M. le président. L’amendement n° 959, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement d’appel vise à supprimer la projection pluriannuelle de l’Ondam jusqu’en 2028, que nous considérons – je parle pour les élus de notre groupe, mais aussi pour l’ensemble des acteurs de la santé – comme absolument intenable, puisqu’il représente une hausse de seulement 0,6 % par an.

On peut comprendre que l’on ait pu chercher à donner des gages à Bruxelles sur la réduction des déficits et de la dette publique, mais une telle projection aboutit à retirer toute crédibilité à l’Ondam. J’entends bien qu’il s’agit d’un objectif, mais d’un objectif qui est rarement tenu. Cette année encore, il a dû faire l’objet de correctifs.

Alors qu’à l’origine il avait été imaginé comme un outil de pilotage, l’Ondam se retrouve dans une impasse sur tous les secteurs concernés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame la sénatrice, la suppression de cet article serait contraire au cadre organique ; ne soyons donc pas tentés de le voter.

Au demeurant, l’affirmation que l’annexe prévoit la poursuite de la politique d’austérité dans les prochaines années suscite en moi une certaine perplexité. Je suis d’accord avec les propos qui ont été tenus voilà quelques instants : si l’on ne revient pas à l’équilibre, nous avons toujours dit et répété qu’il fallait au moins s’efforcer d’y tendre. J’aimerais que nous y revenions beaucoup plus vite, mais cela demanderait des efforts considérables.

Ramener le déficit de 28milliars d’euros 16 milliards, voire 15 milliards, est déjà un point positif. Pour ce qui est de la trajectoire, les choses s’amélioreront constamment si l’on fait des efforts du même ordre chaque année, quand bien même ils ne seraient pas aussi considérables.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. J’estime aussi que l’on ne peut parler d’austérité : l’Ondam augmente encore de 9 milliards d’euros cette année.

Comme vous le savez, l’Ondam est une projection ; toutefois, c’est aussi un guichet. On a quelquefois du mal à envisager les deux.

Nous apportons des réponses à la baisse des recettes de 1,2 milliard d’euros ; certes, il s’agit d’un montant important, mais qui ne représente que 0,5 % du budget. Autrement dit, ce dépassement, rapporté aux sommes qui sont en jeu, n’est pas énorme – ce qui n’empêche pas, bien entendu, de devoir tout faire pour l’éviter.

L’article 14 étant obligatoire au regard de la loi organique, je suis défavorable à votre amendement. Je ne doute pas que nous poursuivions cette discussion lors de l’examen de l’amendement suivant…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 959.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements portant sur l’annexe.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je souhaite revenir sur un point technique relatif à l’organisation de nos débats.

L’année dernière, nous nous étions collectivement plaints que l’annexe qui figurait dans le texte initial ne correspondait pas à la réalité des votes intervenus sur la première partie du texte.

Les sénateurs de toutes les travées s’étaient émus auprès du Gouvernement qu’ils aient à débattre d’une annexe dont la rédaction, en dehors de l’état des lieux et de l’historique qu’elle dressait, ne traduisait pas les votes exprimés.

Cette année, au travers de l’amendement n° 1393, le Gouvernement vient de redéposer une annexe qui vise précisément à répondre à cette attente.

Cependant, un problème technique se pose : nous devons examiner en premier l’amendement déposé par le Gouvernement afin de remplacer l’annexe ; or son adoption ferait tomber tous les autres amendements, ce qui empêcherait les sénateurs de s’exprimer.

Par conséquent, et même si nous sommes pressés par le temps, je propose que nous examinions l’ensemble des amendements en discussion commune, ce qui permettra au Gouvernement de présenter son document actualisé, comme nous le souhaitions, mais aussi aux sénateurs qui ont déposé des amendements d’exprimer leur point de vue sur l’annexe. Le débat serait ainsi préservé.

Cela étant dit, j’y insiste : si l’amendement du Gouvernement est adopté, tous les autres amendements tomberont.

