M. le président. L’amendement n° 17 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 1332 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’article L. 123-2-1, les mots : « exerçant dans le service du contrôle médical » sont supprimés ;

2° Le 5° de l’article L. 221-1 est ainsi rédigé :

« 5° De définir les orientations mises en œuvre par les organismes de son réseau en matière de contrôle médical. Elle veille en outre au respect de l’indépendance technique des praticiens conseils exerçant dans son réseau ; » ;

3° Le dernier alinéa de l’article L. 224-7 est complété par les mots : « , des caisses primaires d’assurances maladie ou des caisses générales de sécurité sociale » ;

4° L’article L. 315-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du VIII, les mots : « à l’article L. 224-7 » sont remplacés par les mots : « au 5° de l’article L. 221-1 » ;

b) Est ajouté un IX ainsi rédigé :

« IX. – Au sens du présent code, est entendu par service du contrôle médical le ou les services au sein d’un organisme national ou local de sécurité sociale dans lesquels les personnels exercent les missions relevant du contrôle médical mentionné au I du présent article. »

II. – Le premier alinéa de l’article L. 2122-6-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le mot : « Pour », sont insérés les mots : « les praticiens exerçant dans les organismes dont l’activité principale est relative à la protection sociale agricole, » ;

2° Les mots : « à l’article L. 123-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 123-2 et L. 123-2-1 ».

III. – Au cours d’une période dont le terme ne peut excéder le 31 janvier 2027, la Caisse nationale de l’assurance maladie, les caisses primaires d’assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale préparent le transfert des contrats de travail des personnels administratifs et, le cas échéant, conformément à la nouvelle organisation du service du contrôle médical prévue par décret, des praticiens-conseils des échelons locaux et des directions régionales du service médical aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale.

La Caisse nationale de l’assurance maladie identifie la caisse primaire d’assurance maladie ou la caisse générale de sécurité sociale dont le siège se situe dans la circonscription du lieu de travail des salariés de chaque échelon local du service médical et de chaque échelon régional du service médical vers laquelle doivent être transférés les contrats de travail ainsi que la date de réalisation du transfert pour chaque entité concernée.

Au plus tard le 31 janvier 2027, les contrats de travail des personnels administratifs et, le cas échéant, conformément à la nouvelle organisation du service du contrôle médical prévue par décret, des praticiens-conseils du service médical sont transférés de plein droit aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale conformément au critère visé à l’alinéa précédent.

IV. – Avant la réalisation du transfert prévu au III pour chaque entité concernée, des négociations collectives sont engagées avec les organisations syndicales représentatives au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie en application de l’article L. 2121-1 du code du travail afin de conclure des accords anticipés de transition dans les conditions prévues à l’article L. 2261-14-2 du même code. Ces accords précisent les dispositions résultant du statut collectif en vigueur à la Caisse nationale de l’assurance maladie dont le bénéfice est maintenu aux salariés transférés, à l’exclusion des stipulations des accords applicables dans les organismes auxquels leurs contrats de travail sont transférés portant sur le même objet.

Ces accords sont conclus selon les modalités prévues aux articles L. 2232-12 à L. 2232-20 dudit code.

Ces accords s’appliquent à compter du transfert des salariés concernés et pour une durée déterminée maximale de 3 ans à compter du jour du transfert. Après cette date, les statuts collectifs respectifs des caisses primaires d’assurance maladie et des caisses générales de sécurité sociale s’appliquent intégralement et à titre exclusif aux salariés qui leur sont transférés.

À défaut d’accord avant leur transfert, l’article L. 2261-14 du même code est applicable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Cet amendement vise à réformer le service médical de l’assurance maladie. Il s’agit de tirer les conséquences du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l’organisation du service du contrôle médical (SCM) de l’assurance maladie, qui pointe des difficultés dans le fonctionnement de ce service.

Nous proposons de mettre fin à la séparation entre les agents du service du contrôle médical et les agents des caisses primaires d’assurance maladie, sur le modèle de ce qui existe déjà, et qui fonctionne bien, au sein de la Mutualité sociale agricole (MSA). Cela permettra de renforcer les synergies et les coopérations internes à l’assurance maladie, pour améliorer la qualité des prestations et mieux accompagner les professionnels de santé.

Nous avons entendu les inquiétudes exprimées par les médecins-conseils sur cette réforme. J’ai veillé à ce que cette évolution préserve l’indépendance des médecins exerçant au sein de l’assurance maladie, en les plaçant sous l’autorité d’un directeur médical bénéficiant d’une indépendance totale. Cette précaution est essentielle pour garantir le respect du secret médical.

