M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, vous avez affirmé, madame la ministre, avoir trois priorités en tant que ministre de l’éducation nationale : « Élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau ».
Pourtant, les grandes enquêtes internationales relatives à l’école française ne montrent aucune faiblesse singulière, le niveau scolaire se trouvant dans la moyenne de ceux des autres pays.
En revanche, ces enquêtes montrent que notre système d’éducation est le plus discriminant socialement des pays développés. Il ne parvient plus à répondre à la promesse républicaine d’égalité. La priorité à laquelle votre ministère devrait urgemment s’atteler est donc bien de mettre en œuvre une école égalitaire. Pour les académies de Mayotte et de la Guyane, cette promesse républicaine reste une belle fiction.
Le choix de votre formule, madame la ministre, permettait avant tout d’annoncer la reconduction de la politique Attal du choc des savoirs.
Cette reconduction est confirmée, dans ce projet de loi de finances, en ce qui concerne, d’une part, les « groupes de besoins » en classes de sixième et de cinquième, et, d’autre part, les classes « prépa-seconde». Ces dernières changent la nature du diplôme national du brevet, qui devient un couperet, et renforcent les inégalités sociales en matière d’orientation.
C’est dans ce contexte que je me félicite de la décision du Conseil d’État d’annuler l’arrêté instaurant les groupes de besoins au collège, donnant ainsi raison à la communauté éducative, mobilisée contre votre réforme. Il faut bien admettre que les meilleurs experts en matière de politique éducative sont les professionnels qui se trouvent sur le terrain, dans les classes et dans les établissements scolaires. Mais cela fait longtemps qu’ils ne sont plus ni écoutés ni consultés sur les évolutions de l’école.
Au-delà de sa critique purement juridique, le Conseil d’État a également pointé le risque que vos groupes de niveaux n’accentuent encore l’écart de niveau entre les élèves.
Malgré la fragilité juridique et politique de votre réforme, vous persistez dans ces politiques libérales et vous renforcez la ségrégation sociale de notre système d’éducation. Dans le même temps, vous faites porter la responsabilité d’une prétendue baisse de niveau sur les élèves eux-mêmes, leurs familles et leurs enseignants.
Cette année, près de 3 185 postes d’enseignants sont restés vacants. La hausse du nombre des démissions montre que vous ne réussissez qu’à décourager nos professeurs. Pourtant, le Conseil supérieur des programmes prévoit que près de 328 000 postes seront à pourvoir d’ici à 2030. Les observateurs – enseignants et scientifiques – sont unanimes : le risque d’apparition de déserts d’éducation en France est réel.
Votre copie, pour ce projet de loi de finances, soulève des questions sur votre définition du service public d’éducation et sur votre ambition pour notre jeunesse. Investissement insuffisant pour les lycées publics, non-affectation de professeurs et orientations contraintes : tel est le mur face auquel vous placez nos élèves.
Notre système d’éducation est au bord de l’effondrement.
Vous soulignez l’engagement et le dévouement des enseignants, mais votre considération pour eux se traduit par l’absence de médecine du travail, l’application de trois jours de carence, la diminution de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie et le gel de leurs salaires.
Les dispositions que vous nous demandez d’adopter sont en fait une double peine : d’une part, vous imposez 5 milliards d’euros d’économie aux collectivités, alors qu’elles ont la charge du bâti et du fonctionnement des écoles, des collèges et des lycées ; de l’autre, la suppression de 4 000 postes d’enseignants annonce la recrudescence, de fait, du recrutement de contractuels. C’est bien la preuve que la pénurie d’enseignants titulaires n’est pas un accident, mais qu’elle est consciemment organisée.
Dans les académies les plus déficitaires en enseignants, un candidat novice et sans préparation peut être projeté devant des classes, après avoir passé un simple entretien d’une demi-heure. En procédant de la sorte, vous dégradez, année après année, le statut d’enseignant et vous abîmez définitivement la dimension universitaire de la formation des enseignants.
Madame la ministre, comprenez toute votre responsabilité dans la perte d’attractivité du métier d’enseignant.
