M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Bonneau, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser Mme la ministre de la culture, qui est actuellement en déplacement avec le Président de la République.
Les architectes des bâtiments de France sont chargés de la conservation des sites protégés en raison de leur intérêt patrimonial, tels que les abords des monuments historiques et les sites patrimoniaux remarquables classés au titre du code du patrimoine. Ces espaces contribuent au rayonnement culturel et à l’attractivité touristique et économique de notre pays. Or, sans le contrôle des ABF, ils ne seraient sans doute pas protégés ; c’est alors le régime commun du droit de l’urbanisme qui s’appliquerait.
Je rappelle que l’avis de l’ABF est toujours rendu au cas par cas, en fonction de chaque projet et des enjeux locaux de préservation du patrimoine, mais – il est important de le souligner – une attention toute particulière est portée à l’avis des élus.
Sur plus de 500 000 dossiers de travaux instruits en moyenne, chaque année, par les ABF, seuls 7 % font l’objet d’un avis défavorable. Un premier projet refusé est par ailleurs souvent suivi d’un nouveau projet qui, lui, sera accepté.
Enfin, une procédure d’appel existe en cas de désaccord entre le porteur du projet et l’autorité compétente. En l’occurrence, les élus peuvent contester devant le préfet de région un refus d’autorisation ou, dans certains cas, les prescriptions de l’ABF, puis saisir les juridictions administratives s’il y a un véritable blocage et s’ils ne parviennent pas à obtenir gain de cause.
En 2023, sur près de 500 000 dossiers instruits par les ABF et leurs services, seulement 1 350 recours ont été déposés auprès des préfets de région. Et ces recours ont souvent donné lieu, dans un second temps, à un avis favorable.
L’action des ABF n’est donc pas opposée à celle des maires ; les deux se complètent. Un dialogue doit s’instaurer entre les services de l’État et les élus, qui ont, à notre sens, des intérêts partagés. En effet, la conservation et la mise en valeur du patrimoine contribuent au développement des territoires et à la préservation de l’environnement.
Tels sont les éléments dont Mme la ministre de la culture souhaitait vous faire part
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.
M. François Bonneau. Monsieur le ministre, il ne s’agit pas de contester la préservation du patrimoine, à laquelle nous sommes bien évidemment très sensibles.
Une chose transparaît clairement au travers des chiffres que vous avez cités : le faible nombre de recours de la part des collectivités s’explique par la complexité de la procédure et la nécessité de saisir le préfet de région. Et sur le terrain, les ABF ne rendent compte à aucune autorité de contrôle.
De ce fait, il arrive que l’on connaisse des situations – je le répète – totalement ubuesques et des décisions qui n’ont aucun sens. Des projets sont abandonnés simplement parce qu’ils ne correspondent pas « aux goûts et aux couleurs » de l’ABF !
indemnisation des commerçants ayant subi des préjudices économiques durant les jeux olympiques et paralympiques de 2024
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 226, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l’indemnisation des commerçants parisiens ayant subi des préjudices économiques durant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024.
Ces Jeux ont été, rappelons-le, une véritable réussite pour Paris et pour la France.
Ce succès a été possible grâce au travail remarquable des forces de l’ordre et des militaires, qui ont assuré une sécurisation exceptionnelle des sites olympiques et des zones sensibles, sous l’autorité de la préfecture de police et du gouverneur militaire de Paris. Je tiens d’ailleurs à leur rendre hommage.
Cependant, de nombreux commerçants parisiens ont été directement et négativement affectés par les dispositifs de sécurité déployés pendant plusieurs semaines, notamment dans le XVIIe arrondissement de la capitale.
Je peux citer, par exemple, les commerçants de l’avenue de la Grande-Armée, de l’avenue de Wagram ou encore de la place Charles-de-Gaulle.
Le 12 juin dernier, le préfet Michel Cadot, délégué interministériel aux JOP, avait annoncé la création d’une commission nationale pour indemniser les établissements économiquement affectés par les restrictions liées aux Jeux.