J’ai aussi demandé que l’on intègre une phase transitoire jusqu’en 2027, afin d’accompagner au mieux les évolutions des contrats de travail.

Je suivrai avec attention le respect de ces exigences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dispositions de cet amendement conduiront à intégrer les agents du service du contrôle médical aux caisses primaires d’assurance maladie, de manière progressive, sur deux années. Vous avez sans doute été sollicités, mes chers collègues, au sujet de cette mesure, qui a suscité chez les professionnels de santé de nombreuses craintes quant à l’indépendance du contrôle médical.

La commission ne les ignore pas, mais la Cnam a prévu un certain nombre de mesures destinées à garantir le respect de l’indépendance technique des médecins-conseils, qui constitue une obligation déontologique, il est important de le rappeler.

Ainsi, le projet de réforme prévoit notamment la création d’un comité de suivi du secret médical et de l’indépendance technique des praticiens-conseils, chargé de veiller au respect de ces principes déontologiques.

La Cnam souligne surtout les effets attendus de la réforme, qui devrait améliorer l’efficacité des contrôles, permettre un gain d’efficience et améliorer la qualité du traitement de certaines prestations, notamment en offrant un interlocuteur unique aux assurés.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je souhaite rappeler le contexte dans lequel s’inscrit cet amendement.

En effet, si les arguments que Mme la rapporteure vient d’exposer semblent le justifier sur le fond, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a rejeté cet amendement au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif ; c’est une question de méthode. Le Gouvernement l’a alors réintroduit en séance et il a de nouveau été rejeté.

Contrairement à celle de l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales du Sénat l’a jugé recevable, de sorte que nous débattons à présent d’un projet de réforme introduit par le Gouvernement, par le biais d’un amendement à son propre projet de loi.

Comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, l’enjeu est celui de l’indépendance du contrôle médical. Les ordonnances de 1945 avaient rattaché à la Cnam le service du contrôle médical de l’assurance maladie, qui est une structure indépendante. Il me semble que toucher à ces ordonnances n’a rien d’anodin.

Sous prétexte de simplification ou de facilité, ce projet de réforme ne cache-t-il pas d’autres travers ? C’est un bouleversement important qui sera opéré et nous avons en effet tous été sollicités sur ce sujet. La mesure a-t-elle été suffisamment travaillée pour être bien acceptée ? Je ne le crois pas.

Madame la rapporteure, malgré les précautions que vous avez rappelées, nous considérons qu’il y a un risque pour que l’indépendance des médecins-conseils ne soit pas garantie. C’est la raison pour laquelle les élus du groupe SER restent très réservés sur l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Depuis plusieurs mois, nous sommes nombreux, sur ces travées, à avoir reçu des messages d’alerte, notamment de la part des salariés du service du contrôle médical, pour nous mettre en garde non seulement contre la casse du cadre de travail de ce service, mais aussi contre la casse du contrôle indépendant par les médecins-conseils, qui est un outil que la Cnam met au service de ses usagers.

Je ne reviendrai pas sur l’appel à la grève de l’intersyndicale, lancé le 7 octobre dernier, c’est-à-dire une semaine avant la présentation en conseil des ministres du PLFSS et plus de trois semaines avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale. La méthode du Gouvernement est donc discutable et révèle, de notre point de vue, la volonté de contourner le travail des chambres législatives en soustrayant de l’étude initiale du texte une disposition dont l’importance est pourtant évidente.

Ce projet de réforme prévoit l’intégration du SCM au sein des caisses primaires d’assurance maladie, sur le fondement de l’un des quatre scénarios figurant dans le rapport de l’Igas de mai 2024. Pourtant, dans ce même rapport, l’Igas pointait déjà du doigt certains problèmes liés au pilotage de ce service par la Cnam, notamment un manque de lisibilité, des difficultés en matière de gestion des ressources humaines ou bien encore un management obsolète.

Ainsi, si ce projet aboutissait, les conséquences pourraient être désastreuses pour les assurés sociaux, pour l’offre de soins des professionnels de santé et des établissements de santé, ainsi que pour les 7 200 salariés du service de contrôle médical.

En tant que service déconcentré de la Cnam, le SCM garantit actuellement des décisions médicales indépendantes de toute logique administrative et financière.