Mmes Cathy Apourceau-Poly et Catherine Conconne. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de 35 amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1393, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Remplacer le rapport figurant en annexe par le rapport suivant :

Rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie pour les années 2025 à 2028

Le solde des régimes obligatoires de base a connu une dégradation sans précédent en 2020, sous l’effet des dépenses occasionnées par la crise sanitaire et de la récession qui l’a suivie, et a atteint le niveau de -39,7 milliards d’euros. Il s’est redressé en 2021 à –24,3 milliards d’euros, sous l’effet de la reprise progressive de l’activité. L’amélioration s’est poursuivie en 2022, à la faveur d’un recul important des coûts liés à la covid-19 mais dans un contexte marqué par le début d’une forte reprise de l’inflation, le solde atteignant –19,7 milliards d’euros en 2022, puis de nouveau en 2023, année lors de laquelle le déficit s’est réduit à -10,8 milliards d’euros, sous l’effet notamment de l’extinction des dépenses liées à la crise sanitaire.

Le déficit repartirait à la hausse en 2024 (-18,5 milliards d’euros), du fait de la croissance des prestations induite par l’inflation enregistrée en 2023, avec notamment une revalorisation de 5,3 % des pensions de retraite au 1er janvier, alors que la masse salariale croîtrait de 3,2 % seulement (après 5,7 % en 2023) (I). Le solde bénéficie néanmoins de l’affectation à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) en provenance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), prévue par la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, ainsi que des effets graduels de la réforme des retraites liés au relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits et à l’accélération du rythme de montée en charge de la durée d’assurance.

La trajectoire présentée dans cette annexe traduit enfin la mise en œuvre des mesures proposées dans la présente loi (II). D’ici 2028, le déficit atteindrait 16,1 milliards d’euros : alors que les dépenses ralentiraient chaque année à partir de 2025 du fait de la normalisation de l’inflation, les perspectives d’évolution spontanée des recettes ne permettraient pas de résorber le déficit né initialement de la crise.

Les mesures nouvelles en dépenses et en recettes permettraient cependant d’éviter l’accroissement du déficit, avec notamment, dès 2025, d’une réforme des allègements généraux représentant une économie de 3 milliards d’euros pour la sécurité sociale, une nouvelle hausse de 3 points du taux des cotisations dues par les employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) et une revalorisation en deux temps des pensions, au 1er janvier pour tous les retraités, et avec un complément pour les petites pensions au 1er juillet, permettant d’économiser 2,5 milliards d’euros sur leur masse (sans compter le gain d’un milliard, conventionnellement neutralisé dans la présentation des comptes de la sécurité sociale, au titre des retraites de la fonction publique de l’État).

Par ailleurs, 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires seront apportés par la contribution de solidarité pour l’autonomie dont le taux sera porté de 0,3 % à 0,6 % au bénéfice de la branche autonomie, associée à une augmentation de sept heures de la durée annuelle de travail. Deux branches concentreraient l’essentiel du déficit à moyen terme : la branche Maladie, du fait notamment des dépenses pérennes nées à l’occasion de la crise sanitaire, et la branche Vieillesse malgré une montée en charge graduelle des mesures paramétriques de la réforme des retraites (III).

I. – La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 s’inscrit dans un contexte macro-économique de retour de l’inflation sous les 2 % et d’une croissance qui redémarrerait progressivement dans un contexte d’effort significatif sur la dépense publique et les recettes.

L’hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) qui a été retenue est de 1,1 % en 2025, après une évolution identique en 2024. Le rythme de l’inflation repasserait durablement sous 2 %, qui est la cible poursuivie par les autorités monétaires, et, après les niveaux très élevés observés en 2022 et 2023 (respectivement 5,3 % et 4,8 % d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle) atteindrait 1,8 % en 2025 (après 2,0 % en 2024). À moyen terme, la croissance effective du PIB serait supérieure à son rythme potentiel de 1,2 % par an et atteindrait 1,5 % par an en 2027 et 2028. La masse salariale du secteur privé, principal déterminant de l’évolution des recettes de la sécurité sociale, progresserait de 3,2 % en 2024 et de 2,8 % en 2025, avant de revenir progressivement à son rythme tendanciel proche de 3,4 % par an.

