de nos concitoyens.
installation en urgence de brouilleurs au centre pénitentiaire de bordeaux-gradignan
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 126, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Laurence Harribey. Madame la secrétaire d’État, en septembre dernier, le nombre de détenus en France a atteint un nouveau sommet : ils sont désormais 78 900. On en compte 450 de plus tous les trois mois nous a indiqué le garde des sceaux lors de sa dernière audition devant la commission des lois.
En matière de surpopulation carcérale, la France figure malheureusement parmi les mauvais élèves de l’Europe, en troisième position derrière Chypre et la Roumanie.
On le sait, la politique carcérale en France consiste à construire de nouveaux établissements pénitentiaires. À Gradignan, en Gironde, le nouveau bâtiment tant attendu a été livré en mai 2024, mais il souffre déjà de surpopulation, 140 matelas étant posés au sol. Quant au taux d’occupation, il est de 140 %.
Par ailleurs, les surveillants m’ont alertée sur les conditions d’exercice de leur métier, qui sont loin d’être optimales : pas de brouilleur, pas de dispositif anti-drones, fenêtres en PVC trop fragiles, qui brûlent et sont déjà dégradées…
Le garde des sceaux a annoncé un plan anti-drones très prochainement. Pouvez-vous nous donner des éléments sur ce plan, de manière que l’on puisse rassurer les surveillants pénitentiaires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le garde des sceaux vous remercie, madame la sénatrice, de votre question, qui permet d’aborder la situation complexe dans laquelle nos prisons se trouvent aujourd’hui et le plan spécifique déjà mis en œuvre par le Gouvernement pour y apporter des solutions pérennes et efficaces et lutter contre la surpopulation carcérale.
Les travaux de reconstruction du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan ont démarré en 2021 et sont organisés en deux grandes phases d’aménagement, de manière à assurer la continuité de l’activité de l’établissement existant.
Ce projet répond à plusieurs ambitions : d’une part, améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires, permettre une meilleure prise en charge des personnes détenues et améliorer l’accueil des partenaires ; d’autre part, assurer une meilleure intégration de l’établissement dans la cité.
Le coût total prévisionnel de cette reconstruction s’élève à environ 183 millions d’euros.
La livraison des nouveaux bâtiments de l’établissement a eu lieu le 20 mai 2024. Toutefois, il s’agit seulement de la première phase du projet. La seconde phase doit notamment permettre de perfectionner les travaux déjà réalisés et d’installer de nouveaux équipements de sécurité.
En effet, le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan a déjà été livré d’un dispositif anti-drones. Les travaux de câblage sont en cours et la mise en service est programmée très prochainement.
Le centre pénitentiaire figure également sur la liste des établissements identifiés comme étant prioritaires au titre de l’année 2025 pour la dotation des dispositifs de brouillage de communications illicites.
La modification du système de caillebotis pour renforcer les fenêtres, qui autorise désormais le démontage du vitrage pour son remplacement en cas de bris, est également à l’étude, pour une réalisation prévue durant la seconde phase des travaux.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éléments de réponse concrets que vous m’avez donnés, en particulier à la fin de votre intervention.
La semaine dernière, une délégation de l’administration pénitentiaire de Gironde est venue visiter le Sénat. Ses participants, que j’ai rencontrés, m’ont de nouveau fait part de leur inquiétude.
Je veux bien que ce soit une histoire de câblage, mais le dispositif anti-drones n’est toujours pas en place, alors que nous sommes au début du mois de décembre.
Je suivrai ce dossier avec beaucoup d’attention et je ferai un retour au garde des sceaux, s’il est encore au Gouvernement, pour faire le point sur cette question.
reconnaissance du tilde
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 200, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Michel Canévet. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en interpellant le Gouvernement aujourd’hui, je pense à Amélie, une maman du Finistère qui vient de mettre au monde un petit Fañch, à qui je souhaite de connaître une très longue et très agréable vie dans ce département.
Il se trouve que, en Bretagne, ce prénom s’écrit avec un tilde. Or, à plusieurs reprises, les procureurs de la République se sont opposés à des modifications de l’état civil souhaitées par des parents désireux de voir ce tilde figurer sur le prénom de leur enfant.
Pourtant, les recherches historiques que nous avons faites nous ont permis de découvrir que l’ordonnance royale dite de Villers-Cotterêts de 1539, qui a imposé la langue française comme langue de la République, comporte un grand nombre de tildes. Autrement dit, le tilde fait bel et bien partie de la langue française !
Nous ne comprenons pas pourquoi son utilisation peut être remise en cause, en Bretagne en particulier.
