Mme Anne Souyris. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai cet amendement conjointement avec le suivant.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
L’amendement n° 757 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ayant une activité dentaire » et les mots : « , pour leurs seules activités dentaires, » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° A la première phrase du deuxième alinéa du IV les mots : « des chirurgiens-dentistes, des assistants dentaires, des ophtalmologistes et des orthoptistes » sont remplacés par les mots : « des professionnels de santé » ;
3° Le VI est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles ne sont pas applicables à un centre de santé créé ou géré par un organisme sans but lucratif gestionnaire d’un établissement de santé privé d’intérêt collectif, dans le ressort territorial de cet établissement de santé. »
II. – Les gestionnaires des centres de santé autres que ceux qui ont reçu un agrément délivré en application des dispositions du II et du III de l’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique, dans leurs rédactions antérieures à la présente loi, et qui sont soumis à l’exigence d’agrément en vertu des dispositions de ce même article dans leur rédaction résultant de la présente loi, présentent une demande d’agrément au plus tard le 30 juin 2026. Ces centres de santé peuvent continuer à exercer leurs activités jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur cette demande.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Anne Souyris. Ces deux amendements sont inspirés des propositions issues de la mission d’information sur la financiarisation de l’offre de soins, qui s’est révélée essentielle.
Nous le constatons chaque jour, les centres de santé jouent un rôle crucial dans l’offre de soins de proximité, notamment en faveur des personnes et des populations vulnérables.
La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, avait assoupli leur encadrement en supprimant l’autorisation préalable, misant sur la conformité des centres de santé gérés par les acteurs historiques, tels que les communes et les mutualités, mais aussi la Croix-Rouge, bien évidemment.
Toutefois, cet assouplissement a engendré des dérives, de la part du secteur privé lucratif. Certains opérateurs ont déployé ce modèle en priorisant des logiques lucratives qui ont entraîné des fraudes et des atteintes aux droits des patients ; je pense notamment à Dentexia et à Proxidentaire.
Pour faire face à ces fraudes, qui sont devenues parfois systémiques, ces deux amendements visent à renforcer le contrôle des pouvoirs publics sur ces structures.
L’amendement n° 756 rectifié tend à inverser la charge de la preuve. Ainsi, les agences régionales de santé n’auront plus à démontrer l’existence d’éventuels abus ; au contraire, il incombera aux gestionnaires de centres de santé de démontrer qu’ils agissent en conformité avec les lois et règlements et répondent à l’ensemble des conditions d’agrément, y compris la bonne organisation de l’accès aux soins et l’intérêt de la santé publique.
L’amendement a également pour objet de conditionner l’agrément des centres de santé à la communication de leurs contrats et à la vérification d’iceux. Une activité qui ne serait pas conforme à l’objet social du contrat et à l’intérêt du gestionnaire ne serait donc pas agréée. Par exemple, un bail dont le loyer excéderait les conditions du marché immobilier ou qui porterait sur des locaux ne répondant pas aux besoins d’un centre de santé justifierait le refus de délivrance ou de renouvellement de l’agrément.
Toutefois, nous proposons d’exempter certains centres publics créés par les organismes de sécurité sociale, les mutuelles et des associations reconnues d’utilité publique.
L’amendement n° 757 rectifié vise quant à lui à étendre le régime d’agrément préalable à l’ensemble des centres de santé, quelle que soit leur activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je comprends l’objectif que vise Bernard Jomier au travers de son amendement n° 729 rectifié, qui vise à soumettre les structures de soins non programmés à l’agrément préalable du directeur général de l’ARS.
Le rapport que nous avions rédigé ensemble et avec M. Henno sur la financiarisation de l’offre de soins relevait le risque induit par l’activité de certains centres de soins non programmés. En effet, certaines structures peuvent encourager une approche consumériste du soin, développer des pratiques de facturation peu déontologiques et même déstabiliser l’organisation de l’offre locale en l’absence de projets coordonnés avec les autres acteurs de ville et les professionnels hospitaliers.
Toutefois, l’article 15 bis du présent PLFSS définit déjà un cahier des charges national au respect duquel seront tenues ces structures. L’idée d’un agrément préalable devrait donc se fonder sur ces dispositions plutôt que sur celles qui sont applicables aux centres de santé : les structures de soins non programmés relèvent de statuts divers et ne sont pas uniquement des centres de santé, tant s’en faut. On y trouve beaucoup de cabinets médicaux, éventuellement constitués sous forme de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Or il est beaucoup plus délicat de les soumettre à un agrément préalable.