Le tableau ci-dessous détaille les principaux éléments retenus pour l’élaboration des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses décrits dans la présente annexe :

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

PIB en volume

0,9 %

1,1 %

1,1 %

1,4 %

1,5 %

1,5 %

Masse salariale du secteur privé *

5,7 %

3,2 %

2,8 %

3,1 %

3,4 %

3,4 %

Inflation hors tabac

4,8 %

2,0 %

1,8 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Revalorisations au 1er janvier (puis au 1er juillet à compter de 2025) en moyenne annuelle**

2,8 %

5,3 %

1,0 %

1,8 %

1,75 %

1,75 %

Revalorisations au 1er avril en moyenne annuelle **

3,6 %

3,9 %

2,6 %

1,8 %

1,80 %

1,80 %

ONDAM ***

0,3 %

3,6 %

2,6 %

2,9 %

2,9 %

2,9 %

* Masse salariale du secteur privé hors prime exceptionnelle de pouvoir dachat et prime de partage de la valeur ajoutée. En incluant ces éléments de rémunération, la progression de la masse salariale attendue est de 2,9 % en 2024.

** Évolutions incluant, pour l’année 2023, les effets en moyenne annuelle de la revalorisation anticipée au 1er juillet 2022 de 4,0 % et tenant compte pour 2025 d’une première revalorisation prévue au 1er janvier et d’un complément pour les petites pensions au 1er juillet

*** Évolution de lONDAM, y compris dépenses de crise sanitaire. Sans prise en compte de ces dépenses, lévolution de lONDAM est de 4,8 % en 2023 et de 3,9 % en 2024.

 

La trajectoire présentée dans la présente annexe repose sur les mesures adoptées dans la présente loi de financement de la sécurité sociale, avec un solde qui atteindrait 15,0 milliards d’euros en 2025.

La trajectoire de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) intègre une rectification de 2,0 milliards d’euros (soit l’équivalent de 0,8 point) de l’objectif fixé pour 2024 par la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, du fait notamment d’une progression plus dynamique que prévu des dépenses de soins de ville, en particulier au titre des indemnités journalières, des actes des médecins spécialistes et des médicaments nets des remises, et d’un coût prévisionnel plus élevé que prévu de 0,3 milliard des dépenses demeurant identifiées au titre de la gestion de la covid-19.

L’Ondam fixé dans la présente loi évolue de 3,4 % à périmètre constant (3,6 % à périmètre courant) par rapport à l’Ondam voté en LFSS pour 2024. Il s’établit à 2,6 % par rapport à l’Ondam rectifié, en incluant les dépenses liées à la covid-19, lesquelles seraient stables d’une année sur l’autre. Mesuré en tenant compte des mesures nouvelles mais avant mesures d’économies, le taux de progression de l’ONDAM en 2025 atteindrait 4,8 %.

Cette évolution intègre notamment l’effet sur les dépenses de soins de ville de la nouvelle convention médicale signée en juin 2024 et les conséquences pour l’hôpital et les établissements médico-sociaux d’une nouvelle hausse des taux des cotisations dues par les employeurs à la CNRACL, ainsi que l’accélération des dépenses de produits de santé liée à la hausse des prix nets. Le taux de progression de l’ONDAM serait ramené au taux précité de 2,6 % par des mesures d’économies portant sur les dépenses au titre des soins de ville, des produits de santé et des établissements sanitaires et médico-sociaux, d’un montant total de 5,6 milliards d’euros.

Cet effort intègre un effort supplémentaire de 600 M€ sur le médicament qui sera contractualisé avec les industries de santé. S’y ajoutent les actions de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude déjà intégrées dans l’évaluation tendancielle de 4,8 % et qui seront renforcées dans le cadre du PLFSS. L’ONDAM pour 2025 inclut par ailleurs une provision de 0,5 milliard d’euros au titre de la gestion de la covid-19. Enfin, certaines économies transverses qui devront être réalisées dans le cadre des textes financiers n’ont pas été intégrées et permettront aux établissements de santé et médico-sociaux de mieux maîtriser leurs charges ; ainsi, les mesures relatives à l’absentéisme communes aux trois versants de la fonction publique devraient entraîner une baisse de charge de l’ordre de 0,4 Md€ dans le champ de la fonction publique hospitalière. Cette baisse de charge n’ayant pas été répercutée par une révision à la baisse de l’Ondam à due concurrence, elle améliorera à due concurrence le solde net de ces structures.