C’est une circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 qui régit l’usage des signes diacritiques. Or, en 2020, le garde des sceaux de l’époque avait promis à celui qui était alors président de l’Assemblée nationale qu’une modification de cette circulaire interviendrait pour intégrer le tilde dans les signes diacritiques.
Qu’en est-il, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, vous interrogez le garde des sceaux sur l’impossibilité actuelle d’intégrer le signe diacritique qu’est le tilde dans les actes de l’état civil.
Comme vous le rappelez, en l’état de la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil, les seuls signes diacritiques autorisés dans la langue française sont les points, trémas, accents et cédilles. L’Académie française, sollicitée en 2014, a confirmé qu’il s’agissait des seuls signes diacritiques propres à la langue française. Le tilde n’en fait donc pas partie.
Il est exact que, en février 2019, lors de la signature du contrat d’action publique pour la Bretagne, l’un des engagements du Premier ministre portait sur l’ouverture d’une réflexion sur les conditions d’intégration à l’état civil de tels signes régionaux. Une étude a été engagée par le ministère de la justice afin de recenser l’ensemble des adaptations rendues nécessaires par une telle intégration. Celle-ci a été envisagée à l’article 9 de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, qui prévoyait d’autoriser les signes diacritiques des langues régionales dans les actes de l’état civil.
Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 mai 2021, a censuré cette disposition au titre de l’article 2 de la Constitution, qui énonce que « la langue de la République est le français ».
Monsieur le sénateur, une modification de la circulaire du 23 juillet 2014 afin d’autoriser l’emploi, dans les actes de l’état civil, d’un signe dont l’usage a été déclaré contraire à la Constitution n’apparaît pas possible juridiquement.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Madame la secrétaire d’État, je déplore votre réponse, à laquelle je ne souscris pas du tout.
Contrairement à vous, je considère, notamment sur le fondement de sa présence dans l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts, que le tilde peut être utilisé.
Je vous signale, d’ailleurs, que le préfet de police de Paris a, dans son nom, un signe diacritique ! Il faudra que l’on m’explique pourquoi nos concitoyens ne pourraient pas l’utiliser.
évolution des tableaux de maladies professionnelles pour les sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, auteure de la question n° 201, adressée à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous parler de la santé de ceux qui, chaque jour, risquent leur vie pour protéger la nôtre.
Nos forces de sécurité méritent, bien sûr, notre attention de tous les instants. C’est vrai en particulier de nos sapeurs-pompiers, exposés aux incendies. En effet, rappelons que, lorsque les gens fuient pour échapper à la fumée, nos soldats du feu y pénètrent.
Administratrice depuis près de dix ans du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) des Alpes-Maritimes, département situé dans une zone particulièrement en proie aux flammes – plus de 3 200 incendies s’y sont déclarés rien qu’en 2023 –, j’ai observé et rencontré ces hommes et ces femmes qui, après dix ou vingt ans d’exercice, ont la peau ou le souffle qui transpire la fumée.
Je pense notamment à Thomas, à Sylvain, à Damien, à Frédéric ou encore à Thierry, pour ne citer qu’eux. Je vous invite à découvrir leur parcours et, surtout, leurs épreuves, parfois fatales, face à la maladie dans le documentaire qui sera diffusé le 13 décembre prochain sur Public Sénat.
Dès 2022, le Centre international de recherche sur le cancer a reconnu comme cancérogène pour l’homme l’exposition professionnelle en tant que pompier à des fumées toxiques, avalisant ainsi les travaux déjà publiés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en août 2019.
Le récent rapport sénatorial de mes collègues Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol a permis de remettre le sujet sur la table.
À ce jour, seules deux maladies sont reconnues comme imputables à l’exercice de cette profession. Il est désormais grand temps, madame la secrétaire d’État, de faire évoluer la reconnaissance des maladies professionnelles de nos soldats du feu !
Cette décision relève du pouvoir réglementaire, et le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, y est favorable, tout comme l’était son prédécesseur, que j’ai alerté par le passé.
Comme vous le savez, l’empoisonnement ne s’effectue pas seulement par inhalation, quand les pompiers sont au feu : l’absorption d’effluents d’incendie peut aussi se faire par voie cutanée, voire par ingestion, malgré les équipements de protection individuelle, et ce, comme vous vous en doutez, en raison des limites de conception, de l’entretien ou de la décontamination de ces derniers.
Madame la secrétaire d’État, il est urgent de modifier les tableaux de maladies professionnelles, soit en les révisant, soit en en créant de nouveaux, afin de mieux accompagner nos sapeurs-pompiers dans cette épreuve.
C’est une priorité pour eux ; c’est un devoir pour nous.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, Mme la ministre du travail et de l’emploi m’a chargée de répondre à votre question.