D’où l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 756 rectifié. La financiarisation de l’offre de soins est un phénomène que nous avons constaté, qui progresse et touche de nouveaux secteurs, dont les centres de santé. Elle a d’abord frappé les centres dentaires et ophtalmologiques, d’où les mesures spécifiques de la loi Khattabi pour les réguler. Les centres de soins primaires sont depuis peu touchés par la dynamique de financiarisation à l’œuvre dans d’autres secteurs, tels que l’imagerie médicale et la biologie. Ces évolutions sont suivies de près par la Caisse nationale de l’assurance maladie ; depuis l’an dernier, elle y consacre plusieurs pages de ses rapports annuels Charges et produits.
Nous avions recommandé de renforcer l’encadrement de ces centres en les soumettant, lors de leur ouverture, à l’agrément préalable du directeur général de l’ARS – d’où l’amendement de M. Jomier –, comme c’est le cas aujourd’hui pour les centres dentaires et ophtalmologiques. Nous avions aussi souligné la nécessité de sécuriser le processus de facturation.
Or tel n’est pas le sens de cet amendement, même s’il s’inspire des recommandations de notre rapport, puisqu’il vise à renforcer le contrôle sur les contrats liant l’organisme gestionnaire du centre de santé à des sociétés tierces. Par ailleurs, il tend à subordonner le dépôt d’une demande d’agrément ou de renouvellement d’agrément par un centre de santé à un droit perçu au profit de la Cnam. Il ne nous semble pas opportun de faire payer des offreurs de soins pour des demandes d’agrément d’activité. Ce serait d’ailleurs discriminatoire par rapport à d’autres activités de soins.
D’où notre avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 757 rectifié est inspiré par l’une des recommandations formulées par le rapport sur la financiarisation de l’offre de soins. Il vise à exonérer certains centres au motif que les structures porteuses auraient un but non lucratif. Pour autant, cela ne constitue pas un garde-fou suffisant contre les dérives que nous avions constatées lors de nos travaux. Nous devons faire preuve d’une grande prudence face aux montages juridiques complexes auxquels ont aujourd’hui recours les gestionnaires de centres de santé : diverses structures peuvent faire écran entre les centres de santé, les centres de soins non programmés et les sociétés tierces qui les exploitent.
C’est pourquoi nous avions préconisé un régime d’agrément unique, sans exception, qui s’appliquerait uniformément à toutes les structures.
La commission émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je suis d’accord avec l’argumentation de la rapporteure sur l’amendement n° 729 rectifié de M. Jomier. En adoptant l’article 15 bis, vous avez acté l’encadrement de ces structures. Avant d’aller plus loin, il conviendrait d’abord de mettre en œuvre ce dispositif et de l’évaluer.
L’agrément préalable risque de rigidifier les choses, alors qu’il y a besoin de souplesse. Sur le terrain, j’ai rencontré des cadres associatifs qui, de façon très pertinente, ont mis en place des centres de soins non programmés originaux, notamment en lien avec des associations de médecins retraités.
Bref, le cadre qui vient d’être adopté me paraît suffisant. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 729 rectifié, monsieur le sénateur.
Pour ce qui concerne les amendements nos 756 rectifié et 757 rectifié, je ne reprendrai pas les argumentaires de la rapporteure, que je partage. La loi Khattabi relative aux centres de santé dentaires et ophtalmologiques, qui date de mai 2023, commence à être appliquée.
M. Bernard Jomier. Les décrets ont été publiés !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je pense qu’il faut prendre le temps d’évaluer ce texte, lequel a déjà permis, me semble-t-il, de réduire la fraude, qui n’est pas autre chose à mes yeux qu’un dévoiement de l’argent public. Cette question nous préoccupe tous ici, je crois. Puis, en fonction des résultats de cette évaluation, si cela s’avère nécessaire, nous pourrons réfléchir à faire évoluer de nouveau ce cadre, mais, j’y insiste, il est peut-être suffisant.
Voter des lois, c’est bien ; leur laisser le temps d’être mises en œuvre et d’être évaluées, c’est mieux !
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Il faut faire preuve d’une grande prudence face aux centres de soins non programmés, qui fleurissent un peu partout sur le territoire et s’inscrivent souvent dans une logique de financiarisation. Votre rapport a bien relevé une dérive consumériste dans ce domaine.
En outre, comme me l’a indiqué une responsable des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, ces centres vident les hôpitaux de leurs médecins urgentistes, alors que, nous le savons bien, les urgences sont, pour l’essentiel, prises en charge non pas par des cliniques privées mais par les hôpitaux ; nous y reviendrons.