Pour toutes ces raisons, les élus du groupe CRCE-K voteront contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Il est assez rare que je partage les idées de mes collègues de la gauche de l’hémicycle mais, sur ce sujet, je suis tout comme eux réservée et inquiète. La raison n’en est pas que j’aie été sursollicitée par les salariés de ces organismes, mais mon expérience d’élue locale m’a prouvé qu’il pouvait y avoir de fausses bonnes idées dans les réorganisations. Il arrive ainsi que des mesures d’économie prises dans la précipitation se révèlent dans la durée de mauvais choix : on en fait alors lourdement les frais et le retour en arrière n’est plus possible.

Je voterai également contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Un point me semble faire l’objet d’un consensus sur toutes les travées : l’indépendance professionnelle des médecins-conseils doit être absolument respectée. Sur ce sujet, je considère, quant à moi, que les garanties apportées sont satisfaisantes.

Mais la question est aussi de savoir ce qui justifie que cette réforme soit inscrite dans la loi. Je ne vois qu’un seul argument qui vaille : le statut actuel des médecins-conseils prévoit qu’ils sont employés par la Cnam ; or la réforme ferait qu’ils seraient employés par les CPAM et non plus directement par la Cnam. Cela dit, la Cnam pourrait détacher ces médecins vers les CPAM et il ne serait alors plus nécessaire de faire appel à la loi.

Pour autant, la réforme a des aspects intéressants et j’observe, après avoir échangé avec les différentes organisations syndicales, qu’il existe des points de vue divergents sur le sujet. Si certaines d’entre elles s’opposent effectivement à la réforme, d’autres estiment que le transfert de ces médecins vers les CPAM leur permettra de développer un travail populationnel, plus directement connecté aux enjeux de santé des assurés sociaux, donc de gagner en qualité de travail.

Je ne me fais pas juge de la question, mais on s’est une nouvelle fois tourné vers les parlementaires pour qu’ils statuent sur une réforme, qui est celle de l’organisation du travail de la Cnam. Nous sommes certes garants de grands principes, comme celui de l’indépendance professionnelle des médecins, mais il n’y a là aucune raison de s’opposer à cette réforme.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, j’éprouve un certain embarras, car il est également vrai que le Gouvernement aurait pu procéder autrement qu’au détour d’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, un procédé qui a notamment pour effet de faire dire au président de la commission des affaires sociales que nos débats s’éternisent, ce en quoi il n’a pas tout à fait tort, du moins sur ce sujet précis.

Personnellement, je m’abstiendrai sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Notre collègue a raison de parler de fausse bonne idée : on va, à mon sens, beaucoup trop vite, car cette réforme va semer un désordre certain dans les caisses.

Je prends l’exemple de la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de Martinique : cette dernière vient d’être épinglée lourdement, pour ne pas dire « crucifiée », par la Cour des comptes, dans un rapport qui l’accable, à tous les niveaux, y compris organisationnel ; je vous invite vivement à lire ce document !

Or on décide aujourd’hui de transférer le personnel du service du contrôle médical, au milieu de ce chaos pas possible, avec, de surcroît, pour ce qui est de la CGSS de Martinique, la perspective annoncée dans quelques mois du départ à la retraite de son directeur, dont le remplacement n’est pas prévu à court terme.

On crée donc de la confusion et l’on ajoute du désordre au désordre dans un territoire où, je le rappelle, les professionnels de santé sont déjà confrontés aux maladies liées au tristement célèbre chlordécone.

Soyons raisonnables : il est préférable d’aller moins vite, de temporiser et d’ajourner cette réforme. Il n’y a pas le feu ! Ce ne sont pas les quelques petits millions d’euros économisés ici et là qui changeront la face du monde en la matière.

Je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure, vous voulez en quelque sorte apaiser les craintes en précisant que sera créé un comité de suivi chargé de veiller au respect des principes déontologiques, notamment de l’indépendance des médecins-conseils.

Dans ce cas, peut-être serait-il utile que vous précisiez que cette réforme comporte des risques. Si, par construction, il n’y avait aucun risque, si les médecins-conseils qui s’y opposent ne faisaient qu’éprouver une peur injustifiée et irrationnelle, on n’aurait pas à mettre en place un tel comité de suivi. Donc, dites-le, il y a bel et bien un risque, et toutes les précautions qui sont prises n’ont d’autre but que de le mitiger.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1332 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l’adoption 221
Contre 102

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16.

L’amendement n° 151, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 162-1-13, il est inséré un article L. 162-1-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 162-1-13-1. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles, en cas de rendez-vous non honoré auprès d’un professionnel de santé en ville, il est mis à la charge de l’assuré social une somme forfaitaire définie par décret.