Notre groupe a travaillé sur ce PLF pour corriger vos erreurs. Nous avons ainsi déposé des amendements tendant à prévoir la gratuité effective de l’école publique, une revalorisation salariale inconditionnelle des enseignants et un recrutement massif d’assistants d’éducation, d’enseignants, de professeurs d’éducation physique et sportive (EPS).
Plusieurs de ces propositions sont d’ailleurs issues du programme du Nouveau Front populaire. Je ne me fais que peu d’illusions quant à leur adoption au Sénat, puisque le Gouvernement a désormais recours à la stratégie de la seconde délibération pour écraser le débat parlementaire. Mais je sais que ces propositions sont partagées par la première coalition politique à l’Assemblée nationale et qu’elles répondent précisément aux attentes de l’écrasante majorité des personnels de l’école de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Colombe Brossel. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, lorsqu’ils ont découvert les contours de ce budget, les syndicats ont déposé, en intersyndicale, une alerte sociale pour en dénoncer le contenu et ses conséquences néfastes pour le service public de l’éducation. Ce n’est pas rien ! C’est le signe d’une inquiétude profonde de la communauté éducative, dans toute sa diversité.
Ma collègue Marie-Pierre Monier a longuement évoqué cette communauté éducative du point de vue des enseignants. J’aimerais prendre à mon tour quelques instants pour vous parler, mes chers collègues, de toutes celles et de tous ceux qui font également vivre cette communauté.
Je pense aux personnels de direction dans les établissements ou aux personnels administratifs au sein des rectorats. Ces deux catégories sont particulièrement touchées. Elles font face à un enchaînement de réformes sans queue ni tête, décidées sans aucune concertation, dont elles doivent assurer la mise en œuvre, alors que leur absence de sens est criante.
Je pense également aux personnels de vie scolaire ou du secteur médico-social, aux médecins, aux infirmiers, aux assistants d’éducation. Leur contribution à la bonne qualité du climat scolaire, et donc à la réussite de tous les élèves, doit être saluée.
Pourtant, le manque de moyens entrave le bon accomplissement de leurs missions. Je ne prendrai qu’un seul exemple : le Gouvernement nous dit que la lutte contre le harcèlement scolaire est une priorité, mais alors comment comprendre le manque de moyens alloués au travail des personnels médico-sociaux – médecins, infirmiers, infirmières, assistants et assistantes sociaux ? Pour notre part, nous sommes convaincus du rôle absolument central de ces personnels dans l’accompagnement des élèves. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons d’adopter des amendements visant à augmenter le nombre de postes ainsi que les moyens consacrés à la plateforme 3018 contre le harcèlement.
De même, alors que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale par le Premier ministre, les sénatrices et sénateurs socialistes estiment que l’éducation nationale doit prendre sa part dans cette action, en accompagnant mieux les élèves.
Marie-Pierre Monier évoquait voilà quelques instants l’école inclusive. Elle doit l’être dans tous ses aspects : il faut faciliter l’accueil et l’inclusion des élèves allophones au sein des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A). Nous vous proposerons des amendements en ce sens.
Permettez-moi de vous dire en toute franchise, madame la ministre, que vous ajoutez l’indignité au cynisme en diminuant de 600 000 euros les crédits des fonds sociaux des établissements. Ceux-ci servent à accompagner les familles qui en ont besoin, qui se trouvent en situation de précarité pour payer les fournitures, les sorties ou les voyages scolaires. En faisant cela, vous faites les poches des plus pauvres ! Nous nous y opposerons et nous le dénoncerons.
Finalement, qu’attendons-nous de l’école ? À cette question, les uns et les autres, dans cet hémicycle, répondront en chœur : « La réussite de tous les élèves est un impératif. » Cependant, au regard du manque de moyens et d’ambition dans ce budget, nous sommes réellement en droit de douter que ce soit vraiment le cas.
Au funeste choc des savoirs s’ajoutent, une fois de plus, le chaos budgétaire et le chaos institutionnel, auxquels ma collègue a fait allusion en évoquant ce qui s’est passé dimanche, au Sénat.