Il est essentiel de maintenir les urgentistes dans les CHU, car ils sont nécessaires à leur fonctionnement, mais les conditions financières qui leur sont proposées par ces centres, de même que l’absence de gardes – les CSNP ne sont ouverts ni la nuit ni le week-end, au moment où l’on a le plus besoin d’urgentistes – sont très attractives.
Enfin, ces centres peuvent déséquilibrer l’offre locale des MSP, dans lesquelles des médecins sont parfois installés depuis un certain temps.
Pour toutes ces raisons, l’amendement de M. Jomier, qui vise à encadrer encore davantage les centres de soins non programmés, me semble opportun, même si la loi Khattabi a effectivement permis des avancées en ce sens. Il nous faut vraiment contrôler ces dérives !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis d’accord avec la définition de centres de soins non programmés proposée par la rapporteure. Ces structures peuvent en effet être amenées à prendre en charge des patients en situation critique, qui seront ensuite orientés vers le service d’aide médicale urgente (Samu) ou le service mobile d’urgence et de réanimation (Smur).
Vous insistez sur le fait que les centres de soins non programmés ont vocation à prendre en charge les services d’accès aux soins, mais ils sont bien là pour cela !
Lorsqu’une personne appelle le Samu, il est normal qu’elle soit renvoyée par le médecin régulateur au service d’accès aux soins, lequel se charge ensuite de trouver une maison de santé ou un centre de soins non programmés. Ces derniers traiteront le patient si le motif de prise en charge n’est pas urgent. Tout cela a été très bien défini par Mme le rapporteur au travers de ses quatre amendements à l’article 15 bis.
Du reste, le rôle des infirmiers en pratique avancée (IPA) ou classiques pour les soins non programmés est très important. Or ils ont surtout vocation à intervenir dans les maisons de santé, notamment dans nos territoires. Il faut aussi intégrer les Sisa et les autres professionnels paramédicaux.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Gardons-nous de tout débat théologique.
Je me félicite de l’adoption de l’article 15 bis qui, après avoir été complété par les amendements de la rapporteure, encadre les centres de soins non programmés.
Procéder ainsi ou prévoir un agrément préalable, en plus du cahier des charges national, ne change absolument rien. Du point de vue de la lisibilité, la voie empruntée par la loi Khattabi a été efficace, puisqu’elle a eu un impact direct. (Mme la ministre acquiesce.)
L’agrément préalable n’ajoute aucune rigidité – ne nous racontez pas d’histoires ! –, surtout que l’ensemble des critères que vous avez définis peuvent aussi déboucher sur une belle usine à gaz, car tout dépendra du pouvoir réglementaire ; vous connaissez, comme moi, l’ingéniosité dont sait faire preuve la direction générale de l’offre de soins (DGOS)…
Imposer un agrément préalable me paraît simple et lisible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce principe était mentionné dans notre rapport d’information. Il n’en demeure pas moins que le dispositif, tel qu’il a été défini à l’article 15 bis, est un très grand progrès. Il figurait parmi les dix-sept propositions du rapport précité.
J’en profite pour vous appeler, madame la ministre, à vous emparer rapidement de l’ensemble de ces sujets, parce que la financiarisation commence à coûter très cher à notre système de soins – même si nous n’en connaissons pas exactement les proportions – et désespère nos soignants.
Bien qu’une véritable réponse ait été apportée aux centres de soins non programmés, je vous invite à vous saisir des autres recommandations que nous avons formulées.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’article 15 bis constitue une première étape pour poser un cadre. Peut-être faudra-t-il, demain, réfléchir à un régime d’autorisation, mais nous disposons déjà d’une base de travail et les règles sont claires.
Comme Mme Poumirol, je constate que certains services d’urgences sont vidés de leurs médecins, qui rejoignent des centres de soins non programmés. C’est la raison pour laquelle – il conviendra d’en définir ultérieurement les modalités concrètes – nous souhaitons que ces professionnels participent aux services d’accès aux soins et à la permanence des soins ambulatoires.
Mme Émilienne Poumirol. Tout à fait !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. C’est déterminant pour contrecarrer cette hémorragie.
M. Bernard Jomier. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 729 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 756 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 757 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15 ter (nouveau)
À la fin du E du VII de l’article 49 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, la date : « 1er janvier 2026 » est remplacée par la date : « 1er octobre 2025 » – (Adopté.)