« La somme mentionnée au premier alinéa peut être payée directement par l’assuré à l’organisme d’assurance maladie, prélevée sur le compte bancaire de l’assuré après autorisation de ce dernier ou récupérée par l’organisme d’assurance maladie sur les prestations de toute nature à venir. » ;

2° Après le 1° du I de l’article L. 162-14-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Les modalités et les conditions d’indemnisation du professionnel de santé au titre d’un rendez-vous non honoré par l’assuré social pour lequel l’assurance maladie a mis une somme forfaitaire à la charge de l’assuré dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-13-1 ; ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mes chers collègues, je vous propose une mesure dont vous avez déjà entendu parler, puisqu’il s’agit de l’instauration d’une taxe dite « lapin », afin de sanctionner les consultations non honorées. Vous reconnaîtrez là le souci de constance de la commission.

Je n’ignore pas les difficultés de mise en œuvre d’une telle disposition. Pour autant, depuis qu’un amendement similaire a été débattu l’an passé, nous observons plus d’efforts de la Cnam en matière de pédagogie. Ainsi, celle-ci a diffusé un petit spot – je ne sais pas si certains d’entre vous l’ont vu –, qui montre notamment une salle de consultation dans laquelle se trouve un petit lapin assis sur une chaise. J’ignore si c’est ce spot qui en est responsable mais, en attendant, le nombre de rendez-vous non honorés est en diminution.

Le précédent Premier ministre avait repris cette idée de taxe au printemps dernier, après que vos prédécesseurs, madame la ministre, avaient indiqué qu’ils y étaient défavorables. Le temps médical étant précieux, il faut, à notre sens, continuer de faire de la pédagogie : aussi la commission vous propose à nouveau la mise en œuvre de cette « taxe lapin ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Bien sûr, nous voulons tous lutter contre les rendez-vous non honorés, les fameux « lapins » – surtout qu’il y en a parfois une ribambelle –, et apporter une solution efficace à ce problème. Il faut que l’attention des patients soit attirée sur ce point et qu’ils aient le réflexe de prévenir et d’annuler leur venue.

Cela étant, madame la rapporteure, votre amendement soulève deux difficultés.

En premier lieu, son dispositif prévoit que l’assurance maladie joue un rôle actif, ce qui suppose que celle-ci soit en capacité de savoir si les rendez-vous ont été honorés ou non. Or tel n’est pas le cas. La Cnam n’a aucune information à ce sujet : les agents des organismes d’assurance maladie ne sont pas dans les cabinets médicaux et, par conséquent, ne savent rien.

En second lieu, les patients risqueraient d’être arbitrairement pénalisés, pour certains, ou d’être encouragés à frauder, pour d’autres.

Pour traiter ce problème des rendez-vous non honorés, nous envisageons actuellement d’autres scénarios, qui permettraient de modifier la relation médecin-patient, sans pour autant faire reposer le dispositif sur la Cnam, notamment parce que, je l’ai souligné, elle ne dispose pas des informations nécessaires pour remplir cette mission.

Même si je suis particulièrement vigilante sur ce point et que je m’engage à agir dans ce domaine, comme s’y était engagé Gabriel Attal, je vous demande, madame la rapporteure, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Vous ne serez pas étonnée, madame la rapporteure, que je vous dise que cet amendement est une très mauvaise idée, en partie pour les raisons que la ministre vient d’exposer.

J’ajoute qu’il n’existe pas de consensus sur l’ampleur du phénomène des rendez-vous non honorés. La plateforme médicale la plus utilisée dans notre pays a publié, il n’y a pas si longtemps, des données qui montrent que le nombre réel de « lapins » est loin d’être aussi élevé que ce que certains ont avancé, puisqu’il se situerait, en médecine générale par exemple, autour de 3 % du total des rendez-vous répertoriés. Autrement dit, sur trente personnes ayant pris rendez-vous chez un professionnel de santé, un jour donné, cela signifie qu’en moyenne une seule ne vient pas. Ce n’est évidemment pas un problème du tout.

Par ailleurs, je m’interroge sur cette volonté de taxer à tout prix les patients qui ne se présentent pas. Soit ce problème est à mettre au compte d’un problème de comportement et, dans ce cas, cela doit se régler autrement que par une taxe – nous sommes tous bien d’accord dans cet hémicycle sur cette nécessité –, soit il s’agit de sanctionner des comportements à répétition, une forme d’irrespect, ce qui peut se faire notamment via les outils informatiques dont disposent les médecins.

Cet entêtement à faire voter une « taxe lapin », à vouloir prendre un ou deux euros aux assurés sociaux, parce qu’ils ont manqué un rendez-vous, contribuera à vous faire rater votre cible, et à sanctionner des personnes qui ne sont en fait coupables que d’avoir oublié, ce qui peut arriver à tout le monde. Sans compter que cette mesure s’ajoute à la hausse d’un euro de la participation forfaitaire – elle sera dorénavant de deux euros – pour chaque consultation.