Nous nous opposerons à ce budget et nous ferons des propositions, car nous, socialistes, nous aimons l’école publique et nous croyons en sa force ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, il y a quatre ans, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été décapité à la sortie du collège où il enseignait. Le procès qui vient de s’ouvrir est également, il faut le dire, celui de nos renoncements et des maux qui rongent l’éducation nationale : le malaise croissant des professeurs, qui sont parfois entravés dans leur mission de transmission, l’ensauvagement de notre société, qui n’épargne pas les établissements scolaires, les coups de boutoir de l’entrisme islamiste.
Longtemps, la France a été fière de son école. Nous avions bâti un modèle qui a inspiré le monde. Pendant plusieurs générations, l’école française a été le moyen par lequel les enfants ont pu apprendre, se cultiver, gagner en autonomie et s’élever socialement, au point d’avoir une vie meilleure que celle de leurs parents. C’est la promesse républicaine de l’émancipation individuelle et de l’ascenseur social, qui, hélas, est resté bloqué au rez-de-chaussée. J’ai moi-même bénéficié de cette promesse républicaine en tant qu’élève d’un lycée en zone d’éducation prioritaire du Val-de-Marne.
Au moment où le niveau scolaire est en chute libre et alors qu’un nombre croissant d’établissements sont victimes d’une violence endémique, l’éducation nationale perd le sens de sa mission : transmettre un savoir et des connaissances.
On reproche souvent à l’école de ne pas en faire assez, mais, en réalité, on lui demande de devenir la caisse de résonance des préoccupations sociétales et sociales du moment. Au lieu de resserrer les apprentissages, on les a décentrés. Cette perversion du système scolaire s’est accélérée.
Aujourd’hui, les élèves de CM2 font environ neuf fautes d’orthographe de plus que ceux de 1987 à la même dictée, soit une augmentation de 81,3 % en trente-cinq ans !
Je sais combien, madame la ministre, vous êtes sensible à cet enjeu, et je vous en remercie. Vous avez martelé vos trois priorités : « Élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau. » Vous vous donnez les moyens de vos ambitions, puisque l’éducation reste le premier budget de l’État, en dépit d’un contexte budgétaire marqué par l’urgence, comme cela a été rappelé par mon collègue Jacques Grosperrin.
Toutefois, plusieurs questions demeurent.
Depuis plusieurs années, on observe une désaffection pour le métier d’enseignant, qui était pourtant considéré autrefois comme « le plus beau métier du monde », comme le disait Péguy, qui, à l’instar de Camus, a dû son destin d’écrivain à la rencontre décisive avec un maître d’école dévoué.
Nos enseignants ont besoin d’un soutien de la Nation et d’une réflexion globale sur leurs conditions d’enseignement. Outre la question de la rémunération se posent celles de la formation et des carrières, thèmes chers à mes collègues Max Brisson et Cédric Vial.
L’enjeu est aussi et surtout de restaurer l’autorité des professeurs et leur capacité à faire cours sans s’autocensurer – n’est-ce pas, Olivier Paccaud ? Il faut protéger les enseignants menacés par les élèves ou les parents, sanctionner systématiquement toutes les atteintes à la laïcité, rétablir l’ordre dans les classes et sur le chemin de l’école. Voilà autant de grands chantiers prioritaires, qui nécessitent des choix politiques et budgétaires très forts.
Parallèlement à cette réflexion indispensable, l’autre question majeure est de savoir quels projets d’ampleur mener pour améliorer de toute urgence le niveau des élèves et pour quelle ambition. Un an à peine après la présentation par Gabriel Attal de son plan ambitieux sur le choc des savoirs, plusieurs mesures phares sont aujourd’hui en suspens.
En particulier, quel sera l’avenir des groupes de besoins ? La mise en œuvre de ces groupes en mathématiques et en français, dans les classes de sixième et de cinquième, a déjà mobilisé 2 330 équivalents temps plein. Vous aviez annoncé, madame la ministre, le 12 novembre dernier, l’extension de ces groupes aux classes de quatrième et de troisième. Allez-vous vous donner les moyens juridiques et budgétaires de poursuivre votre engagement, après la décision du Conseil d’État intervenue ce jeudi 28 novembre ?