La trajectoire financière des régimes de retraite de base intègre les effets des mesures de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, portant un relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits de 62 ans à 64 ans, au rythme d’un trimestre par génération à compter du 1er septembre 2023, et une accélération du rythme de montée en charge de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension à taux plein, au rythme d’un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations antérieurement.

Cette trajectoire intègre également les effets des mesures d’accompagnement de la réforme en matière de départs anticipés (notamment pour carrières longues, invalidité, inaptitude, handicap, usure professionnelle), des revalorisations des petites pensions, actuelles et futures, ainsi que de renforcement de certains droits familiaux (meilleure prise en compte des indemnités journalières maladie dans le salaire de référence, surcote un an avant l’âge légal à compter de 63 ans pour les mères et les pères de familles ayant atteint les conditions fixées pour le bénéfice d’une pension à taux plein). Elle intègre aussi les effets des hausses des taux des cotisations vieillesse dues par les employeurs privés, cette hausse étant compensée pour ces derniers par une baisse à due concurrence des cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), et de celles, déjà évoquées, dues par les employeurs territoriaux et hospitaliers, à hauteur de 3 points par an en 2025, 2026, 2027 et 2028. Enfin, elle tient compte de la revalorisation des retraites en deux temps en 2025, au 1er janvier pour tous les retraités, et avec un complément pour les petites pensions au 1er juillet, qui inclura un rattrapage au titre des six premiers mois de l’année.

La trajectoire financière de la branche Famille intègre, sur un horizon pluriannuel, les effets de la réforme du service public de la petite enfance et de celle du complément de mode de garde votée dans la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, ainsi que ceux de l’augmentation de l’allocation de soutien familial intervenue en novembre 2022.

La trajectoire financière de la branche Autonomie, dont les dépenses progresseront en 2025 de 6,8 % à champ courant et de 5,4 % à champ courant, intègre une progression de 5,0 % à champ constant de l’objectif global des dépenses (OGD) en 2025, permettant de financer, d’une part, des mesures salariales et, d’autre part, l’accroissement de l’offre médico-sociale face aux besoins démographiques. Elle tient compte également de l’entrée en application en 2025 de l’expérimentation de la réforme du financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des unités de soins de longue durée. S’agissant des dépenses hors du champ de l’OGD, la trajectoire intègre la montée en charge des mesures des lois de financement de la sécurité sociale pour 2022 et 2023, portant notamment sur la création et l’indexation d’un tarif plancher pour l’aide à domicile, la mise en place d’une dotation qualité, ainsi que de temps dédiés au lien social auprès des aînés bénéficiant d’un plan d’aide à domicile. Elle intègre également le déploiement du soutien financier à la mobilité des aides à domicile prévu dans la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie. La trajectoire tient compte également, depuis 2024, de l’affectation à la branche Autonomie de 0,15 point de CSG en provenance de la CADES. À compter de 2025, cette trajectoire tient également compte des recettes supplémentaires à hauteur de 2,5 Md€ en 2025 générées par la hausse de la durée annuelle de travail et l’augmentation corrélative de la contribution de solidarité pour l’autonomie à hauteur de 0,3 à 0,6 % sur les salaires.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis n° HCFP-2024-3 du 8 octobre 2024 relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025, indique que les prévisions de croissance, de masse salariale et d’inflation pour 2024 sont « réalistes ». Il estime en revanche que la prévision de masse salariale pour 2025, grandeur clé pour la trajectoire des comptes sociaux, est « un peu optimiste » en lien avec une prévision de croissance « un peu élevée » dans le contexte de l’important effort de redressement des comptes publics, ce qui qui conduit le Haut Conseil à juger le scénario macroéconomique pour 2025 globalement « fragile ». L’inflation projetée pour 2025 est jugée « un peu élevée ». S’agissant des prévisions de recettes, le Haut Conseil estime qu’elles sont « cohérentes » avec le scénario macroéconomique, s’agissant spécifiquement des cotisations sociales qu’elles sont « plausibles » en 2024, et que la prévision est même « prudente » en 2025. S’agissant des dépenses, en particulier de la progression de l’ONDAM et des économies en 2025, le Haut Conseil souligne la « difficulté à générer des économies de cette ampleur, sur lesquelles le Haut Conseil ne dispose que de peu d’information, [qui] le conduit à considérer que la trajectoire d’ONDAM pour 2025 apparaît très optimiste ».