Or cette commission ne s’est toujours pas réunie alors que les commerçants subissent, plus que jamais, les conséquences économiques de ces restrictions, qui mettent en péril leurs activités et leur avenir.
Madame la ministre, pouvez-vous confirmer la création de cette commission, et nous en préciser ses modalités ?
De plus, pouvez-vous nous assurer que les commerçants concernés pourront bénéficier d’un mécanisme juste et équitable d’indemnisation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie du tourisme. Madame la sénatrice Dumas, je vous remercie d’avoir salué le travail des forces de sécurité à l’occasion des JOP, pendant lesquels nous avons présenté au monde entier une très belle vitrine de la France.
Nous avons malheureusement été contraints de restreindre ou d’interdire l’accès à certains sites et à certaines zones pour garantir la sécurité des Jeux.
Dans ce contexte hors du commun, certains professionnels exerçant dans des zones très proches des sites olympiques ont pu subir des préjudices économiques importants.
Compte tenu du caractère exceptionnel des jeux Olympiques et Paralympiques, si le montant de ces préjudices excède les sujétions normalement imposées aux usagers, une indemnisation sera alors possible.
Ne seront toutefois indemnisables que les seuls préjudices économiques directement liés aux décisions restrictives prises par l’État.
En plus d’être certains et réalisés, ces préjudices doivent être spéciaux, c’est-à-dire qu’ils doivent affecter directement certains professionnels concernés par les restrictions de circulation et non toute une profession. Enfin, la baisse de leur chiffre d’affaires doit être suffisamment importante.
Durant l’été 2024, le précédent gouvernement a institué une commission présidée par Mme Dominique Laurent, conseillère d’État honoraire, afin d’émettre un avis sur les demandes d’indemnisation.
Celle-ci se prononcera sur chaque dossier individuel, après analyse. Elle pourra alors proposer un montant d’indemnisation aux administrations centrales compétentes.
Le préjudice économique devant être certain et réalisé, la demande ne pourra être déposée qu’une fois que les comptes de l’année 2024 auront été arrêtés, c’est-à-dire au cours du premier trimestre de 2025.
Au-delà de cette procédure spécifique, les entreprises ayant subi le plus de difficultés peuvent également demander un plan échelonné de règlement de leurs dettes fiscales et sociales.
En outre, une demande de remise de dettes peut également être formulée auprès des commissions des chefs de services financiers (CCSF) dans le cadre de procédures de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
De plus, madame la sénatrice, je tiens à ajouter que les perspectives de réservations pour l’année à venir sont très bonnes, en lien avec les jeux Olympiques, qui ont constitué une belle opération de promotion.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.
Nous serons très vigilants sur le traitement qui sera réservé à ces dossiers. Je salue la présence en tribune de l’adjoint au maire du XVIIe arrondissement chargé du commerce, M. Logereau, de la présidente de l’association Union Grande-Armée, et du directeur de l’Intermarché Grande-Armée.
Les commerçants sont essentiels pour la vie quotidienne des Parisiens. Ils dynamisent notre économie et nos quartiers. Le Gouvernement se doit de les soutenir.
taxes foncières pour 2024
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 032, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, il y a quelques semaines, les Français ont reçu leur avis de taxe foncière. Sa mise en page a légèrement évolué, et il faudrait certainement la revoir.
Tout en haut de cette feuille, il est marqué en gros caractères : « taxes foncières pour 2024 votées et perçues par la commune », et en bas : « les taxes foncières étant affectées aux collectivités territoriales, leurs taux ainsi que leurs évolutions sont déterminés par leurs organes délibérants ».
D’une part, le montant des taxes foncières évolue en fonction de la progression des valeurs locatives cadastrales, celles-ci n’étant pas décidées par les communes, mais s’imposant à elles, contrairement à ce que ce document indique.
D’autre part, depuis la suppression de la taxe d’habitation, la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties est affectée aux communes. Il serait bon que le taux historique de cette taxe figure sur ce document, pour que l’on sache quelles sont les composantes communales et anciennement départementales du montant final acquitté.