Enfin, je voudrais revenir sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur. J’ai déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoire le dépôt des téléphones portables à l’entrée des écoles et collèges et à renforcer la prévention concernant l’abus d’écrans chez les jeunes. Il y va, madame la ministre, de la santé mentale et physique de nos jeunes. Votre collègue Alexandre Portier a annoncé, et nous nous en sommes réjouis, qu’il voulait généraliser cette interdiction dès la rentrée prochaine. Allez-vous soutenir les départements, qui doivent financer l’installation de casiers ou de pochettes anti-ondes ?
En conclusion, nous avons – faut-il le rappeler ? – tous, collectivement, une obligation de résultat. Nous devons apporter des réponses concrètes et rapides pour améliorer la situation des enseignants et relever le niveau des élèves. C’est ainsi que notre système éducatif pourra renouer avec sa promesse d’émancipation d’origine et redresser le niveau des élèves et des futures générations. Il y va de l’avenir de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord, avant d’aborder le budget, de rappeler en premier lieu les principes qui guident mon action et celle de mon ministre délégué.
Ma priorité, comme cela a été rappelé, se résume en un seul mot : élever. Il s’agit bien évidemment d’élever le niveau de nos élèves et d’élever notre jeunesse dans la société. Il s’agit aussi d’élever notre exigence en matière de respect des valeurs de la République, en matière de respect dû à nos professeurs et en matière de laïcité.
Quelles que soient nos sensibilités, je sais que nous partageons tous ces objectifs, tout comme nous partageons ce constat : défendre l’école de la République, sa mission, ses valeurs, sa promesse, c’est aussi défendre son budget.
Avec 1,2 million de personnels dévoués à la réussite de 12 millions d’élèves, l’école est le premier des services publics et l’éducation nationale le premier employeur de France. Son budget est et restera, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2025, le premier de la nation.
C’est à l’école que nous pouvons briser les inégalités de destin ; c’est à l’école que nous pouvons vaincre toutes les assignations ; et c’est encore à l’école que nous pouvons, en somme, renouer avec la promesse républicaine que vous évoquiez, madame la sénatrice.
C’est pour cela que, nous avons investi, depuis 2017, plus de 14 milliards d’euros supplémentaires dans l’éducation nationale. Le budget de mon ministère s’élevait à 49 milliards d’euros en 2017 ; il s’élèvera à 63 milliards d’euros en 2025. Sous aucun autre quinquennat, ni même sous aucun autre septennat de gauche comme de droite, les moyens alloués à l’école de la République n’ont connu une telle progression.
Aujourd’hui, ces investissements sans précédent se traduisent par des progrès sociaux et éducatifs sur tout le territoire.
En cette rentrée 2024, nous achevons le dédoublement des petites classes dans les zones d’éducation prioritaire. Les résultats sont là. Les évaluations montrent que les élèves ont progressé : lorsqu’ils entrent en sixième, ils sont aujourd’hui plus nombreux à être en avance en mathématiques qu’en 2017, tandis qu’ils sont moins nombreux, heureusement, à être en retard en français, même s’il reste encore des progrès à faire.
Un autre investissement était nécessaire : depuis 2022, les professeurs ont vu leur rémunération augmenter de 258 euros net par mois en moyenne, soit une hausse de 11 %, et cela sans compter ni les dispositions du pacte enseignant ni les mesures de protection exceptionnelles prises durant les crises.
Cette année encore, les infirmières et les infirmiers scolaires, ainsi que les assistantes et les assistants de service social, ont vu leur rémunération progresser de 200 euros net par mois.
Ce bien-être de tous les acteurs de l’école est fondamental, je le dis en tant que ministre, mais aussi en tant que médecin.
Par ailleurs, sur l’année scolaire 2023-2024, grâce au pacte enseignant, 2 millions d’heures supplémentaires de remplacement ont été réalisées, ce qui a permis de pallier des absences de courte durée dans les collèges et dans nos lycées.