Article 15 quater (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’application du 2° du I de l’article 51 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Il évalue en particulier le niveau de financement, résultant de la procédure prévue au même article 51, des actes innovants de biologie et d’anatomopathologie hors nomenclature susceptibles de présenter un bénéfice clinique ou médico-économique, en le rapportant aux besoins de diagnostic des patients. Il effectue des propositions pour améliorer la prise en charge de ces actes innovants.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 896 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mmes Bourcier, Lermytte et L. Darcos, MM. Grand, Laménie, A. Marc, Rochette, J.P. Vogel et Wattebled, Mme Sollogoub, M. Omar Oili et Mme Perrot.
L’amendement n° 1346 est présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
1° Au début, insérer les mots :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi,
2° Supprimer les mots :
, résultant de la procédure prévue au même article 51,
3° Après le mot :
médico-économique,
insérer les mots :
quelle que soit la date à compter de laquelle ils ont bénéficié d’une prise en charge sans inscription sur la liste mentionnée au I de l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale,
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 896 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. Il s’agit d’un amendement de ma collègue Paoli-Gagin.
Le rapport prévu à l’article 15 quater est une conséquence logique de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, qui a introduit une seconde version du référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Ce « RIHN 2.0 » réforme l’accès dérogatoire transitoire de l’innovation diagnostique au marché, en vigueur depuis 2015.
L’enveloppe allouée au RIHN ne permet pas la prise en charge à 100 % des actes innovants. Par ailleurs, le dispositif introduit une inégalité dans l’accès des patients à l’innovation diagnostique. En effet, seuls les patients des centres utilisateurs d’actes innovants qui font le choix d’autofinancer la partie de l’acte innovant non prise en charge par l’enveloppe allouée RIHN peuvent en bénéficier.
Ce rapport a pour objet d’évaluer dans le temps l’impact d’un financement insuffisant des actes inscrits dans le RIHN 2.0 et le RIHN, afin de proposer des améliorations régulières dans la prise en charge de ces actes. Il doit aussi mesurer les conséquences de l’application d’un abattement annuel de 20 % de tous les actes innovants inscrits au RIHN qui n’ont pas encore été évalués par la Haute Autorité de santé (HAS), de nature à aggraver davantage l’inégalité d’accès aux actes innovants.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 1346.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je remercie notre collègue d’avoir rendu son amendement identique à celui de la commission, qui a donc logiquement émis un avis favorable à son sujet.
Le RIHN est un registre très intéressant permettant la prise en charge d’actes innovants de biologie et d’anatomocytopathologie qui ne sont pas encore inscrits à la nomenclature. Cependant, il constitue un goulet d’étranglement, d’où l’intérêt de cette demande de rapport que nous vous soumettons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je souhaite faire part de quelques réserves liées aux difficultés techniques qu’une telle demande peut engendrer, car les évaluations de ces traitements innovants sont longues. J’espère que ce rapport ne créera pas de déceptions.
Avis de sagesse.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 896 rectifié bis et 1346.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 quater, modifié.
(L’article 15 quater est adopté.)
Article 15 quinquies (nouveau)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant le bilan de la mise en œuvre des articles 33 et 36 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 précitée. Ce rapport étudie aussi l’opportunité d’un mécanisme d’indexation automatique du tarif des actes infirmiers sur l’inflation ainsi que des pistes de financement de cette mesure.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 15 quinquies, introduit par amendement à l’Assemblée nationale, prévoit la rédaction d’un rapport sur la prise en compte de l’inflation dans l’augmentation des tarifs des actes infirmiers.
Je sais bien que la commission, en règle générale, n’est pas favorable aux demandes de rapport, mais celui-ci nous semble indispensable, car, depuis quinze ans, la lettre clé n’a pas été revalorisée. Quant à la tarification des actes des infirmiers libéraux, elle n’a que très faiblement augmenté.
Les infirmiers libéraux ont été très éprouvés et sollicités lors de la pandémie de covid. Pourtant, la centralité de leur mission n’a jamais été reconnue. Si les tarifications pratiquées par le corps médical ont été largement revalorisées – la consultation est ainsi passée à 30 euros –, ce ne fut pas le cas de celles des infirmiers. Voilà une profession qui, comme d’autres, a été oubliée après la crise sanitaire.
De plus, l’inflation a considérablement alourdi les charges de ces professionnels : de 2018 à 2023, l’essence a augmenté de 34 %, le coût du logiciel infirmier de 14 %, la prévoyance de 60 % et l’électricité de 25 %. Pendant ce temps, l’injection est restée fixée à 4,50 euros brut sans déplacement et à 7,25 euros brut avec déplacement, sans compter le fait que les infirmiers libéraux doivent de plus en plus subir la dégressivité des soins.