En outre, il est indiqué que l’intégralité de ces sommes est perçue par la commune. Or dans de nombreux endroits, comme dans l’Aisne, ce n’est pas le cas. Avec le système de péréquation instauré depuis la suppression de la taxe d’habitation, beaucoup de communes reversent une part du produit de cette taxe à un fonds national de péréquation.
L’intégralité des impôts payés par le contribuable local n’est donc pas du tout captée par la commune. Par souci de transparence, il serait intéressant que la feuille d’imposition le signale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie du tourisme. Monsieur le sénateur Verzelen, les impôts locaux, notamment la taxe foncière, sont établis par l’administration fiscale pour le compte des collectivités locales, mais ce sont bien les collectivités, c’est-à-dire les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui votent chaque année leurs taux d’imposition.
Il faut d’ailleurs noter que, dans leur vaste majorité, les 34 915 communes et les 1 253 EPCI maintiennent un taux constant d’impôts directs locaux d’une année sur l’autre.
Ainsi, entre 2023 et 2024, les communes ont largement reconduit leurs taux de fiscalité directe locale : 81 % d’entre elles ont maintenu le taux de leur taxe d’habitation sur les résidences secondaires, 87,9 % d’entre elles faisant de même pour la cotisation foncière des entreprises (CFE).
De manière plus précise, 5 832 communes ont augmenté leur taux de taxe foncière sur les propriétés bâties en 2024 ; 5 217 communes ont augmenté leur taux de taxe foncière sur les propriétés non bâties ; 6 289 communes ont augmenté leur taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
De manière générale, les 1 253 EPCI augmentent les taux d’imposition locale dans une même proportion que les communes.
Auparavant, les contribuables n’identifiaient pas ces taxes comme relevant de la compétence des collectivités locales et alimentant leurs ressources.
Dans un souci de transparence, afin de permettre aux redevables d’identifier les collectivités bénéficiaires des impôts locaux, l’intitulé des taxes foncières au titre de l’année 2024 a été modifié pour afficher plus clairement l’évolution des principaux taux d’imposition.
Il n’y a là aucune volonté d’induire en erreur nos concitoyens : la fixation des taux d’imposition et leur évolution relèvent bien de la seule compétence des collectivités locales.
Vous indiquez que les valeurs locatives cadastrales sont décidées par l’État. Il convient de préciser que la progression des valeurs locatives n’a aucun effet sur les taux d’imposition. Le montant des taxes foncières est le produit des taux d’imposition, déterminés par les seules collectivités locales, et des bases calculées à partir des valeurs locatives.
La revalorisation de ces bases est, non pas imposée, comme vous l’avez avancé, mais votée par le Parlement chaque année. En 2023, une revalorisation importante de 7,1 % a eu lieu, suivant mécaniquement l’inflation. Cette année, elle devrait être bien moindre, autour de 2 %.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour la réplique.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, l’important est le montant qui revient réellement aux communes. Depuis la suppression de la taxe d’habitation et l’affectation aux communes de la part départementale de taxe foncière, dans beaucoup de cas, 80 % du produit de la taxe foncière revient à la commune, mais 20 % est reversé au fonds national de péréquation.
C’est cette information qui devrait être transmise au contribuable, par souci de transparence.
salaires des employés de people & baby
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 215, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a elle-même reconnu en 2022 que, depuis l’arrivée des acteurs privés dans le secteur des crèches, leurs pratiques n’avaient jamais été investiguées sous l’angle de la protection économique des consommateurs.
Clauses illicites contraires au code de la consommation, clauses présumées abusives sur les modalités de réservation des places, communications mensongères, allégations trompeuses : ces pratiques nombreuses portent préjudice aux familles.
Dans le même temps, plusieurs ouvrages récents sont venus mettre en lumière des pratiques de gestion low cost de certains groupes privés, dont People & Baby. Ces logiques de rentabilité et de croissance ont conduit à la dégradation des conditions de travail des professionnels et d’accueil des enfants, à la mise en danger de ces derniers et parfois même à des décès.