Le pacte enseignant s’est traduit aussi par 1,8 million d’heures de « devoirs faits », 1,2 million d’heures de stages de réussite, 1 million d’heures de soutien en primaire, 800 000 heures de plus pour la voie professionnelle, 300 000 heures de découverte des métiers. La rémunération des professeurs volontaires était attractive ; un tiers d’entre eux se sont engagés dans le pacte et ont perçu en moyenne, l’an passé, une prime de 2 500 euros.
Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous débattrons d’amendements visant à supprimer le pacte enseignant. Permettez-moi de le dire très nettement : le supprimer reviendrait tout simplement à priver des élèves de millions d’heures d’école dont ils ont tant besoin.
Même si le budget de l’école continue d’augmenter, même si le niveau des élèves recommence à s’élever, j’entends que, pour nombre d’amoureux de l’école, tout cela n’est pas assez et que beaucoup reste à faire. C’est probablement vrai.
Toutes les feuilles de paie ne sont pas encore au niveau de l’engagement sans faille de nos personnels. Il nous reste encore tant à faire pour la reconnaissance des personnels, pour la confiance des parents et pour la réussite de nos élèves.
Là encore, je serai directe : oui, il reste encore beaucoup à faire, beaucoup de chantiers à ouvrir, beaucoup d’engagements à tenir. Mais regardons la réalité de ce PLF. Les écoles publiques compteront en moyenne vingt et un élèves par classe, soit le niveau le plus bas depuis que nous mesurons cet indicateur.
Dans les collèges et les lycées publics, le nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement par élève continuera de progresser, comme depuis 2022.
En 2025, le budget de l’école inclusive, quant à lui, aura plus que doublé depuis 2017, passant de 2,1 milliards à 4,6 milliards d’euros. Un recrutement de 2 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap supplémentaires est prévu – ces derniers représentent désormais, en nombre, le deuxième métier du ministère.
Quant au débat que nous aurons sur le nombre de postes, je tiens à rappeler que nous compterons 100 000 élèves de moins à la rentrée prochaine. Cette baisse démographique aurait conduit mécaniquement à supprimer 5 000 postes d’enseignants.
Les rapporteurs, comme plusieurs d’entre vous, déposeront des amendements sur ce sujet. Comme je l’ai déjà indiqué, je suis ouverte à des évolutions, notamment pour tenir compte des conséquences des fermetures de classe dans les zones rurales, que le rapporteur spécial a évoquées, et aussi pour poursuivre le choc des savoirs engagé au collège.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Anne Genetet, ministre. L’école est à la croisée des chemins. Deux directions s’offrent à nous : le renoncement ou le sursaut.
Renoncer, c’est niveler par le bas notre école. C’est le projet de celles et ceux qui voudraient tirer un trait sur l’exigence et détricoter méthodiquement tout ce que nous avons bâti, depuis 2017, pour remettre l’école dans le même état que celui où elle était voilà dix ans, sans rien proposer d’autre.
Qui en paierait le prix ? Les élèves des zones d’éducation prioritaire qui apprennent aujourd’hui à lire, écrire et compter dans des classes dédoublées, de petits groupes de douze élèves. Mais aussi les élèves des zones rurales qui, au collège, bénéficient désormais de groupes de besoins pour renforcer leur maîtrise des savoirs fondamentaux, ou encore les lycéens professionnels, qui étudient désormais les mathématiques, le français, l’histoire-géographie par classe dédoublée et peuvent effectuer plus de stages pour mieux préparer leur insertion.
Une autre voie existe : celle du sursaut, de l’exigence pour notre jeunesse, de l’élévation, qui consiste à hisser chaque élève au plus haut niveau, au maximum de ses possibilités.
Elle concerne aussi la protection de nos professeurs et le respect de leur autorité. C’est un chantier que j’ouvrirai.
L’école a pour devoir d’ouvrir tous les chemins pour que chaque jeune puisse choisir le sien. Quand l’école progresse, c’est toute la République qui s’élève. Oui, nous devons prendre toutes les décisions pour relancer l’ascenseur scolaire dans notre pays.
J’ai présenté, il y a quelques semaines, l’acte II du choc des savoirs, c’est-à-dire les mesures pour la rentrée 2025. La dynamique qui a été engagée dans les classes de sixième et de cinquième sera étendue aux classes de quatrième et de troisième. Rien ne me fera dévier de cet objectif. Je respecte les désaccords politiques sur le fond. J’ai pris note aussi des argumentaires juridiques sur la forme.