Nous ne parlons ni du temps qu’ils doivent consacrer à l’accomplissement d’actes administratifs ni des difficultés – c’est un euphémisme – rencontrées lorsque la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) constate une irrégularité.
Au nom de la lutte contre la fraude, qui est légitime, les infirmiers doivent justifier tous leurs actes sur le fondement d’ordonnances qui ne sont pas toujours claires, exhaustives ou exactes. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de rédiger trois questions écrites sur ce sujet.
Nous soutenons donc cet article.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.
Mme Annie Le Houerou. Cet article introduit dans le texte à l’Assemblée nationale prévoit la rédaction d’un rapport important, voire indispensable, mais qui ne sera pas suffisant.
Actuellement, les augmentations de tarif pour les infirmiers libéraux sont négociées entre l’assurance maladie et les syndicats représentatifs, lors de discussions conventionnelles. Toutefois, ces négociations ne sont ni automatiques ni aussi fréquentes qu’on pourrait le souhaiter.
C’est le Gouvernement qui décide d’ouvrir une négociation, en fixant les objectifs dans une lettre adressée au directeur de l’assurance maladie. Or, aujourd’hui, il hésite à ouvrir des discussions sur les tarifs infirmiers, préférant d’abord finaliser la refonte du métier pour prendre en compte ses nouvelles missions. Il est vrai que cette refonte est nécessaire.
Les infirmiers libéraux sont très sollicités du fait de la délégation de compétences des médecins et du déficit de ceux-ci dans nos territoires. La crise de l’aide à domicile les place en première ligne auprès de nos personnes âgées, comme ils l’ont été durant la crise du covid.
Il faut souligner que la réforme du métier d’infirmier se fait attendre, malgré des propositions validées tant par les représentants des infirmiers eux-mêmes que par la direction générale de l’offre de soins. La dissolution de l’Assemblée nationale a mis un coup d’arrêt aux discussions, qui n’ont pas repris depuis lors.
Il serait intéressant d’évaluer la possibilité d’une indexation automatique du tarif infirmier sur l’inflation. Pour autant, il faut agir dès maintenant, car les tarifs des actes infirmiers n’ont pas évolué depuis 2009.
En mai 2023, l’ancien ministre de la santé, François Braun, avait ainsi demandé des négociations tarifaires rapides avec plusieurs professions paramédicales libérales, y compris les infirmiers ; cette négociation flash avait permis une augmentation de l’indemnité de déplacement pour ces derniers, sans qu’un rapport préalable fût nécessaire. Ce précédent démontre que l’inflation peut être prise en compte dans des négociations immédiates, sans qu’un quelconque rapport soit requis, à l’instar de ce qui se fait pour le Smic ou les retraites.
Nous devons prendre soin de nos professionnels de santé, alors que la densité d’infirmiers dans la population, rapportée aux besoins et à la concentration de la demande autour des personnes âgées, n’a progressé que de 1,5 % pour les infirmiers libéraux et a régressé de 0,8 % par an pour les hospitaliers depuis 2013.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que la population infirmière vieillit, elle aussi, et que les abandons en formation augmentent chez les plus jeunes. Cette profession doit être revalorisée pour être rendue plus attractive.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article.
Mme Anne Souyris. Je remercie le Gouvernement d’avoir conservé dans ce texte l’article issu d’un amendement du député écologiste Hendrik Davi ; je salue également la commission et la rapporteure qui, en dépit de la tradition du Sénat, ont choisi de conserver cette demande de rapport et se sont exprimées en faveur d’une véritable loi spécifique à la profession d’infirmier.
Rappelons que les tarifs des gestes des infirmiers libéraux sont gelés depuis quinze ans : la lettre clé est fixée à 3,15 euros, ce qui signifie concrètement qu’un pansement est rémunéré 6,30 euros et qu’une prise de sang est facturée 8,48 euros brut à la sécurité sociale, ce qui revient à 2 euros ou 3 euros net avant impôt pour l’infirmier.
À la fin du mois, les infirmiers perçoivent un salaire franchement insuffisant, pour ne pas dire de misère, d’environ 1 300 euros, en contrepartie d’une quantité et d’une qualité de travail phénoménales.
Ces professionnels ont répondu présent pendant la crise du covid et constituent des maillons essentiels de la chaîne du soin et du lien dans nos territoires. Ils méritent d’être considérés à leur juste valeur, financièrement et humainement, notamment dans le cadre du contrôle des actes par la CPAM.
La profession avait entamé des discussions avec vos prédécesseurs, madame la ministre. Pouvez-vous vous engager à les poursuivre ?