Madame la ministre, comment est-il possible que, malgré les alertes de la DGCCRF, malgré le retrait de la Caisse des dépôts et consignations de l’actionnariat de People & Baby en raison de la gestion opaque du groupe, malgré différentes enquêtes de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) lancées à la demande de ministres, malgré la publication de nombreux articles de presse sur la fortune immobilière et mobilière d’anciens dirigeants du groupe, alors que dans le même temps People & Baby affichait une dette colossale et rognait sur les couches, les repas ou les dépenses de personnel, malgré l’exclusion de ce groupe de la fédération des crèches privées pour pratiques déloyales, dès 2011, malgré les millions d’argent public de la caisse d’allocations familiales (CAF) qui ont transité par ses caisses, rien n’a été entrepris face à ce qui constitue notoirement un système organisé ?
Nous en avons débattu pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : alors que la lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, pourquoi la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), chargée du contrôle des grandes entreprises, n’a-t-elle pas été sollicitée ?
Pourquoi le nouveau conseil d’évaluation des fraudes, dédié à l’évaluation du montant des fraudes aux aides publiques, ne s’est-il pas vu confier une mission sur les grands groupes de crèches privés ?
En attendant, en octobre, les salariés de People & Baby n’ont touché qu’un acompte de leur salaire, depuis régularisé. « Lutter contre les fraudes, c’est garantir aux Français que les deniers publics sont bien utilisés », affirmait le ministre délégué chargé des comptes publics. Que compte faire le ministère des finances dans le dossier de fraude de People & Baby, aujourd’hui en pleine procédure de sauvegarde ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie du tourisme. Madame la sénatrice Canalès, depuis plusieurs mois, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales ainsi que plusieurs livres font état de certaines dérives dans la prise en charge, l’accueil et l’accompagnement des jeunes enfants.
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance suit d’ailleurs de très près ce sujet.
Le déploiement à venir du service public de la petite enfance, grâce à des crédits dédiés – 86 millions d’euros de crédits ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025, auxquels s’ajoutent les financements du fonds national d’action sociale de la branche famille votés lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 –, permettra de garantir un accueil de qualité pour tous les enfants et leurs familles.
Ce service public sera accompagné d’un système de contrôle en lien avec le ministère.
À plus long terme, le Gouvernement a pour objectif de réformer le mode de financement des crèches pour aller vers un système plus juste et davantage centré sur la qualité de l’accueil.
Nous devons définir les conditions d’évolution de l’ensemble des modes de financement, qu’il s’agisse de la prestation de service unique, du financement des microcrèches ou des conditions d’investissement.
Je vous remercie de votre question, qui permet de souligner l’importance du suivi par le Gouvernement des entreprises du secteur de la petite enfance, y compris lorsque celles-ci sont gérées par le secteur privé.
Le groupe People & Baby fait désormais l’objet d’un contrôle judiciaire. En effet, une procédure de sauvegarde accélérée a été ouverte le 18 novembre dernier. Son objectif est de renforcer la structure financière de l’entreprise et de permettre le financement de sa refondation.
Cette procédure judiciaire, qui prendra entre deux et quatre mois, devrait permettre au groupe de restructurer son passif, d’obtenir de nouveaux financements et de se relancer sur des bases saines.
Elle devrait également lui permettre d’être en mesure de payer à nouveau normalement les salaires – vous l’avez rappelé, un rattrapage de l’acompte a été effectué –, mais surtout de disposer des moyens financiers pour assurer la qualité de l’accueil et le bien-être des enfants.
financement du plan france très haut débit
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, auteur de la question n° 229, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Olivier Bitz. Madame la ministre, en 2013, l’État mettait en place le plan France Très Haut Débit, qui nourrissait une ambition de progrès et proposait l’égalité des territoires dans l’accès au numérique, en visant à raccorder tous nos concitoyens à la fibre.