Se réjouir de la suppression des groupes de besoins, c’est ne pas savoir que la décision du Conseil d’État portait sur la forme et non sur le fond, c’est remettre en question l’aide individualisée aux plus fragiles, c’est ignorer que l’urgence de la baisse du niveau scolaire commande de prendre des décisions.
M. Max Brisson. Très bien !
Mme Anne Genetet, ministre. Ces décisions, je les assumerai. Elles viseront à renforcer l’apprentissage des savoirs fondamentaux du primaire jusqu’au lycée, à donner plus d’autonomie aux chefs d’établissement et à offrir un accompagnement sur mesure, individualisé pour chaque élève. Elles permettront enfin de ramener l’ordre et la tranquillité scolaire dans certains collèges et lycées difficiles, qui en ont particulièrement besoin.
En annonçant, dès à présent, les mesures de la rentrée scolaire 2025, j’entends aussi offrir de la stabilité, de la continuité et de la visibilité aux équipes de terrain – c’est nécessaire. Je me porte garante de cette stabilité, que vous appeliez de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, et dont l’éducation nationale a tant besoin.
Déstabiliser notre école, c’est déstabiliser, en cours d’année, des milliers d’élèves en difficulté qui devront attendre pour bénéficier du soutien renforcé qui leur est si utile.
Je sais que nos débats seront vifs, car ils révéleront la vérité des choix à faire, et fervents, car nous partageons tous ici une passion pour l’école. Je formule le vœu qu’ensemble, nous sachions consolider ce budget, dans l’intérêt de nos élèves, de nos professeurs, de tous les personnels de l’éducation nationale. C’est le premier budget de la nation. Protégeons-le ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de l’éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous présentons ce matin a été élaboré dans des conditions politiques et financières inédites et selon un calendrier très contraint.
Inévitablement, il est perfectible. Mais le débat budgétaire n’a-t-il pas pour objet de l’améliorer, afin de trouver le compromis le plus juste et le plus équilibré dans l’intérêt de la nation et, en l’occurrence, dans l’intérêt de nos jeunes ?
J’insisterai sur les éléments saillants du budget en matière de réussite scolaire et d’enseignement professionnel.
Je commencerai par la réussite scolaire, parce que c’est la première mission de l’école. Cette dernière doit clairement assumer de valoriser l’effort, de cultiver le mérite et de soutenir tous les élèves qui se donnent du mal. Elle doit viser la réussite pour tous, sans pour autant renoncer à l’excellence.
Le projet de loi de finances que nous présentons traduit cette ambition.
C’est le cas, tout d’abord, en matière d’école inclusive. Faire de la réussite scolaire une priorité nationale, c’est évidemment prendre à bras le corps la situation spécifique des enfants en situation de handicap : 4,6 milliards d’euros seront prévus en 2025 pour cette politique. Ce montant sans précédent démontre l’engagement de toute la nation aux côtés de ces enfants.
Ces moyens permettront de créer 2 000 postes d’AESH supplémentaires pour répondre à l’augmentation des besoins, soit l’équivalent, sur le terrain, de 3 175 accompagnants en plus dans nos établissements. De même, 500 emplois d’enseignants seront créés pour développer les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et contribuer à l’inclusion des enfants présentant des troubles du neurodéveloppement (TND). De plus, le fonds de soutien à l’achat des matériels pédagogiques adaptés sera reconduit et doté d’une enveloppe de 25 millions d’euros.
Je voudrais évidemment dire un mot de la loi Vial, dont je salue l’auteur : elle est indispensable et décisive. Des précisions doivent être apportées pour qu’elle soit pleinement mise en œuvre ; c’est l’objet d’un travail fin de terrain, qui est en train d’être mené, pour préparer au mieux les textes réglementaires nécessaires à son application.
Ne laisser aucun enfant au bord du chemin, c’est aussi défendre l’égalité des chances dans notre ruralité et réaffirmer que la promesse d’égalité des chances doit être la même pour tous.