Enfin, je le répète, il est faux que ce dispositif permette d’accroître l’offre médicale. Non, non et non ! Il ne changera rien à la situation, car il n’est pas si simple qu’on le dit de substituer un nouveau patient à un patient qui aurait prévenu dans les temps de son absence.

Cette « taxe lapin » est inutile : elle ratera complètement sa cible et pèsera sur les assurés sociaux.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Je considère que les patients qui n’honorent pas leur rendez-vous ont un comportement qui, sauf imprévu majeur, évidemment, doit être interprété comme un manque de respect. Je condamne donc cette pratique.

Pour autant, proposer cette « taxe lapin » en donnant l’illusion qu’elle permettra de dégager du temps médical et de contribuer à la résorption de nos déserts médicaux, c’est tout de même un peu tiré par les cheveux !

Comme l’a dit notre collègue, je me souviens que, lors de leur audition, les dirigeants de l’une des plateformes médicales nous avaient indiqué que ces « lapins » représentaient environ 3 % à 4 % du nombre total des rendez-vous ; il s’agit sans doute de 3 % ou 4 % de trop, mais voilà ce dont nous discutons.

Je ne veux pas que ce genre – je le dis avec mes mots – de « gadget », parce que, pour moi, cette taxe en est un, se substitue à des mesures qui devraient, selon nous, être mises en œuvre, comme celles qui permettraient de réguler l’installation des médecins dans les territoires.

Il serait intéressant, à cet égard, que l’on réalise une cartographie des « lapins » sur l’ensemble du territoire. Intuitivement, même si cela mériterait d’être confirmé par une étude, je me dis que, lorsqu’on a un médecin traitant, un médecin de famille, comme l’on disait autrefois, qui nous suit régulièrement, on a moins tendance à lui poser un lapin, parce qu’on sait que, la fois suivante, il va sûrement nous remonter les bretelles !

À l’inverse, les patients qui n’ont pas de médecin attitré, qui sont contraints d’aller tantôt chez un patricien, tantôt chez un autre, selon les disponibilités des uns et des autres, ont plus tendance à adopter des comportements – qu’encore une fois je condamne – que l’on peut analyser comme un manque de respect.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Au fond, à chaque fois qu’est proposée une mesure de régulation ou de maîtrise des dépenses, on trouve de bons arguments pour la repousser.

Selon moi, cette maîtrise des dépenses doit devenir une obsession, de même qu’il faut garder en tête que l’autorégulation ne fonctionne pas toujours, voire ne fonctionne pas du tout. Chacun sait bien que certains patients abusent. Et pourtant, c’est tellement facile d’annuler un rendez-vous et, demain, de ne pas être redevable de cette « taxe lapin » !

En somme, voter cette taxe, c’est simplement exprimer sa volonté de réguler le système : c’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Ce débat n’est pas nouveau car, comme l’a dit la rapporteure, des amendements analogues à celui-ci sont discutés chaque année à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous sommes tous conscients que l’enjeu du temps médical est essentiel, et qu’il est réellement nécessaire de responsabiliser les assurés qui sont amenés à ne pas honorer leur rendez-vous.

Jusqu’à présent, le Sénat a chaque fois voté en faveur de cette taxe, mais cette dernière n’a jamais passé le cap de la commission mixte paritaire. En revanche, l’adoption de cette mesure au Sénat a eu des vertus pédagogiques extraordinaires. À la suite du dernier débat à ce sujet, la Cnam a ainsi mené des opérations de communication pour sensibiliser les différents acteurs. De nouvelles initiatives ont été prises pour renouer les liens entre les professionnels de santé et les assurés. Je trouve que, rien que pour cela, cette disposition est intéressante.

En ce qui concerne le dispositif à proprement parler, qu’il s’agisse d’une taxe ou d’autre chose importe peu ; ce que nous voulons, c’est regagner du temps médical. À titre personnel, je suis plutôt favorable à ce que l’on aille au bout de la logique et que l’on soit cohérents, et ce d’autant plus que chaque fois – je ne sais pas si c’est dû à la manière dont cette taxe a été baptisée – nos débats ont été repris dans les médias. C’est la preuve qu’il s’agit d’un problème essentiel pour l’ensemble de l’organisation de notre système de soins.

Ne serait-ce que parce qu’il a cette vertu, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement. (Très bien ! sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)