Aujourd’hui, certains territoires ne sont pas encore entièrement raccordés à cette technologie, pourtant devenue absolument indispensable.
C’est le cas dans l’Orne, où 90 % des foyers devraient être raccordés d’ici à la fin de l’année. Cette proportion est élevée, mais l’État s’était engagé à raccorder la totalité des foyers à la fin de 2023.
Tout le monde le sait, les derniers raccordements sont évidemment les plus difficiles à réaliser.
Néanmoins, ces difficultés fragilisent l’accès aux services publics dématérialisés. Elles renforcent, dans les territoires ruraux, le sentiment de relégation. Enfin, elles sapent leur attractivité.
De longue date, l’État a pris l’engagement de combler ces déficits numériques. Nous nous souvenons de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, comme des engagements pris dans le cadre du plan Aménagement numérique des territoires en décembre 2017.
Alors que les enjeux sont cruciaux pour la modernisation de notre pays et que les efforts doivent être intensifiés, les orientations budgétaires actuelles prévoient une diminution des autorisations d’engagement et des crédits de paiement alloués à ce plan.
Cela risque de compromettre la réalisation des objectifs d’accès à la fibre pour 2025, notamment dans les zones d’initiative publique lorsque ces raccordements sont qualifiés de complexes.
Le 5 novembre 2024, M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat, affirmait que la baisse des crédits alloués au plan ne devait pas changer nos ambitions en matière de déploiement de la fibre, mais imposait de revoir la façon dont l’ensemble des opérateurs sont sollicités pour participer à son financement.
Madame la ministre, de quelle façon le Gouvernement entend-il garantir le financement et le respect des délais pour le déploiement de la fibre dans tous les territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargée de l’économie du tourisme. Monsieur le sénateur Bitz, je vous remercie de souligner l’importance du déploiement de la fibre en matière d’aménagement du territoire.
En effet, en dix ans, nous avons rendu raccordables à la fibre près de 40 millions de locaux, soit 89 % des locaux du territoire national. En comparaison, en Allemagne et en Belgique, ce taux atteint à peine 30 %.
Une véritable prouesse industrielle a été réalisée, mobilisant au total plus de 36 milliards d’euros d’investissements.
La réussite de ce plan est d’ailleurs le fruit d’une alliance entre l’État, les collectivités, que je salue, et les opérateurs privés.
Dans le cadre du plan France Très Haut Débit, le soutien de l’État depuis 2010 s’élève à 3,57 milliards d’euros. Pour le soutien aux projets de réseaux d’initiative publique (RIP) des collectivités, l’État a mobilisé, via l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), plus de 2,24 milliards d’euros de subventions.
Sur les 40 millions de locaux raccordables à la fibre, plus de 14,6 millions sont aujourd’hui situés dans les zones rurales.
L’Orne ne déroge pas à la règle, puisque la zone d’initiative publique est ainsi couverte à plus de 90 %.
En ce qui concerne le « dernier kilomètre », plusieurs mesures sont engagées par l’État.
Dans le domaine public, l’ANCT a lancé un appel à projets doté de 150 millions d’euros pour soutenir les collectivités et garantir la possibilité de raccorder les logements les plus difficiles à atteindre.
L’Orne a déposé une candidature pour bénéficier de ce dispositif, et les équipes de l’ANCT sont en contact avec celles du département.
Dans le domaine privé, un nouveau dispositif, doté de 16,1 millions d’euros a été inscrit au projet de loi de finances pour 2025. Il prévoit, dans les communes où le réseau cuivre fermera en premier, d’expérimenter un soutien aux particuliers pour les travaux de raccordement à la fibre les plus complexes.
Pour ce qui concerne les crédits de paiement alloués au programme France Très Haut Débit, il s’agit principalement de versements à destination des collectivités locales qui déploient la fibre. L’État, conformément à ses engagements, financera ces réseaux par l’intermédiaire de l’ANCT, au fur et à mesure de l’avancée des travaux.
retrait de la bpifrance pour le projet niagara
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 232, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, le soutien aux agriculteurs et au secteur de l’industrie agroalimentaire a toujours été une constante de mon engagement.