II. – La trajectoire financière traduit un effort de redressement sans précédent à la mesure des enjeux de soutenabilité des comptes sociaux.

En 2024, la situation financière de l’ensemble des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) se dégraderait, le solde atteignant -18,5 milliards d’euros, après -10,8 milliards d’euros en 2023. Cette dégradation intervient alors que le solde s’était nettement redressé depuis le point bas atteint en 2020 au plus fort de la crise sanitaire (-39,4 milliards d’euros). Dans le sillage des évolutions de la masse salariale, les recettes progresseraient en 2024 à un rythme de 4,1 %, progression en ralentissement après +4,8 % en 2023, malgré le renfort de 2,6 milliards d’euros de CSG au titre du transfert de 0,15 point de CSG en provenance de la CADES, alors que les dépenses accélèreraient (+5,3 % en 2024 après +3,1 % en 2023) en raison notamment de l’indexation des prestations : la progression des recettes serait ainsi en phase avec la modération de l’inflation à l’œuvre à compter de 2024, tandis que les dépenses continueraient de subir avec un an de décalage le contexte de l’inflation observée pour 2023, toujours élevée.

Le solde atteindrait -15,0 milliards d’euros en 2025, en amélioration de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2024. Sur cette année et dans le sillage de l’évolution de l’inflation en 2024, et d’une revalorisation des pensions de retraite en deux temps, soit une progression globale en moyenne annuelle de 1,0 %, et des prestations revalorisées au 1er avril à hauteur de 1,9 %, les dépenses globales ralentiraient (avec une évolution de +2,8 % pour cette année 2025). Les dépenses relevant de l’ONDAM progresseraient par ailleurs de 2,6 %, après 3,6 % en 2024. Les recettes croîtraient de 3,5 %, soutenues par une hausse de 2,8 % de la masse salariale du secteur privé et par les mesures de la loi de financement : à titre principal, la réduction des allègements généraux de cotisations patronales via l’abaissement des points de sortie des réductions des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales respectivement à 2,1 et 3,1 fois la valeur du SMIC, la hausse de 3 points du taux des cotisations dues par les employeurs à la CNRACL et le doublement de la contribution de solidarité pour l’autonomie.

À partir de 2026 et jusqu’à l’horizon 2028, le solde se dégraderait, malgré une progression de l’ONDAM inférieure à 3 %, la montée en charge progressive des effets de la réforme des retraites, trois nouvelles hausses de trois points du taux de cotisation à la CNRACL en 2026, 2027 et 2028 et l’impact favorable de l’extinction progressive de la déduction forfaitaire spécifique de l’assiette des cotisations dues au titre de l’emploi des salariés dans certains secteurs et de la réforme de l’assiette de prélèvements des travailleurs indépendants. Le déficit atteindrait ainsi plus de 16 milliards d’euros à l’horizon 2028.

III. – D’ici 2028, les branches des régimes obligatoires de base de sécurité sociale connaîtraient des évolutions différenciées.

La branche Maladie verrait son déficit se creuser en 2024, avec un solde atteignant -15,1 milliards d’euros après –11,1 milliards d’euros en 2023, sous les effets d’une progression de l’ONDAM de 3,6 % alors que les recettes de la branche seraient particulièrement pénalisées par la modération de la progression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (+4,3 % en 2023 et +2,7 % en 2024). En 2025, le déficit de l’assurance maladie se résorberait légèrement (–13,2 milliards d’euros), la branche bénéficiant de la réduction des allègements généraux de cotisations sociales. À l’horizon 2028, son déficit se stabiliserait à environ 14 milliards d’euros.