Les risques professionnels auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers professionnels sont un sujet d’importance pour le ministère du travail.
Tout d’abord, du fait de son exposition potentielle aux fumées de combustion, la profession bénéficie des mesures de prévention prévues par le code du travail relatives aux expositions aux agents chimiques, qui visent notamment à minimiser les expositions à un niveau aussi bas que techniquement possible et à renforcer la surveillance médicale.
Concernant la réparation des pathologies professionnelles, comme vous le soulignez, les tableaux de maladies professionnelles nos 43 bis et 45 mentionnent explicitement les travaux d’extinction des incendies pour la réparation du carcinome du nasopharynx et les services de secours et de sécurité pour celle du carcinome hépatocellulaire. Par conséquent, les pompiers peuvent déjà bénéficier d’une reconnaissance automatique de maladie professionnelle pour ces deux pathologies.
Par ailleurs, sur saisine du ministère du travail, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un rapport en octobre 2024 dans lequel elle fait état d’un niveau de corrélation avéré entre les cancers de la vessie, de la plèvre ou du péritoine et la profession de pompier.
À noter que ces pathologies figurent respectivement dans trois tableaux des maladies professionnelles. Ainsi, pour les pompiers relevant du régime de droit privé, la reconnaissance devant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) est donc déjà possible.
Compte tenu du fait que les tableaux de maladies professionnelles s’imposent à l’ensemble des régimes, le ministère chargé du travail a entamé les démarches nécessaires à leur révision ou modification afin d’y intégrer le lien entre les cancers de la vessie, de la plèvre ou du péritoine et la profession de pompier.
soutien aux français d’israël
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, auteure de la question n° 220, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la ministre, dès le 8 octobre 2023, les résidents du nord de l’État d’Israël ont été évacués par le gouvernement israélien, à la suite des bombardements du Hezbollah. Jusqu’à présent, ils n’ont pas été en mesure de revenir chez eux. Si un cessez-le-feu a enfin pu être prononcé, la situation reste fragile, comme on l’a vu ces derniers jours. Parmi ces résidents se trouvent des centaines de familles françaises.
Nos autorités consulaires ont réalisé un important travail de recensement et de soutien de ces familles, qui n’étaient que partiellement inscrites au registre des Français établis hors de France, ce qui a rendu leur repérage difficile.
Serait-il possible de nous éclairer sur le bilan de cette opération et de savoir combien de personnes ont été recensées ou aidées ? Combien continuent à être suivies aujourd’hui et dans quelle mesure ? Enfin, sur un plan plus politique, quel message adressez-vous aujourd’hui aux Français d’Israël ?
Ces derniers sont, en très grande majorité, à 98 %, franco-israéliens, ce qui est une particularité de cette communauté. Ils se sentent souvent incompris, voire rejetés par leur propre pays, au gré des mouvements de nos différentes lignes diplomatiques.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger. Madame la sénatrice Sophie Briante Guillemont, je vous remercie de votre question. Elle me donne l’occasion de dire clairement aujourd’hui, au nom du Gouvernement, que nous suivons avec énormément d’attention la situation de ces centaines de familles françaises qui résident en Israël et qui sont touchées par la situation sécuritaire. Cela vaut, d’ailleurs, au nord comme au sud du pays.
Ces familles n’ont pas encore pu rentrer chez elles, mais nous espérons que le cessez-le-feu intervenu le 26 novembre entre Israël et le Liban permettra le retour sûr des déplacés.
Vous l’avez dit, nos services consulaires ont réalisé un important travail de recensement de ces familles, qui représentent 5 000 personnes dans le nord d’Israël et 6 000 à la frontière de la bande de Gaza.
Le ministère a immédiatement consenti un effort budgétaire pour les soutenir, d’abord en abondant de 50 000 euros l’enveloppe de secours occasionnel du consulat général à Tel-Aviv. Entre octobre et novembre 2023, 500 familles ont ainsi pu bénéficier d’une aide d’urgence. Le ministère a ensuite accordé des subventions, à hauteur de 20 000 euros, à l’association française de solidarité du nord d’Israël (AFSNI) et au club des Français d’Ashkelon, qui sont eux venus en aide à des centaines de familles.
Nos services ont également été mobilisés pour fournir aux familles, dès octobre 2023, un soutien consulaire et social, ainsi qu’une cellule d’écoute psychologique. Nous avons également affrété quinze vols spéciaux vers la France, en lien avec le centre de crise et de soutien (CDCS), au profit d’environ 3 000 personnes.
Le message du ministère est le suivant : tous peuvent faire appel à leur consulat général, à Tel-Aviv. Nous serons là pour eux et nous demeurons extrêmement attentifs à l’ensemble de leurs besoins en cette période très troublée.