Je souhaite appeler votre attention sur une situation préoccupante qui impacte l’avenir de la filière avicole dans nos territoires.
En Mayenne, le projet d’investissement Niagara du groupe LDC, d’un montant de plus de 150 millions d’euros, vise à renforcer les sites de Lassay-les-Châteaux et de Laval. Ce projet est crucial pour la résilience et la compétitivité de notre secteur avicole. Il est en effet important de permettre aux Français de consommer du poulet né, élevé et préparé en France.
Initialement, le projet Niagara a été reconnu comme l’un des dix projets prioritaires au niveau national, ce qui souligne son importance stratégique.
Cependant, les porteurs de ce projet ont récemment reçu un retour négatif de Bpifrance à leur demande d’accompagnement dans le cadre du plan France 2030, et ce sans avertissement préalable.
Les critères ayant conduit à ce refus ne sont pas clairs. Malgré de multiples demandes de clarification durant la période d’instruction, Bpifrance n’a pas fourni de réponses permettant d’ajuster le dossier.
Cette décision intervient à alors que les agriculteurs sont mobilisés face aux défis posés par les accords potentiels entre l’Union européenne et le Mercosur, qui menacent notre souveraineté alimentaire.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour garantir l’accompagnement transparent et équitable des projets stratégiques ?
Peut-on s’attendre à un renforcement du soutien à nos producteurs locaux face à la concurrence internationale, qui permettrait de préserver notre souveraineté alimentaire et de soutenir l’investissement comme l’emploi dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Guillaume Chevrollier, je m’empare à la volée de cette question portant sur un sujet qui m’est très cher, celui de la souveraineté alimentaire, en particulier en matière avicole.
J’ai rencontré les dirigeants de ce très beau groupe alimentaire, leader européen de la volaille et des produits traiteur basé dans la Sarthe. Il s’agit d’un acteur important de l’industrie agroalimentaire française, actif tout au long de la chaîne de valeur de la volaille, de l’aliment à la transformation.
Le projet Niagara vise à augmenter considérablement les volumes de viande de poulet destinés aux débouchés en dehors des grandes et moyennes surfaces (GMS). Il représente un investissement important pour le groupe, dans un contexte de tensions sur les prix et de risques sanitaires accrus.
Le 15 novembre 2023, l’entreprise a déposé une candidature à l’appel à projets « Résilience et capacités agroalimentaires 2030 », dans le cadre du plan France 2030, afin d’obtenir un soutien public pour la réalisation de ce projet d’ampleur.
Selon la procédure d’instruction, le dossier a été étudié par les services de Bpifrance, opérateur de ce dispositif, les services de l’État et des experts indépendants. Cette étude a donné lieu à de nombreux échanges sur le fond du projet avec les différents référents du groupe LDC.
Manifestement, le critère de l’incitativité de l’aide, essentiel pour juger de l’attribution d’une aide d’État, n’a pas été considéré comme satisfait. Par ailleurs, la capacité de la France à verser des aides aux entreprises est encadrée à l’échelon européen par des régimes d’aides d’État. L’analyse du dossier de demande d’aide a révélé qu’il n’était pas possible d’aider ce projet au regard des régimes existants.
Lors de notre rencontre, les dirigeants de LDC ne m’ont pas parlé de ce projet. Cela est un peu étonnant, car ils attendaient manifestement d’être soutenus. La réponse ne leur avait peut-être pas encore été transmise, ou peut-être avaient-ils déjà fait le deuil de leur demande ? Je n’hésiterai pas à creuser le sujet avec eux lors d’une prochaine rencontre…
Par ailleurs, je suis très attentive à la souveraineté alimentaire de la France en matière de volailles, que nous n’avons pas atteinte, alors que l’alimentation en France se « poulétise », pour reprendre l’expression employée par cette entreprise. (Sourires.)