La branche Autonomie verrait son solde repasser en excédent en 2024, atteignant 0,9 milliard d’euros, sous l’effet de l’apport d’une fraction de CSG de 0,15 point supplémentaire de la part de la CADES, en application de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie. Le solde de la branche s’améliorerait nettement en 2025 pour atteindre 1,8 milliard d’euros en raison de l’apport de recettes nouvelles conséquence du doublement de la contribution de solidarité pour l’autonomie et se dégraderait par la suite, en raison des effets de la création de 50 000 postes en EHPAD à l’horizon 2030, de la mise en place, à ce même horizon, de 50 000 solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap et leurs proches et du financement de temps consacrés au développement du lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient d’un plan d’aide à domicile. La branche assurera par ailleurs le financement de la mesure adoptée dans le cadre de la réforme des retraites visant à une meilleure prise en compte, dans la durée cotisée, des périodes de congés de proche aidant.

L’excédent de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) serait divisé de moitié en 2024, en s’établissant à 0,7 milliard d’euros, après 1,4 milliard d’euros en 2023, du fait de la baisse du taux de cotisations prévu par la réforme des retraites en contrepartie de celles de la branche vieillesse, avec un pas supplémentaire en 2026. Par ailleurs, la branche devra financer la réévaluation à la hausse du coût de la sous-déclaration en application du rapport remis au Parlement à l’été 2024, portant le transfert de 1,2 milliard d’euros en 2024 à 2,0 milliards d’euros d’ici 2027. Le solde de la branche deviendrait ainsi négatif à compter de 2026. De plus, la branche prendrait en charge de nouvelles dépenses liées à la meilleure prise en compte, à l’issue de la réforme des retraites, de la pénibilité et de l’usure professionnelle ainsi que le coût lié à l’amélioration de l’indemnisation de l’incapacité permanente en cas de faute inexcusable de l’employeur.

À partir de 2024, le solde de la branche Vieillesse serait directement affecté par une augmentation de la taille des générations qui partent à la retraite mais bénéficierait de la hausse progressive de l’âge effectif de départ du fait des dispositions votées dans le cadre de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Le solde de la branche vieillesse et du FSV serait également particulièrement sensible au contexte d’inflation, et se dégraderait en 2024 (en atteignant –5,4 milliards d’euros après 1,4 milliard en 2023) en dépit de recettes dynamiques (+5,3 %), ses dépenses étant attendues en hausse de 6,8 %. La situation cumulée de la branche et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’améliorerait en 2025 du fait de la revalorisation des pensions en deux temps, de l’apport de recettes lié à la hausse du taux de cotisations dues par les employeurs à la CNRACL et de la refonte des allègements généraux. À l’horizon 2028, le déficit de la branche Vieillesse (régimes obligatoires de base et FSV) atteindrait 3,1 milliards d’euros. Ce solde bénéficierait des dispositions de la réforme des retraites de 2023 à hauteur d’un montant global de 8,0 milliards d’euros sur ce champ en 2028. Il est à noter que les excédents des régimes complémentaires de retraite permettent que le solde apprécié sur l’ensemble des régimes soit favorable et que les effets de la réforme votée au printemps 2023 continueront de monter en charge jusqu’en 2032.

La branche Famille verrait son excédent se réduire en 2024 de plus de moitié, à 0,4 milliard d’euros, en lien avec la montée en charge des objectifs poursuivis en matière de petite enfance et de nouveau en 2025 avec la réforme du complément de mode de garde introduite par la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le solde de la branche serait alors à l’équilibre en 2025 et deviendrait temporairement négatif en 2026 (0,5 milliards d’euros). À l’horizon 2028, la branche renouerait avec les excédents, qui s’élèveraient à 1,0 milliard d’euros.

Prévisions des recettes, dépenses et soldes des régimes de base et du FSV

Recettes, dépenses et soldes de lensemble des régimes obligatoires de base

(En milliards deuros)

 

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Maladie

Recettes

232,8

238,6

246,7

254,3

262,1

269,7

Dépenses

243,9

253,6

260,0

267,5

275,3

283,4

Solde

-11,1

-15,1

-13,2

-13,2

-13,2

-13,8

Accidents du travail et maladies professionnelles

Recettes

16,8

16,7

17,1

17,0

17,5

18,1

Dépenses

15,4

16,0

17,0

17,4

18,2

18,6

Solde

1,4

0,7

0,2

-0,4

-0,7

-0,6

Famille

Recettes

56,8

58,3

59,7

60,9

63,1

65,0

Dépenses

55,7

57,9

59,7

61,4

62,8

64,0

Solde

1,0

0,4

0,0

-0,5

0,3

1,0

Vieillesse

Recettes

272,5

287,4

296,3

307,0

314,7

322,7

Dépenses

275,1

293,7

300,7

310,0

319,4

329,0

Solde

-2,6

-6,3

-4,4

-3,0

-4,6

-6,3

Autonomie

Recettes

37,0

40,9

44,5

44,7

46,6

48,0

Dépenses

37,6

40,0

42,7

44,0

45,7

47,5

Solde

-0,6

0,9

1,8

0,6

0,9

0,5

Régimes obligatoires de base de sécurité sociale consolidés

Recettes

598,5

623,7

645,5

664,5

683,9

702,8

Dépenses

610,4

643,0

661,2

681,0

701,2

721,9

Solde

-11,9

-19,4

-15,7

-16,5

-17,3

-19,1

 

Note : les soldes par branche sont présentés au périmètre de 2025, hors intégration du FSV à la CNAV à compter de 2026.

 

Recettes, dépenses et soldes du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards deuros)

 

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Recettes

20,4

21,4

22,0

22,8

23,5

24,2

Dépenses

19,3

20,6

21,3

21,9

21,6

21,1

Solde

1,1

0,8

0,7

0,9

1,9

3,2

 

Note : le solde du FSV est présenté au périmètre de 2025, hors intégration du FSV à la CNAV à compter de 2026.

 

Recettes, dépenses et soldes des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse

(En milliards deuros)

 

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Recettes

600,0

624,8

646,5

665,8

686,1

706,2

Dépenses

610,7

643,4

661,5

681,4

701,5

722,2

Solde

-10,8

-18,5

-15,0

-15,6

-15,4

-16,0

 

IV. – Écarts à la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et des organismes concourant à leur financement pour les années 2023 à 2027 figurant dans la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et celles décrits dans la présente annexe sont retracés dans le tableau suivant :

 

Révisions des dépenses, champ ROBSS+FSV

(En milliards deuros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses prévues dans la LPFP 2023-2027 (1)

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

Dépenses prévues dans le présent rapport (2)

610,7

643,4

661,5

681,4

701,5

Écarts (2)-(1)

-0,2

1,6

-3,7

-4,4

-3,9

 

En 2024, l’essentiel de l’écart reflète le relèvement projeté des dépenses relevant de l’ONDAM (pour 2,0 milliards d’euros). Pour 2025, l’effet base de cette hausse serait compensé par un taux d’évolution de l’ONDAM pour 2025 ramené à +2,6 % (contre +3,0 % dans la LPFP), même si jouerait néanmoins à la hausse un effet de périmètre de 0,6 milliard d’euros (au titre principalement de l’expérimentation de la réforme du financement des EHPAD). En parallèle, la revalorisation des pensions de retraites en deux temps intervenant cette même année aurait un effet en termes de moindres dépenses à hauteur d’environ 3 milliards d’euros, expliquant l’essentiel de l’écart à la LPFP. Cette mesure expliquerait également la majeure partie des révisions attendues à l’horizon 2027. Dans une moindre mesure, la révision à la baisse des prévisions d’inflation (+2,0 % et +1,8 % en 2024 et 2025, contre +2,5 % et +2,0 % respectivement dans la LPFP) jouerait également, par la revalorisation des prestations, en termes de moindres dépenses.

En cumulé, les écarts entre les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale de la LPFP et celles décrites dans la présente annexe s’élèvent à 1,4 milliard d’euros de dépenses supplémentaires en 2024. À compter de 2025, les dépenses seraient moindres, avec un écart cumulé de –2,3 milliards d’euros sur cette année, atteignant –10,6 milliards d’euros en 2027.

La parole est à Mme la ministre.